Texte intégral
Heureux de vous trouver si nombreux au Palais Omnisport de Bercy.
Il y a quelques minutes, je terminais d'écrire sur mes genoux. Les journalistes sont indulgents.
Vous témoignez du mouvement qui s'est mis en marche après le succès du 1er tour.
Comme si la marginalisation à laquelle on nous avait promis …
La surprise qu'a constitué ma sortie en tête avaient accentué le désir d'exister, le sentiment d'identité… La pensée des autres. La mienne propre. Et les français auront remarqué que Jacques Chirac lit tous ses discours et que j'improvise les miens.
On a expliqué par un "vote utile" ce résultat.
Qui sait ce qu'aurait produit le fait d'être donné en tête régulièrement ?
En tout cas, je suis parti avec plus de force, plus de conviction, plus d'espoir dans la campagne du second tour.
Après Valence, Carcassonne, Albi, Montauban, Ajaccio, Bastia, Marseille, Montde-Marsan, Clermont-Ferrand, après le débat d'hier où nous étions deux, je suis avec vous à Paris, je serai demain à Toulouse. Je terminerai vendredi par Caen, Mulhouse et Besançon. Pourquoi faut-il que ce mouvement, cette fête démocratique, soit endeuillé par la mort d'un jeune étranger sur notre sol, Brahim Bouraam, victime non pas d'un "incident" mais d'un crime raciste ! C'est une honte dans la capitale des Droits de l'Homme. M. Le Pen a posé lui-même tous les problèmes soulevés par les manifestations qu'il organise. Il dit provocation. Je dis débordements tragiques. J'ai été fier que le Président de la République ait eu ce geste.
Je remercie Jean-Charles Daclin et Touré Kunda…
Je remercie B. Delanoë de m'avoir accueilli.
Je le remercie pour ce qu'il a donné à la campagne présidentielle…
Son mérite est d'autant plus grand que sur un point nos intérêts différent : je vais m'efforcer de lui conserver Jacques Chirac comme candidat à la mairie de Paris.
Il m'est difficile bien sûr de m'exprimer sur le débat d'hier ; deux visions différentes de la société et de l'action politique étaient confrontées. Mais au-delà des programmes et des choix politiques, il me semble que ma capacité à présider aux destinées de notre pays est apparue clairement, aussi clairement que celle de mon opposant. Pour ceux qui en doutaient…
Les français pourront choisir, librement, en fonction de leurs préférences politiques, de leur attitude à l'égard du présent de leur vision de l'avenir.
Il est clair que choisir J. Chirac ou me choisir n'aura pas les mêmes conséquences pour les français. Pour ceux qui savent entendre et voir, le débat d'hier soir l'a montré, en défit de sa forme courtoise.
Le Jacques Chirac social républicain a discrètement quitté la scène entre les deux tours.
Malgré quelques références mécaniques, destinées à faire écho au candidat d'hier et à masquer les contradictions, c'est un candidat recalé à droite que j'affronte au second tour.
Immobilisme sur le plan institutionnel – et même risque d'un retour en arrière vers les habitudes de l'État RPR, – fatalisme et passivité en matière d'emplois (la lutte contre le chômage étant réduite à un discours traditionnel sur la libération des entreprises …), indifférence à l'égard du logement social (je retrouvais la lettre de démission M. Postel Vinay en 1975…), annonce très claire d'une augmentation de la TVA pour financer l'abaissement des charges des entreprises (un des impôts les plus injustes), approbation des lois Pasqua-Méhaignerie, dispositions à reprendre les essais nucléaires, tel est le cocktail servi pour mon interlocuteur hier.
Au-delà de ce débat forcément réducteur, et compte tenu des positions qui sont celles du candidat du RPR, on peut affirmer :
a) Une incapacité à répondre aux grands problèmes du moment.
b) Une vision très traditionnelle de la société et du pouvoir qui le met peu à même de comprendre les évolutions du monde actuel.
c) Une difficulté à anticiper l'avenir.
1. Sur les grands problèmes du moment
a) l'emploi
Que propose-t-il ? un contrat initiative emploi/contrat de retour à l'emploi qui ne créera que très peu d'emplois. Et des considérations générales.
