Texte intégral
Discours devant le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, mardi 19 septembre 1995
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
Je commencerai mon propos en vous disant d’emblée l’importance que j’attache à notre rencontre d’aujourd’hui.
Ma participation à la première réunion de votre Conseil après la période d’été n’est pas seulement un geste de courtoisie à l’égard de l’instance de représentation des personnels dont le ministère que je dirige assure la tutelle.
J’ai tenu à vous rencontrer pour plusieurs raisons qui me tiennent à cœur.
Tout d’abord, parce que le dialogue social, sa régularité, la qualité de son organisation et de son contenu sont pour moi essentiels.
J’ai eu l’occasion de le dire à chacun d’entre vous lors de nos entretiens au cours des quatre derniers mois.
Je le redis aujourd’hui devant votre Conseil car je considère que le bon fonctionnement des organes consultatifs prévus tant par le statut de la fonction publique, que par le code de la santé publique, ou celui du travail, est primordial. C’est un gage de démocratie. C’est aussi la garantie pour les personnels et les établissements que leurs attentes et leurs points de vue peuvent s’exprimer et être entendus avant toute décision de portée générale.
C’est enfin un droit fondamental qu’un État républicain comme le nôtre, doit donner à ses fonctionnaires.
Ma présence aujourd’hui témoigne aussi de ma volonté de privilégier clairement la concertation avec les organisations représentatives telles que les vôtres.
C’est pourquoi je tiens à recentrer le dialogue social sur les organes institutionnels de représentation : – conseil supérieur des hôpitaux, conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, conseil supérieur des professions paramédicales – et à faire savoir aux professionnels que c’est la voie normale de la concertation avec les pouvoirs publics.
C’est dans cet esprit que j’ai demandé à mes services de mettre effectivement en place, comme vous le souhaitez, les commissions spécialisées du Conseil supérieur, dont j’ai appris qu’elles n’avaient jamais été installées. Une telle organisation doit permettre une concertation plus approfondie avant le passage des textes législatifs ou réglementaires devant le conseil dans sa formation plénière. Elle donnera également un cadre plus rigoureux aux discussions engagées sur les différents thèmes qui nous préoccupent mutuellement et qui pourraient, et j’y suis très favorable, déboucher sur des accords au niveau central ou au niveau régional concernant des sujets correctement délimités et dans le respect des dispositions législatives.
Ces considérations, qui n’excluent certes pas le dialogue bilatéral avec chacune de vos organisations, valent aussi au niveau des établissements.
1996 sera une année électorale permettant aux personnels hospitaliers de renouveler leurs représentants dans les Commissions administratives paritaires locales et départementales ainsi que dans les Commissions techniques d’établissement.
Je souhaite qu’à cette occasion il soit porté remède aux dysfonctionnements qui ont pu être constatés pour que ces instances, réunies régulièrement, puissent remplir pleinement leur rôle. Cela suppose quelques ajustements réglementaires et aussi parfois des évolutions de comportements. Celles-ci peuvent être encouragées par des actions de formation des représentants du personnel comme des cadres de direction. C’est un sujet que vous traitez en ce moment avec la direction des hôpitaux ; il me paraît tout à fait essentiel. Il doit d’ailleurs s’étendre à d’autres instances sur lesquelles il convient de prendre davantage appui pour favoriser l’amélioration des relations et des conditions de travail : je pense, tout particulièrement, aux CHSCT sur lesquels j’ai demandé à mes services d’effectuer une étude approfondie.
Enfin, j’ai tenu aussi à être parmi vous pour vous redire mon attachement à l’hôpital public et la considération que j’ai pour les personnels hospitaliers.
J’ai commencé, vous le savez, mon itinéraire professionnel comme médecin généraliste. Cette expérience m’a permis de connaître l’exercice libéral des professions de santé.
Mais c’est à l’hôpital public que je dois, pour une grande part, ma formation. Au cours de celle-ci, j’ai noué de nombreux liens avec les professionnels hospitaliers. Par la suite, j’ai participé au conseil d’administration de plusieurs établissements.
Cette double expérience me conduit à mesurer l’importance du développement des relations de coopération entre les différents acteurs de santé. C’est un des thèmes majeurs de la réforme hospitalière qui est engagée. Mais, je suis convaincue que ce décloisonnement dont on parle tant, n’est possible que si la mission de chacun des acteurs et ses caractéristiques propres, sont bien reconnues. À ce titre, je suis profondément attachée aux principes qui fondent le service public hospitalier.
