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Le Parisien : La France est-elle particulièrement en retard dans la prise de charge de la douleur chez l'enfant ?
Bernard Kouchner : Oui, même si nous avons déjà fait des progrès, il faut savoir que près de sept enfants sur dix hospitalisés en France ne sont pas suffisamment apaisés lorsqu'ils souffrent. Cette idée est insupportable.
Le Parisien : Que faire concrètement pour rattraper ce retard ?
Bernard Kouchner : Je rappelle que notre plan antidouleur prévoit entre autres la création d'un carnet douleur pour chaque patient, la systématisation de l'usage des réglettes pour mesurer la douleur – il faudra en distribuer un million – et la distribution de 1 000 pompes d'analgésie (NDRL : des dispositifs pour s'injecter soi-même des produits antidouleur). J'annonce par ailleurs aujourd'hui la mise sur le marché de nouveaux antidouleurs puissants pour les enfants, comme le Cofendam, le Codoliprane ou le Nubain. J'avais demandé, il y a quelques mois, aux laboratoires de faire des efforts dans ce sens, pour les bébés notamment. Les premiers produits, comme le Cofendam, sortent aujourd'hui. Les autres suivront très vite.
Le Parisien : Les parents d'un enfant malade ont eux aussi un rôle à jouer…
Bernard Kouchner : Oui, et il est fondamental. Là encore, les médecins considèrent trop souvent les parents ou les proches comme des gêneurs qui ne doivent pas s'interposer. Eh bien, moi, je suis aussi un père et quand je vois souffrir mon enfant, j'ai envie de dire au médecin : « Je ne veux pas qu'il souffre ! » Mais je n'ose pas toujours m'interposer. Il faut pourtant que les parents osent désormais questionner le médecin et lui demandent des comptes.
Le Parisien : Des parents, justement, qui sont souvent mal tolérés par le monde hospitalier…
Bernard Kouchner : Je sais. Et ça n'est pas admissible. Je vais d'ailleurs envoyer une circulaire ministérielle dans les prochains jours qui imposera aux médecins, dans la mesure du bon fonctionnement du service, d'accueillir les parents, jour et nuit et à tout moment, dès lors qu'ils veulent venir au chevet de leur enfant malade. On ne pourra plus leur interdire l'accès à l'hôpital. Il faudra aussi créer des chambres d'accueil pour les parents qui veulent rester à proximité de leur enfant. Enfin, une grille d'évaluation sera bientôt publiée pour permettre aux médecins et aux parents de détecter la douleur chez le tout-petit.