Qu'est-ce que je ferai ? La baisse de la durée du travail à 37 heures ; les 4 grands programmes pour l'emploi ; l'allégement des charges pour les bas salaires.
b) le logement
Que propose-t-il ? l'accès à la propriété, le département du marché privé, peu de véritable attention au logement HLM, à l'image de sa politique parisienne (proposition de M. Goasguen, suppléant de J. Toubon)…
Qu'est-ce que je ferai ? Une grande politique du logement social, équilibrée et diverse.
c) le salaire
Que propose-t-il ? Plus grand chose de très affirmatif sur les salaires directs mais l'annonce très claire que s'il baisse les salaires indirects, et ne laisse pas filer le déficit de la sécurité sociale, il augmentera la TVA, c'est-à-dire l'impôt le plus injuste, pour ne pas maîtriser comme ailleurs et affronter les corporatismes.
Qu'est-ce que je ferai ? Une politique d'augmentation maîtrisée des salaires…
d) les services publics
Que propose-t-il ? De poursuivre le programme de privatisation.
Qu'est-ce que je ferai ? Arrêter cette politique, défendre le service public en France et en Europe.
e) la protection sociale
Que propose-t-il ? L'ouverture du champ de la protection sociale aux assurances privées et celui des retraites aux fonds de pension.
Qu'est-ce que je ferai ? La défense, maîtrise, l'extension… Je pourrais naturellement donner d'autres exemples…
2. Incapacité à bien comprendre les nouvelles données, les nouvelles problématiques de la société moderne
Je pourrais prendre bien des illustrations. J'en choisirai quatre.
a) La conception du pouvoir, face aux demandes nouvelles de démocratie
Il y a chez J. Chirac et ses amis quelque chose de possessif dans le rapport au pouvoir : c'est ça la tradition de l'État RPR, dans le pouvoir politique comme dans le pouvoir économique ("les noyaux durs").
Au-delà de cette volonté directe de mainmise, véritable incompréhension des nouvelles demandes de démocratie, des nouveaux rapports à l'autorité, non plus imposée mais consentie.
Je propose, vous le savez, une nouvelle organisation du pouvoir et de nouvelles pratiques : un mandat présidentiel plus court, un gouvernement resserré et qui détermine la politique, un parlement mis en mesure plus de pouvoirs et moins de cumuls, de remplir son rôle, une prise de responsabilité par les acteurs de la vie économique et sociale (syndicats) et de la vie démocratique (associations).
b) la conception des rapports hommes-femmes, de la place des femmes
À propos de J. Chirac, je ne rappellerai pas sa vision de la femme corrézienne, ni la manière dont il traita un jour Mme Barzac.
Mais avec son allocation parentale de libre-choix, c'est un salaire maternel déguisé, un aller simple vers le foyer sans billet de retour vers le travail qui est proposé.
Alors que nous fêtons les 50e anniversaire de la conquête du vote des femmes, c'est une autre approche, progressiste, que je mettrai en œuvre.
L'égalité professionnelle femmes/hommes avec des contrats d'objectifs, un partage des tâches, une possibilité d'harmoniser vie familiale et vie professionnelle (crèche, halte-garderie).
Le respect de la dignité des femmes, par la possibilité de recourir à l'IVG de façon égale, en étant protégée contre les agissements des commandos anti-IVG, la protection contre les violences.
Les progrès vers la parité, par la proportionnelle introduite dans le scrutin majoritaire.
c) L'école
Que propose-t-il ? Un referendum-légèreté, incompréhension ou menace.
Que ferai-je ? Redonner la priorité à l'éducation.
d) Temps de travail
Il croit qu'il s'agit de répartir la pénurie, alors qu'il s'agit pour moi de gérer socialement, et pour l'emploi le progrès technique.
3. Une grande difficulté à concevoir l'avenir
C'est souvent la caractéristique des conservateurs. Le monde devant rester ce qu'il est, point n'est besoin de se projeter dans l'avenir. Et c'est ainsi qu'on ne le prépare pas et qu'on est dépassé !
a) Pas de vision de ce que peuvent apporter l'Éducation et la Recherche
J. Chirac - E. Balladur :
Remise en cause de la priorité recherche/éducation.
Crainte de ce que représente le mouvement de masse des jeunes vers les études (caractéristique : le texte passé la semaine dernière au Conseil des ministres sur le recrutement des enseignants-chercheurs : retour au mandarinat, mais surtout vision malthusienne – listes de qualification).
