Déclarations de Mme Elisabeth Hubert, ministre de la santé publique et de l'assurance maladie, sur le plan pluriannuel de mobilisation nationale contre le Sida, Marseille le 13 octobre 1995, Perpignan le 6 novembre.

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Circonstance : Congrès de Aides, à Marseille le 13 octobre 1995-3èmes rencontres des villes contre le Sida, à Perpignan le 6 novembre 1995

Texte intégral

Discours au congrès de AIDES, à Marseille, le vendredi 13 octobre 1995

Monsieur le Maire,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,

Tous les ministres qui se sont succédés à cette tribune ont salué votre démarche novatrice. Tous ont reconnu votre rôle pionier dans la lutte contre l'infection par le VIH.

Cette reconnaissance de votre action, par les pouvoirs publics et par la classe politique dans son ensemble, est très légitime. Je veux croire qu'elle vous est définitivement acquise.

Mais cela ne peut vous suffire. Et cela ne me suffit pas non plus. Nous sommes réunis ici à Marseille dans la région qui comprend, après l’Île-de-France, le plus grand nombre de cas de sida déclarés.

Aujourd'hui, je viens donc vous parler d'actions et d'actes concrets à entreprendre ensemble.

Ces actes doivent reposer sur une volonté sans faille de faire de la lutte contre le SIDA une véritable priorité.

J'ai fait de la lutte contre le SIDA la première priorité budgétaire de mon ministère.

Les crédits ouverts en Loi de Finances pour 1995 étaient de 292 millions de francs. Dès le collectif budgétaire de juillet dernier, j'ai fait abondé des crédits de 100 millions de plus, soit 392 millions de francs. En 1996, malgré l'ampleur de la crise financière de l'Etat, j'ai obtenu que le montant des crédits pour le sida soit porté à 450 millions de francs.

Pour utiliser au mieux cet argent, et répondre aux besoins réels et connus, j'ai présenté au Premier ministre, un Plan de Mobilisation Nationale. Il est en cours d'arbitrage.

J'ai bien conscience qu'il nous reste beaucoup à faire pour répondre aux attentes, remédier aux dysfonctionnements, améliorer les processus de décision et améliorer la qualité des prises en charges.

Nous pouvons mieux faire en matière de prévention, sous tous ses aspects, de dépistage volontaire, de prise en charge, qu'elle soit sociale, médicale, psychologique, à domicile ou à l'hôpital. Nous pouvons être plus performant en matière de recherche, d'organisation administrative et de partenariat avec les associations, nous pouvons mieux faire.

Une programmation pluriannuelle de mobilisation est nécessaire pour définir des priorités, fixer des objectifs clairs et précis et rationaliser les efforts.

Le plan que je vais soumettre au Premier ministre, sera donc pluriannuel ; il s'articulera avec d'autres actions qui sont, elles aussi, inscrites dans le temps. Je pense ici au programme de travail quinquennal du comité interministériel de lutte contre le sida.

Notre action doit avoir trois objectifs : mobiliser, prévenir et soutenir.

Mobiliser tous les moyens et toutes les énergies tout d'abord.

Cela est nécessaire encore et toujours, car nous devons faire le constat de l'insuffisante mobilisation de nos concitoyens et des structures qui pourraient intervenir dans la lutte contre l'épidémie.

Nous devons également mieux mobiliser tous les partenaires de ce combat contre le sida et les moyens dont ils disposent.

La recherche clinique doit être mieux organisée, articulée de façon plus étroite avec la recherche fondamentale.

Nous devons mobiliser l'industrie pharmaceutique pour un meilleur accès aux nouveaux produits, une meilleure information sur les essais thérapeutiques et les travaux en cours. Je proposerai aux industriels dans les prochaines semaines une déclaration commune sur le respect des règles éthiques en matière de communication scientifique.

