Tribune de M. Alain Madelin, président de Démocratie libérale, dans "le Figaro" le 26 novembre 1998, intitulée : "Pinochet : une nouvelle ère du droit", en faveur de la création effective de la Cour pénale internationale.

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La décision rendue par les cinq magistrats de la Chambre des lords britannique, considérant que le général Augusto Pinochet ne bénéficiait pas de l'immunité, ouvre une nouvelle ère du droit. C'est la victoire des droits de l'homme sur le droit des États. Elle va permettre à toutes les victimes d'engager des poursuites contre les responsables et les complices de tous les actes de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité restés aujourd'hui impunis.

Cette décision s'inscrit dans un mouvement général qui voit la conscience universelle placer aujourd'hui le droit au-dessus des États et de leur souveraineté.

C'est dans le même sens que, le 17 juillet 1998, à Rome, cent vingt pays ont décidé ensemble de la création d'une Cour criminelle internationale permanente. Elle jugera les crimes de guerre, les actes de génocide, les crimes contre l'humanité.

Il s'agit là d'une formidable avancée dans l'histoire des droits de l'homme, quelles que soient les imperfections de cette future Cour pénale, tant dans ses conséquences que dans ses modalités.

Ainsi les atrocités où qu'elles soient commises, n'échapperont pas au châtiment. La loi du plus fort ne pourra plus les effacer, ni la raison d'État les couvrir, ni l'impunité en estomper le souvenir. Il n'y aura ni abris, ni repos pour leurs auteurs. Les tortionnaires vivront sous la menace d'une condamnation, les victimes dans l'espoir d'une réparation.

Le monde de nos enfants sera plus juste que le nôtre… si toutefois cette Cour criminelle internationale entre en vigueur. Pour cela, le traité de Rome doit être ratifié par soixante États au moins. Cela peut prendre du temps. Beaucoup du temps.

Or il n'y a pas de temps à perdre. Le temps perdu, c'est du temps donné à de nouveaux criminels, pour de nouveaux génocides, de nouveaux crimes de guerre, de nouveaux crimes contre l'humanité.

Nous devons faire de l'an 2000 l'année de la création effective de la Cour criminelle internationale, afin que nous puissions entrer dans le XXIe siècle avec les moyens efficaces de punir les criminels ; pour que plus jamais les barbaries qui ont ensanglanté le XXe siècle, d'Auschwitz aux goulags, du Cambodge au Rwanda, des stades de Santiago à Tienanmen, des camps de la mort de Pol Pot à la Bosnie et au Kosovo, ne puissent être perpétrés en toute impunité.

C'est pourquoi j'ai déposé, le 10 novembre, à l'Assemblée nationale, une proposition de loi autorisant la ratification du traité de Rome.

Je souhaite que la France s'engage fortement et donne l'exemple.