Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France et candidat à l'élection présidentielle de 1995, à France-Inter le 5 avril 1995, sur ses positions et propositions notamment sur l'Europe, l'IVG et le SIDA.

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Média : France Inter

Texte intégral

M. Denoyan : Bonsoir. Les prétendants à l'Élysée avaient jusqu'à hier minuit pour faire officialiser leur candidature. Ils seront donc neuf candidats, dont trois venant de l'actuelle Majorité, à solliciter les suffrages des Français le 23 avril prochain.

17 jours pour faire la différence, en tous cas pour la faire entendre, sur le traitement du chômage, la formation des jeunes, les problèmes des banlieues, les retraites, la construction européenne.

Difficile parfois d'imaginer comment ils vont pouvoir se retrouver et gouverner ensemble tant leurs divergences apparaissent chaque jour un peu plus marquées.

Peut-on rester crédible en se posant comme un possible arbitre du 2e tour et critiquer autant qu'il le fait Chirac et Balladur. Invité d'Objections, ce soir, Monsieur Philippe de Villiers.

Philippe de Villiers, bonsoir.

M. de Villiers : Bonsoir.

M. Denoyan : Vous incarnez ce que les media ont qualifié de Droite protestataire, c'est pour cela que vous êtes un peu dans la Majorité, un petit peu en dehors. Parfois, c'est un peu difficile de situer où vous êtes aujourd'hui, ce qui, effectivement, trouble, peut-être, l'électorat et ne vous fait pas retrouver – en tous les cas dans les sondages, je sais que les sondages, vous les regardez avec beaucoup de distance, quand même – le score que vous aviez au moment du référendum sur l'Europe.

Nous allons vous interroger sur votre stratégie, votre projet, avec : Annette Ardisson et Pierre Le Marc de France-Inter ; Fabien Roland-Lévy et Jean-Michel Aphatie du Parisien aujourd'hui

J'ai envie de commencer un peu par cela : c'est vrai que l'on est un peu étonné de vous voir, – vous êtes au-dessus des 5 %, – mais, enfin, pratiquement à la moitié de ce que vous pensiez faire dans cette élection présidentielle. N'est-ce pas parce que vous êtes un peu ambigu dans votre démarche ? On ne sait pas si vous êtes encore dans la Majorité et si, demain, vous pourrez, après les avoir critiqués, comme vous le faites en ce moment, gouverner à nouveau avec soit Chirac, soit Balladur ?

M. de Villiers : Monsieur Denoyan, il faut comparer les sondages non pas aux votes mais aux sondages. Au moment des élections européennes, à 3 semaines du scrutin, je vous rappelle que j'étais entre 3 et 5 %. Dans les trois dernières semaines, tout à coup la situation s'est débloquée. Il va se passer la même chose, parce que, à partir du 7 avril prochain, il va y avoir la campagne officielle, l'égalité du temps de parole des uns et des autres. Et, moi, je puis vous dire qu'il y aura certainement une surprise le 23 avril prochain, parce que le paysage politique français est en train de se déstructurer et de se restructurer. À Gauche, à Droite, il y a des phénomènes extrêmement importants, le problème de l'Europe, le problème du chômage, le problème de la corruption qui sont en train de faire vaciller beaucoup d'appareils, beaucoup d'états-majors, et qui inscrivent des nouveaux débats sinon sur la Place publique, du moins dans le cœur des gens. Moi, je vais tous les jours de ville en ville, dans toutes les campagnes de France, les gens sont à la fois écœurés, notamment par les scandales, par le mitterrandisme finissant, par les scandales à Gauche et les scandales à Droite et, en même temps, plein d'espoir. Alors, je réponds à votre question sur la Majorité : moi, je suis naturellement dans la Majorité, la Majorité post-présidentielle, parce que la Majorité actuelle se déchire. La vraie différence que j'essaie d'imposer, c'est une différence dans le débat. Ce n'est pas une différence à partir d'une bataille de polochons telle que la pratiquent Monsieur Chirac et Monsieur Balladur. La vraie différence est dans le débat. Moi, ce qui me frappe, c'est que, pendant que Monsieur Chirac et Monsieur Balladur, comme des frères séparés, passent leur en polémiques inutiles entre eux, polémiques inutiles et douloureuses, on n'aborde pas le problème de l'identité de la France, le problème de l'Europe…

M. Denoyan : … On va le faire…

M. de Villiers : … le problème du libre-échangisme mondial, le problème lié au chômage, le problème de l'immigration, le problème de la drogue, le problème de la liberté de la famille, le problème de la liberté de l'école, le problème de la lutte contre la corruption. Alors, quand vous n'abordez pas tout cela, que reste-t-il ? Un débat résiduel avec des hologrammes.

M. Denoyan : Pour pas que ce soit un monologue, il faut quand même que l'on vous pose quelques questions. Je sais que vous faites beaucoup de meetings en ce moment, mais, enfin, nous, nous faisons des émissions.

M. Roland-Lévy : Si vous réalisez un score suffisant le 23 avril, j'aimerais savoir quelle sera votre attitude pour le deuxième tour, et notamment dans un cas de figure Chirac/Balladur ?

M. de Villiers : Premièrement, s'il y a Chirac/Balladur, on verra le moment, mais on n'y est pas !

M. Roland-Lévy : Sur quels critères, verrez-vous ?

M. de Villiers : …on est au premier tour.

Moi, je me base sur trois idées essentielles : je veux une France dans laquelle les hommes politiques soient honnêtes et responsables. Premier critère.

M. Roland-Lévy : Je crois qu'Édouard Balladur ou Jacques Chirac vous diront moi aussi.

M. de Villiers : deuxième critère, moi, je veux une France dans laquelle les Administrations soient tournées vers la Société et non l'inverse. Donc, une réduction massive de la dépense publique.

Troisième critère, je veux une France libre, c'est-à-dire que la France soit une Nation libre, qui ouvre les chemins d'une Europe qui nous protège et non pas d'une Europe qui nous détruit.

