Texte intégral
La France aux idées claires, par Philippe de Villiers
Je voudrais vous dire pourquoi nous sommes si heureux que le professeur Israël ait accepté la lourde responsabilité de présider l'ensemble de nos comités de soutien.
D'abord parce qu'il est, chacun le sait, une sommité médicale de réputation mondiale, mais aussi un savant plus proche des grandeurs de cœur que des grandeurs d'établissement.
Ensuite, c'est parce que derrière la sommité médicale, il y a un homme de pensée, de prospective et de perspectives. Son dernier ouvrage, « Cerveau droit, cerveau gauche » restera sans doute comme un tournant de notre culture.
Enfin, et là n'est pas la moindre des raisons, il y a derrière ce grand savant, derrière cet écrivain, un homme de chair, un homme de cœur, qui a payé le prix de la souffrance et du malheur.
Cher Lucien Israël, vous êtes pour nous davantage qu'un exemple : vous êtes l'image de la campagne que nous souhaitons mener.
Une campagne d'attention et de persuasion, sans polémique inutile, mais sans concession face à la vérité.
Alors oui, merci à vous, chez professeur Lucien Israël et chers amis, d'être à l'avant-garde de cette campagne pour la France.
Quelles seront nos balises ?
Première balise : l'endurance. Encore et toujours l'endurance. Car cette campagne sera longue, très longue. Elle connaîtra beaucoup d'événements et davantage encore de rebondissements.
Des rebondissements politiques certes, et qui sait, économiques, sociaux et judiciaires. C'est dire si la donne d'aujourd'hui est loin d'être figée. D'ici au 23 avril et au 7 mai, nous aurons besoin d'endurance et de prévoyance.
Deuxième balise : la rareté. Il faut que vous le sachiez : au long de cette campagne, on me verra, on vous entendra dix fois moins que les autres, dans le cadre de l'information officielle !
Dix fois moins que tous ceux qui, par la grâce d'une jurisprudence aussi injuste qu'impénétrable, bénéficient de la faveur accordée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux « grands candidats ».
Troisième balise : l'omniprésence. Celle que vous consentirez pour fissurer le mur des médias, pour faire partager vos convictions, pour faire de notre engagement, une donnée incontournable de cette campagne.
Il y a peu, malgré nos 2,5 millions de voix aux élections européennes, les instituts de sondage n'avaient pas craint de nous renvoyer dans les ténèbres de l'anonymat. Comme si rien ne s'était passé en juin 1994, j'étais redevenu « un petit candidat ».
Aujourd'hui, je suis classé parmi les « moyens ». Ensemble bientôt, nous serons parmi les « grands ». Car là est bien le paradoxe du système médiatique : pour être invité sur les plateaux de télévision, il faut être très connu ou très malhonnête, il faut être en tête des sondages ou mis en examen.
Quatrième balise : la sérénité. Je me bats pour des principes, pas contre des personnes. Je ne sais si les plus anciens d'entre vous se souviennent de ce mot de Gabin pour définir un bon film : « Un bon film pour moi, c'est trois choses : premièrement une histoire, deuxièmement une histoire, troisièmement une histoire ».
Eh bien, une bonne campagne présidentielle, pour nous ce sera : « Premièrement je propose, deuxièmement je propose, troisièmement je propose ». Mais pour proposer, il faut savoir écouter.
Quelles sont les clefs du succès ?
Première clef : la dispute Balladur-Chirac. Déjà, elle lasse les électeurs. Imperceptiblement mais implacablement, elle débouchera sur ce que les spécialistes des marchés financiers appellent un effet d'éviction. Quand deux meules tournent l'une contre l'autre, c'est toujours la troisième qui ramasse le grain.
La deuxième clef du succès : c'est notre différence. Déjà, les Français s'interrogent sur ce qui sépare vraiment Jacques Chirac d'Edouard Balladur, et inversement. Bientôt, ils s'apercevront qu'entre leurs projets, il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette.
Et comment, après tour, pourrait-il en être autrement ? Pour avoir si longtemps travaillé ensemble, gouverné ensemble, leurs analyses sont les mêmes, leurs recettes semblables, leurs visions d'avenir identiques.
Ensemble, ils ont voté OUI à Maastricht ; ensemble, ils ont ratifié Schengen ; ensemble, ils ont porté le GATT sur les fonts baptismaux de l'Organisation mondiale du Commerce. Ensemble, ils ont accepté la cohabitation et fait accepter à l'électorat de la Majorité de codiriger la France avec François Mitterrand. Telle est bien, face à eux, ma vraie, notre vraie différence.
La troisième clef, tout aussi essentielle : c'est la situation politique nouvelle de la France. Ceux qui ont assisté, le 20 novembre dernier, aux Assises du Mouvement pour la France, se souviennent de notre objectif prioritaire d'alors : dissuader Jacques Delors de se présenter.
Ce premier objectif atteint, il est tout à fait exclu que le candidat socialiste accède à l'Élysée. En l'absence de danger socialiste, le premier tour devient une primaire grandeur nature.
Alors, à ceux qui hésitaient, vous pouvez dire : « Votez Villiers, libérez-vous ». Si vous faites ces votes de conviction et d'adhésion, leur addition peut créer la surprise. Et si la surprise n'est pas au rendez-vous, donnez à Philippe de Villiers assez de force pour qu'il puisse influencer le futur Président de la République.
Que celui-ci ne puisse pas suivre la ligne de plus grande pente qui serait la sienne sans le poids des votes qui se seront portés sur ma candidature.
Je propose aux Français un nouveau pacte de souveraineté, un nouveau pacte de liberté, un nouveau pacte de probité
Un nouveau pacte de souveraineté pour que la France ouvre le chemin de la grande Europe.
Un nouveau pacte de liberté, c'est-à-dire une révolution fiscale pour libérer l'entreprise, l'école et la famille ; un pacte d'honnêteté, de responsabilité et de sécurité pour faire rayonner les valeurs de l'avenir, et pour rendre à la jeunesse confiance en la société.
Première orientation : la reconquête de la souveraineté
Nous sommes à un croisement de l'Histoire. Ceux qui ont fait l'Europe après Yalta avaient deux idées en tête.
La première idée était de réconcilier la France et l'Allemagne. C'est fait ! Bravo !