Nous devons mieux mobiliser les hôpitaux publics, responsables, par la loi du 18 janvier 1994, de l'organisation sanitaire du milieu carcéral. J'ai confié, en liaison avec le Garde des Sceaux, Monsieur Jacques Toubon, une mission au professeur Gentilini, sur les politiques de prévention et de prise en charge des détenus séropositifs ou malades.

Nous devons mobiliser et renforcer les moyens consacrés à la lutte contre le sida et la toxicomanie en Outre-Mer. Avec mon collègue Ministre de l'Outre-Mer, Jean-Jacques de Peretti, nous avons décidé de prendre les mesures qui sont nécessaires en ce domaine et d'améliorer plus globalement notre dispositif sanitaire.

Surtout nous devons mobiliser les collectivités territoriales, notamment les villes et les départements qui connaissent les réalités du terrain et ont des compétences sanitaires fortes.

Je leur proposerai de mettre en place des contrats d'objectifs et d'accompagner leur implication d'un soutien financier. J'aurai l'occasion, lors du colloque des villes contre le sida, le 6 novembre à Perpignan, de dire aux élus locaux combien nous comptons sur eux et de concrétiser cette proposition de partenariat.

Enfin, nous devons vous permettre, à vous association, de demeurer mobilisés.

Je sais ce que représente plus d'une décennie de mobilisation du mouvement associatif. Je sais quelles sont aujourd'hui vos difficultés. Vous assurez de véritables missions de service public.

J'ai donné instruction pour que les procédures qui vous lient à l'Etat soient revue et simplifiées. L'objectif est de parvenir à la prise de décision de partenariat en début d'année, l'engagement des dépenses pouvant alors se faire avant l'été. C'est possible, il suffit de le vouloir.

La déconcentration effective doit nous y aider. J'ai eu l'occasion de rencontrer tous nos chargés de mission sida dans les DDASS et je leur ai confié cette mission. Je veillerai personnellement à son application et je vous demande de me faire connaître les blocages qui pourraient perdurer.

Prévenir est notre deuxième grand objectif.

Le sida est une maladie évitable à condition de vouloir et de savoir prévenir.

Certes, je connais, tout autant que vous, les difficultés qui surgissent lorsque l'on tente de faire évoluer les comportements : blocages socio-culturels, incertitudes sur la mise en oeuvre réelle des actions, attitudes discriminantes, voire obscurantisme…

La détermination qui est la mienne à assurer mes responsabilités en matière de santé publique, à favoriser la compréhension des messages, à appeler à la responsabilisation permettront de les dépasse.

Je voudrai vous convaincre qu'aucune autre considération que celle-ci n'a de place dans mon ministère.

La campagne que nous avons menée cet été nous a permis de tester le degré d'adhésion de nos concitoyens à une communication plus ciblée, plus précise donc plus efficace. Ni vous, ni moi, ne doutions de cet accueil favorable.

Je puis aujourd'hui vous en confirmer la réalité par quelques chiffres : 93 % des français plébiscitent la signature du ministère sur ces annonces, 86 % souhaitent que nous poursuivions dans cette voie, 80 % ne trouvent aucune annonce choquante.

Je crois, chers amis, que nous avons franchi ensemble une étape importante et que nous pouvons désormais nous engager sur la voie d'une plus grande efficacité de l'ensemble de notre dispositif d'information et de prévention.

Il faut maintenant continuer dans cette voie et relayer ces actions de prévention sur le terrain, en particulier auprès des populations les plus exposées au risque de contamination : homosexuels, toxicomanes, jeunes défavorisés, prostitué(e), migrants…

Pour ce faire, j'entends doter des départements les plus touchés d'une Equipe Mobile d'Information et de Prévention du Sida. Ce dispositif a, comme vous le savez, prouvé son efficacité à Paris ; il sera donc étendu à d'autres départements.

Nous devons tendre vers le degré zéro de contamination et nous en donner tous les moyens. Votre implication au plus près des populations que je viens de citer est essentielle. J'entends vous y aider.

Tous les dispositifs doivent aller dans le même sens : réduire le risque de contamination.

