Texte intégral
Intervention à Lille, le mardi 11 juillet 1995
Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous pour installer ce comité de pilotage du plan d'urgence pour le logement des plus démunis du département du Nord.
Après l'Ile-de-France, Le Nord-Pas-de-Calais arrive en deuxième position en ce qui concerne les objectifs quantitatifs fixés par le Gouvernement, à savoir 2 300 logements, soit 12 % du Plan national.
Ce n'est pas un hasard, c'est la traduction de la nécessité pour l'État d'assurer ici plus qu'ailleurs, l'expression de la solidarité nationale.
Je connais le courage et la volonté qui vous anime et c'est la raison pour laquelle j'ai choisi de venir installer ce comité de pilotage. Il traduit très concrètement la mise en œuvre des engagements du Gouvernement pour lutter contre l'exclusion sociale notamment dans l'accès au logement de nos concitoyens les plus défavorisés.
I. – Le logement est revenu au cœur des débats de la cité
C'est un enjeu national à la fois économique et social.
Social parce que le logement est un élément essentiel de la cohésion sociale.
Économique parce que le logement est un secteur clef pour la clef pour la création d'emplois.
Or, vous savez, notre pays a connu des évolutions économiques considérables, de profondes mutations sociales et des changements dans les modes de vie de nos concitoyens.
Les solidarités familiales jouent beaucoup moins quand se multiplient les familles monoparentales et qu'augmente le nombre des isolés. Elles ne compensent plus les fractures sociales engendrées par la crise économique.
Le logement est la clef de voûte de l'insertion. En manquant cruellement à ceux qui en ont le plus besoin, en ayant rassemblé trop souvent par le passé ceux qui éprouvent les mêmes difficultés, il est devenu parfois un facteur de marginalisation.
Le chômage, l'évolution des structures familiales et la chute de la mobilité dans le parc social ont augmenté les tensions dans les grandes agglomérations d'où l'allongement des files d'attente dans le logement social.
C'est en fait toute la chaîne du logement social qui est aujourd‘hui bloquée : la chute de l'accession sociale à la propriété a figé l'occupation du parc HLM privant celui-ci des moyens de mieux répondre aux nouveaux besoins, en particulier ceux des populations démunies ou en situation de précarité.
La demande de logements qui émane des populations touchées par la crise économique s'est très fortement élevée.
Il s'agit d'y répondre et vite car il y a urgence.
Remettre en route toute l'économie du logement, assurer la fluidité des marchés du logement, renforcer la mission sociale du parc HLM qui doit prendre toute sa part dans la lutte contre l'exclusion, c'est là l'ambition de la nouvelle politique du logement que le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre.
II. – Le plan d'urgence
C'est une action exceptionnelle qui a été décidée par le Gouvernement en faveur des plus démunis, exceptionnelle par son ampleur et sa conception.
Dans sa déclaration de politique générale le 23 mai dernier, le Premier ministre a annoncé un plan d'urgence portant sur la création de 20 000 logements dont 10 000 d'extrême urgence qui devront être livrés avant l'hiver. C'est une véritable gageure qu'il nous faut relever ensemble.
Dans le cadre du projet de loi de finances rectificatives pour 1995 que le Premier ministre a présenté au Conseil des ministres du 28 juin dernier, je tiens à souligner que ce plan d'urgence représente 1,3 milliards de francs dont 10 % réservés à l'accompagnement social. C'est la première fois que dès la conception d'un programme en faveur du logement des plus défavorisés, l'accompagnement social lié au logement est prévu. Le FSL va bénéficier de 110 millions de francs de crédits supplémentaires soit une progression de 50 % de la dotation inscrite en loi de finances de 1995.
Le gouvernement s'est engagé à mettre en place dans un délai de six mois des logements, non pas de simples hébergements. Ils sont destinés à répondre à des situations de grande précarité sociale.
Les populations concernées par les logements d'extrême urgence comprennent bien évidemment les sans domicile fixe mais ceux-ci ne sont pas les seuls visés car sont également visés les personnes qui, à la suite de problèmes familiaux, d'emploi ou de voisinage, se retrouvent à la rue et qu'il est important d'aider afin qu'elles ne tombent pas dans la marginalité.
