Texte intégral
Monsieur le président,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
J'éprouve un grand plaisir à me retrouver parmi vous aujourd'hui, même si notre rencontre est brève, mais comme vous le savez je dois être de retour à Paris en début d'après-midi pour participer au séminaire gouvernemental sous l'autorité du Premier ministre.
Ce déplacement revêt une importance toute particulière et cela pour trois raisons principales.
Tout d'abord par le lieu et la région où nous nous trouvons : le Languedoc-Roussillon symbolise en effet à lui seul la formidable mutation qu'a connue notre viticulture au cours des vingt dernières années.
Vous avez su en effet mettre en œuvre une politique courageuse et permanente d'amélioration de la qualité des productions, en arrachant des vignobles à haut rendement mais de qualité médiocre pour les remplacer par des cépages mieux adaptés aux marchés, dans des conditions de vinification et de commercialisation là aussi très sensiblement améliorées.
C'est au prix de cet effort difficile et nécessaire que cette région a su totalement changer d'image et par là même s'ouvrir des perspectives nouvelles.
Je saurai saluer le courage de votre démarche.
Cette rencontre se situe par ailleurs dans un contexte et à un moment particulièrement décisif puisqu'il s'agit des vendanges et plus généralement du début de cette nouvelle campagne.
Par rapport à bon nombre de mes prédécesseurs, ma visite se déroule dans des conditions globalement bonnes : nous sommes à la charnière de deux campagnes telles qu'il n'y en a pas eu depuis la signature des accords de Dublin en 1984.
L'année dernière il n'y a pas eu nécessité de recourir à la distillation obligatoire et sauf accident l'équilibre du marché communautaire des vins de table devrait être atteint cette année sans recours à la DO.
Je ne peux que me réjouir d'une telle conjoncture dont je vous assure, pour en être un témoin quasi quotidien, qu'elle est par les temps qui courent trop souvent rare.
D'ailleurs, je ne pense pas que cela soit le seul fait de la conjoncture, je crois aussi que nous commençons là à récolter les fruits des efforts engagés au cours des vingt dernières années.
Enfin, troisième raison de l'importance que j'accorde à cette première rencontre sur le terrain avec les viticulteurs, le caractère fondamental des sujets qui nous réunissent aujourd'hui, en d'autres termes l'avenir de notre viticulture.
Quand la chance nous est donnée de pouvoir agir sur le structurel et de préparer l'avenir d'une filière, nous serions coupables de ne pas la saisir.
La viticulture française possède aujourd'hui beaucoup d'atouts qui lui permettent d'aborder avec confiance et sérénité l'avenir : emploi, valeur ajoutée, aménagement du territoire, expérience incomparable des marchés mondiaux puisque premier exportateur mondial.
Nous avons aujourd'hui la possibilité d'accentuer ce mouvement : je vais donc, pour faire suite à vos différentes interventions, évoquer devant vous les trois axes principaux de cette politique structurelle de valorisation de la qualité que je compte encourager.
Tout d'abord la gestion de la campagne 1995-1996.
Lors de notre entrevue au cours du 8 août dernier, l'ensemble des responsables professionnels m'avait demandé avec force l'ouverture de la distillation préventive : c'est aujourd'hui c'est chose faite puisque la France a obtenu l'ouverture de la distillation préventive à hauteur de 12 hl/ha.
Il fallait en effet que la distillation préventive soit ouverte pour que les vins de moindre qualité soient éliminés du marché dès le début de la campagne.
J'ajouterai que, comme nous l'avions demandé, la répartition du contingent communautaire a été faite en tenant compte du degré de maîtrise commerciale de chaque pays : la France se voit ainsi affecté un volume de 800 000 hectolitres, ce qui confirme bien la fonction exclusivement qualitative de la distillation préventive en France : facteur d'ajustement qualitatif oui et non pas débouché permanent et subventionné comme cela est le cas chez certains de nos voisins.