L'autre idée était de se protéger de la menace communiste. Le mur de Berlin est tombé et avec lui son cortège de peurs et de misères.
En s'écroulant, ce mur de la honte, qui était aussi un mur de confort pour la petite Europe, a remis l'Histoire en marche.
Et c'est au moment où tout bouge qu'il nous faut imaginer, non pas de prolonger l'Europe d'hier, mais d'inventer l'Europe de demain. Et ce, en tenant compte de deux phénomènes nouveaux qui émergent sous nos yeux.
Sera-t-on ou non capable de répondre à l'appel pressant des nouvelles démocraties de l'Est qui ont soif de notre reconnaissance ?
C'est le prochain septennat qui en décidera.
La France sera-t-elle capable de peser de tout son poids historique, culturel, politique, affectif, pour faire cette jonction entre les deux Europe ?
Si cette jonction se fait dans l'harmonie, alors ce sera la paix.
Si elle ne se fait pas, ou si elle se fait mal, alors il y aura collision. Nous sommes au carrefour de tous les dangers.
L'autre grand défi, c'est le Sud. Le Sud, avec son arc électrique et son prolongement : ce terrorisme protéiforme qui, de l'Iran au Maghreb a envahi le sud de la Méditerranée et menace de s'installer au nord. Face à ce double défi, il nous faut, moins que jamais, abandonner notre souveraineté.
Pour rester maîtres de notre destin, saisissons l'occasion qui s'offre ; à nous en 1996, une occasion qui ne se représentera sans doute pas avant des années ; saisissons l'occasion de l'élargissement de la Communauté pour renégocier le traité de Maastricht, pour le remettre à l'endroit, bref pour refonder l'Europe sur des bases démocratiques, donc solides.
Il faut à l'Europe un nouveau traité de Rome bâti sur trois idées simples
La première idée, c'est la sécurité. Le temps n'est plus de répondre au matérialisme dialectique de l'Est soviétique par un autre matérialisme : celui du marché unique et de sa monnaie de cendres.
Le temps qui vient est le temps de l'insécurité. Face à l'insécurité des bouillonnements ethniques et des trafics, les Européens ont droit à la sécurité de leurs frontières. Face aux dizaines de Tchernobyl en puissance qui menacent d'éclater sur le territoire de l'ancienne Union Soviétique, ils ont droit à la sécurité écologique. Face à la dissémination nucléaire, ils ont droit à une couverture antimissile.
L'autre idée, c'est faire de l'Europe une vraie puissance commerciale et culturelle, tant il est vrai que nous sommes le seul espace au monde à ne pas chercher à nous protéger face à nos concurrents.
Connaissez-vous la parabole de Mickey Kantor et de la banane ? La voici. Fin 1993, on nous disait : « Il faut signer le GATT pour ouvrir une ère nouvelle ». Nous l'avons signé.
Puis, le 15 décembre dernier, on nous a dit : « Maintenant, il faut le ratifier ». Les parlementaires rechignent, certains d'entre eux s'interrogent : « Mais a-t-on bien la certitude que les États-Unis vont, en contrepartie, abandonner leur protectionnisme légendaire ? » On nous a répondu : « Ratifiez en paix ! Nous en avons l'assurance ».
Et voici le ministre des affaires européennes, Alain Lamassoure, qui se répand sur toutes les radios et les télévisions : « Nous sommes entrés dans l'ère du nouvel ordre économique mondial, un ordre de paix, de justice et de prospérité, l'Organisation mondiale du commerce va naître avec l'année nouvelle ! »
Mais le 2 janvier, Mickey Kantor entre en scène. Le secrétaire d'État américain au commerce nous dit en substance : « Organisation mondiale du commerce ou pas, il faut que l'Europe accepte nos bananes ! Mais pas question d'accepter chez nous les bananes de la Martinique et de Madère! »
Vent d'effroi dans les chancelleries : « Mais vous nous aviez pourtant dit… »
Il en faut plus pour impressionner Mickey qui, comme d'autres dégainent leur colt, sort immédiatement son 301. Qu'est-ce que le « 301 » ? Rien d'autre que l'arme suprême du protectionnisme américain par laquelle Washington peut décider unilatéralement de fermer ses frontières à tout produit qui n'aurait pas son agrément.
Naturellement, la presse française n'en parle pas. Pourtant, Mickey Kantor va plus loin, il réunit les grandes organisations professionnelles américaines en leur posant la question : « Dites-moi où cela leur ferait le plus mal ? »
Voilà comment, alors que son encre était à peine sèche, le traité instituant l'OMC s'est trouvé remis en cause.
Si l'Europe n'est pas capable de revenir aux sources du libre-échange, qui sont l'égalité et la réciprocité, alors elle ne sera jamais une puissance commerciale.
Il est tout de même attristant qu'il ait fallu attendre le discours du Président de la République au Parlement européen, le 17 janvier dernier, pour entendre une voix autorisée demander au président de la Commission européenne, Jacques Santer, des explications sur sa politique audiovisuelle. Car, en ce domaine comme dans d'autres, l'Europe accepte de démanteler les derniers quotas qui protégeaient notre culture contre la marée des images américaines.
Savez-vous quel est le taux de pénétration des images américaines en Europe ? 80 %. Savez-vous quel est le taux de pénétration des images du reste du monde aux États-Unis ? 2 %.
Donc l'Europe de la sécurité, l'Europe puissance commerciale, l'Europe avec son identité culturelle, qui se protège, oui qui se protège.
Et puis, troisième idée, l'Europe de la souveraineté, l'Europe de la coopération. Pour qu'il y ait coopération, il faut qu'il y ait souveraineté. La souveraineté s'identifie quatre libertés fondamentales :
– la liberté de faire la loi chez nous ;
– la liberté de battre monnaie chez nous ;
– la liberté de garder nos frontières ;
– la liberté, aussi, de protéger nos emplois dans le cadre d'une véritable préférence européenne.
Or, je voudrais ajouter ceci, qui est grave. Les grands candidats, comme on dit aujourd'hui au CSA et dans les instituts de sondage, s'imaginent que l'on va pouvoir passer toute la campagne électorale, sans parler de l'essentiel, à savoir la monnaie unique.
Alors on m'explique : « Ne parlez pas de la monnaie unique, cela n'intéresse pas les Français ». Eh bien, je vais expliquer, pendant toute la campagne, que la monnaie unique, est une question essentielle.