Je voudrais maintenant aborder quelques thèmes qui me paraissent prioritaires pour les prochains mois, s’agissant des personnels hospitaliers.
J’évoquerai tout d’abord l’emploi, c’est la première des priorités pour le Gouvernement et certainement la première de vos préoccupations.
Bien entendu, s’agissant de l’emploi public, les enjeux apparaissent contradictoires car d’une part, il s’agit bien d’emploi, mais d’autre part, son financement collectif pose sur la compétitivité de l’économie et donc sur l’emploi.
Je tiens à vous dire clairement ici que malgré la difficile question de l’équilibre des comptes sociaux, je m’attache à ce que le taux d’évolution des budgets hospitaliers qui sera prochainement arrêté puisse permettre le maintien global de l’emploi.
Cependant, je le dis aussi clairement, car je suis attaché à la franchise de notre dialogue, le taux directeur sera volontariste et cet objectif ne peut être atteint à mon sens dans de bonnes conditions que si nous menons une réflexion d’ensemble sur l’adéquation des emplois et des compétences aux besoins et sur les rééquilibrages nécessaires.
Rééquilibrages au sein des établissements, entre les établissements, entre les départements, entre les régions. Rééquilibrages aussi parfois entre les professions et les niveaux de qualification.
Un tel effort n’est pas facile. J’en ai bien conscience.
Il est pourtant indispensable car je suis convaincue, je l’ai moi-même constaté, qu’il y a des établissements ou des services qui manquent réellement et cruellement de personnel. Je sais aussi, qu’il y en a d’autres pour lesquels la situation est plus favorable.
Quelques chiffres illustrent d’ailleurs ces disparités.
Ainsi, pour des établissements de dimension moyenne comparables, on pour observer des écarts dans les niveaux d’encadrement rapportés aux entrées de près de 25 %. De même, on constate des ratios infirmiers – aides-soignants qui varient de plus du simple au triple.
Certes, ces données méritent d’être analysées de manière plus approfondie. Mais de tels écarts ne me surprennent pas car les activités évoluent, les besoins de la population et les modes de prise en charge des malades changent, les techniques se transforment. De ce fait, les charges d’activité se déplacent et appellent aussi le renforcement de telle catégorie de personnel plutôt que de telle autre.
Or, l’adaptation de nos moyens ne se fait que plus lentement. De ce point de vue d’ailleurs, il est incontestable que le budget global a freiné les adaptations et accentué les inégalités.
Alors, bien sûr, il serait plus facile de répondre aux difficultés en se contentant d’augmenter les budgets. Mais ceci n’est pas possible. Notre pays est l’un de ceux qui dépense le plus pour la santé sans pour autant avoir les meilleurs résultats. Nous sommes donc tenus de chercher à améliorer nos performances, de chercher comment dépenser, non pas moins, mais mieux.
Cette difficulté, j’estime toutefois qu’elle n’est pas insurmontable et qu’il est possible sinon facile de mener les adaptations nécessaires avec l’adhésion d’une grande partie de ceux qui sont concernés à condition de respecter quelques règles.
Tout d’abord, je suis persuadée qu’il faut, ici comme ailleurs, jouer la transparence.
Or, l’absence d’une réelle discussion sur ce point apparaît à travers tous les diagnostics posés sur le fonctionnement de l’hôpital.
Pourtant, les professionnels eux-mêmes ont mis au point au cours des dernières années de nombreux outils pour mieux connaître les charges de travail et effectuer des comparaisons dans de bonnes conditions. Ces méthodes n’ont été que peu utilisées et il n’y a pas eu de dynamique en ce domaine. C’est pourquoi j’ai demandé à la direction des hôpitaux de faire la synthèse de ces travaux et de me proposer les actions qui pourraient être initiées en ce domaine.
En second lieu, il faut éviter toute précipitation. Une démarche clairement annoncée et pluriannuelle est un gage de succès.
Elle permet aussi de tenir compte des attentes ou des contraintes individuelles des professionnels et d’effectuer les adaptations en s’appuyant avant tout sur les mouvements naturels et les souhaits de chacun.