Mon approche : priorité au dialogue (demain nouvelle rencontre avec les chercheurs à Paris après Grenoble.
b) Pas d'intérêt véritable pour les problèmes de l'écologie
Dominique Voynet a dit "Pas photo". Certes.
J. Chirac propose très peu de choses dans ses propositions.
Mon approche : l'écologie est abondamment traitée dans mes propositions :
– plan de reconquête écologique,
– développement des transports collectifs,
– voiture électrique,
– lutte contre le bruit, pollution de l'air et de l'eau,
– prise en compte dès le Ier tour des préoccupations exprimées par les écologistes.
La question sociale et la question naturelle.
c) Une démarche hésitante et contradictoire sur l'Europe
J. Chirac a rappelé hier, comme un exorcisme, les actes européens qu'il a signés : l'acte unique par exemple. Les circonstances l'ont amené à mettre son paraphe sur les initiatives des autres, celles de François Mitterrand et celles de Jacques Delors.
Nous ne pouvons oublier l'appel de Cochin ainsi que son opposition à l'entrée de l'Espagne et du Portugal. Nous ne pouvons oublier l'opposition de la majorité de son parti à Maastricht. Et je suis fondé à penser que seule, la perspective de l'élection présidentielle l'a conduit à dire oui.
Ses mouvements désordonnés sur la Conférence intergouvernementale. Je m'inscris au contraire dans la tradition historique de l'engagement européen. Pas le moindre doute là-dessus. Même si j'ai ma sensibilité et imprimerai ma marque. Ma conception de l'Europe est claire.
Mes chers amis, je vais conclure :
ne considérez pas que la campagne s'est achevée avec le face à face d'hier,
je suis convaincu que son effet sera positif et qu'il faut relayer partout,
ne laissons pas retomber ce formidable mouvement,
cela ne sera pas mon cas, comment serait-ce possible ?
rassembler les forces de la gauche,
rassembler les forces de progrès,
rassembler une majorité de Français.
C'est difficile, mais c'est possible. Je le crois profondément. Avec vous, j'ai créé la surprise du 1er tour. Avec vous, créons la surprise du 2e.
4 mai 1995
Centre de documentation du Parti Socialiste
Quelle joie pour moi d'être devant vous au milieu de vous aujourd'hui dans cette atmosphère extraordinaire, à Toulouse, dans ma région.
Quelle compensation au regret que j'ai éprouvé de ne pouvoir être avec vous, les haut-garonnais … J'aurais voulu pouvoir me dédoubler…
À Lille, le jeudi avant le premier tour, j'ai dit à tous ceux qui étaient rassemblés : "si nous réussissons à nous mobiliser, davantage, et à rassembler, nous passerons le premier tour". Nous avons passé le 1er tour. À Toulouse, ce jeudi avant le second tour, je vous dis : "si nous réussissons à nous mobiliser davantage et à rassembler davantage, nous gagnerons l'élection présidentielle ».
J'ai été placé en tête par le vote des Français contre les dires de ceux qui avaient tout conçu pour que nous n'y soyons pas…
Une dynamique s'est créée à gauche, mais plus largement parmi les Français. Dès le lundi à Valence, puis à Carcassonne, à Albi et à Montauban. Tout est venu le confirmer depuis … dans les réunions, dans la rue…
Le débat, refusé par Jacques Chirac au premier tour, a eu lieu et chacun sait qu'il n'a pas tourné à mon désavantage… – nervosité des lieutenants de M. Chirac.
Hier soir à Bercy, nouveau témoignage formidable de mobilisation.
Demain, pour le dernier jour, je serai à Caen, à Mulhouse puis à Besançon.
Mais aujourd'hui, c'est ce merveilleux point d'orgue à Toulouse. Ce rendez-vous est pour moi deux fois symbolique.
Symbolique, en raison d'une tradition qui est celle de la gauche depuis 1965, perpétuée en 1974, en 1981, en 1988 : le plus gros meeting à Toulouse. Tradition que je ne peux séparer de la personne et de la personnalité de François Mitterrand, qui a soulevé ici les foules et tant d'espoir, 2 fois élu Président de la République.