Ce résultat est acquis : il est essentiel que l'ensemble de la production contribue à la réalisation de ce contingent qui représente d'ailleurs un volume souscrit de l'ordre de 3 hl/ha.
Nous avons passé un contrat réciproque, je suis sûr de pouvoir compter sur la mobilisation de toutes les organisations professionnelles pour le faire respecter.
Tous les éléments me paraissent ainsi réunis pour que la campagne de commercialisation se déroule dans les meilleures conditions.
Je vous l'ai dit tout à l'heure nous devons maintenant donner toute la priorité aux mesures positives et aux stratégies porteuses d'avenir, en l'occurrence la politique de qualité et de valorisation de nos productions.
Dans cette perspective, j'ai décidé de mettre en place un dispositif d'incitation et d'encouragement s'articulant autour de quatre mesures complémentaires :
La première consiste en une aide de 270 F par hectare revendiquée en vins de pays au cours de la campagne 94-95. Il s'agit là d'accompagner l'effort qualitatif fait par les viticulteurs qui se sont imposé des conditions de production plus restrictives, donc des charges supplémentaires.
Seconde mesure : la revalorisation des primes à la plantation et à la rénovation du vignoble au titre des deux dernières campagnes 1994-1995 et 1993-1994.
Ainsi ces primes sont-elles portées respectivement à 25 500 F, 23 500 F et 11 500 F par hectare selon la situation des viticulteurs au regard des critères que vous connaissez tous.
Cela signifie que nous abonderons à hauteur de 1 500 F supplémentaires par hectare cette prime pour tous les viticulteurs ayant planté au cours des deux dernières campagnes.
Troisième mesure : la mise en œuvre d'un inventaire sanitaire de toute la pépinière viticole française pour en garantir la qualité.
Il n'est pas pensable que quelques doutes subsistent en ce domaine vis-à-vis de nos clients étrangers, ce qui risquerait de ternir l'image d'une pépinière qui a longtemps joui d'une grande notoriété.
De plus, il est intolérable que les efforts effectués par les viticulteurs puissent être compromis par la mauvaise qualité sanitaire des plants qu'ils achètent.
L'ONIVINS est chargé de la réalisation dans un délai de deux ans de cette opération.
J'attends aussi sur ce plan des propositions à même de garantir de façon pérenne le contrôle de la qualité des plants de vignes.
Dernière mesure : la valorisation des produits et notamment des vins de pays et de cépage.
J'ai décidé d'abonder de 10 millions de francs les crédits prévus cette année à l'ONIVINS en faveur de la promotion en estimant prioritaires le développement et la consolidation de nos parts de marché à l'exportation.
Je suis convaincu que ces quatre mesures vont contribuer à conforter les démarches de qualité de vos entreprises et à consolider les bases d'une viticulture française porteuse d'avenir.
Le répit que nous accorde l'actuel état des marchés ne doit pas nous faire oublier l'importance d'une réforme de l'OCM.
Il n'y aurait rien de pire en effet que celle-ci soit engagée sur fonds de déséquilibre et de crise des marchés : le risque serait grand alors que la négociation soit hâtive et plutôt dominée par une logique d'élimination des excédents, par une logique de maîtrise budgétaire, au détriment d'objectifs plus structurels et qualitatifs. À coup sûr, la viticulture française serait pénalisée car les efforts qu'elle a déployés en termes de maîtrise de la production et de qualité ne seraient pas reconnus.
Soyez donc assurés que je maintiendrai la pression pour faire valoir les grands principes et les grands objectifs fondamentaux auxquels devra répondre le futur texte : responsabilisation des États-membres, logique de marché et subsidiarité devront inspirer la future OCRA.
Pour une politique structurelle cohérente
Mais je ne veux pas conditionner la poursuite de cette politique structurelle à l'adoption de ce texte dès l'instant où personne ne sait raisonnablement à quelle échéance il sera adopté.