Enfin, il me paraît nécessaire d’accompagner cette recherche de l’efficacité par la mise au point de mécanismes permettant d’aider ceux qui concourent à cet effort, et de donner à chacun les garanties nécessaires.
Sur ces deux derniers points également, je demande à la direction des hôpitaux de faire des propositions qui seront soumises à une concertation approfondie dans le cadre de ce conseil. Je souhaite en outre que les représentants des médecins soient associés à cette réflexion car ici, comme pour l’amélioration des conditions de travail, leur plus grande implication est nécessaire, comme vous l’avez d’ailleurs exprimé vous-mêmes.
À ce thème fondamental de l’adaptation de l’emploi hospitalier s’ajoute aussi le problème difficile, mais que je ne chercherai pas pour autant à esquiver, des emplois précaires.
Il convient ici, tout d’abord, de poursuivre la démarche d’amélioration des conditions de recrutement menée par la direction des hôpitaux en étroite association avec vos organisations. C’est en effet un moyen de limiter le recours aux contrats à durée déterminée.
Mais, vous l’avez maintes fois souligné, les hôpitaux sont aussi confrontés aux problèmes posés par le recours aux contrats emploi solidarité. Il est normal que les établissements participent de cette manière à la lutte contre l’exclusion.
Si les bénéficiaires de ces contrats se font apprécier, c’est le signe que l’opération est réussie. Mais nous devons alors examiner comment faciliter leur insertion professionnelle et sociale alors même que l’évolution des techniques conduit à des exigences de qualification toujours plus grandes.
Malgré cette contradiction, je suis persuadée qu’il est possible d’agir et j’ai demandé un examen attentif des propositions que vous avez d’ores et déjà formulées, notamment en termes d’aide à la formation.
J’en viens ainsi au deuxième thème général que je souhaitais aborder aujourd’hui devant vous : celui de la situation des personnels eux-mêmes.
Malgré un contexte économique qui nous oblige à des mesures de rigueur difficile, je souhaite que des initiatives puissent être prises pour mieux répondre à leurs aspirations, pour mieux valoriser et mieux responsabiliser les équipes hospitalières.
Il convient, en effet, de leur faire davantage confiance pour concourir à dépasser cette opposition inévitable entre le prix de la santé et le coût des soins.
C’est dans cette perspective que la réforme hospitalière devra favoriser des équipes professionnelles en articulant davantage les financements avec les activités et aussi, j’y insiste, la qualité des prestations délivrées.
C’est également dans cette perspective que je ne serais pas opposée, mais j’attends les propositions du Haut Conseil, à la mise en place de mécanisme d’intéressement collectif de ces équipes, bien que ce terme me paraisse peu approprié car trop attaché aux activités lucratives.
Je suis certaine que cette mise en valeur et cette responsabilisation des équipes hospitalières est un aspect primordial de la politique d’amélioration des conditions de travail, à laquelle l’ensemble de vos organisations médicales sont associées et que j’entends poursuivre.
Je sais en effet combien les attentes des personnels sont fortes en ce domaine. Les charges physiques et surtout psychologiques du travail hospitalier l’expliquent et c’est pourquoi la gestion des relations de travail et l’aménagement du temps de travail – qui peut être source de création d’emplois – me paraissent mériter une attention particulière.
J’attends aussi de l’encadrement hospitalier dont, je le dis à cette occasion, le rôle et la place devront faire l’objet d’une concertation approfondie avec vos organisations, qu’il s’implique pleinement dans cette politique.
Son concours est indispensable pour améliorer la qualité des prestations, favoriser la reconnaissance des missions des diverses catégories professionnelles dans le respect des compétences de chacune d’elle – c’est souvent d’une insuffisance en ce domaine, que naissent les malentendus et les malaises (je pense par exemple aux aides-soignants) – et renforcer la cohérence des actions autour du malade, qui doit être au centre des préoccupations de chacun.
Enfin, il est un autre aspect des attentes des personnels auquel je souhaite qu’il puisse être répondu, c’est celui de l’ouverture plus grande des perspectives professionnelles.
L’hôpital est traditionnellement un lieu de promotion sociale et professionnelle. Je souhaite que cette dynamique, qui donne aujourd’hui quelques signes d’essoufflement pour différentes raisons qui ne sont pas seulement financières, soit relancée. Le développement des formations promotionnelles, l’amélioration des conditions d’accès aux formations diplômantes dans le respect rigoureux de leur niveau, la prise en compte des acquis de la formation continue et de l’expérience, justifient que soient menées une analyse et une réflexion approfondie en concertation avec les professionnels.
