Texte intégral
France 2 - vendredi 13 novembre 1998
Q - Le budget des Sports a été voté hier. La particularité cette année, c'est qu'il y a de nouveaux crédits notamment pour le sport et les femmes.
- « Oui, pour la première. fois, on a inscrit une ligne budgétaire pour préparer des Assises sur le sport au féminin. Nous avons déjà commencé à les préparer. Il y a des lignes budgétaires nouvelles également pour la citoyenneté des jeunes, puisque nous avons mis en place des conseils départementaux. Il faut leur donner les moyens de fonctionner. Et l'accessibilité, pour le coupon sport, un coupon loisir qui va permettre aux jeunes de payer moins cher leurs cotisations aux associations et aux clubs sportifs. »
Q - L'autre actualité, c'est la loi dopage qui va être présentée le 18 à l'Assemblée nationale. Qu'est-qu'il y a dans cette loi ?
- « Cette loi a déjà été votée au Sénat l'an passé. Ce qui est nouveau, je crois, c'est l'accent mis sur la préservation de la santé des sportifs avec un rôle accru pour la médecine du sport. »
Q - Parce que, jusqu'à présent, on a remarqué que les médecins avaient plutôt tendance à distribuer les produits.
- « Une majorité de médecins du sport font tout à fait bien leur travail, mais c'est vrai, on a vu qu'au niveau de l'encadrement, il y avait parfois des méthodes inadmissibles. Donc, on veut aider les médecins du sport à jouer un rôle beaucoup plus important, y compris à leur donner un droit d'alerte. »
Q - Deuxième nouveauté, il y aurait une instance indépendante ?
- « Oui, parce que je pense qu'il faut que cette lutte contre le dopage échappe à toute forme de pression. Nous allons mettre en place un conseil indépendant composé de magistrats, de scientifiques, de médecins, qui ne seront pas nommés par des ministères mais qui seront nommés par la Faculté de médecine, par la Cour de cassation. Ils auront un budget propre pour fonctionner, ce qui leur permettra vraiment de travailler tout à fait tranquillement. »
Q - Et puis, une aggravation des peines et des poursuites ?
- « Oui, parce que, jusqu'à présent, dans la lutte contre le dopage, on s'aperçoit que seuls les sportifs convaincus de dopage sont inquiétés. Or, je pense - et les événements récents l’ont montré - qu'il faut aussi s'attaquer à ceux qui leur fournissent les produits dopants. Donc, aggravation des peines, notamment lorsqu'il y a incitation à mineurs. Parce qu'on s'aperçoit que le dopage touche des jeunes sportifs. »
Q - Est-ce que ce n'est pas ça qui vous préoccupe ? Le fait, qu'aujourd'hui quand un jeune fait du sport, il a tendance à prendre des produits ?
- « Oui, et le plus grave, c'est qu'on était arrivé à une sorte de banalisation du dopage. Et lorsque l'on voit que des jeunes prennent des produits qui sont particulièrement dangereux, - on a quand même eu récemment le décès d'un jeune sportif -, c'est ce qui me motive le plus dans ma détermination à faire reculer ce fléau. »
Q - Vous suivez attentivement les enquêtes en cours sur les affaires qui traînent, notamment le cyclisme ?
- « Oui, bien sûr. Je suis attentivement les suites judiciaires qui sont données. Je crois que c'est la première fois que nous avons des affaires qui voient réellement des suites. Je crois que c'est très important. »
Q - Pour les Jeux Olympiques, vous allez prendre des dispositions particulières ?
- « Pas des dispositions particulières. Nous avons augmenté le nombre de contrôles inopinés. Cette année, nous sommes déjà à plus de 6 000 contrôles. Donc nous allons poursuivre dans cette voie. »
Q - Que pensez-vous de ce qui se passe en Irak et de la détermination des Américains ?