C'est l'instrument politique privilégié du transfert de la souveraineté. Qui dit monnaie unique – je cite les responsables de la CDU – dit État unique à cinq ou six ou sept, c'est-à-dire le contraire de ce que je propose : une France ouverte sur la grande Europe, nouvelle frontière pour les générations qui viennent, générations de l'enthousiasme, de la paix, de l'identité de notre culture, aux racines même de notre civilisation.
Ceux qui proposent la monnaie unique laissent glisser notre souveraineté jusqu'à l'irréversible. Jusqu'à ce que le peuple français se tourne vers eux en leur disant : « Vous le saviez, alors pourquoi ne nous l'avez-vous pas dit ? »
Défendre notre souveraineté, c'est aussi proposer une autre politique de l'immigration
Sur quel principe ?
Sur celui, tout simple, de l'État de droit. Pour mettre fin à l'immigration clandestine, des mesures fermes sont indispensables :
– rétablir les contrôles aux frontières ;
– établir enfin, une procédure efficace d'expulsion des clandestins ;
– légaliser les contrôles d'identité dans les lieux publics ;
– et remplacer la carte de séjour automatiquement renouvelable par une carte de trois ans.
Pour remettre en marche le creuset français, il convient d'abord de réformer le code de la nationalité, pour faire en sorte qu'il y ait un serment solennel devant le drapeau tricolore. Être Français n'est pas un droit mais un honneur.
Je voudrais lancer ici une idée qui m'est chère.
Si l'on veut tarir à sa source l'immigration, il faut commencer par empêcher l'émigration.
La France ne doit pas être grande seulement pour elle-même mais aussi pour les autres.
Je pense qu'il faut redéfinir une grande politique africaine, fondée sur une idée simple aux antipodes de ce que nous prépare l'Organisation mondiale du Commerce : le maintien à la terre d'une population rurale en voie de déracinement.
Qu'on applique immédiatement à l'Afrique les préconisations du GATT, – arrêter les cultures vivrières au profit de cultures d'exportation telles que le cacao, le café ou les arachides –, et vous verrez l'Afrique mourir, non sans avoir provoqué l'exode de dizaines et de dizaines de millions de réfugiés économiques. Un dernier mot sur la question de l'immigration. Face à cette grande question, mon état d'esprit est très simple : il faut traiter le problème d'ensemble avec la plus grande fermeté, et les problèmes individuels avec la plus grande humanité.
Je voudrais dire aux autres candidats que ce n'est pas parce que Jean-Marie Le Pen parle d'immigration, qu'il ne faudrait pas en parler. Il n'en a pas le monopole. Pas plus qu'il n'a le monopole de la défense de la souveraineté des Français.
Voici pourquoi j'estime que sur cette grande question qui concerne tous les Français, de droite comme de gauche, il est indispensable d'organiser un référendum à l'issue de la Conférence intergouvernementale de 1996 qui sera appelée à réformer le traité de Maastricht. On ne volera pas ce débat au peuple français.
Deuxième orientation : la révolution fiscale
Le maître mot de cette révolution serait : « Moins d'impôts, plus d'emplois. » Je propose aux Français d'imposer aux administrations ce que chaque ménage est bien forcé de faire un jour ou l'autre : réduire son train de vie afin de ne pas dépenser davantage que ce qu'il gagne.
Pour une entreprise, c'est la même chose. Appliquons aux administrations le simple droit commun ; fixons le niveau de leurs ressources avant de déterminer leur niveau de dépenses, bref, inversons la tendance, qui, depuis vingt ans, consistait à dépenser puis à faire la poche du contribuable pour combler le trou.
Il faut, en effet, casser la machine à pressurer les contribuables et son engrenage bien connu : déficit, endettement, prélèvement.
L'objectif que je fixe à la France, c'est de parvenir à baisser d'un point par an ses prélèvements obligatoires.
Nous subissons aujourd'hui un niveau jamais atteint, équivalent à 44,5 % du produit intérieur brut.
Pour libérer l'entreprise et lui permettre d'embauche, il faut progressivement faire descendre ce taux à 37,5 %, à l'instar de nos principaux concurrents.
Alors que l'Allemagne doit prendre en charge l'immense chantier de l'ancienne RDA, elle parvient aujourd'hui à prélever 400 milliards de francs de moins que nous sur ses contribuables.
44,5 % n'est pas raisonnable, ce n'est plus raisonnable.
Il est grand temps de casser cette insupportable machine à exclure qui décourage et démotive les moins qualifiés, déjà fragilisés par la pression mondiale à la baisse des salaires, tout en décourageant les investisseurs capables de créer des emplois.
Le Prix Nobel d'économie, Maurice Allais, le sait bien, lui qui fut le premier à proposer la suppression de l'impôt sur le revenu.
Comment remettre les gens au travail sans recréer des entreprises saines, et notamment des petites moyennes entreprises, puisque ce sont celles-là qui aujourd'hui, fabriquent le plus d'emplois ?
Pour retrouver en France l'esprit d'entreprise et l'esprit d'embauche, je vous propose deux maximes qui pourraient être mises en exergue de toutes nos campagnes : faire en sorte qu'il redevienne légitime de gagner de l'argent par son travail ; et profitable de créer des emplois pour ses semblables.
Cette révolution fiscale ne sera possible que si, naturellement, on protège à l'échelle européenne nos secteurs fragiles mais aussi nos secteurs stratégiques.
Comment ? En taxant les importations sauvages des pays à très bas salaires et sans protection sociale. Celles qui justement déclenchent l'hémorragie de notre pêche, de notre agriculture et de tous nos secteurs de main d'œuvre, depuis les transports aériens jusqu'au numéro 1 européen du cerf-volant, qui vient de délocaliser une partie de sa production à l'Île Maurice.
Si l'Europe ne se protège pas à l'extérieur, comment pourrait-elle se libéraliser à l'intérieur ? Pour résoudre les problèmes de la protection sociale, à laquelle les Français sont si justement attachés, il faut instituer, du moins temporairement, une taxe différentielle de protection sociale qui viendra, comme une écluse, faire la différence entre le coût de nos produits, inséparables de notre niveau de vie, et ceux en provenance des pays à très bas salaires et sans protection sociale.