Je pense en premier lieu à l'amélioration de l'accessibilité aux préservatifs. Des efforts importants ont été entrepris. Il faut aller plus loin encore. J'ai demandé à mes services de prendre plusieurs types de mesures :

– soutien à l'installation de distributeurs automatiques

– incitation à la diversification des circuits de distribution

– enfin, accroissement des mises à disposition gratuites pour les populations les plus concernées.

De même, en étroite coopération avec les élus et l'environnement local, il convient de faciliter l'accès aux seringues neuves pour les usagers de drague grâce aux programmes d'échanges, aux distributeurs et aux Kits…

Vous connaissez le succès rencontré par le Stéribox. Il démontre que les toxicomanes peuvent être responsabilisé, si l'on veut bien les considérer comme des citoyens à part entière.

Il nous reste à améliorer, avec nos amis pharmaciens, la mise à disposition de cet outil. Je m'y emploie avec fermeté et je rencontre une bonne volonté certaine.

Soutenir, enfin, est incontestablement l'urgence immédiate en même temps qu'un devoir pour chacun d'entre nous.

La maladie que constitue le sida est hélas parfois, facteur d'exclusion et d'isolement. Cela tient à son origine, à ses modes de contamination, cela tient aussi à ses effets physiques, psychiques et matériels.

L'évolution des traitements des infections opportunistes et l'action des antirétroviraux sur le virus lui-même bouleversent notre vision de la maladie.

La chronicisation du sida ne fait aujourd'hui plus de doute.

Elle implique une intervention socio-médicale plus lourde, mieux articulée et accessible à tous. Elle nécessite également la participation étroite des malades eux-mêmes.

La prise en charge médico-sociale doit être améliorée.

Je veux, qu'en tout point du territoire, tout séropositif ou tout malade du sida puisse bénéficier des meilleurs soins et d'une prise en charge sociale de qualité.

Ceci implique une meilleure formation du personnel soignant, mais aussi le développement d'une politique hospitalière volontariste, en particulier pour les populations démunies et les toxicomanes. La réflexion en cours sur la réforme de l'hôpital actuellement en cours devra y concourir très largement.

L'humanisation des hôpitaux sera l'un des volets de cette politique hospitalière. 172 projets ont été financés en ce but et ont bénéficié souvent de la collaboration des volontaires de AIDES. Il nous faudra également réfléchir aux conditions de nutrition des malades.

Le développement des alternatives à l'hospitalisation permettra aussi de mieux répondre aux besoins des malades. Le partenariat incontournable entre le médecin libéral et l'hôpital que concrétisent les réseaux ville-hôpital, doit être renforcé. Le développement du maintien à domicile doit être notablement accéléré. La parution de la circulaire précisant ces modalités est imminente.

Améliorer la prise en charge des patients, c'est hélas pour certains d'entre eux soulager la douleur. Il s'agit avant tout aujourd'hui de développer de nouvelles pratiques. Vous connaissez les barrières notamment culturelles qui freinent le développement de ces traitements dans notre pays.

Pour ma part, je fais du développement des traitements de la douleur une des priorités dans l'attribution des crédits spécifiques pour l'année prochaine.

Enfin, le renforcement des moyens techniques diagnostics et thérapeutiques reste une de mes préoccupations constantes tant les évolutions sont rapides dans ce domaine.

Je souhaite que soit mieux pris en compte l'intérêt des tests de charge virale pour guider la thérapeutique. Par ailleurs, j'ai décidé de prendre des mesures pour permettre aux médecins prescripteurs qui le jugent médicalement opportun d'intégrer les recommandations faites dans le cadre des essais Delta et ACTG 175.

J'ai demandé au Pr. Dormont de bien vouloir actualiser son rapport traitant de se sujet en relation avec l'Agence du Médicament.

Soutenir et soulager les malades, c'est aussi améliorer leur prise en charge sociale. On ne peut imaginer bien soigner sans un environnement social stable.

Je souhaite que la charte des malades hospitalisés, récemment actualisée, soit remise à tout patient et qu'une réflexion s'engage sur les droits du malade.