Les logements d'insertion quant à eux pourront accueillir des familles en difficultés pendant tout le temps nécessaire pour qu'elles trouvent un logement social classique ou un domicile fixe dans le parc privé.
Il est indispensable d'éviter toute concentration de personnes en difficulté et bien au contraire d'aider une vraie insertion. Pour cela, il faut être attentif à l'équilibre social de vos programmes de logement, il sera également nécessaire de privilégier des logements bien répartis dans le parc existant, par exemple en achetant ou en aménageant un hôtel ou une clinique désaffectés, un vieil immeuble en ville ou des pavillons.
Je compte sur la mobilisation de toutes les forces vives du logement, des administrations de l'État des collectivités locales, des bailleurs et enfin des associations.
La mobilisation de l'État
Pour l'État, cette mobilisation se traduit dans chaque département par la nomination d'un Chef de projet départemental pour le logement des plus démunis. Le Préfet du Nord vient de nommer madame Marchand, Directeur départemental adjoint de l'Équipement. Le Chef de projet anime et coordonne la mise en œuvre du plan d'urgence dans le cadre notamment de la réunion hebdomadaire du comité de pilotage.
Vous m'avez adressé Monsieur le Préfet, vos propositions ainsi que les actions que vous allez entreprendre. Je vous remercie de votre forte implication personnelle. Je m'adresse également à tous les services de l'État ici présents : la mise en place d'un Gouvernement consécutive à l'élection d'un nouveau Président de la République, constitue, pour vous, une période d'activité intense. Je connais votre mobilisation et je vous en remercie.
Monsieur le Préfet, vous allez très vite disposé de moyens financiers et juridiques nouveaux pour la mise en œuvre du plan d'urgence.
Je viens de signer les délégations de crédits nécessaires à l'engagement immédiats des premières actions du plan.
En ce qui concerne les crédits de la Loi de Finances rectificative, je prends l'engagement d'obtenir leur délégation dans le courant du mois de septembre. Je vous l'ai déjà indiqué par circulaire, ces crédits seront largement déconcentrés afin de vous permettre, à partir de l'expertise des situations locales, d'apporter les réponses les plus souples et les plus efficaces possible. Cela contribuera, j'en suis sûr, à une meilleure utilisation des deniers publics.
Le Gouvernement a décidé de renforcer l'action de l'ANAH en faveur d'une offre nouvelle de logements locatifs privés à vocation sociale
Avec une dotation de 303 MF, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) va engager une forte mobilisation de logements vacants en faveur des démunis.
Réuni à ma demande, ce matin même, le Conseil d'administration de l'ANAH, a ainsi décidé de majorer significativement certaines de ses subventions afin d'accélérer la remise sur le marché de logements locatifs privés destinés à accueillir des personnes ou familles défavorisées :
Les logements vacants depuis le 1er janvier 1994
Ils bénéficieront d'une majoration de subvention de 20 000 F s'ils sont loués après un montant minimal de travaux de 100 000 F par logement et avec des loyers conventionnés.
Les logements inoccupés depuis le 1er juin 1995
Ils bénéficieront d'une majoration de subventions de 20 000 F s'ils sont loués après un montant minimal de travaux de 100 000 F par logement et avec des loyers conventionnés.
Les logements inoccupés depuis le 1er juin 1995
Ils bénéficieront d'une subvention complémentaire de 10 000 F par logement, à condition d'être loués à des organismes agréés aux fins de sous location à des personnes défavorisées.
Enfin, les aides accordées par l'ANAH dans le cadres de ses programmes sociaux thématiques seront renforcées. Je rappelle qu'ils constituent avec les PLA très sociaux, un des moyens privilégiés de création d'une offre de logements d'insertion par la réhabilitation de logements vacants nécessitant des travaux importants.
La mesure nouvelle porte sur les logements vacants depuis le 1er juin 1995.
Ils bénéficieront d'une subvention complémentaire de 20 000 F par logement.
Mobilisation des collectivités locales
En contact permanent avec l'exclusion sociale, les maires sont déjà et depuis longtemps mobilisés pour l'accueil et l'hébergement des plus démunis.
