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Q - Les lycéens restent mobilisés, deux organisations appelant à une nouvelle journée d'action le 5 novembre. Votre plan est-il insuffisant ?
Claude Allègre. – Peut-être me suis-je mal exprimé. Les lycéens n'ont pas compris qu'il y aurait beaucoup de nouveaux enseignants en face des élèves. Cependant, je ne peux pas les fabriquer. Je les prends là où ils sont, c'est-à-dire sur les listes complémentaires, parmi les admissibles aux concours de l'Éducation nationale. Dès la rentrée, après la Toussaint, les professeurs seront en place. Voilà des mesures concrètes.
Q - Mais n'auriez-vous pas accordé plus de moyens si la dernière manifestation, le 20 octobre, avait été plus importante ?
– Non. Je ne construis pas ma réforme en fonction des manifestations. J'ai conçu mon plan d'urgence en fonction des besoins. Ainsi, les 14 000 surveillants supplémentaires vont être affectés rapidement. En moyenne, cela représente 5 adultes par établissement, mais tous n'ont pas les mêmes besoins. Dans certains lycées difficiles, il y aura donc 15 à 20 nouveaux surveillants. Naturellement, cela va me coûter de l'argent. De même, pour les locaux, je rappelle que seules les régions sont compétentes, l'État n'a pas le droit d'intervenir directement. Grâce à l'emprunt de quatre milliards, l'État aide les régions à accélérer les rénovations. Rien qu'en Île-de-France le conseil régional va rénover une vingtaine de lycées au lieu des treize initialement prévus.
Q - Alors, pourquoi votre message n'est-il pas passé ?
– Il est parfois difficile de discuter avec les lycéens. Ils nous parlent de leurs problèmes de tous les jours, de classes surchargées, de locaux vétustes… Et on leur répond gestion globale, impératifs budgétaires, on utilise des sigles qu'ils ne peuvent pas comprendre. D'où nos problèmes de communication. Je ne les incrimine pas car à leur âge, j'étais pareil.
Les jeunes sont impatients dans une société où l'on veut tout, tout de suite. Tous les quatre ans, il y a une poussée de fièvre lycéenne. Mes petits-enfants ne croiraient jamais que j'ai été ministre de l'Éducation si je n'avais pas été confronté à l'une d'elles.
Q - Les effectifs surabondants, ce n'est quand même pas un problème de communication ?
– J'ai fait toute ma scolarité à 45 élèves par classe. Il ne faut pas s'enfermer dans des chiffres mythiques. Et à l'université, il y a 400 élèves dans un amphi. Mais c'est vrai que certains cours doivent être effectivement faits en effectifs réduits, en classe dédoublée. C'est le cas des langues, avec notamment la création de 1 000 assistants supplémentaires pour aider les professeurs. Je rappelle que la moyenne est actuellement de 29 par classe.
Q - Comment comptez-vous alléger les programmes dès cette rentrée ?
– Cette question est étudiée en concertation avec les associations de professeurs du second degré. C'est une conséquence du colloque Meirieu. Le principe est simple. Il y a des matières, comme le français ou la philosophie, où le contenu des savoirs ne bouge pas. En revanche, dans des matières telles que la biologie, la physique et la chimie, et même les maths, on ne cesse de faire des découvertes. Du coup, les programmes augmentaient au même rythme. Un élève de terminale scientifique qui connaîtrait par cœur son manuel génétique en saurait presque autant qu'un médecin ! Il faut donc réduire ces programmes, nous voulions un enseignement des sciences qui fasse plus appel à l'intelligence qu'à la mémoire. En histoire et en géographie, comme en français et en philo, les enseignants ne seront plus tenus de respecter à la lettre les programmes. Certaines modifications sont applicables dès la rentrée de la Toussaint et d'autres interviendront l'année prochaine.
Q - Les profs aussi ont exprimé leur mécontentement. Que leur répondez-vous ?
– Je n'oublie pas les enseignants ceux qui sont dans leur classe exercent un métier à la fois très difficile et passionnant. Nous allons nous pencher sur leurs conditions de travail et de vie. Je vais ainsi organiser une consultation des professeurs, comme je l'ai fait l'an dernier avec les lycéens. Cela prendra la forme d'une grande table ronde nationale, pilotée par le recteur de l'académie de Lyon, Daniel Bancel. Les profs ont, par exemple des problèmes de logement lorsqu'ils doivent aller enseigner loin de chez eux.
Il leur faut aussi des lieux à eux au sein des lycées pour recevoir les parents d'élèves. Ils veulent avoir des ordinateurs chez eux, être branchés sur le Web, etc. Il y a aussi des problèmes matériels, mais là je serai sélectif. Je me soucie davantage de la situation matérielle du professeur débutant que de celle de l'agrégé qui enseigne en classe préparatoire.
Q - Comment améliorer la qualité de l'enseignement là où c'est la plus difficile ?
– Nous allons réfléchir à l'aménagement du temps de travail des profs. Ceux qui le veulent pourront ainsi assurer deux ou trois heures par semaine d'aide aux élèves en difficulté, par petits groupes, plus efficaces pour progresser en rédaction, par exemple. En contrepartie, ils pourront effectuer seulement quinze ou seize heures de cours, au lieu des dix-huit hebdomadaires prévues. Tout cela sera négociable.