M. Denoyan : Qui correspond le mieux, d'après vous, à ces aspirations ?

M. de Villiers : Nous sommes en train de préparer le premier tour, Monsieur Denoyan. Et, donc, vous comprendrez bien… c'est comme si vous demandiez à l'entraîneur du PSG : et si jamais vous perdez ce soir, que se passe-t-il après ? Quels seront vos objectifs ?…

M. Denoyan : … après, il y a le match retour…

M. de Villiers : Ce soir, il y a le match. Après, on verra.

M. Denoyan : On va essayer d'avoir votre réflexion sur le deuxième tour, parce que c'est important.

Mme Ardisson : Il semblerait que Jacques Chirac ait fait la différence en employant un discours de rupture par rapport à un discours de continuité. Vous-même, vous situez-vous plutôt dans une logique de rupture ou de continuité ? Votre discours à vous ?

M. de Villiers : Moi, je veux naturellement la rupture avec le socialisme, avec le mitterrandisme, avec l'intégration fédéraliste de la France, avec la corruption, avec le climat dans lequel la France est en train de perdre le sens de ses valeurs. Mais quand j'entends le mot "rupture" dans la bouche de Monsieur Chirac, je me dis : ai-je la berlue ou quoi ? Ou, alors, c'est lui qui réalise, comme les grands artistes, un dédoublement fonctionnel ! Monsieur Chirac a composé le Gouvernement avec Monsieur Balladur. C'est lui qui a demandé à Monsieur Balladur, qui a exigé qu'il y ait Monsieur Juppé, le ministre des Affaires étrangères, celui qui définit la politique européenne. C'est lui qui a demandé qu'il y ait Monsieur Roussin, son directeur de Cabinet. C'est lui qui a demandé Madame Alliot-Marie, Monsieur Toubon. Donc, ils ont composé ensemble ce Gouvernement. Ils ont voté ensemble, ratifié ensemble les grands textes qui, d'ailleurs, vont priver le futur Président de la République de tout pouvoir, Maastricht, Schengen, le GATT, l'OMC. Tout cela a été acquis avec le soutien actif de Monsieur Chirac. Et tout à coup comme s'il passait par une sorte de bain de jouvence médiatique, voilà que Monsieur Chirac nous explique qu'il veut la rupture avec le passé. Moi, je dirai la chose suivante tout simplement pour Monsieur Chirac et Monsieur Balladur, et toute polémique mise à part : ce sont des hommes du passé. Quand je les écoute, je me dis : c'est très intéressant, mais pourquoi ne l'ont-ils pas fait plus tôt ? Comme l'on dit au poker : on a payé pour voir.

M. Le Marc : Je voudrais que l'on évoque un petit peu Jean-Marie Le Pen qui estime que vous copiez son programme, il parle de "Le Pen light". Vous avez dit, hier, je crois, que l'électorat de Le Pen était composé de trois cercles :
- les extrémistes ;
- les petits blancs des banlieues ;
- et les déçus de la Majorité.

Votre propre électorat est composé de combien de cercles ?

M. de Villiers : C'est un propos qui a été…

M. Le Marc : Il n'est pas de vous ?

M. de Villiers : …mal rapporté.

M. Le Marc : Vous allez rectifier.

M. de Villiers : Je ne raisonne pas comme Giraudoux en face d'un vieux chêne en disant que la civilisation est une succession de cercles concentriques de 20 millimètres. Je ne crois pas à la sociologie. Je ne crois pas aux alvéoles…

M. Le Marc : Vous n'avez pas dit cela ?

M. de Villiers : Non. Pas exactement… ce que j'avais dit était à la fois moins fin et moins profond, vous voyez ? Mais, dans votre bouche, cela prend du relief…

M. Denoyan : Tant pis, alors, on va se contenter de ce que vous avez à nous dire !

M. de Villiers : Simplement sur Monsieur Le Pen, je vais vous dire plutôt que de me demander si j'ai dit ce que je n'ai pas dit, je vais vous dire ce que je dis…

M. Denoyan : Dites-nous finalement ce que vous allez dire, ce sera beaucoup plus simple !

M. de Villiers : Moi, je ne fais pas de "Le Peno-anthropo-centrisme"…

M. Denoyan : Ah, cela commence quand même par être compliqué dès le départ !

M. de Villiers : Monsieur Le Pen dit un certain nombre de choses, c'est son droit. C'est la démocratie. Il proteste, il passe son temps à protester, moi, je passe mon temps à proposer. Il proteste à l'extérieur de la Majorité, cela veut dire que c'est un vote stérile. Les gens qui vont voter pour Monsieur Le Pen, ils vont faire un vote de protestation. On est content un soir, et puis, le lendemain, il ne se passe plus rien. Moi, je fais un vote utile. C'est un vote de garantie pour ramener la majorité à son centre de gravité. Et je voudrais dire la chose suivante sur Monsieur Le Pen : je n'ai pas attendu Monsieur le Pen pour me battre contre la corruption. On ne l'a pas beaucoup entendu à ce moment-là. Sur Maastricht, on n'a pas attendu Monsieur Le Pen… sur le combat pour les valeurs… et je ne me situe pas par rapport à d'autres… sans dénier pour autant le droit, pour chacun, de parler d'un certain nombre de choses qui sont évidentes. Et ce n'est pas parce que Monsieur Le Pen dit il fait jour à midi, qu'il faut dire qu'il fait nuit.

M. Le Marc : Mais comment expliquez-vous que son électorat soit si important et beaucoup plus important que le vôtre ? En quoi est constitué votre électorat ?