C'est notamment par ce biais que l'on comblera le trou de la sécurité sociale.
J'entends ici les objections de ceux qui prétendent qu'une telle mesure est impossible à obtenir de nos partenaires européens.
Ils oublient que nous disposons de deux armes, dont l'une fut, en son temps, celle du général De Gaulle.
La première est celle de la chaise vide budgétaire dans les instances communautaires, tant que le droit de veto de la France ne sera pas reconnu. Une arme d'autant plus simple que la France donne plus à Bruxelles qu'elle ne reçoit de l'Union européenne.
La seconde est l'arme juridique. Nous avons, l'an prochain, l'occasion unique d'intégrer dans le prochain traité européen les deux principes-clef que sont le droit de veto et la préférence communautaire : faisons-le.
La révolution fiscale que je préconise repose sur dix priorités.
Le mot de révolution vous choque peut-être. Il vous choquera moins quand vous vous souviendrez que « revolvere » en latin signifie retourner, c'est-à-dire renverser une logique.
Renverser une logique de dépenses pour retrouver une logique de recettes.
C'est pourquoi je propose la suppression de l'impôt sur le revenu et de la taxe professionnelle.
Pourquoi choisir de supprimer plutôt que d'alléger ?
Parce que l'expérience montre que les promesses d'allégement ne sont jamais suivies d'effets lorsque ceux qui les ont faites parviennent au pouvoir.
À l'inverse, s'engager à supprimer un impôt appelle une sanction claire : chacun peut juger sur pièce.
Pourquoi ces deux impôts plutôt que d'autres ?
D'abord parce qu'ils sont archaïques. L'impôt sur le revenu est déjà concurrencé par la CSG ; quant à la taxe professionnelle, François Mitterrand, lui-même, l'a déjà qualifiée d'« imbécile »...
Mais surtout, ils sont symboliques. Et c'est bien de symboles dont on a besoin les chefs d'entreprises, grandes ou petites, artisans ou commerçants, tous ceux qui épargnent et qui, pour échapper à des charges confiscatoires, pourraient être tentés d'aller investir à l'étranger.
À tous ceux-là, il faut adresser un signal fort : leur montrer que la France s'engage dans une direction neuve, que ceux qui la dirigent ont compris les attentes des créateurs de richesses et d'emplois.
Comment mener à bien pareille révolution dans un tel contexte budgétaire et financier ?
D'abord, par un plan de privatisations destiné à désendetter la France en ramenant dans ces caisses quelque 450 milliards de francs.
Il suffit de regarder ce qui s'est fait à l'étranger pour constater combien l'audace peut être payante.
Ensuite en comblant les déficits. Un point de croissance amène 50 milliards de francs de recettes supplémentaires par an.
Enfin, et surtout, en économisant sur les dépenses publiques. Lesquelles ?
Il est possible de ne remplacer qu'un sur deux des agents de l'État qui prennent leur retraite.
En veut-on un exemple ? En vingt ans, le nombre d'exploitations agricoles a diminué de 85 %. Dans le même temps, le nombre de fonctionnaires du ministère de l'agriculture s'est accru de 385 %… pour gérer la pénurie ?
Mais il ne faut pas se contenter de tailler dans les effectifs de l'administration, il faut aussi revoir l'ensemble des subventions versées aux entreprises publiques, leurs dotations de fonctionnement, les bonifications d'intérêts qu'on leur accorde (qui représentent à elles seules 10 milliards de francs).
Et je ne dis rien des économies à réaliser sur les péréquations opérées en faveur de certaines grandes entreprises publiques, structurellement déficitaires.
Est-il normal qu'un tiers du billet de métro à Paris soit payé par les gens qui ont leur propre métro à Lyon ou à Marseille ?
Et que dire des gaspillages perpétrés par les technocrates de Bruxelles ? Des coûts directs et indirects de la corruption ? Des fraudes croissantes au budget de l'Union européenne.
Et après tout, que représente l'impôt sur le revenu ? Moins de 300 milliards de francs sur 1 500 milliards de recettes de l'État, soit 20 % du budget de la France.
Avec mon plan septennal de décrue fiscale, c'est 3 % d'économie par an qu'il s'agit de réaliser.
Quel ménage, quelle entreprise en difficulté ne s'obligent pas à des économies de 3 % par an ?
Et savez-vous ce que représente la taxe professionnelle ? 145 milliards de francs.
Le premier contributeur de la taxe professionnelle étant l'État avec 40 milliards de francs (aussitôt économisés), il reste donc 105 milliards à trouver.
Que les collectivités locales s'astreignent, comme les services de l'État à une cure d'austérité de 3 % d'économies par an et ce sera chose faite au bout de sept ans. Impossible ?
Beaucoup le pensait avant que la Vendée ne montre l'exemple en faisant baisser ses charges de fonctionnement de 3 % par an sans pour autant augmenter ses impôts.
Comment les responsables publics pourraient-ils demander aux Français de faire des efforts quand eux-mêmes ne donnaient pas l'exemple ?
Pendant toute cette campagne, la révolution fiscale sera un thème fort. Car, la révolution fiscale, c'est la révolution de la liberté.
Libérer les entreprises des carcans bureaucratiques, c'est aussi la libérer du carcan syndicat afin de rendre toute leur représentativité aux salariés. Mettre fin au monopole syndical est une priorité pour qui veut en finir avec l'archaïsme de notre société.
Se battre pour la liberté, c'est avant tout promouvoir les 3 cercles d'inclusion que sont l'entreprise, la famille et l'école
Pour la famille, il faut prendre quatre mesures d'urgence.
Première mesure : l'institution du salaire familial.
Le salaire familial, qu'est-ce-que cela veut dire ? Cela veut dire le Smic pour tous les foyers français qui ont trois enfants ou deux enfants et un ascendant à charge de plus de 75 ans. Ce qui le différencie du salaire parental stricto sensu.
Vous me direz : « Mais c'est une dépense supplémentaire ! » Naturellement, je l'ai chiffrée et je sais où trouver l'argent. J'estime que sur les 218 milliards de francs de la Caisse nationale d'allocations familiales, et fort des remarques judicieuses de la Cour des comptes, les 20 milliards nécessaires à cette réforme urgente sont immédiatement disponibles.
Deuxième mesure : un système de bonification d'intérêts destiné aux familles de plus de trois enfants voulant acquérir un logement adéquat.