Je souhaite que tout malade puisse conserver son logement ou avoir accès à un logement.

Pour cela, j'ai décidé de mettre à l'étude la généralisation sur tout le territoire du Fonds Sida Solidarité Logement et de sensibiliser fortement l'ensemble des partenaires du dispositif de droit commun.

Enfin, vous le savez, le nombre d'appartements thérapeutiques a été sensiblement augmenté et le sera encore.

S'agissant de l'accès des malades aux assurances, notre pays avait, grâce à votre pugnacité, pris de l'avance dans ce domaine délicat de l'assurabilité des séropositifs. Ces acquis doivent être défendus.

J'ai dû saisir il y a quelques jours le Conseil National du Sida d'une déclaration sur l'honneur exigée par une grande compagnie d'assurance pour une complémentaire maladie.

Face aux risques d'une dégradation de la situation, j'ai demandé à Monsieur Jean-Paul Jean de bien vouloir constituer un groupe de travail sur ce thème. Il me proposera les réformes qui s'imposent.

Enfin, je voudrai dire un mot du dépistage.

Notre pays, j'en suis convaincue, a dépassé le stade du débat stérile sur le caractère obligatoire, systématique, général du dépistage.

Pour moi, les choses sont simples, et je reprendrai ici ma formule du Président de la République : « il vaut mieux convaincre que contraindre ».

Nous devons cependant veiller à ce que la qualité de ce dépistage et des conditions dans lesquelles il est effectué soient maintenues. En outre, il nous faut veiller à ce que les populations les plus exposées soient incitées, dès l'annonce d'un résultat positif, à une prise en charge aussi précoce que possible.

L'amélioration de la prise en charge médico-sociale des malades du sida est, vous le voyez, ma préoccupation essentielle.

Enfin pour terminer, et parce que vous avez placé vos 8e assises nationales sous le thème « bassin méditerranéen et sida », je voudrais saluer avec vous nos amis étrangers qui participent à ce combat commun contre le VIH et qui luttent aussi parfois pour ra reconnaissance de leurs droits les plus élémentaires.

La lutte contre le sida doit nous permettre de resserrer des liens internationaux et de rejeter les égoïsmes.

Mobiliser, prévenir et soutenir : trois mots derrière lesquels vous trouverez une volonté, ma volonté de tout faire pour que la lutte contre le sida serve d'exemple à l'ensemble de notre système de soins et de prise en charge.

Le défi n'est pas mince mais je voudrais vous persuader que vous pouvez compter sur moi pour le relaver.

Merci.


Discours prononcé lors des 3e Rencontres des Villes contre le Sida à Perpignan, lundi 6 novembre 1995

Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Maire de Perpignan,
Messieurs les Professeurs,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mes chers Amis,

Pour la première fois, je crois, un ministre participe à une rencontre organisée par des élus locaux sur le sida.

Les deux premières rencontres de Rueil et de Toulouse n'avaient bénéficié ni du soutien ni de la présence du Ministre de la santé ou de son ministère.

Si j'ai tenu à ce qu'il en soit autrement, cette année, c'est que je fais de la mobilisation des collectivités territoriales, et plus particulièrement des villes, un axe primordial de la lutte contre le sida, un gage absolu d'efficacité contre cette maladie.

L'heure est à l'action concrète, à l'action de terrain, à l'action quotidienne contre le sida. Les villes sont les collectivités territoriales de proximité, celles du terrain. Il est donc logique et pleinement justifié que je m'appuie en premier lieu sur les villes pour notre mobilisation contre le sida.

C'est pourquoi je suis particulièrement heureuse de participer à cette rencontre inédite à Perpignan, aux côtés de Jean-Paul Alduy car il a su mobiliser son équipe municipale et sa ville sur des thèmes de Santé Publique qui me paraissent primordiaux.

Le sida constitue pour nos sociétés développées un choc important auquel il faut répondre par tous les moyens disponibles.