M. de Villiers : Monsieur Le Marc, vous êtes un observateur attentif et vous avez de la mémoire. Je vous rappelle qu'aux élections européennes, c'est le seul échantillon que nous ayons sous la main, en dehors des sondages…

M. Le Marc : … c'est une élection tout à fait différente de l'élection présidentielle…

M. de Villiers : Aux Élections Européennes, dans les sondages Monsieur Le Pen était donné devant moi, et puis, en réalité, je suis arrivé devant lui. Donc, je suis persuadé que le 23 avril, la surprise ne sera pas du côté du vote Le Pen, elle sera du côté du vote de Villiers, c'est-à-dire d'un vote vraiment neuf, parce que, depuis 20 ans, les gens ont l'impression de voir les mêmes têtes, avec les mêmes politiques, les mêmes résultats et les mêmes échecs. Il y a ceux qui protestent à l'extérieur et il y a ceux qui proposent, et qui ne font pas ce qu'ils proposent à l'intérieur. Moi, je veux qu'il y ait au cœur de notre protestation, parce que c'est vrai que je ne suis pas content de la manière dont marche la Majorité… – depuis deux ans, on s'est plantés. Depuis deux ans, ce Gouvernement de cohabitation est allé d'échec en échec, échec social, échec économique, échec moral -… Je veux, si on élit un Président de Droite, qu'il fasse une politique de Droite. Or, depuis 20 ans, depuis Giscard, la cohabitation en a tellement d'exemples : vous avez un Président de Droite qui fait une politique de Gauche. Pour éviter qu'il fasse une politique de Gauche, il faut arrêter la dérive, empêcher la dérive. C'est le 23 avril qu'on empêche la dérive, avec le centre de gravité et, tant qu'à faire, avec du sang neuf, c'est-à­-dire un vote neuf, c'est un vote jeune, c'est un vote propre, c'est un vote indépendant, c'est un vote libre, pas mal, non ?

M. Apathie : Moi, je ne comprends pas pourquoi, surtout après votre réponse, vous persistez à vous définir comme appartenant à la Majorité ? Vous êtes contre Schengen qui vient de se faire, et tout la Majorité est pour. Vous êtes contre l'Europe de Maastricht, contre la monnaie unique. Vous dites : je suis de la Majorité, mais il n'y a rien qui vous rattache à la Majorité, sauf votre verbe : je suis dans la Majorité. Cela demande à être expliqué aux électeurs.

M. de Villiers : Monsieur Aphatie, votre problème, c'est peut-être que vous rencontrez trop les gens des appareils à Paris.

M. Apathie : Vous vous trompez.

M. de Villiers : Ah bon ! Eh bien, tant mieux. La Majorité, c'est la Majorité des Français. On est dans un dialogue direct avec les Français, et, moi, je vous dis, Monsieur Aphatie, et vous le vérifierez le 23 avril, que mes idées sont majoritaires dans le peuple français. Le Traité de Schengen, prenons cet exemple, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le 25 mars dernier on a fait disparaître les frontières de la France. Un pays qui n'a plus de frontières, n'est plus un pays libre, c'est-à-dire qu'il n'est plus capable de maîtriser son destin. Quand on voit ce que sont les problèmes de la pression migratoire, le problème de la drogue depuis les Pays-Bas où la drogue est en vente libre, et qui va nous envahir et nous inonder chez nous, le trafic du plutonium, le trafic des armes, c'est une folie à laquelle se sont associés beaucoup de leaders de la Majorité que de ne pas entendre l'appel des Français pour plus de sécurité.

Les trois grands problèmes de la France aujourd'hui sont :
- le chômage ;
- la désertification rurale ;
- l'insécurité.

M. Apathie : J'ai toujours été très attentif à votre discours sur Schengen et le 25 mars, quand Schengen s'est produit, j'ai bien écouté vos critiques. J'ai été très frappé de voir que, par exemple, aucun douanier ne les relayait et disait : oui, Schengen est dangereux pour la France. Comment vous l'expliquez cela ?

M. de Villiers : C'est très simple. Les douaniers sont des fonctionnaires…

M. Apathie : … mais des professionnels qui savent de quoi ils parlent…

M. de Villiers : … mais bien sûr ! et ils sont tenus à l'obligation de réserve.

M. Apathie : Mais il y a des syndicats qui peuvent parler pour eux.

M. de Villiers : J'ai à votre disposition… je peux vous donner les chiffres, dans l'instant, des douaniers, qui sont des chiffres atterrants. Les douaniers disent ceci – ce sont les statistiques du ministère de l'Intérieur et du ministère du Budget – : 80 % des prises de drogue, en 1994, ont été effectuées aux frontières terrestres. Et Monsieur Broussard, pour le compte du ministre de l'Intérieur, à propos de l'immigration clandestine dit ceci : 90 % des immigrants clandestins en situation irrégulière ont été interpellés sur le sol français aux frontières terrestres, c'est-à-dire – vous voyez bien – aux limites de la France. À partir du moment où vous abolissez les contrôles de la Police de l'Air et des Frontières, vous avez d'immenses problèmes tant pour l'immigration clandestine, alors qu'il y a eu 50 000 immigrants clandestins qui sont entrés en France en 1994, chiffre du ministre de l'Intérieur, et d'immenses problèmes pour la drogue. Vous savez ce qui s'est passé il y a deux jours ? Camion semi-remorque garni de fleurs qui part d'Amsterdam, qui décharge le cannabis qui est sous les fleurs, à Paris, dans la région parisienne…

M. Denoyan : … Vous avez lu Simenon…

M. de Villiers : … qui repart à vide à la frontière sud de l'Espagne, avec le Maroc, qui charge l'héroïne, qui décharge ensuite à Paris, et qui repart à vide pour reprendre du cannabis. Le cannabis étant le 6e produit agricole des Pays-Bas…

Mme Ardisson : Si cette histoire est connue, c'est qu'on l'a attrapé ?

M. de Villiers : Annette Ardisson, je termine. Savez-vous combien on a pris de kilos d'héroïne dans la Région Parisienne ? 320 kilos en 1994. Vous imaginez la situation dans laquelle on est ! Moi, je ne veux pas, au nom de toutes les jeunes générations qui savent que la drogue est un poison, que l'on cède devant la guerre qui nous est faite, la guerre des trafiquants. Parce que les frontières ont été libérées non pas pour les Français, mais elles ont été libérées pour les trafiquants.