C’est pourquoi, j’envisage de constituer une mission d’étude sur ces sujets. Le concours de vos organisations et les avis de votre conseil ainsi que du conseil supérieur des professions paramédicales seront bien entendus sollicités.
L’ensemble des thèmes que j’ai ainsi abordés, sans prétendre à l’exhaustivité, concourt, à mon avis, à cette modernisation de la fonction publique hospitalière, à laquelle nous engage le Premier ministre par sa circulaire du 26 juillet 1995 sur laquelle j’aimerai maintenant vous donner mon sentiment et entendre vos réactions.
J’aborderai ici cette instruction sous le seul angle de la gestion des ressources humaines à l’hôpital.
S’agissant donc de la fonction publique hospitalière, les pistes d’actions dégagées me paraissent devoir être explorées avec détermination, même si les sujets abordés sont sensibles et difficiles.
Le premier point concerné le nombre de corps et le développement de dispositions statutaires communes.
Il me semble, en effet, que le nombre de corps à la fonction publique hospitalière est excessif (environ 70), il est certainement facteur de rigidités.
Toutes les études récentes soulignent le cloisonnement interne à l’hôpital et la faiblesse des échanges entre filières, entre corps et même entre services. Ce phénomène pénalise certainement aussi bien les services que les agents.
Je sais bien qu’il n’est pas facile de développer la polyvalence et la mobilité d’autant que les professions de santé sont réglementées.
Mais au-delà des obstacles juridiques, le problème me paraît aussi lié à la spécificité du travail à l’hôpital qui confronte les personnels à la souffrance et à la mort et les amène à développer des relations interpersonnelles fortes qui les attachent à leur service.
Je souhaite donc que nous regardions ce qui pourrait être fait sur ce sujet mais avec toutes les précautions nécessaires.
Le deuxième point concerné la meilleure prise en compte dans la rémunération et la carrière, des responsabilités exercées et des résultats obtenus par les fonctionnaires.
Cette question est très large et renvoie à des sujets tels que les bonifications indiciaires, l’intéressement ou encore la prise en compte des acquis professionnels. Il concerne aussi les procédures d’évaluation.
Une réflexion de fond est menée sur ce sujet depuis plusieurs années.
Les cadres de direction, vous le savez, se sont engagés dans cette voie. On me dit que cette réforme est largement positive et a contribué notamment à améliorer les relations entre les établissements et la tutelle. Il convient maintenant d’en étudier les conséquences possibles sur le dispositif de notation.
Je connais vos inquiétudes sur ce dossier de l’évaluation naturellement très sensible pour les personnels. Je souhaite donc que la réflexion soit poursuivie et je pense que le développement des sites d’expérimentation pourrait être une bonne approche.
Le troisième point concerne la diversification des déroulements de carrière.
Il rejoint le thème de la mobilité, tant fonctionnelle que géographique que j’ai déjà abordé.
Il est certain que les efforts accomplis par les agents dans le sens d’une mobilité fonctionnelle devraient être mieux pris en compte pour l’accès à des fonctions de responsabilités ou lors de promotions.
Il est certain aussi que nous manquons dans la fonction publique hospitalière de dispositifs permettant d’aider les agents qui souhaitent changer d’établissement. Au contraire, nous observons des freins financiers à ces changements, je pense par exemple aux problèmes posés par le rachat des contrats d’études.
Enfin, j’évoquerai, à propos de la diversification des déroulements de carrière, l’expérimentation en cours de fonctions d’expertise dont je souhaite qu’elle soit poursuivie et évaluée le moment venu au sein de votre conseil.
Le quatrième point concerne la transparence dans l’accès aux emplois publics.
Là également, plusieurs actions engagées ou envisagées avec vos organisations me paraissent dignes d’intérêt. Je pense par exemple au renforcement de l’obligation de publier les postes à la mutation avant d’organiser les concours ; je pense ainsi aux réflexions initiées en vue d’une définition plus qualitative des profits de postes des cadres de direction permettant d’éclairer les avis des commissions de classement. Mais bien d’autres sujets méritent sans doute d’être abordés sur ce chapitre.