On lit parfois qu'ils pourraient bloquer la mise en œuvre du plan d'urgence. Je ne le crois pas et je rencontre tous les jours des élus sensibilisés et prêts à contribuer à l'action du Gouvernement.
Les lois de décentralisation ont confié un rôle éminent aux Conseils Généraux dans l'action sociale. Je suis convaincu qu'ils seront aux côtés de l'État pour assurer la réussite de ce plan.
J'ai demandé aux Préfets d'informer les élus et d'engager avec eux la concertation nécessaire à la bonne articulation des différents niveaux d'intervention. Ils me rendront compte des difficultés rencontrées. Ils peuvent compter sur mon appui total pour lever les obstacles qui seraient susceptibles de ralentir voire de compromettre la réalisation du Plan d'urgence.
Mobilisation des organismes HLM
J'attends des organismes HLM qu'ils jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre du plan d'urgence, dans le repérage des opérations dans la maîtrise d'ouvrage des opérations qui sont retenues. Je connais le dynamisme et la qualité des organismes HLM de ce département et de cette région. Ils savent depuis longtemps intégrer l'accueil des plus démunis.
J'attends de chaque organisme HLM qu'il s'engage sur des objectifs précis : chacun en aura connaissance et constatera les résultats obtenus.
J'attends qu'il travaille étroitement avec le milieu associatif qui connaît bien les situations de précarité et les moyens de les gérer. Il faut poursuivre le développement d'un partenariat entre un gestionnaire et une association qui met en œuvre l'accompagnement social indispensable à la réinsertion sociale.
Mobilisation des associations
Pour les associations enfin, ce plan apporte des réponses concrètes à des demandes formulées depuis plusieurs années.
Les associations jouent un rôle central dans le maintien de la cohésion sociale. L'État doit leur assurer ce pouvoir jouer ce rôle important dans la durée, c'est la raison pour laquelle, conformément aux engagements du Premier Ministre, je proposerai rapidement la signature au niveau local de conventions d'objectifs sur trois ans.
D'ores et déjà, le plan d'urgence contient des mesures nouvelles d'une part, l'aide à la gestion locative et d'autres part, la solvabilisation des ménages entrant dans ces logements d'extrême urgence et d'insertion. Les moyens supplémentaires alloués au FSL devront permettre de renforcer la part du fonds consacrée à l'accompagnement social lié au logement.
Je demande aux Préfets d'engager rapidement avec les Présidents de Conseils Généraux une concertation sur les modalités de gestion du FSL qui permettent de prendre en compte ces objectifs.
Une dotation complémentaire de 12 millions de Francs pour l'allocation de logement temporaire est également inscrite. Par ailleurs, les crédits des maîtrises d'œuvre urbaine et social sont augmentés de 10 millions de Francs.
Enfin, mes Services travaillent aux mesures permettant de favoriser la prévention des expulsions. Je sais que les associations y sont très attachées.
Conclusion
Après l'emploi, le logement est la seconde priorité de l'action gouvernementale.
La fracture sociale, que le Président de la République a dénoncée, nous impose des devoirs, des obligations de résultats.
Le logement est le pivot d'une nouvelle politique de promotion et de lutte contre la ségrégation urbaine.
Depuis plus de six semaines, comme vous le voyez, le Gouvernement travaille avec force et détermination au redressement de la France. Il a clairement montré sa volonté, il a dégagé les moyens nécessaires, à vous maintenant de remplir pleinement votre mission dans l'intérêt du pays.
Je suis sûr que vous avez à cœur de relever avec nous les nouveaux défis de l'emploi et de la cohésion sociale.
Pour ma part, je m'emploierai à donner un sens concret à un droit au logement souvent affirmé mais jamais réellement appliqué.
Vous m'aurez toujours à vos côtés pour veiller à ce qu'il le soit, mais aussi pour vous y aider.
Déclaration du 28 août 1995
La situation d'un nombre important de nos concitoyens en matière de logement demeure inacceptable. Parce que le logement est bien souvent le dernier rempart contre la marginalité sociale, et à l'inverse le premier palier qui conduit à la réinsertion sociale, une société comme la nôtre ne peut tolérer plus longtemps que certains d'entre nous soient, par les effets conjugués de la crise économique et la crise immobilière, reléguée au rang de sans-abris, ou de très mal logés, condamnés à vivre dans l'exclusion et dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine.