M. Roland-Lévy : Mais c'est irréversible. Mais si vous faites 10 %, vous n'allez pas faire en sorte que la France quitte Schengen ?

M. de Villiers : Alors, Monsieur Roland-Lévy, ce que je demande, et si je suis élu Président de la République, ce sera mon premier geste : il y a un futur Traité européen en cours de négociation, c'est une occasion historique – il n'y aurait pas ce futur Traité européen, je vous dirais oui, cela ne va pas être facile, effectivement ! –, qui va être signé en 1996, je demande que, dans ce futur Traité européen, il y ait trois choses essentielles :

1) Le rétablissement des contrôles aux frontières, les frontières internes, en renforçant les frontières externes.

2) Le droit de veto, c'est-à-dire le droit de dire non pour un pays lorsqu'il s'agit de ses intérêts vitaux, notre agriculture, notre pêche, notre défense nucléaire, notre Sécurité Sociale – je ne veux pas que l'on y touche.

3) La préférence européenne, c'est-à-dire la protection de nos salariés, parce que, avec 1 salarié dans la Région parisienne, on peut avoir 80 Philippins, et à ce compte-là on est en train de perdre tous nos emplois.

Voilà, ce que je veux : une Europe qui nous protège et non pas une Europe qui détruise la Nation, qui détruise les emplois, qui détruise la sécurité.

Objections

M. Denoyan : Objections de Madame Marie-France Stirbois, député européen du Front National.

M. Denoyan : Bonsoir, Madame.

Mme Stirbois : Bonsoir, Monsieur.

M. Denoyan : Sur certains points que vient d'évoquer Philippe de Villiers, êtes-vous véritablement en désaccord avec lui.

Mme Stirbois : Ce que je voudrais reprendre, ce sont les propos de Philippe de Villiers, entre parenthèses, à propos de Jean-Marie Le Pen. Jean-Marie Le Pen se bat au Parlement Européen depuis 1984, ce qui n'est pas le cas de Philippe de Villiers, son combat est tout à fait récent contre l'Europe de Maastricht. Il en est de même sur la corruption. Du reste, ce sera l'une de mes objections, puisque j'aurai deux objections tout à l'heure. À la différence entre Jean-Marie Le Pen, il y a quand même quelque chose qui me choque chez Philippe de Villiers, c'est le fait qu'il veuille absolument rester dans la Majorité. Or, cette Majorité aujourd'hui est corrompue. Et, moi, vous voyez, j'ai l'impression qu'en fait Philippe de Villiers veut y rester parce qu'il a envie, tout de même, de s'y retrouver peut-être à un poste important un jour. Alors que Jean-Marie Le Pen n'est jamais allé à "la bonne soupe"…

En fait, je voulais poser deux questions, deux objections à Philippe de Villiers aujourd'hui. Je voulais lui rappeler que, lors des Élections Européennes, il s'était présenté comme le grand Chevalier blanc qui s'attaquait à l'Europe de Maastricht, et il s'était engagé auprès de ses électeurs à combattre avec vigueur les idées perverses de ce Traité au Parlement Européen et, malheureusement, je dois dire que je suis assez étonnée qu'il n'ait pas tenu ses promesses, car il n'est jamais présent au Parlement Européen. On vient du reste de lui enlever une partie de ses indemnités parlementaires pour absentéisme. Il y a une chose qui me choque dans son groupe, c'est que son groupe est excessivement curieux, car l'on y trouve des gens venant d'horizons tout à fait divers, on y trouve entre autres quatre Danois…

M. Denoyan : Ce n'est pas une question…

Mme Stirbois : Je viens à ma question. Mais il faut que les gens comprennent, parce que, autrement, ils ne comprendront pas. On y trouve quatre Danois communistes qui ont voté en faveur du mariage des homosexuels. On y trouve deux Néerlandais protestants qui ne sont pas opposés à Maastricht. On y trouve le Juge Jean-Pierre qui est pour l'avortement, qui a déclaré qu'il était aussi contre la peine de mort, qu'il ne voyait pas dans la famille les valeurs essentielles… et je trouve cela tout à fait étonnant…

En fait, le seul élément fédérateur, c'est Monsieur Goldsmith et les moyens qu'il dépense, ses gros moyens financiers…

Ma première question à Philippe de Villiers : partage-t-il les valeurs de tous les membres de son Groupe ?

M. de Villiers : Madame Stirbois, il m'est arrivé de vous regarder à la télévision…

Mme Stirbois : Moi aussi… heureusement !

M. de Villiers : Et je vous ai trouvé souvent meilleure que ce soir…

Mme Stirbois : Écoutez ! on fait ce que l'on peut… mais, moi, je ne vous ai pas trouvé bon tout à l'heure, alors, vous voyez !

M. de Villiers : Parce que, là, c'est un salmigondis de rumeurs, d'insinuations…

Mme Stirbois : Ce ne sont pas des rumeurs, ce sont tout à fait des vérités que tout le monde peut contrôler n'importe où !