Enfin, s’agissant du cinquième point relatif à la prise en compte des évolutions technologiques sur l’organisation du travail et le fonctionnement des services, je pense que nous avons un chantier particulièrement intéressant ou nous devons être exemplaires, car l’évolution rapide des techniques médicales et des modes de prise en charge des malades nous oblige à rechercher constamment l’adaptation de nos modes d’organisation.
La politique d’amélioration des conditions de travail engagée depuis ces dernières années va dans ce sens mais nous pouvons sans doute aller au-delà et je serais intéressée par vos réflexions à ce sujet.
Le champ des investigations que je viens de vous proposer est très large mais je ne doute pas cependant que vous l’enrichissiez encore d’autres propositions.
Il conviendra ensuite de s’entendre sur les priorités pour établir un calendrier de travail réaliste même si je ne doute pas que votre Président – que je remercie de son dévouement – soit prêt à vous réunir aussi souvent que de besoin !
Je ne pourrais pas assister personnellement à vos réunions de façon régulière, mais soyez assurés que je veillerai à garder le contact avec votre conseil et que je serais attentive à la progression de vos travaux dont Madame le directeur des hôpitaux ne manquera pas de me rendre compte.
Je vous remercie de votre attention et vous invite maintenant à vous exprimer sur l’ensemble de ces questions et notamment sur les orientations concernant la modernisation de la fonction publique hospitalière que je viens d’évoquer et qui constituent, je crois, le premier point de votre ordre du jour.
Discours à l‘occasion du 66e Congrès de l’Union hospitalière du Nord-Ouest, Nantes 21 septembre 1995
Monsieur le préfet de région,
Monsieur le maire,
Madame la présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je me retrouve avec plaisir parmi vous aujourd’hui à l’occasion de votre 66e Congrès de l’Union hospitalière du Nord-Ouest.
J’ai tenu en effet à être présente parmi vous ce jour, car je sais le prix que vous attachez à un dialogue ouvert et régulier avec les pouvoirs publics, je connais la qualité des travaux que vous conduisez et qui constituent pour chacun d’entre nous autant de références précieuses,
Je tenais également à cette occasion à vous redire mon attachement à l’hôpital public et la considération que j’ai pour les professionnels hospitaliers.
Vous trouverez en moi un interlocuteur attentif et soucieux d’apporter des réponses concrètes à vos interrogations.
Nul n’ignore les changements profonds que l’hôpital a su promouvoir au cours des dernières années : les progrès de la connaissance scientifique et des techniques médicales, le souci de bien gérer des ressources qui ne sont pas illimitées, le désir de respecter l’identité et la dignité des patients, de répondre mieux aux exigences plus grandes de la population dans le domaine de la qualité et de la sécurité des coins.
Sa détermination à être chaque jour plus performant est pour moi un gage de ses capacités à promouvoir le changement.
L’hôpital occupe en effet une place essentielle au sein de notre système sanitaire qui lui confère à ce titre des responsabilités particulières.
C’est bien parce que nos objectifs sont en premier lieu de préserver une institution qui a fait la preuve de son efficacité et de son utilité sociale pour répondre aux missions de soins d’enseignement, et de recherche qui son, les siennes, que le Gouvernement entend promouvoir une réforme en profondeur de l’hôpital.
Il ne s’agit pas de réformer à tout prix ni comme j’ai pu l’entendre de fragiliser l’hôpital mais bien de lui donner un second souffle pour lui permettre de répondre à l’ensemble de ses missions.
La Loi de 1991 n’a pas suscité le regain de motivation que l’on attendait et reste à mon avis, trop empreinte d’une tradition fortement hospitalo-centriste.
Sans méconnaître le rôle essentiel qui est le sien au sein du dispositif de santé depuis 1958, il me paraît primordial que l’hôpital s’ouvre davantage sur son environnement.
Il s’agit avant tout de replacer le malade au cœur du dispositif de soins en associant autour de lui les différents professionnels dont la médecine moderne requiert le concours. Les réseaux ville hôpital mis en place dans la lutte contre le SIDA sont l’exemple d’une construction pragmatique qui préfigure ce qu’il conviendrait de développer à l’avenir.
Il s’agit aussi de mieux valoriser et de responsabiliser les équipes hospitalières.