Dès le début de l'épidémie, les associations ont su apporter des réponses novatrices aux problèmes rencontrés par les personnes atteintes et instaurer une prévention sans doute utile mais encore insuffisant.

Depuis plusieurs années les pouvoirs publics, c'est-à-dire l'Etat mais aussi certaines villes, prennent le relais et mettent en place des dispositifs lourds pour endiguer l'épidémie, prendre en charge les malades et assurer la nécessaire solidarité de la population.

Lors de sa déclaration de politique générale devant le parlement le 23 mai dernier, le Premier ministre a annoncé la préparation de deux Plans de Mobilisation Nationale, l'un contre la toxicomanie, l'autre contre le sida. Ils ne sont pas, d'ailleurs, sans liens entre eux.

Le Plan de mobilisation contre la toxicomanie a été adopté en Comité Interministériel le 14 septembre dernier.

Sans dévoiler les grandes lignes du Plan de Mobilisation Nationale sur le sida que j'ai soumis au Premier ministre, j'insisterai ici sur les moyens que nous avons de faire reculer, ensemble, cette maladie.

Ce plan, sera triennal (1996-1998) et s'inscrira dans la continuité de l'action menée depuis le début de l'épidémie. Il traduira surtout un renforcement et une meilleure mise en cohérence des moyens.

Continuité dans les objectifs : Il s'agit de mettre en oeuvre une prévention efficace de l'infection par le VIH et d'assurer la prise en charge des personnes séropositives ou malades tout en favorisant un climat de solidarité.

Progression dans les moyens : une très forte augmentation des crédits de l'Etat nous permettra de disposer en 1996 de 450 millions de francs, contre 292 millions de francs en 1995. Ce choix budgétaire montre bien la priorité absolue que le gouvernement donne à la lutte contre le sida.

Meilleure mise en cohérence des moyens : Je veux renforcer la coordination des actions des moyens à tous les niveaux – au niveau interministériel, au niveau central – local et surtout, c'est véritablement ma priorité, donner aux acteurs de terrain les moyens d'être plus efficaces.

Les solutions qui nous permettront d'être véritablement efficaces en tous points de notre territoire ne peuvent toutes être conçues et mises en oeuvre à Paris, de façon centralisée et unilatérale.

L'efficacité commande, en même temps qu'une déconcentration des moyens – il faut en particulier renforcer les moyens dont disposent les directions départementales des affaires sanitaires et sociales – de relayer ceux-ci par ceux des collectivités locales dans un partenariat responsable.

Je vous lance donc solennellement un appel à participer, en partenariat avec mon ministère, à cet effort supplémentaire de toute la communauté internationale.

Une action associant véritablement les acteurs de terrain reposant sur un partenariat clair : telle est la voie que nous devons emprunter et que je propose à travers ce plan de mobilisation.

Le Plan de mobilisation nationale contre le sida tend à répondre à trois objectifs : MOBILISER, SOUTENIR et PREVENIR.

Sans vous présenter ici le détail des mesures soumises au Premier Ministre, vous me permettrez d'aborder successivement chacun de ces trois axes en insistant sur les aspects qui concernent plus particulièrement les élus de circonscriptions urbaines que vous êtes.

Mobiliser :

C'est précisément l'objectif que je poursuis en étant ici parmi vous aujourd'hui.

Nous devons faire le constat de l'insuffisante mobilisation de nos concitoyens et des différents acteurs qui pourraient intervenir dans la lutte contre l'épidémie.

Nous devons mobiliser l'opinion publique afin qu'elle reste vigilante et consciente des risques de contamination et afin qu'elle continue de témoigner sa solidarité envers les personnes atteintes.

Nous devons également mieux mobiliser tous les partenaires de ce combat contre le sida.

Parmi ceux-ci, figurent les collectivités locales.

C'est nécessairement à l'échelon de la commune voire du département, à ces échelons de responsabilité proches des citoyens que les messages peuvent être le plus efficacement délivrés, que doivent être prises les initiatives, que les acteurs, notamment associatifs seront le plus rapidement et utilement mobilisés.