M. de Villiers : … je vous ai laissé parler avec le sourire aux lèvres…

Mme Stirbois : …je vous réponds parce qu'il ne faudrait pas que les auditeurs croient que ce sont des rumeurs, ce sont des vérités vérifiables…

M. de Villiers : Je vais vous répondre, point par point. D'abord, quand vous dites que la Majorité est corrompue, naturellement c'est le fameux slogan "Tous pourris". Il y a 500 000 élus en France, c'est complètement faux…

Mme Stirbois : Non, non. Je parle de la Majorité au Pouvoir, qui nous gouverne… des ministres…

M. de Villiers : Il y a des élus qui sont corrompus, mais on ne veut pas jeter par-dessus bord, comme cela, tous les élus de France qui, pour la plupart d'entre eux, sont des mécènes de leur temps et de leur argent. Simplement, moi, ce que je veux, c'est que ceux qui sont corrompus, ne soient, plus protégés. Vous me dites que je veux un poste. Absolument pas. Je suis un homme tout à fait indépendant, je veux que mes convictions influencent le cours du prochain septennat, c'est tout. Il n'est pas question, pour moi, de jouer à l'artichaut breton, c'est-à-dire de me laisser effeuiller et, ensuite, de laisser de côté le cœur. Ensuite, vous me dites que je ne suis jamais présenté à Strasbourg, c'est faux. Je vais souvent à Bruxelles. Mais, je ne suis pas présent quand il s'agit de discuter de la courbure de la banane…

Mme Stirbois : Vous avez été sanctionné par le Parlement, on vous a enlevé la moitié de vos indemnités…

M. de Villiers : J'ai toujours été présent dans les grands débats… Madame Stirbois, soyez gentille…

Mme Stirbois : … Non, mais je le dis parce qu'il faut tout de même que les gens le sachent !

M. Denoyan : Il faut aussi laisser répondre Monsieur de Villiers…

M. de Villiers : … je suis présent lorsqu'il s'agit des grands débats : la pêche, l'agriculture, le GATT, etc., y compris pour empêcher l'adoption d'un texte, récemment, concernant la possibilité pour les couples homosexuels d'adopter des enfants. Quant à mes amis danois et hollandais, alors, là, je ne vous permets pas de dire ce que vous avez dit. C'est vrai que certains d'entre eux ont été à une certaine période de leur vie, et qu'ils sont toujours, plutôt à Gauche, d'autres plutôt à Droite… et les Hollandais, l'un est catholique, l'autre est protestant, et alors ? et alors ? Et Thierry Jean-Pierre, il est de Gauche, et alors ? Que disent ces gens-là ? Ils disent que, par-delà les clivages, par-delà les origines, par-delà les passés personnels des gens, il y a des valeurs communes et des valeurs plus fortes, qui sont la souveraineté nationale, l'idée de Nation – chacun à l'aune, naturellement, de sa culture et de ses traditions, parce que les problèmes ne sont pas les mêmes au Danemark, en Hollande et en France –, qu'il y a des valeurs communes comme l'honnêteté, ce que le Juge Jean-Pierre appelle des valeurs transversales, l'indépendance de la Justice, la lutte contre la corruption. Ce sont des valeurs communes. Et, moi, je souhaite, par-delà les alvéoles de tous les sectarismes, rassembler le maximum de Français, que l'on soit croyant ou qu'on ne le soit pas, que l'on soit de Gauche ou que l'on soit de Droite. Ce n'est plus la question aujourd'hui. Quand il y a le feu à la maison, on ne demande pas l'estampille qui est sur le casque du sapeur-pompier.

M. Denoyan : Alors, vous avez une toute dernière petite question ?

Mme Stirbois : Je dois dire que je ne suis pas satisfaite des réponses de Monsieur de Villiers…

M. Denoyan : … Comme il n'y avait aucune chance que vous le soyez, passez à la deuxième question, s'il vous plaît.

Mme Stirbois : Tous les élus, bien évidemment, ne sont pas corrompus, surtout les élus dans les petits villages. Les élus corrompus sont ceux qui sont au gouvernement, les ministres mis en examen, etc. Je voulais demander à Monsieur de Villiers : Pendant des mois, il a pourfendu les socialistes, en les attaquant sur leurs affaires. Je m'étonne, comment se fait-il que, aujourd'hui, il reste pratiquement muet sur ses ex-amis, Noir, Carignon, Chirac avec son HLM de luxe, l'ami de Chirac, Monsieur Roussin, qui est compromis dans des marchés frauduleux sur Paris. Sans oublier, bien évidemment, Robert Pandraud et le scandale des HLM des Hauts-de-Seine.

M. Denoyan : Quelle question, lui posez-vous Madame Stirbois ?

Mme Stirbois : Philippe de Villiers reste d'une…

M. Denoyan : … Il ne m'a pas semblé que les noms que vous citiez étaient tout à fait socialistes.

Mme Stirbois : Justement, je dis : "contrairement à ce qu'il fait". La question est de savoir pourquoi il n'attaque pas avec autant de vigueur ses amis de Droite ?

M. de Villiers : Je l'ai dit à plusieurs reprises et je vais le répéter, ce soir, avec encore plus de solennité, que la corruption n'a pas de couleur. Il n'y a pas la corruption de Gauche et l'honnêteté de Droite. Cela me rappelle un ministre qui me disait : "Toi, finalement, entre un homme politique de Gauche, honnête, et un homme politique de Droite, malhonnête mais efficace, tu choisis le premier". Eh bien, moi, je choisis un homme de Droite honnête.

Je regrette d'avoir à dire, Madame Stirbois, et vous ne m'avez sans doute pas entendue, que la corruption n'est pas de Gauche, n'est pas de Droite, n'est pas du Centre, que la corruption, c'est le Pouvoir, la tentation, l'exercice du Pouvoir quand on perd le sens des références morales fondamentales. Et que, aujourd'hui, tout notre système politique est en train d'exploser ou d'imploser parce que la partitocratie française est dans une situation pré-italienne.

Il y a eu des problèmes avec le système URBA, des problèmes graves, des réseaux de fausses factures. Chaque jour charrie de nouvelles informations sur ces réseaux de fausses factures. On le voit, en ce moment, avec la nouvelle affaire Alsthom. Mais ce n'est pas parce que la Gauche s'est abîmée que tous les hommes de Gauche doivent être accusés de corruption, parce qu'il y a à Gauche des hommes honnêtes et généreux. Et ce n'est pas parce que, à Droite, nos leaders s'appuient sur des appareils, aujourd'hui, gangrénés par la corruption, qu'il faut jeter par-dessus bord tous ceux qui votent à Droite et tous ceux qui espèrent, comme moi et comme tous les Français, qu'on en sorte une fois pour toutes.