Je suis en effet convaincue qu’une gestion moderne et efficace passe par une association plus grande des personnels au processus de décision.
Mon expérience personnelle me conduit en effet, naturellement, à faire confiance aux professionnels.
Vous êtes nombreux dans cette salle à penser avec moi qu’il est temps d’entrer dans une logique différente qui récompense le dynamisme et l’innovation.
Tel est l’objet des contrats d’objectifs que nous souhaitons généraliser. Les établissements hospitaliers en seront bien entendu partie prenante.
Ils seront, vous le savez un point essentiel de la réforme à venir de l’allocation des ressources.
C’est dans cet esprit de responsabilisation que je souhaite que soit désormais abordé le débat sur la maîtrise des dépenses de l’assurance maladie.
Seule une telle démarche mobilisatrice peut nous permettre de relever le défi de la performance. Car tel est bien l’enjeu.
Vous le savez en effet nous dépensons plus que nos voisins pour la santé, ce qui à la fois nuit à la compétitivité de notre économie et entraîne des inégalités dans l’accès aux soins sans pour autant avoir de meilleurs résultats en terme de santé publique.
Il n’est bien entendu nullement dans mon intention de culpabiliser les uns ou les autres. Ce serait tout à fait contraire à ma manière d’aborder ces questions.
Mais je suis convaincue que cette double recherche de la qualité, des soins et de la maîtrise des dépenses est une responsabilité, à la fois collective et individuelle que nous avons le devoir d’assumer.
Elle est autant l’affaire de chacun d’entre nous comme citoyen que des acteurs de santé. À ce titre, la contribution de l’hôpital sera essentielle.
En effet, les soins hospitaliers privés demeurent le poste le plus important des dépenses que les français consacrent à la santé.
Je sais que les efforts accomplis par les gestionnaires, les médecins et les personnels ont été considérables pour assurer une croissance équilibrée et maîtrisée de l’hôpital et qu’aujourd’hui certains ont le sentiment de ne pas voir leurs efforts suffisamment reconnus.
Je sais quelle est la lourdeur de leur tâche, ce qu’elle leur impose en matière de gestion adaptée des effectifs, de gains de productivité.
Je suis pleinement consciente des efforts qui vous sont encore demandés ; ils seront indispensables pour le maintien et l’amélioration de la qualité de notre système hospitalier.
Si nous devions un instant renoncer, la situation permettrait de plus en plus difficilement de faire face à la prise en compte de besoins qui constituent les défis de cette fin de siècle : accélération du progrès médical, multiplication des innovations technologiques mais aussi, apparition de nouvelles pathologies, vieillissement des populations, lutte contre toutes les exclusions.
C’est la raison pour laquelle l’encadrement budgétaire ne peut que demeurer rigoureux.
Le taux directeur 1996 sera résolument volontariste ; il permettra tout à la fois de concilier la maîtrise des dépenses de santé, et les objectifs fixés par le Premier ministre en termes d’emploi et de réduction de la fracture sociale. Il aura également vocation à préparer la réforme hospitalière.
L’année 1996 sera en effet une année de transition. Pour des raisons de calendrier évidentes, les règles actuelles de fixation des budgets hospitaliers seront pour l’essentiel maintenues en 1996. J’ai souhaité toutefois que la campagne budgétaire 1996 obéisse à une impulsion nouvelle et permette, déjà dans un esprit de contractualisation, qu’une plus large reconnaissance soit faite à la performance, dans ces divers aspects qui se sont pas qu’économiques.
Très schématiquement, il s’agit de permettre au services régionaux d’engager une négociation plus ciblée pour l’allocation de ressources qui tienne davantage compte des missions et de l’activité quantitative et qualitative des établissements.
Au-delà des enjeux que représente cette réforme hospitalière, des attentes qu’elle a fait naître parmi les professionnels, des interrogations aussi parfois, je souhaiterais dire un mot du thème de votre congrès et vous féliciter pour ce choix car plus que jamais la réflexion sur l’hôpital doit être abordée dans sa dimension économique mais également politique et éthique.
De même les contraintes qui s’exercent sur l’hôpital ne nous autorisent pas à faire l’économie d’une réflexion sur le rôle social de l’hôpital.
Dans un contexte économique marqué par la fragilisation d’une certaine catégorie de la population il nous appartient de redécouvrir le sens aigu de cette mission.