La commune et le département peuvent et doivent se battre, avec nous, sur le front de l'épidémie.

Pour les y aider, dès 1996, la déconcentration des services de mon ministère sera effective en matière de lutte contre le sida.

La circulaire que j'ai signée il y a quelques semaines donnera aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales dans vos départements une autonomie de décision et de gestion des actions accrue.

Elle donnera aussi aux chargés de mission « sida », placés auprès du directeur de la DDASS dans les départements les plus touchés par l'épidémie, les moyens d'assurer pleinement leur rôle de coordination et de collaboration avec vous.

Au-delà, j'ai l'intention de proposer aux villes qui le souhaiteront de négocier et de signer des contrats d'objectifs dans les domaines que nous allons évoquer plus loin, à savoir la prévention et la prise en charge.

Je compte sur vous pour relever cette proposition de parteriat, illustration d'une forme nouvelle et prometteuse de mobilisation des responsables publics.

Une mobilisation accrue est essentielle si nous voulons mieux prévenir et mieux soutenir.

Prévenir :

Nous devons tendre vers le degré zéro de contamination et pour cela nous en donner tous les moyens.

L'Etat amplifiera ses campagnes de communication grand-public, les associations disposeront de moyens accrus pour mettre en place des actions de terrain.

Mais c'est sur vous que reposera une part importante du dispositif de prévention.

Je pense en particulier aux jeunes et aux populations les plus exposés. C'est par votre action que nous ferons en sorte qu'il n'y ait plus d'exclus de la prévention.

Nous devons prioritairement aller au-devant des personnes les plus exposées (homosexuels, toxicomanes et prostituées) mais aussi les moins bien informées (jeunes en errance, personnes handicapées sensorielles ou encore gens du voyage, touriste…).

Pourquoi ne pas mettre en place dans les grandes villes et dans les départements, à l'instar de ce qu'a fait la ville de Paris depuis 1990, avec ses Equipes Mobiles d'Information et de Prévention du Sida, des équipes composées de personnels de disciplines différentes et complémentaires ayant toutes une expérience de terrain de la lutte contre le sida et oeuvrant à la réalisation d'un objectif unique de prévention ?

Il convient également que nous travaillons ensemble à la réduction des risques infectieux auprès des toxicomanes. Des dispositifs utiles existent (récupérateurs de seringues distributeurs de jetons, automateurs échangeurs de seringues). La vente du stéribox qui se vend chaque mois en pharmacie à plus de 150 000 exemplaires, permet, nous le savons, de réduire les risques de contamination.

Je connais les difficultés qui peuvent naître de la mise en place de tels moyens de prévention. Là encore, les solutions sont locales et seul le dialogue peut permettre de les surmonter.

Soutenir constitue le troisième objectif fort de notre plan de mobilisation.

Ma responsabilité est de tout faire pour que les malades soient bien soignés. C'est une exigence dans le traitement de toutes les pathologies ; elle revêt un caractère singulier lorsque les malades sont majoritairement des jeunes gens et que les moyens thérapeutiques évoluent constamment.

Dans ce domaine, les moyens que mon Ministère consacre à la lutte contre le sida sont importants. J'ai récemment décidé de donner aux médecins prescripteurs, la possibilité d'appliquer les résultats récents des études rendues publiques en préconisant de traiter les malades avec plusieurs antiviraux. J'ai demandé au Pr. Dormont de bien vouloir actualiser, en relation étroite avec l'Agence du Médicament, le rapport qu'il avait rédigé en1993 sur ce sujet.

Soutenir et soulager les malades, c'est aussi améliorer leur prise en charge sociale.

Comment imaginer prévenir la Pneumocystose à Carinii chez une personne sans domicile fixe ?

Comment mettre en place un Hospitalisation à domicile chez un malade habitant un studio en ville au 6e étage sans ascenseur ?

Dans tous ces domaines, les acteurs locaux peuvent et doivent apporter des solutions concrètes.