Vous savez ce quelqu'un m'a dit tout à l'heure, avant d'entrer dans le studio, "la corruption, c'est normal, c'est la politique". Eh bien, moi, je dis "non". Je veux qu'on rétablisse l'État sur le principe de l'honnêteté, qu'on vide l'abcès et, pour cela, qu'on donne l'indépendance de la Justice, qu'on rende inéligibles à vie tous ceux qui sont condamnés pour corruption, qu'on les oblige à rembourser l'argent. Qu'il y ait un audit de contrôle sur le patrimoine et sur le revenu de tous les élus, comme pour les artisans et les commerçants qui subissent les inspections du fisc et qu'on crée des juridictions financières dans toutes les régions pour lutter contre les nouvelles formes de la grande délinquance économique et financière, c'est-à-dire l'argent de la drogue et l'argent sale de la politique.

M. Denoyan : Je pense que vous avez répondu complétement à Madame Stirbois.

M. Le Marc : Jean-Paul Il vient de rappeler son opposition à la contraception et à l'avortement. Si vous étiez élu, remettriez-vous en cause la loi sur l'avortement ? Ou si vous participez à une Majorité, exigeriez-vous que cette Majorité remette en cause la loi sur l'avortement ?

M. de Villiers : Si j'étais élu Président de la République, je considèrerais que la mission du chef de l'État, c'est de protéger les plus faibles, les plus démunis, les sans-logis, les "sans toit", les "sans défense", les "sans avocat", les "sans voix" et naturellement les enfants. Je ferais voter une loi, – la loi Veil a échoué. Son but n'était pas que je sache la banalisation de l'avortement -, qui tournerait par tout un ensemble de mesures…

M. Denoyan : … Elle a permis de mettre fin aux avortements clandestins qui entraînaient chaque année des dizaines de milliers de femmes dans les cimetières.

M. de Villiers : Oui, il y a 170 000 avortements, aujourd'hui, en France. Je pense, Monsieur Denoyan, que personne, ici, autour de cette table, quel que soit son sentiment par ailleurs, ne peut considérer que la situation est une situation qui convient à l'avenir de la Société.

M. Denoyan : Mais c'était toujours un drame.

M. de Villiers : Le Pape a rendu un service éminent à l'Humanité en disant que "le grand danger, pour les années qui viennent, c'est de ne pas considérer le caractère inviolable de la personne humaine".

M. Le Marc : Quelles seraient les nouvelles mesures ?

M. de Villiers : Les nouvelles mesures consisteront à créer, dans chaque département, un centre d'accueil pour les mères en situation de détresse et dont les appels au secours doivent être entendus…

M. Denoyan : … Vous remettez en cause l'Interruption Volontaire de Grossesse ?

M. de Villiers : Moi, je suis pour la vie.

M. Denoyan : Il y a déjà des centres d'accueil.

M. de Villiers : Vous connaissez ma position. Je considère que l'avortement est un drame et que c'est un attentat au premier des Droits de l'Homme qui est le droit de vivre. Notre Constitution devra, un jour ou l'autre, affirmer encore plus clairement qu'aujourd'hui le caractère inviolable de la vie.

M. Le Marc : Donc, suppression de la loi ?

M. de Villiers : Car si on n'assure pas le premier des Droits de l'Homme, alors, les autres droits n'ont plus de sens.

Il y a, aujourd'hui, une fracture dans notre conscience. J'ai répondu à votre question mais je vais plus répondre plus précisément.

M. Denoyan : Oui, parce que c'est important.

M. de Villiers : La loi Veil a échoué. Il nous faut une loi, aujourd'hui, qui protège la vie dans tous les cas, où on peut mettre la femme en situation de choisir la vie plutôt que l'avortement.

M. Denoyan : Cette question est très importante, il faut que vous soyez clair là-dessus.

Vous êtes en train de nous dire, Monsieur de Villiers, qu'une femme, à partir du moment où vous seriez élu Président de la République, ne pourrait plus disposer de son corps, comme elle peut le faire aujourd'hui, décider de mettre fin à une grossesse si elle le voulait ?

M. de Villiers : Monsieur Denoyan, vous croyez qu'une femme peut disposer de son corps ? À une femme qui est sur le point d'avorter, je dis ceci, de cœur à cœur, "c'est votre enfant, c'est un enfant, c'est un être humain", – il y a 20 ans, on pouvait encore discuter, aujourd'hui, les scientifiques ne discutent plus sur cette question, c'est un enfant –, "il est le vôtre, il est aussi celui de la Société, il est celui aussi de l'Humanité toute entière, donc on va vous aider à le porter. On va tout faire pour vous aider à le porter. On va vous apporter l'aide matérielle. On va vous apporter l'aide affective". Aujourd'hui, ce dialogue, entre la Société et la femme, on ne l'a pas.

Je ne suis pas pour contraindre, – je réponds à votre question, Monsieur Denoyan –, je suis pour convaincre et pour qu'il y ait, dans un premier temps, une alternative. C'est ce qu'a dit le Pape Jean-Paul II "Substituer progressivement une culture de vie à ce qu'il a appelé les cultures de violence". Et faire en sorte que, dans un premier temps, pour réhabituer les générations qui viennent à la culture de vie, jamais, pas une seule fois, pas une seule nuit, pas un seul jour, la Société ne puisse se reprocher de ne pas avoir entendu les appels au secours.

M. Apathie : Un peu sur le même sujet, une enquête très récente, – elle a été beaucoup commentée ce matin –, montre que près de 80 % des adolescents utilisent des préservatifs pour leurs rapports sexuels. Pensez-vous que ce sont des attitudes qu'il faut encourager.