- « D'abord, je suis très soucieuse pour les populations concernées. Parce qu'on sait bien la situation que connaît le peuple irakien. Je crois qu'il faut jusqu'au bout chercher une solution négociée avec un rôle important, bien sûr, de l'ONU. »
Q - Pensez-vous que la France a un rôle particulier à jouer à cet égard ? On n'a pas encore entendu le ministre des Affaires étrangères.
- « M. Josselin a répondu à une question d'actualité hier au Sénat, où il a réaffirmé le choix d'une solution négociée avec le rôle de l'ONU. »
Q - Et pour la première fois, l'ensemble des pays arabes semble prendre ses distances avec S. Hussein.
- « C'est exact, c'est la première fois que cela se passe ainsi. Mais ça n'empêche pas qu'il faut penser à la population irakienne. »
LE JOURNAL DU DIMANCHE - 15 novembre 1998
Q - Madame la ministre, certains sportifs craignent que l'adoption d'une nouvelle loi antidopage crée un désarmement unilatéral qui défavoriserait les athlètes français et isolerait les organisateurs de compétitions face à des pays ne disposant pas d'un pareil arsenal.
- « Ce raisonnement vient de l'idée que tous les sportifs sont dopés, ce qui n'est pas vrai ! De nombreux champions gagnent proprement. La France fut la première à légiférer sur la question en 1965. Puis, grâce à Roger Bambuck, une loi très importante a été votée en 1989. Il me semble que cela n'a jamais empêché nos athlètes de remporter des médailles. Je n'ai donc pas de craintes de ce côté-là. Mais il faut bien que quelqu'un commence. C'est pour cela que je me bats au niveau de l'Europe pour obtenir un effort international. Le dopage n'est sûrement pas une affaire franco-française. »
Q - Votre projet de loi pourrait-il servir de modèle à vos homologues européens ?
- « Il serait prétentieux de penser que la France est la seule à lutter contre le dopage. Plusieurs pays tentent de trouver des solutions législatives pour endiguer ce fléau. L'Italie est sur le point d'en adopter une. La Grande-Bretagne a des dispositions qui relèvent plus de la santé et de la toxicomanie. Ceci dit, il est vrai qu'il y a beaucoup d'intérêt pour notre projet. Les événements du Tour de France ont permis une prise de conscience beaucoup plus forte. J'ai eu des discussions avec les ministres italien, espagnol et portugais. Ils regardent de très près ce qui va se passer chez nous ces prochaines semaines. Mais chaque pays aura une législation correspondant à sa détermination et à la manière dont le sport y est organisé. »
Q - Une uniformisation de la lutte antidopage est-elle possible ?
- « L'histoire de chaque pays est très différente. Les rapports entre le mouvement sportif et l’État n'est pas le même partout. Par contre, on peut obtenir une coopération beaucoup plus forte au niveau de la recherche, de la prévention, du suivi médical des sportifs et de la lutte contre les pourvoyeurs. On ne pourra pas régler la question du dopage uniquement au niveau national. Chaque pays doit faire ses propres efforts, on a besoin d'échanger et d'avancer ensemble. Cela devient urgent. Mardi dernier, j'ai rencontré Manuel Oreja, le commissaire européen chargé des sports. J'ai abordé avec lui la possibilité d'une rencontre officielle des ministres des sports des Quinze avant la grande réunion de février à Lausanne, à l'initiative du Comité international olympique. Nous souhaitons que chacun vienne avec quelques propositions. Je pense que cette rencontre se tiendra. »
Q - Le CIO est-il suffisamment... combatif dans la lutte antidopage ?
- « La bataille menée depuis des années par Monsieur de Mérode (le président de la Commission médicale du CIO, ndlr) va dans le bon sens. Je pense qu'avec tout ce qui s'est passé ces derniers mois, la réaction du CIO devrait être au niveau. La réunion de Lausanne (du 1er au 3 février) sera extrêmement importante. J'espère que des décisions y seront prises pour donner de la cohérence à notre travail à tous. J'espère que je ne serai pas déçue. »