Au début de la campagne, désigné candidat, j'avais dit que j'étais fier de lui avoir succédé 2 fois : comme Premier Secrétaire du PS, comme candidat à la Présidence de la République.
À trois jours du scrutin, je ne peux dire si, comme lui, je vous apporterai la victoire, mais je veux en ce lieu lui rendre hommage et vous demander de vous y associer … Nous n'oublierons jamais le 10 mai 81 et le 8 mai 88 …
La deuxième signification symbolique de ce rassemblement tient au fait que je suis un militant de la gauche et un élu dans cette région. Cela s'est ressenti dans les votes de nos concitoyens, dans l'identification… à ma candidature. Sachez que je vous rends bien cette affection et ce lien politique.
Au cours de ces 3 mois de campagne, je ne sais ce qui m'a frappé le plus.
La joie du point de départ, cet exercice de démocratie maîtrisé par lequel un parti politique, critiqué, se grandissait aux yeux de l'opinion et donnait une leçon. Cela a contribué à l'élan initial.
Le moment de fièvre des débuts, où nous avions tout à mettre en place : siège, finances conseil politique, équipes. Improvisation et sérieux, esprit fraternel, premières rencontres encore tâtonnantes sur le terrain… Puisque je parle des Finances, je précise que nous dépenserons moins que nos recettes. Et nous avons la certitude que Jacques Chirac dépassera le plafond autorisé, ce qui est un problème pour la démocratie.
Les rudes semaines de la première partie de campagne : ces propositions présentées à la presse, jugées cohérentes, innovantes, mais encore confidentielles. Les premières rencontres sur le terrain, les dialogues (en petit comité), les premières émissions. Les premières ironies sur le candidat et sa campagne, cette fascination pour le duel Chirac-Balladur présenté en permanence comme le cœur de l'élection, comme son vrai motif d'intérêt. C'est le moment où il m'a fallu, il nous a fallu nous cuirasser – je ne parle de l'armure que j'ai fendu – contre le découragement et la crainte, faire preuve de fermeté d'âme, garder le cap. Nous l'avons fait. Nous avons progressivement desserré l'étau, imposé nos thèmes, fait renaître l'espoir.
Et puis ont commencé à survenir, avant la fin du premier tour, les assistances plus nombreuses, les grands meetings. Les socialistes – et pas seulement eux – se sont mis en mouvement. Notre force renaissait pendant que moi-même je changeais. L'isolement de Balladur est apparu. Jacques Chirac s'est immobilisé sur son matelas d'intentions de vote. Nous continuons à avancer, à éclairer l'opinion, respecter nos concitoyens.
Que dire alors, du résultat et de la soirée du premier tour ? la surprise des uns, la déception des autres, la soudaine modestie renfrognée des 3ème. Nous tenions notre revanche citoyenne et l'on aurait pu voir un éclair de malice, dans l'œil du peuple français, s'il pouvait prendre figure. Il avait donné une bonne leçon de démocratie aux matamores… Et nous étions joyeux et un peu fiers.
Depuis, je l'ai dit, un mouvement puissant-s'est engagé, dont vous êtes aujourd'hui, une nouvelle preuve. Il est très difficile de mesurer jusqu'où il ira. Nous savons que l'écart se resserre. On le mesure d'ailleurs à la crispation et aux attaques des lieutenants de M. Chirac. M. Juppé en revient à cas temps de morgue. Je voudrais lui dire de se ressaisir.
Ils m'ont ignoré au premier tour. Cela ne leur a pas réussi.
Qu'ils ne s'essaient pas à prendre ce ton de condescendance au second.
Car ce sont les citoyens qu'ils prennent de haut ainsi, ceux qui ont voté pour moi au premier tour, ceux qui le feront au second, ceux qui, peut-être m'éliront Président de la République.
Sachez, en tout cas, que si les français m'élisent, je me sens pleinement apte à exercer cette fonction … Je mettrai simplement plus de constance dans mes positions qu'en a mis Jacques Chirac, dont on comprend pourquoi il critique la "pensée unique".
Et puisque je parle des capacités d'homme d'État des uns et des autres, je suis étonné de voir l'étrange annonce d'un referendum sur l'Europe après 1996. Les marchés ont réagi. M. Juppé déclare que "les marchés auraient surtout raison de s'inquiéter de la victoire de M. Jospin". Déjà, M. Chirac s'en était pris à M. Trichet, provoquant des tensions sur notre monnaie.