L'intervention socio-médicale auprès du malade doit sans aucun doute être plus lourde, mieux articulée avec les dispositifs sociaux existants, et en particulier avec les centres communaux et intercommunaux d'action sociale.

Sans nul doute, nous devons ensemble favoriser le logement des personnes malades et contribuer à faire en sorte que tout malade du sida ait accès à un logement ou à un mode d'hébergement approprié.

Sans toit, il n'y a ni identité sociale ni bien sur possibilité de prise en charge technique à domicile.

Particulièrement vigilant sur ce point, le gouvernement a décidé de prendre des mesures importantes pour le logement des plus démunis. Elles s'appliqueront d'ailleurs au-delà de la seule période d'hiver.

Surtout, il faut tout faire pour que les personnes atteintes qui disposent d'un logement pussent le conserver. Ainsi, nous éviterons d'accroître les difficultés déjà considérables que traversent les personnes atteintes du VIH.

Bien entendu, c'est (...) que ce travail de soutien est indispensable et efficace.

J'ai demandé à mes services de mettre à l'étude l'extension d'un dispositif d'aide directe au maintien dans les lieux pour les personnes atteintes en difficultés, aides permettant de régler des retards de loyer, des factures d'électricité ou de téléphone, des petits travaux d'aménagements…

Ce dispositif existe en Île-de-France, où un Fonds Sida Solidarité Logement est géré par quatre associations nationales de lutte contre le sida et essentiellement alimenté par des fonds privés.

Il me semble que certaines villes ou certains départements pourraient s'en inspirer.

Dans le même ordre d'idée, nous devons contribuer à promouvoir le maintien à domicile en nous assurant que tout malade puisse disposer des services nécessaires (aide-ménagère, auxiliaires de vie, garde-malades, suivi diététique, soutien juridique, …).

Les réponses aux besoins nouveaux que le sida a fait naître sont souvent innovantes, comme c'est le cas pour les réseaux ville/hôpital dont on perçoit bien qu'ils induisent une modification profonde de certaines habitudes et pratiques professionnelles. Ces formules doivent être encouragées. La réforme de l'hôpital en cours devra y contribuer.

Précisément, je n'oublie pas que vous êtes parfois, en tant que Maire, Président du Conseil d'Administration de l'Hôpital.

Les hôpitaux doivent continuer à s'adapter à cette nouvelle pathologie, grâce aux moyens importants qui ont été mis à leur disposition.

J'ai tenu, malgré un taux directeur hospitalier très serré, à renforcer les moyens hospitaliers de lutte contre le sida. 200 millions de francs environ seront consacrés au renforcement des moyens hospitaliers d traitement du sida. Ce renforcement est indispensable pour la mise en place de nouveaux protocoles thérapeutiques à plusieurs antiviraux.

Ces décisions témoignent une fois de plus du lien indissoluble entre santé publique et assurance maladie, ce lien que le Président de la République et le Premier ministre ont consacré en créant ce Ministère dont ils m'ont confié la charge.

Pour terminer, j'aimerais sortir de nos frontières un instant.

Comment imaginer nous mobiliser efficacement sur le territoire national, sans nous intéresser à ce qui se passe à quelques heures d'avion de chez nous ?

Je sais que de nombreuses collectivités locales conduisent des actions de solidarité internationale et je tiens ici à saluer cet engagement. Chacun de nous, chacune des collectivités qui nous unissent, peut contribuer à diminuer les souffrances des peuples qui ne bénéficient ni de nos avancées scientifiques, ni de la maîtrise de leur devenir.

Voici, mes chers amis, le message de mobilisation que je suis venu vous transmettre ici durant ces troisièmes rencontres des villes contre le sida.

Je ne doute pas que vos travaux seront à la hauteur des enjeux qui sont ceux de la lutte contre cette épidémie. Je mets beaucoup d'espoir pour que l'action que je mène, et dont je fais une priorité pour le Ministère, soit soutenue et amplifiée.

Je vous remercie.