Troisième mesure : une allocation de détresse familiale pour les parents isolés qui ont des enfants à charge.
Celle-ci viendrait amplifier et remplace l'allocation pour parent isolé qui sert trop souvent aujourd'hui à encourager la polygamie.
Quatrième mesure : la création, dans tous les départements français, dans l'esprit des commissions départementales à la maternité (prévues par la loi Pelletier), de centre d'accueil des mères en détresse.
Face à la banalisation de l'avortement, il faut qu'existe enfin une véritable solution alternative, et que jamais dans la société, quiconque puisse se dire : on n'a pas entendu les appels au secours.
Lutter contre l'exclusion, c'est aussi lutter contre l'exclusion par l'argent qui caractérise trop souvent notre système scolaire.
Pour donner à chaque famille l'accès au système éducatif de son choix, je propose d'instituer le Bon de liberté scolaire.
De quoi s'agit-il ?
Chaque famille recevra un crédit annuel, correspondant au coût estimé de la scolarisation de l'enfant (par exemple, 43 000 francs pour un élève de seconde), sous la forme d'un bon, remis à la famille, à charge pour elle de choisir l'établissement de son enfant.
500 milliards de francs de dépenses éducatives en France seraient ainsi restitués aux familles, aux créateurs d'écoles, et aux chefs d'établissements.
La liberté des familles, c'est de pouvoir choisir son école, comme on choisit son médecin ou son boulanger.
La liberté des chefs d'établissements, c'est de pouvoir recruter leur personnel sur une liste d'aptitude établie par l'éducation nationale. Surtout, le Bon de liberté scolaire institue la liberté de créer des écoles, y compris dans le domaine de l'apprentissage si décisif pour notre avenir.
Pourquoi ne pas imaginer Renault, Peugeot ou Heuliez s'associant pour créer une école de carrosserie à la suite de la mise au point d'une nouvelle technologie ?
Comment ne pas imaginer que dix familles d'enfants handicapés, ne trouvant pas dans le système éducatif de quoi faire face à leurs problèmes spécifiques, se regroupent pour créer ensemble leur école ?
Et c'est ainsi que dans toute la France, grâce à cette floraison nouvelle, en dépensant moins, on dépensera mieux !
Et puis, il faut déclarer l'emploi des jeunes, grande cause nationale.
Comment ? En donnant la priorité aux métiers sur le diplôme.
Par des stages de « mise à l'étrier » et par l'apprentissage à l'allemande, afin que n'importe quel jeune puisse, dans le cours de ses études, passer une année en entreprise.
Il ne s'agit pas évidemment d'apprendre des métiers manuels.
L'apprentissage que je propose, c'est l'apprentissage au sens de l'alternance école-entreprise, seule méthode reconnue pour familiariser les jeunes avec la vie professionnelle pendant qu'ils ont encore dans le bain universitaire.
Pour ceux qui souhaitent créer leur entreprise, un « capital création » de 70 000 francs.
Comparez ce coût avec celui d'un jeune chômeur, à savoir 120 000 francs payés chaque année par la collectivité.
Ne vaut-il pas mieux offrir cette possibilité à tous les jeunes Français ? Si deux sur dix prenaient ce « capital création », la France repartirait.
Pour la reconversion précoce, créons un contrat « nouvelle chance » qui, combiné aux Bons scolaires, permettrait aux jeunes concernés d'être en phase avec la société dans laquelle nous entrons et qui offrira plusieurs chances dans la vie.
Troisième orientation : un pacte d'honnêteté et de sécurité publiques
Reconquête de la souveraineté, révolution fiscale : que vaudraient tant d'efforts sans un pacte d'honnêteté et de sécurité publiques entre les Français et leurs élus ?
De toutes parts, les menaces s'accumulent : trafic d'influence à l'échelon local et national, grande délinquance financière et narco-trafic à l'échelle européenne et mondiale, montée de la pression terroriste venue du Sud de la Méditerranée.
Tout impose ce pacte d'honnêteté et de sécurité.
Il doit reposer sur trois idées simples.
D'abord, une justice forte et indépendante afin que jamais plus ne plane le doute sur une instruction de classement qui serait donnée par la hiérarchie judiciaire. Coup tordu après coup tordu, le doute s'installe, la rumeur s'amplifie et le citoyen s'interroge.
Et il a raison de s'interroger quand, à la faveur d'une déclaration anodine, on découvre que tel homme politique influent réfléchit tout haut à une nouvelle amnistie et, qui sait, à une réforme qui viserait à bâillonner les juges en attendant de les réduire.
Alors, tout au long de cette campagne, je veillerai, nous veillerons, à rappeler à leur devoir tous ceux qui seraient tentés, à la faveur d'une réforme subreptice, d'interrompre le cours de la justice.
Ensuite, il faut réformer le métier politique.
Cela veut dire d'abord supprimer tout privilège de juridiction, cet artifice indigne par lequel tant de fois des dossiers trop brûlants furent dépaysés avant d'être enterrés.
Cela veut dire aussi publier les déclarations de patrimoine et de revenus de chaque élu – parlementaires, présidents de conseils régionaux et généraux, maires de grandes villes – à son entrée et à sa sortie de mandat.
Je crois être, en ce qui me concerne, le seul homme politique français à m'être, à ce jour, plié à cet exercice. Et je crois que c'était nécessaire. Car, si l'on avait cru l'image complaisamment véhiculée par une certaine presse et les marionnettes de la télévision, qu'aurait-on pu imaginer ?
L'image d'un vicomte dans son château avec ses tourelles, quelques râteaux qui traînent dans les jardins à la française et aussi quelques jardiniers… Un vicomte, « c'est forcément riche », pensaient certains. Et bien non. Un vicomte à bardages et à tomates, ça n'a pas forcément un château et ça peut vivre comme tout le monde. Je garde un souvenir à la fois étonné et ému de ces jeunes qui, à la fin d'une émission télévisée, sont venus trinquer avec moi et m'ont dit : « Mais vous êtes un homme ».
Je pense qu'il serait sage, et pour tout dire prudent, que tous les candidats à l'élection présidentielle subissent un audit de la Cour des comptes sur leur patrimoine et sur leur train de vie.