Face au phénomène de l’exclusion, de nombreux établissements de santé ont éprouvé le besoin de mettre en place un accueil adapté pour les personnes les plus démunies. Ces lieux d’accueil ont pour la plupart été réalisés grâce à la mobilisation de tous : établissements, départements, conseils généraux organismes d’assurance maladie, centres communaux d’action sociale et associations. Près de 250 conventions ont été signées à ce jour. Cela reste insuffisant.
Afin que ces dispositifs puissent être généralisés, j’envisage en liaison avec les ministres concernés, la possibilité d’inscrire dans le projet de loi de lutte contre l’exclusion, cette mission fondamentale qu’elle est l’accueil des personnes en situation d’urgence-sociale.
Vous savez également que je porte beaucoup d’attention à la qualité du dialogue social.
J’évoquerai tout d’abord l’emploi, c’est vous le savez, la première des priorités pour le Gouvernement.
Bien entendu, s’agissant de l’emploi public, les enjeux apparaissent contradictoires car d’une part, il s’agit bien d’emploi, mais d’autre part, son financement collectif pose sur la compétitivité de l’économie et donc de l’emploi.
Je tiens à vous dire clairement ici que malgré la difficile question de l’équilibre des comptes sociaux, je m’attache à ce que le taux d’évolution des budgets hospitaliers qui sera prochainement arrêté puisse permettre le maintien global de l’emploi.
Cependant, je le redis, le taux directeur sera volontariste ct cet objectif ne peut être atteint à mon sens dans de bonnes conditions que si nous menons une réflexion d’ensemble sur l’adéquation des emplois et des compétences aux besoins et sur les rééquilibrages nécessaires.
Rééquilibrages au sein des établissements, entre les établissements, entre les départements, entre les régions. Rééquilibrage aussi parfois entre les professions et les niveaux de qualification.
Un tel effort n’est pas facile. J’en ai bien conscience.
Il est pourtant indispensable car je suis convaincue, je l’ai moi-même constaté, qu’il y a des établissements ou des services qui manquent réellement et cruellement de personnel. Je sais aussi, qu’il y en a d’autres pour lesquels la situation est plus favorable.
Cette difficulté, j’estime toutefois qu’elle n’est pas insurmontable et qu’il est possible sinon facile de mener les adaptations nécessaires avec l’adhésion d’une grande partie de ceux qui sont concernés à condition de respecter quelques règles.
Tout d’abord, je suis persuadée qu’il faut, ici comme ailleurs, jouer la transparence.
Or, l’absence d’une réelle discussion sur ce point apparaît à travers tous les diagnostics posés sur le fonctionnement de l’hôpital.
Pourtant, les professionnels eux-mêmes ont mis au point au cours des dernières années de nombreux outils pour mieux connaître les charges de travail et effectuer des comparaisons dans de bonnes conditions. Ces méthodes n’ont pas été cependant suffisamment utilisées. C’est pourquoi j’ai demandé à la direction des hôpitaux de faire la synthèse de ces travaux et de me proposer les actions qui pourraient être initiées en ce domaine.
En second lieu, il faut éviter toute précipitation. Une démarche clairement annoncée et pluriannuelle est un gage de succès.
Elle permet aussi de tenir compte des attentes ou des contraintes individuelles des professionnels et d’effectuer les adaptations en s’appuyant avant tout sur les mouvements naturels et les souhaits de chacun.
Enfin, il me paraît nécessaire d’accompagner cette recherche de l’efficacité par la mise au point de mécanismes permettant d’aider ceux qui concourent à cet effort, et de donner à chacun les garanties nécessaires.
Il convient ici, tout d’abord, de poursuivre la démarche d’amélioration des conditions de recrutement menée par la direction des hôpitaux. C’est en effet un moyen de limiter le recours aux contrats à durée déterminée.
Mais, les hôpitaux sont aussi confrontés aux problèmes posés par le recours aux contrats emploi-solidarité. Il est normal que les établissements participant de cette manière à la lutte contre l’exclusion.
Si les bénéficiaires de ces contrats se font apprécier, c’est le signe que l’opération est réussie. Mais nous devons alors examiner comment faciliter leur insertion professionnelle et sociale alors même que l’évolution des techniques conduit à des exigences de qualification toujours plus grandes.