M. de Villiers : Je ne suis pas pour l'idéologie du préservatif, c'est une question de liberté personnelle.

M. Denoyan : Mais par les temps qui courent et les maladies…

M. Apathie : … Aujourd'hui, on conseille aux jeunes d'en mettre parce que…

M. de Villiers : … Vous serez gentils de me laisser développer ce que je veux développer. C'est tout le problème de la lutte contre le Sida. Je voudrais dire ceci sur la lutte contre le Sida : la première chose à faire, parce qu'on peut vaincre le Sida, il y a une question de volonté et de confiance en nos chercheurs, c'est de mettre le paquet sur la Recherche. Il y a 500 millions qui sont dépensés chaque année. On peut faire peut-être un peu plus mais surtout une vraie coopération européenne. Le Professeur Israël me disait récemment : "Normalement, dans les dix ans qui viennent, le cancer et le Sida ne seront plus un problème". Donc, il y a tout de même un formidable espoir. Tout est possible.

M. Aphatie : Il est optimiste.

M. de Villiers : Moi, j'y crois. Je crois qu'il faut tout faire pour cela et que c'est la mission de la Société de le faire.

M. Denoyan : Les chercheurs ne disent pas la même chose, Monsieur de Villiers.

M. de Villiers : Deuxièmement, le Sida est une maladie grave, d'autant plus grave qu'elle touche les plus jeunes et qu'elle requiert de notre part, – je parle en tant que père de famille et en tant qu'élu –, une attention quotidienne pour les malades, en essayant d'éviter de se servir de la souffrance des malades à des fins de prosélytisme pour des conduites à risque.

Par exemple, je suis pour l'éducation morale civique, pour la vraie prévention qu'est l'éducation morale civique, pour qu'on apprenne aux jeunes la poésie de l'amour et la responsabilité personnelle en leur disant tout simplement : "L'autre n'est pas une chose".

Je crois que c'est de cette manière qu'on établira la lutte contre le Sida, sur une perspective d'espoir, l'espoir de la guérison, et sur une perspective de prévention qui soit une prévention réelle, fondée sur une vraie relation affective entre ceux qui parlent, les adultes, et les jeunes qui les écoutent et qui attendent le plus souvent non seulement un langage d'exigence mais aussi un langage d'amour.

M. Denoyan : En attendant qu'on soit arrivé à cela ?

M. de Villiers : Concrètement, on n'apprend pas le latin dans les pharmacies et je considère que, mettre des préservatifs dans les écoles, ce n'est pas lieu parce que cela veut dire qu'on impose, dans toutes les écoles de France, une morale dominante et que celui qui veut échapper à cette morale dominante se sent lui-même complexé. C'est le monde à l'envers.

M. Denoyan : Vous faites un peu la même chose à travers le discours que vous tenez. Vous voulez aussi irriguer avec votre morale qui deviendrait dominante.

M. de Villiers : La manière dont souvent le dialogue est entretenu sur la question du Sida, Monsieur Denoyan, c'est qu'on cherche à nous imposer un ordre moral à rebours…

M. Denoyan : … On cherche surtout à protéger les jeunes. C'est cela la question.

M. de Villiers : Fondé sur un certain nombre de conduites paradoxales qu'on donne pour des conduites définitives. Alors, pardonnez-moi, moi, je vous dis que l'avenir de notre Société passe par un dialogue affectif et exigeant, vrai avec les jeunes, fondé sur la responsabilité personnelle.

M. Denoyan : En attendant que ce dialogue soit réalisé, matérialisé, entendu…

M. de Villiers : … Je vous ai répondu, Monsieur Denoyan.

M. Denoyan : Oui, mais il faut que les jeunes se protègent. Nous sommes le pays d'Europe où il y a plus de malades du Sida. Il faut tout de même faire attention.

M. de Villiers : Je vous ai répondu : "Affaire de liberté personnelle mais on n'a pas le droit d'imposer une morale dominante qui ferait du Sida une idéologie".

M. Apathie : Juste une remarque : vous aimez parler vrai, puis je note, là, que vous n'arrivez pas à dire clairement que vous êtes contre l'avortement et contre le port des préservatifs. Pourquoi ne dites-vous pas franchement les choses ? Où est votre gêne ?

M. de Villiers : Je vais répéter…

M. Apathie : C'est un discours très compliqué.

M. Le Marc : Non, ce n'était pas clair.

M. de Villiers : Sur l'avortement, ce n'est pas clair ?

M. Le Marc : Supprimez-vous ou non cette loi ?

M. Apathie : Vous ne dites pas franchement les choses.

M. de Villiers : Je vous ai dit que la loi Veil avait échoué…

M. Le Marc : … Donc, vous la supprimez.

M. de Villiers : Et que la première chose à faire, c'était de faire une loi qui soit une loi d'alternative pour la vie…

M. Le Marc : … Donc, vous n'interdisez pas l'avortement ?

M. de Villiers : Et qui rétablisse la culture de vie.

Vous me demandez si je suis pour ou contre l'avortement ? Je suis contre l'avortement, mais je préfère m'exprimer différemment, Monsieur Aphatie, je suis pour la vie.

M. Le Marc : Interdisez-vous l'avortement, oui ou non ?

M. de Villiers : Vous me parlez des préservatifs, je vous parle de la responsabilité personnelle. Peut-on voir l'avenir en positif et non pas toujours en négatif ? L'avortement, Monsieur Le Marc, n'est-il pas un drame ?

M. Le Marc : Bien sûr que c'est un drame.

M. de Villiers : Peut-on continuer à vivre avec cette fracture ?

M. Le Marc : Vous ne répondez pas à la question.

M. de Villiers : Mais, bien sûr, que j'ai répondu à la question. Je crois que la loi Veil a été une loi d'échec, un faux-semblant. C'est-à-dire qu'on s'est servi de quelques cas exceptionnels de détresse pour imposer là encore un ordre moral à rebours…

M. Le Marc : … Ma question est claire : interdisez-vous l'avortement ou non ?

M. de Villiers : Au nom de ce que Monsieur Denoyan appelait tout à l'heure, la liberté de la femme sur son propre corps. Non, Monsieur Denoyan, il n'y a pas de liberté sur son propre corps quand vous portez un enfant qui dépend de vous. On n'est pas dans un système totalitaire, l'enfant a un caractère sacré, indépendant. Il a sa vie, il a son corps, il a son âme, il doit avoir le droit de vivre.