Après tour, on voit tellement d'artisans, de commerçants, de professions indépendantes qui se plaignent d'avoir le fisc sur le dos qu'il faut se demander pourquoi les candidats à l'élection présidentielle seraient épargnés.
Pour les tricheurs, la loi devra naturellement interdire à vie de briguer un nouveau mandat public, et décréter le remboursement des sommes détournées. Il ne faut plus jamais qu'en France un banquier qui a creusé un trou de 50 milliards dans une banque d'État soit sanctionné par une promotion.
Enfin, que seraient toutes ces réformes sans une puissance de feu pour les rendre crédibles ?
Il faut une mise en batterie judiciaire contre le trafic d'influence et les narco-trafics. Je reprends là, les propositions du juge Jean-Pierre :
– des juridictions financières spécialisées composées de magistrats compétents ;
– une répartition territoriale, en équipes interconnectées ;
– un corps d'officiers de police judiciaire placé hors de la hiérarchie de rattachement ;
– et l'édiction d'une loi sur les repentis pour briser l'omerta.
Faute de cela, sachez-le bien, on ne videra pas l'abcès. Il y aura toujours et quand il y a le doute, le slogan des extrémistes de tout bord n'est jamais loin : le « tout pourris ! » qui annonce le crépuscule des Républiques.
Et bien ce n'est pas vrai ! Au nom des 500 000 élus français de tous horizons et de toutes sensibilités, je n'accepte pas que nous ayons encore à supporter l'insupportable suspicion.
Il n'y a pas plus de pourris en politique que dans tout autre milieu, et c'est parce que notre conscience est claire que nous devons accepter le châtiment des tricheurs.
La classe politique française n'a plus à constituer cette société de protection mutuelle à 50/50 à laquelle trop souvent d'aucuns peuvent l'assimiler. Quand je lis une dépêche m'annoncer qu'un parti politique que je connais bien, refait son unité en protestant contre les mises en examen qui le frappent, je dis : « C'est trop ! »
Ce que vous faites n'est pas seulement indigne, mais dangereux pour la démocratie. N'oubliez jamais que la France vous regarde. Et qu'un parti politique, qui pour se défendre, n'a d'autres ressources que de défier les juges en même temps que les lois de la République, offre aux jeunes une bien triste leçon d'éducation civique.
Regardez la France que nous faisons et imaginez celle que nous pourrions faire
Si j'avais un reproche à faire à Jacques Chirac et à Edouard Balladur, je dirais qu'en dépit de leurs qualités, de l'habilité de l'un et de l'énergie de l'autre, il leur manque à chacun d'avoir vu que la France a changé.
L'un ne pense qu'au mouvement, l'autre au vers de Baudelaire : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes ».
Quelles sont, au seuil de l'an 2000, les nouvelles aspirations des Français ?
D'abord, l'aspiration à voir émerger un nouveau monde du travail.
Je le dis à tous les jeunes que je rencontre : songez que dans cinq ans, le monde dans lequel nous vivrons comptera 70 % de nouveaux produits, autant de nouveaux métiers, et que, sur dix d'entre vous, six ne peuvent connaître leur future profession pour la bonne raison qu'elle n'existe pas encore.
Face à l'inconnu, il y a toujours eu l'espoir. Mais le devoir des hommes politiques est de ne pas sacrifier l'espoir sur l'autel de nécessités qui seront oubliées demain.
Or, la politique que nous subissons est désespérément la même depuis vingt ans. Elle se résume en deux mots : l'intégrisme monétaire ; le culte des grands équilibres comptables préférés à l'emploi des hommes ; le dogme du libre échangisme mondial quand les barrières qui protégeaient nos systèmes sociaux ont été dynamitées.
Poursuivre dans cette voie, c'est couper en herbe le blé de l'avenir français.
Et pourtant, un enfant de 5 ans comprendrait que le libre échangisme mondial est un désastre quand la morue argentine arrive sur nos étals à 10,72 francs le kilo alors que, pour gagner moins que le Smic en travaillant soixante heures par semaine, un pêcheur français est obligé de la vendre 27,72 francs.
À poursuivre sans frein ce mélange contre nature de laisser aller libre échangiste vers l'extérieur et d'étatisme confiscatoire à l'intérieur, la France sera bientôt le pays de l'absurde : d'un côté, les fermes abandonnées, des agriculteurs obligés de quitter la terre ; de l'autre, Paris et son armée de sans-abri ; d'un côté, la France de ceux qu'on licencie pour s'offrir au même prix soixante Philippins ; de l'autre, celle des sièges sociaux...
Il est urgent de changer de logique. C'est dans la croissance que se crée l'équilibre et dans la stagnation que mûrissent les grandes explosions.
Les Français veulent aussi davantage de proximité quant aux décisions qui les concernent.
Quand j'entends Jacques Chirac parler de la nécessité de ne plus confier le pouvoir aux technocrates, je me dis qu'il a compris.
Mais j'ai envie d'ajouter aussitôt : faites encore un effort !
Parce que, à l'imitation de nos entreprises, nos pouvoirs aussi ont déménagé.
La loi, c'est désormais à Bruxelles qu'elle est faite. Et par qui ? Par des fonctionnaires compétents sur tout et responsables sur rien ; par des technocrates qu'aucun suffrage ne sanctionne et qu'aucun pouvoir légitime ne contrôle plus.
Et où sera faite demain notre politique monétaire, donc économique, pour ne pas dire notre politique tout court ?
Ceux qui, comme vous mon cher Jacques, ont dit OUI à Maastricht, sont les derniers à pouvoir en douter : c'est à Francfort, et nul part ailleurs, qu'on décidera du son de la France, entre deux aréopages d'inspecteurs du Trésor et de banquiers allemands, fiers d'avoir reconstitué sans guerre ni bataille le Saint Empire romain germanique.
Et la garde de nos frontières, qui l'assure désormais ? Des douaniers ? Non pas. Des informaticiens : ceux qui, dans le secret des officines supranationales, ont mis au point le chef-d'œuvre du siècle : le SIS, entendez le Système d'information Schengen, par la grâce duquel 50 000 clandestins au bas mot passent chaque année au travers des mailles du filet.
Et notre politique agricole ?
Jacques Chirac, qui fut l'un de nos grands ministres de l'agriculture, devrait le savoir mieux que quiconque : depuis la réforme de la PAC et l'institution de l'OMC, c'est à Genève que se décide désormais l'avenir de nos agriculteurs.