Le Président de la République a fixé pour objectif de garantir à chacun le Droit au Logement. Celui-ci ne doit pas être un droit simplement énoncé, mais une réalité concrète, tangible. Ce droit au logement sera le fruit d'une politique globale de logement politique pour le logement des plus démunis, politique pour favoriser l'offre des logements HLM, politique d'accession sociale à la propriété, politique pour enrayer l'hémorragie du parc privé existant. Je m'efforce jours après jours de poursuivre cet objectif et nous avons agi dans des temps records : réforme de l'accession annoncée mercredi 5 septembre, déduction forfaitaire, mobilisations sans précédent envers les plus démunis. Mais comme pour beaucoup d'autres problèmes auxquels le gouvernement est confronté, il n'existe pas de baquette magique qui pourrait tout solutionner immédiatement. Du temps est nécessaire pour recueillir les fruits d'une politique.
S'il n'y a pas de recettes miracles, il y a par contre une volonté qui doit être constamment affirmée et démontrée. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a fixé un objectif très ambitieux : réaliser 10 000 logements d'urgence pour cet hiver.
Ce plan avance bien grâce à la mobilisation de tous : services administratifs, organismes HLM, associations caritatives et bien évidemment élus locaux. Tous travaillent avec énergie, hors de leurs voies d'interventions habituelles, conscients de la nécessité de trouver des solutions.
Je suis en mesure de vous dire que nous avons d'ores et déjà repéré plus de 10 000 opportunités immobilières. Plus de 1 000 l'ont été par exemple sur Paris. J'ai donc de très bons espoirs de tenir le pari de disposer de ces 10 000 logements d'extrême urgence pour cet hiver.
Il n'en reste pas moins qu'un tel calendrier relève d'un véritable pari. Aussi pour le gagner, j'entends assurer toutes les chances de succès et donc dispose d'un maximum de logements pour tous ceux qui sont dans une situation qui n'est pas digne d'une nation comme la nôtre. D'autant plus quand cette situation est en partie le fruit d'une grave crise immobilière qui a eu pour effet de stériliser un nombre important de logements. Une société qui tolère côte à côte des personnes sans logement ou très mal logées et des locaux vacants, est une société malade.
C'est la raison pour laquelle j'ai, il y a quelques semaines, appelé les grands investisseurs institutionnels qui détiennent des immeubles vacants, parfois depuis des années, à s'engager avec moi dans cette bataille. J'ai fait la même demande aux grandes entreprises et parapubliques.
Sur le plan social une entreprise citoyenne ne peut être indifférente à la stérilisation pour la collectivité des biens qu'elle détient. Sur le plan économique, des locaux vides non seulement ne rapportent rien mais constituent une charge.
En ce qui concerne les entreprises publiques ou parapubliques : celles-ci vont mettre à disposition du plan d'urgence l'équivalent de 500 logements répartis sur l'ensemble du territoire.
En ce qui concerne les investisseurs institutionnels, mon appel a été diversement entendu.
Nous devons mobiliser tous les moyens nécessaires pour nous assurer de la réalisation de 10 000 logements d'extrême urgence avant l'hiver.
Chacun doit y contribuer à hauteur de ses possibilités et donc du potentiel de logements disponibles qu'il détient.
L'ampleur du problème social posé par la coexistence de personnes sans logements et de logements vacants nécessite l'emploi de moyens exceptionnels.
Voilà pourquoi le Gouvernement a décidé de réquisitionner, au sein du parc de logements appartenant à ces grands investisseurs institutionnels et en excluant évidemment toute réquisition chez des propriétaires individuels personnes physiques, 500 logements vides au cœur de l'Ile-de-France, car malgré les avancées considérables de notre plan d'urgence dans cette région, malgré la contribution exemplaire de certaines communes concernées au logement les plus démunies, le problème des locaux vides se pose ici d'une façon toute particulière.
C'est là une preuve de la totale détermination du Gouvernement à réduire dans les faits la fracture sociale : le logement peut y contribuer de façon essentielle.