Revenons à des choses plus positives.
Au cours de ces semaines de campagne, j'ai mesuré combien la France est diverse et belle, et il faut qu'elle garde cette diversité ; combien elle est menacée comme par un schisme, comme par une faille… Il y a de la souffrance, il y a de l'angoisse… ; combien elle a besoin d'unité… de se retrouver autour de valeurs qui la rassemblent.
Entre les deux tours, il s'est envolé le Jacques Chirac, candidat social.
Certes, il veille à ce que la contradiction n'apparaisse pas trop nettement, il s'efforçait de manifester son accord avec moi dès que je pouvais le mettre en difficulté. Il faut l'avoir entendu sur le SMIC-Jeunes, avec un incroyable aplomb… mais toutes les propositions qui sont les siennes sont marquées au sceau de la pensée de droite traditionnelle : poursuite du programme de privatisation (et ici, ça signifie la privatisation de l'Aérospatiale ou des Télécom) augmentation de la TVA, création de fonds de pension (dans le champ des retraites), approbation de la philosophie du Plan Giraud diminuant les garanties accordés aux travailleurs et notamment aux délégués (on pense ici aux luttes des travailleurs d'ABG Semca ou d'Entreprise industrielle).
Si l'on débarrasse la politique de J. Chirac de son verbe social, elle se trouve ramenée finalement ce qui qu'a été la politique de M. Balladur depuis 2 ans, une politique classiquement de droite, qui a été désavouée par les français au premier tour.
Je suis convaincu que si elle était appliquée – avec la formidable concentration de pouvoir politique et de pouvoir économique (les noyaux durs) qui existerait – elle serait dure pour la très grande majorité de la population :
– pour les salariés, nullement assurés d'une hausse du salaire, mais ponctionnées par la TVA,
– pour les retraités, qui verraient le système des retraites par répartition menacés par les fonds de pension,
– pour les jeunes confrontés aux études, qui verraient remise en cause la priorité à l'éducation,
– pour les jeunes sans emploi et sans qualification, ceux des quartiers difficiles, menacés par l'exclusion et pour lesquels n'est envisagée aucune politique volontariste,
– pour les salariés des entreprises publiques, menacés par les projets de privatisation,
– pour les jeunes agriculteurs, qui verraient préférer la politique de concentrations des terres à celle de l'installation de nouveaux exploitants,
– pour la communauté éducative, les enseignants, les autres personnels, les parents et les jeunes qui voient planer le risque d'un referendum sur l'école,
– pour le monde de la recherche, déjà inquiet devant les coupes sombres du gouvernement Balladur et qui se souviennent des coups portés par J. Chirac à la recherche en 74-76, 86-88.
Je suis convaincu que de tels objectifs politiques, s'ils devaient être traduits en actes heurteraient les intérêts du plus grand nombre, ne seraient pas supportés longtemps par la population.
Je propose un autre choix, une autre vision, une autre pratique.
Je refuse la France duale, les 2 France qui s'éloignent.
Je propose d'augmenter de façon maîtrisée les salaires.
D'avancer dans la baisse de la durée du travail, par une première étape à 37 heures.
De créer des emplois par mes 4 grands programmes.
D'étendre la CSG aux revenus du capital (à l'exception de l'épargne populaire).
De mener une grande politique du logement social.
De faire que les retraités modestes profitent des fruits de la croissance.
De lutter contre l'exclusion.
De redonner la priorité à l'éducation (et à la recherche).
De préserver nos services publics.
De maintenir les retraites par répartition.
De maîtriser les dépenses de santé en étendant la couverture maladie.
D'engager une grande politique de lutte contre le sida, c'action contre la toxicomanie.
De veiller à la sécurité, par une police de proximité et des contrats d'objectifs.
Je marque que nous agirons pour l'ensemble de la population salariée ou non salariée, qui vit de son travail, qui exerce des fonctions sociales utiles, et dont les revenus sont modestes ou moyens.
Je travaille pour la cohésion sociale dans notre pays, ce qui est au cœur même de la responsabilité du Président de la République.