Oui, chers amis, le pouvoir nous a bel et bien échappé. Et pour le reconquérir, il ne suffit pas d'entrer à l'Élysée.
Il faut dénoncer les traités qui nous ont menés si bas ; inverser la logique d'abandon qui depuis trop longtemps fait dire à ceux qui nous gouvernent : « Ce que nous pouvons ou ne voulons plus faire, d'autres le feront à notre place ».
Eh bien non ! Ce que les Français, ce que les Européens, ne feront pas pour eux-mêmes, nul ne le fera ! Et surtout pas ceux qui ont intérêt à notre abaissement.
Mes chers amis, la campagne présidentielle qui s'ouvre doit être l'occasion d'un dialogue direct entre les candidats et les Français, mais aussi d'un dialogue direct entre les candidats.
Voici pourquoi je souhaite m'adresser en cet instant au Premier ministre-candidat, lui qui se fait l'apôtre de la réforme sans fracture.
Souffrez, cher Édouard, que je vous pose trois questions essentielles
Qu'est-ce qu'une réforme sans fracture de notre souveraineté ?
Cela signifie-t-il que vous allez dissimuler aux Français le message que vous avez adressé, à la fin de l'année dernière, à toutes les chancelleries européennes, et si j'ose dire à la première de toute, celle du chancelier Kohl, à savoir que la France donnait son accord pour le transfert définitif de sa souveraineté, en 1996 ?
Qu'est-ce qu'une réforme sans fracture de la justice ?
Serait-ce une réforme subrepticement menée au creux d'un été de grâce, parmi les épis mûrs et les blés moissonnés, quand il vous faudrait céder à la danse effrénée de tous ces comités de soutien qui chantent aujourd'hui vos louanges, celui de M. Schuller à Levallois-Perret, celui de M. Noir à Lyon, celui de M. Mouillot à Cannes, celui de M. Longuet et du Parti républicain, qui tous reprennent le fameux refrain : « Ah, si tous les mis-en-examen voulaient se donner la main ! »
Est-ce qu'une réforme sans fracture de la société consisterait à offrir à la jeunesse le cadeau de Schengen : la libre circulation de la drogue venue des Pays-Bas ?
Déjà, Madame Veil l'a annoncé dans un grand quotidien du soir : l'échange de seringues sera confié aux bons soins des associations qui s'occupent des toxicomanes. Voilà qui revient à dire aux « grands drogués », comme l'on parle des « grands brûlés » : ainsi, vous ne mourrez plus du sida mais de la drogue.
Et puis, c'est officiel : la méthadone en vente libre, qui est une drogue, sera remboursée par la sécurité sociale !
Est-ce cela, cher Edouard, que vous appelez une réforme sans fracture ? Une réforme en pente douce au terme de laquelle vous pourriez annoncer à nos compatriotes que la guerre de la drogue est perdue. Mais il ne sera plus temps alors de dire aux Français : « Je n'ai pas voulu cela ».
Ce que nous voulons nous, c'est faire une guerre sans merci aux trafiquants et à tous les marchands de mort, détenteurs de l'arme chimique absolue. Mais, à la guerre, on soigne les blessés. Oui, il nous four soigner les blessés de la drogue, ces grands malades pour lesquels l'Italie, malgré ses difficultés, a su construire 15 000 lits de postcure alors que la France n'en offre que 600.
La société française est aujourd'hui comme un blessé polyfracturé. Plutôt que de le laisser perdre son sang au bord de la route, en attendant on ne sait quelle rémission, nous savons, nous, qu'il faut l'opérer. Qu'il faut l'opérer pour qu'il ne meure pas.
Comprenez-moi bien, il ne s'agit pas d'ajouter des fractures aux fractures ; il s'agit de tenir aux Français un langage de vérité, un langage de survie, un langage de civilisation.
Un langage dont nos enfants puissent être fiers, un langage d'espoir qui nous évite d'entendre un jour ce reproche de leur bouche : « Qu'avez-vous fait de notre avenir, qu'avez-vous fait de la France ?
Alors, avec notre indépendance d'esprit – cette liberté si précieuse de dire OUI ou de dire NON – et avec toute la force de nos convictions, transmettons-leur ce que nous avons au fond du cœur : l'amour d'une France qui se confond avec la liberté.
Pourquoi je soutiens Philippe de Villiers
Par le professeur Lucien Israël
Mesdames, Messieurs, je vous dois un aveu : j'ai d'abord été surpris lorsque Philippe de Villiers m'a téléphoné pour me demander de présider son comité de soutien.
Puis j'ai aussitôt accepté. J'ai accepté parce qu'il est, à mon avis, l'homme le mieux à même de répondre aux enjeux de la France d'aujourd'hui.
Une Nation, c'est une communauté de langues, d'histoire, de drapeaux, de projets.
Et depuis que l'Histoire laisse des traces écrites, les hommes, même sans le savoir, sont capables de mourir pour cette idée de Nation.
Cette pulsion, souvent non raisonnée, fait que nous nous sentons le devoir de la défendre si elle est menacée.
Or, actuellement, je crois qu'elle l'est. La situation n'est pas seulement celle d'un dérèglement de notre vie sociale auquel on pourrait remédier par des ordonnances ou par des recettes politiciennes, nous vivons une grave crise d'identité, une déchirure de l'âme et de l'esprit national, l'absence de projets communs.
La fierté existe toujours, mais elle se réfugie dans les stades, quand l'équipe de France fait vibrer les cœurs.
Aujourd'hui, ce sentiment d'unité et de volonté commune qui forge une Nation et qui sublime nos diversités est en train de disparaître.
Quelles sont les menaces qui s'exercent sur l'âme de notre Nation ?
Je vous en cite quelques-unes. D'abord l'immigration.
Pas les immigrés qui veulent s'assimiler. Ceux-là ne menacent pas la France. Bien au contraire.
Ceux qui veulent s'assimiler, prendre leur part du fardeau commun et notre Histoire pour la porter plus haut, ceux-là, il faut leur rendre la main et les aider. Les menaces viennent des immigrés qui refusent l'assimilation et qui entendent vivre en cultivant leur différence. Les nations ne peuvent résister à un pareil éclatement.