Après avoir évoqué la question de l’emploi, je souhaiterai aborder maintenant avec vous la situation des personnels eux-mêmes.
Tout d’abord j’évoquerai l’importance de l’ouverture des perspectives professionnelles pour la motivation de chacun, je souhaite que cette dynamique, soit relancée. Le développement des formations promotionnelles, l’amélioration des conditions d’accès aux formations diplômantes dans le respect rigoureux de leur niveau, la prise en compte des acquis de la formation continue et de l’expérience, justifient que soient menées une analyse et une réflexion approfondie en concertation avec les professionnels.
Un second aspect important est celui de la politique d’amélioration des conditions de travail, que j’entends poursuivre.
Je sais en effet combien les attentes des personnels sont fortes en ce domaine. Les charges physiques et surtout psychologiques du travail hospitalier et c’est pourquoi la gestion des relations de travail de l’aménagement du temps de travail qui peut être source de création d’emplois me paraissent mériter une attention particulière.
J’attends aussi de l’encadrement hospitalier, qu’il s’implique pleinement dans cette politique.
Son concours est en effet indispensable pour améliorer la qualité des prestations, favoriser la reconnaissance des missions des diverses catégories professionnelles dans le respect des compétences de chacune d’elle et renforcer la cohérence des actions autour du malade, qui doit être au centre des préoccupations de chacun.
D’une façon plus générale l’hôpital a toujours été un creuset de l’innovation sociale. Son rôle s’est révélé moteur dans la promotion d’une réflexion sur l’organisation du travail.
Je souhaiterais que cette dynamique se poursuive afin que les relations et l’organisation du travail afin que la répartition des moyens soit davantage pensée au regard des besoins.
C’est à ce travail que je vous invite aujourd’hui car si personne ne conteste les progrès accomplis en ce domaine, leurs effets demeurent encore insuffisants.
L’hôpital et ses espaces nous montrent à quel point celui-ci procède de légitimités différentes, que l’on a trop souvent opposées.
Une politique de santé publique ambitieuse telle que je l’appelle de mes vœux, ne peut ignorer les contraintes nées de l’aménagement du territoire tant en raison du poids économique de l’hôpital dans la vie locale qu’à la nécessité de maintenir en toute circonstance un réseau suffisamment dense de professionnels de santé.
L’hétérogénéité des régions, la diversité des situations tant en matière d’état sanitaire de la population que d’offre médicale sont autant d’éléments que les pouvoirs publics doivent prendre en considération.
Si une meilleure prise en charge de la population et le maintien de coins de qualité dans des conditions optimales de sécurité restent nos objectifs premiers, chacun, a néanmoins pris conscience de l’attachement des populations à l’accessibilité et à la proximité des structures de soins.
C’est dans le cadre du développement de relations de partenariats avec des structures hospitalières environnantes, qu’elles soient publiques ou privées, ou avec des professions de santé libérales, que chaque établissement doit définir ses missions.
Et ceci vaut autant pour des établissements en milieu rural que des établissements de taille importante.
J’ajoute que l’hôpital local doit demeurer un maillon essentiel de la coordination des soins entre le domicile, la médecine de ville, les alternatives à l’hospitalisation et les établissements disposant de plateaux techniques conséquents.
Il répond à des besoins réels, ceux d’une population généralement âgée pour laquelle la notion de proximité prend tout son sens ; il devra toutefois s’attacher à développer des activités de substitution de nature à prendre en compte les besoins locaux : soins de suite et de réadaptation, soins de longue durée.
Car je le dis clairement, il s’agit moins de supprimer des activités, des services que de répondre à de nouveaux besoins.
De même il nous faudra sans doute poursuivre notre réflexion sur le décloisonnement des secteurs sanitaire et social.
Je suis pour ma part convaincue, qu’il y a en ce domaine, en même temps qu’une contrainte, une chance à saisir pour notre système de santé.
Je ne doute pas que comme de coutume vous saurez faire progresser la réflexion sur un thème qui nous oblige à avoir une vision d’ensemble de ce que doit être le tissu sanitaire de notre pays.
L’engagement de la Fédération hospitalière de France dans le processus de modernisation de l’hôpital ne s’est jamais démenti.
Une fois encore, je sais que vous saurez me faire bénéficier de l’éclairage du terrain, des fruits de votre expérience et je vous en remercie.