Je garantis mieux l'efficacité économique du pays, qui a besoin d'harmonie sociale.
Ce monde différent, plus juste, moins brutal, nous ne le construirons pas à partir de rien.
On sait le rôle que la gauche a joué dans les avancées historiques dans notre pays et en Europe : le suffrage universel, les grandes conquêtes sociales, l'impôt sur le revenu, les congés payés, la sécurité sociale, le vote des femmes, la décentralisation, la libération dos médias, c'est la gauche.
Ces dernières semaines, plusieurs événements sont revenus rappeler la présence de la mémoire dans l'histoire d'aujourd'hui.
La libération des camps : le souvenir de l'indicible et de l'inacceptable et qui rend particulièrement inacceptable la résurgence des idéologies antisémites ou racistes.
À cet égard : dire mon indignation et mon dégoût devant l'assassinat de Brahim Bouraam, pour le seul fait qu'il était étranger.
Le vote des femmes, il y a 50 ans. Et c'est l'occasion pour moi de rappeler mes propositions pour l'égalité professionnelle, la liberté et la dignité des femmes, la représentation accrue des femmes dans la vie publique.
Ce monde, nous le construirons à partir de valeurs (des grandes valeurs actualisées de la République).
Liberté :
– liberté d'aller et venir / contrôles d'identité,
– liberté de manifester / les étudiants,
– liberté pour les femmes / IVG # commandos,
– liberté de son temps : réduction du temps de travail (loisirs).
Égalité :
– des hommes et des femmes,
– des chances devant le savoir : Fac Pasqua/Université 2000,
– des droits à la naissance : pour le retour au droit du sol,
– devant le service public.
Fraternité :
– exigence de sécurité et d'autorité,
– mais aussi attitude d'ouverture,
– appui aux associations,
– la Laïcité bien sûr et comment faire confiance à J. Chirac (Falloux).
Nous n'avancerons que par de nouvelles pratiques politiques.
Je propose des changements politiques significatifs au niveau du pouvoir politique (réduction du mandat présidentiel, gouvernement resserré, cumul des mandats, …)
Je propose aussi une méthode d'action politique pour traiter les problèmes économiques et sociaux, les problèmes de la société :
– une impulsion du pouvoir politique (frappé de la passivité de l'attitude de J. Chirac # volontarisme,
– un espace laissé aux acteurs de la vie économique et sociale (au patronat et aux syndicats, aux associations dans la vie de la cité).
Enfin :
Nous n'avancerons aussi, nous ne débloquerons les craintes, les peurs qui existent dans la société française que si nous éclairons les enjeux de l'avenir.
Immobilisée dans l'instant, une nation est comme un homme, angoissé par un passé qui s'est enfin et un avenir qui reste obscur.
Il faut non pas prévoir mais éclairer : dire aux Français l'idée que la France doit se faire d'elle-même, la place qu'elle doit occuper dans l'Europe et dans le monde ; si près du 3e millénaire, le monde bouge ; le communisme européen s'est effondré ; le monde n'est plus soumis à l'ordre qu'imposait la tension est-ouest ; la menace de la guerre nucléaire semble avoir disparu. Pourtant les guerres locales renaissent ici ou là ; la prolifération nucléaire menace. C'est pourquoi la position de J. Chirac sur la reprise des essais nucléaires n'est pas responsable ; l'économie du monde est désorganisée : les États Unis imposent une hégémonie économique pesante. Le dollar perturbe le SMI. Ils pénètrent les pays de l'Est, des masses de capitaux non contrôlés changent les conditions de la concurrence; l'Afrique, proche de nous, s'enfonce dans la misère; la Méditerranée, notre mer, devient un espace de conflits redoutables, avec la purification ethnique ici, l'intégrisme là.
1. L'Europe doit peser et agir
Le rôle de la France en Europe doit contribuer à faire d'elle un pôle de stabilité et de paix, de régulation, d'équilibre – Europe, espace d'union de peuples différents.
L'Europe que nous voulons doit être capable de peser commercialement, et politiquement sur l'équilibre du monde :
– en défendant ses intérêts industriels et agricoles,
– en visant la croissance et l'emploi,
– en harmonisant vers le haut les législations sociales,
– en défendant l'identité culturelle de l'Europe,
– en proposant son modèle.