M. Le Marc : On change de sujet : vous proposez, en 7 ans, de supprimer l'impôt sur le revenu, la taxe professionnelle, l'impôt sur les successions, peut-être l'impôt sur les grandes fortunes aussi. Je ne l'ai pas vu dans votre projet mais ça y est peut-être !…

M. de Villiers : Vous auriez bien aimé le voir pour m'en faire le reproche.

M. Le Marc : Non, pas du tout ! Tout le monde applaudit, bien sûr…

M. de Villiers : Pour les grandes fortunes, je souhaite qu'on réintègre les œuvres d'art.

M. Le Marc : Tout le monde applaudit à ces propositions mais personne n'y croit. N'est-ce pas le genre de propositions qui décrédibilisent totalement votre discours ?

M. de Villiers : Voilà une question orientée.

M. Le Marc : Pas du tout !

M. Denoyan : Et la réponse le sera tout autant.

M. de Villiers : La réponse est très simple…

M. Le Marc : … La question aussi.

M. de Villiers : Je souhaite réduire la dépense des administrations de l'Etat de 3 % par an pendant 7 ans. Réduire la dépense des administrations locales de 3 % pendant 7 ans. Si on réduit de 3 % pendant 7 ans les dépenses des administrations de l'État, c'est l'équivalent du montant de l'impôt sur le revenu, 300 milliards divisés par 7. Donc, ce que je propose, c'est une réduction massive, progressive sur 7 ans, de la dépense publique en France.

La France est le pays où les administrations pèsent le plus lourd.

Aujourd'hui, un artisan, un commerçant qui change de fourgonnette voit sa taxe professionnelle tripler. Je dis qu'à un moment donné, nous y sommes, – chaque fois que je rentre dans les magasins, je vois bien ce qui se passe –, les gens sont asphyxiés, démotivés. Les administrations sont une véritable chape de plomb dans notre pays. Il faut remettre en ordre le secteur public. Et je peux vous dire que "remettre en ordre en ordre le secteur public" alors que les dotations au secteur public sont, cette année, de 50 milliards, c'est la possibilité demain de supprimer des impôts et de faire repartir le pays.

La France est gérée comme le Crédit Lyonnais, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui font des trous dans la caisse. On ne sait pas qui fait les trous dans la caisse. Et, quand on a découvert qui fait les trous dans la caisse, les gens partent en promotion. Est-ce qu'une entreprise, est-ce qu'un ménage pourrait fonctionner, comme aujourd'hui, la machine administrative française ? Non. Moi, je dis : « Il faut mettre les administrations à la diète. Donner un signe aux classes moyennes, celles qui épargnent, celles qui créent, celles qui investissent et, à tous les petits patrons, artisans, commerçants, professions libérales, métiers individuels, pêcheurs, agriculteurs, tous ceux qui embauchent »…

M. Denoyan : … Il va falloir créer des emplois, Monsieur de Villiers, parce qu'il y a plus de 2 millions de fonctionnaires dans ce pays, donc il va falloir qu'ils retrouvent du travail.

M. de Villiers : Je suis ancien fonctionnaire… La Fonction Publique a la garantie de l'emploi…

M. Denoyan : … On ne va pas tous se mettre à faire de la politique.

M. de Villiers : Et la dignité de la Fonction publique, c'est la continuité du Service public. Il faut retrouver le beau mot de Service public, "être au service du public". Je souhaite que, dans le secteur public, on introduise les notions modernes de productivité, d'effort, de récompense. Et je me fais là le porte-parole des 2 millions de fonctionnaires français, qu'ils aient la récompense de leurs efforts, la beauté du Service public, "le public au service du public". Ce n'est pas mal. Si on fait cela, le pays repart.

M. Roland-Lévy : Question sur le débat de l'État impartial. Vous avez dû entendre quelques échos de ce débat.

M. de Villiers : Ce n'est pas que j'ai entendu des échos, c'est que, pour moi, l'impartialité de l'État va de soi, c'est comme la lutte contre la corruption.

M. Roland-Lévy : Ma question porte là-dessus. Une ou deux idées concrètes, précises, sur l'impartialité de l'État vue par le candidat, Philippe de Villiers.

M. Denoyan : D'abord, qui est le moins impartial, Chirac ou Balladur ?

M. de Villiers : Je ne suis pas arbitre de touche. En plus, ils s'étripent entre-deux, je ne vais pas en rajouter.

M. Denoyan : C'est comme vous voulez !

M. de Villiers : Que voulez-vous que je fasse ? Je ne vais pas me balader avec une… dans le dos pour éponger. Je trouve lamentable que des gens d'une telle qualité, d'une telle expérience, en soient aux couteaux de cuisine. Sur l'impartialité de l'État, l'État doit être établi sur les piliers suivants : l'honnêteté, la neutralité, la sécurité et la souveraineté, c'est-à-dire la liberté, votre liberté, Monsieur Roland-Lévy, votre liberté de faire ce que vous voulez faire et notre liberté, en tant que citoyens français, dans une Nation libre. Voilà ce qu'est l'impartialité de l'État, c'est-à-dire la transparence. Un État qui soit respecté à l'intérieur et dont la parole soit entendue à l'extérieur. L'impartialité de l'État va avec une autre mission de l'État qui consiste à secourir les plus faibles d'entre nous. L'idée de l'État, l'image de l'État, c'est la main de Justice qui va vers ceux qui tendent les doigts gourds vers l'État, c'est-à-dire ceux qui, hélas, ont glissé au fossé. L'impartialité de l'État, c'est l'attention aux plus démunis.

M. Denoyan : Merci, Monsieur de Villiers.