Et la menace est encore plus grande quand des intellectuels et des hommes politiques français les soutiennent dans un aveuglement incroyable.
Une autre menace vient de ceux que le général De Gaulle appelait les « bureaucrates apatrides de Bruxelles ». Il n'y a pas de solution aux problèmes actuels que nous connaissons, que chacun rencontre dans sa vie quotidienne, si l'on n'apporte pas ce supplément d'âme nationale qui puisse assurer le retour à un projet commun, l'affirmation de l'identité, le retour des valeurs communes.
Il y a quelques mois, à propos des discussions sur le GATT, un officiel américain disait : « Comme c'est étrange la France ! Elle a une influence qui semble être très au-delà du nombre de ses habitants et de son poids industriel. »
Je vous livre simplement ce commentaire pour que vous y réfléchissez.
Donc, nous ne sommes pas dans le cadre d'une campagne présidentielle normale, où ne s'affronteraient que des recettes d'organisation. Nous sommes dans une campagne qui requiert une volonté indomptable pour maintenir, ou plutôt raviver, les valeurs qui ont fait notre culture et pour les faire partager, afin que le tissu national ne continue pas de se déchirer.
Oui, Philippe de Villiers est l'homme de la situation.
Il ne se bat pas pour le pouvoir, pour le pouvoir personnel, mais pour une mémoire et un projet collectif.
Il se bat sans prudence, et il a raison, car la prudence politicienne ne permettra pas de résoudre les graves problèmes qui sont devant nous.
J'ai beaucoup réfléchi, cher Philippe de Villiers, à la distance entre nous, liée à l'abîme qui sépare nos origines, mais j'ai conclu que ce qui nous rassemble est une unité d'esprit et une unité d'âme.
C'est pourquoi, nous tous, nous nous battrons fraternellement derrière vous. L'une des vraies formes de la fraternité, c'est la fraternité d'armes.
La lettre de Philippe de Villiers
Je vous propose un contrat pour la France
Madame, Mademoiselle, Monsieur,
Je propose aux Français, trois nouveaux pactes. Un nouveau pacte de souveraineté pour que la France ouvre le chemin de la grande Europe. Un nouveau pacte de liberté, c'est-à-dire une révolution fiscale pour libérer l'entreprise, l'école et la famille ; un pacte d'honnêteté, de responsabilité et de sécurité pour faire rayonner les valeurs de l'avenir, et pour rendre à la jeunesse confiance en la société.
Un pacte de morale civique
La corruption n'est pas seulement un mal qui mine l'esprit public, c'est une mauvaise affaire pour les contribuables qui ont à supporter à travers les impôts, les commissions occultes et le gaspillage de marchés surdimensionnés.
Je m'engage à réformer le métier politique afin de rétablir l'indispensable confiance entre les citoyens et les élus.
Pour en finir avec la suspicion, voici les mesures que je vous propose : un audit sur le train de vie des parlementaires, des présidents de collectivités locales et des maires des grandes villes et, la publication des déclarations de patrimoine au début et à la fin de chaque mandat électif : l'interdiction à vie d'exercer un mandat public pour les élus condamnés pour corruption ; l'obligation de rembourser l'argent détourné pour tous ceux qui ont triché.
Pour que les « affaires » aillent à leur terme et pour lutter contre le trafic d'influence et le narcotrafic qui utilise les mêmes réseaux de blanchiment de l'argent sale, je m'engage à rétablir une justice indépendante : en assurant définitivement l'indépendance des juges par rapport au pouvoir politique : en créant des juridictions spécialisées en matière de grande délinquance économique et financière ; en instituant un corps d'officiers de police judiciaire, composé de douaniers, de policiers et de gendarmes, et placé sous l'autorité des magistrats ; enfin, en supprimant tous les privilèges des élus face à la justice.
Un pacte pour libérer l'emploi
Toutes les politiques économiques expérimentées depuis 20 ans ont échoué. Tous les autres candidats vous proposent de les poursuivre ou seulement de les infléchir. Le libre échangisme mondial a fait la preuve de sa nocivité : il détruit nos emplois et exerce une pression à la baisse des salaires.
Je m'engage, pour protéger et créer l'emploi en France, à introduire dans le prochain traité européen, qui sera renégocié en 1996, le droit de veto et la préférence communautaire. Je vous propose de taxer les importations en provenance des pays qui exploitent leur main d'œuvre afin de préserver notre système de protection sociale et d'augmenter le salaire net des moins qualifiés.
Je m'engage à instaurer le salaire familial. Assurer à tous les foyers français à partir du troisième enfant un véritable revenu, c'est à la fois lutter contre l'exclusion et contre le chômage.
Je m'engage à déclarer le chômage des jeunes « grande cause nationale » en développant l'apprentissage avec le « bon de liberté scolaire », en instituant un « capital création » de 70 000 francs pour tous ceux qui souhaitent fonder une entreprise et en offrant des stages « pied à l'étrier » et des « contrats de nouvelle chance ».
Je vous propose une grande révolution fiscale afin de relancer l'esprit d'entreprise.
Je m'engage à supprimer l'impôt sur le revenu et la taxe professionnelle. Ces mesures peuvent être financées au cours du prochain septennat par un plan de réduction de 3 % du train de vie de l'État et des collectivités locales.
Un pacte de sécurité publique
Le démantèlement de nos frontières avec l'application du traité de Schengen est un risque majeur pour notre société.
Je m'engage à rétablir les contrôles aux frontières et à dénoncer le traité de Schengen. Je vous propose des mesures simples et fermes pour lutter contre l'immigration clandestine : autoriser les contrôles d'identité dans les lieux publics, appliquer systématiquement et sans faiblesse les décisions judiciaires de reconduire à la frontière, réformer par un nouveau texte de loi les abus du regroupement familial.
La France n'est jamais si grande que quand elle l'est pour les autres. Le fait de défendre son identité ne doit pas l'empêcher d'être généreuse.
Le problème n'est pas seulement de renvoyer les immigrés, il s'agit d'abord de les aider à rester chez eux dans le cadre d'une politique de coopération.
Je crois qu'une France qui aura retrouvé les voies de la souveraineté, à l'intérieur comme à l'extérieur, redonné toute sa place au travail, signé le contrat social de la probité et de la sécurité publiques que je préconise, résoudra alors ces problèmes sans céder aux excès ni à la démagogie.