Elle peut et doit être un foyer de résistance culturelle, de refuge de la diversité culturelle tout en affirmant ses valeurs propres.
L'une des tâches du Président de la République française : poursuivre et renforcer la construction européenne – réaffirmer le rôle de la France dans le monde.
2. Le Tiers-Monde
À cet égard, on a trop peu parlé du Tiers-Monde dans cette campagne – serait-ce le signe d'un retour au repli sur soi, à l'égoïsme?
Nous devons repenser un grand plan de développement pour l'Afrique. La France doit y associer l'Europe.
Nous devons notamment le faire avec l'Afrique du Sud en y mettant comme condition le respect et le développement de la démocratie
3. Il faut rétablir graduellement l'équilibre économique mondial :
– la monnaie unique – étape vers une grande conférence mondiale sur les monnaies,
– taxation des capitaux mobiles,
– des lois internationales sur les délocalisations.
Sur le plan français et européen, puisque les plans ne sont pas dissociables : nous devons vaincre le chômage, j'ai dit comment, défendre la protection sociale, combattre l'exclusion.
Il faut aussi étendre l'enseignement artistique et mettre à disposition de tous les nouvelles technologies audio-visuelles.
4. Il faut poser pleinement la question de la nature
Un équilibre plus harmonieux entre l'homme et la nature.
Lutter contre les catastrophes naturelles -inondations, glissements de terrain…, aménager les paysages, préserver les sols et l'eau.
Arrêter la désertification rurale – agriculture propre : minimiser l'usage des engrais chimiques, lutter contre la pollution des villes, qualité de l'air, de l'eau.
Maîtriser la gestion des déchets urbains chimiques et des déchets nucléaires.
L'idée d'un droit du futur, d'un droit des générations futures doit faire son chemin : nous sommes responsables de la planète que nous allons laisser à nos enfants, nous devons faire des choix décisifs en ce domaine.
5. Le futur, c'est aussi un développement scientifique rigoureux et maîtrisé : priorité à l'éducation, priorité à la recherche, résister à la propagande américaine sur la prétendue supériorité américaine en matière scientifique.
L'Europe est aussi innovante que les USA.
Nous devons organiser le transfert des innovations vers les industries et les industriels doivent faire davantage confiance à nos chercheurs.
La radioactivité, découverte scientifique essentielle, est une découverte européenne – et il est juste que l'on ait rendu hommage à Pierre et Marie Curie en déposant leurs cendres au Panthéon.
Il faut organiser le transfert vers les élèves. Ceci demande des procédures simples de réforme de l'enseignement.
L'enseignement était une priorité lorsque j'en étais responsable entre 89 et 92, et l'on sait que j'ai agi à la fois pour faire face aux urgences et pour préparer l'avenir (Plan Université 2000). Je sais que les réformes qui restent à faire ne peuvent se traiter par voie de referendum – dire le contraire, c'est faire preuve d'ignorance ou de mauvaise foi.
Nous devons concevoir et assurer une société où l'égalité des chances est permanente : formation continue et formation permanente.
C'est la diversité qui assure la véritable égalité.
Nous élaborerons les conditions d'un équilibre entre la culture universitaire et la professionnalisation comme entre la recherche et la pédagogie.
Nous pouvons recréer un espace européen scientifique et culturel moderne qui renoue d'une certaine façon avec la tradition médiévale : alors les étudiants voyageaient, commençaient leurs études à Florence et les terminaient à Cambridge, à Paris ou à Heidelberg !
La nouvelle Europe dont je rêve et qu'espèrent les jeunes, ce doit être aussi cela : un véritable espace de partage et d'échanges pour le bénéfice de toutes nos nations.
Nous sommes à 3 jours du vote des Français. Je suis convaincu que nous pouvons gagner.
La droite ne répond pas aux problèmes des gens, ne comprend pas les attentes d'une société moderne comme la nôtre.
L'arithmétique n'est pas favorable mais la dynamique, le mouvement est de notre côté. Il faut mobiliser. Il faut rassembler.
J'incarne une réponse réaliste et novatrice aux problèmes, une vraie vision de l'avenir, une compréhension, une volonté d'agir.
Nous avons créé la surprise au premier tour, créons l'événement au second pour la victoire du 7 mai.
Vive la République. Vive la France.