C'est pourquoi, comme je vous l'avais indiqué le 8 août dernier, j'ai d'ores et déjà attiré l'attention du commissaire européen chargé de l'agriculture, sur ce sujet.
Ma demande porte ainsi sur trois volets complémentaires :
– le rétablissement dans les meilleurs délais du régime communautaire d'aide au réencépagement ;
– l'adoption d'un nouveau dispositif d'aide communautaire à l'arrachage prenant en compte la spécificité de chaque région viticole ;
– enfin, le réexamen des modalités d'attribution des droits de plantation.
J'ai rappelé à monsieur Fischer qu'en aucun cas la reconduction pure et simple des dispositifs actuellement prévus dans l'OCM ne pouvait être une réponse adaptée aux besoins de la viticulture européenne et encore moins à celle de la viticulture française.
Il est temps en effet de tirer dès aujourd'hui les enseignements des lacunes de l'actuel règlement.
La nouvelle politique structurelle doit être déclinée en fonction des caractéristiques de chaque vignoble et de façon à garantir une cohérence entre ces différents outils : arrachage, droits de plantation, réencépagement.
Il faut par exemple :
– éviter toute rupture de production chez les producteurs qui réalisent des investissements pour améliorer la qualité de l'encépagement en prévoyant des modalités permettant des plantations anticipées ;
– il faut substantiellement corriger le régime d'arrachage pour mettre un terme au mitage des régions viticoles, pour empêcher que les arrachages effectués par certains ne détériorent la structure d'exploitations des autres ;
– il faut enfin, et vous savez que c'est une de mes priorités, encourager l'installation des jeunes sur des exploitations viables et favoriser les projets de modernisation et d'agrandissement quand les débouchés sont là.
Et pour cela il faut modifier substantiellement les modalités d'attribution de droits nouveaux de plantation.
J'ai donc fait savoir au commissaire que j'attendais de la part de ses services des propositions sur ces questions afin que nous puissions les examiner lors d'un prochain conseil des ministres.
Je suis déterminé à ne pas laisser ce dossier s'enliser dans les sables bruxellois, pour reprendre l'expression d'un journaliste à qui j'ai accordé une interview récemment.
C'est pourquoi je souhaite engager, sans attendre le résultat de la négociation communautaire, une expérimentation grandeur nature de ces procédures adaptées.
Je vous propose donc qu'en liaison avec les autorités régionales vous définissiez quelques zones d'expérimentation bien délimitées.
Après avoir fait un inventaire exhaustif et critique de tous les dispositifs existants, il me paraît indispensable d'identifier tous les points de blocage qui contrarient cette nécessaire adaptation des vignobles et des exploitations.
Un certain nombre de lignes budgétaires sont d'ores et déjà mobilisables dans cette perspective au sein des contrats de plan État-régions.
Je suis décidé, sur la base de vos propositions, à mobiliser si nécessaire d'autres ressources pour tout ce qui touche à l'aménagement foncier et plus globalement à la gestion de l'espace.
De la même façon, je suis également favorable à ce que dans ces zones soit définitivement mis en œuvre un dispositif de plantation anticipée.
Je suis sûr que certains partenaires institutionnels régionaux participeront aussi à cet effort collectif.
Mon objectif qui est le vôtre est de permettre à l'ensemble de la viticulture nationale de garder sa place au plan international et bien plus de saisir toutes les opportunités de développements nouveaux.
Enfin, pour répondre à certaines de vos inquiétudes, je voudrais évoquer la question des menaces de boycott des produits français dans un certain nombre de pays clients. La décision du président de la République d'engager une dernière série d'essais nucléaires relève de l'exclusive souveraineté de la France : membre du Gouvernement j'en suis totalement solidaire.
Des menaces de boycott sont totalement inacceptables dans leur principe même.
À ce jour, nous ne pouvons pas mesurer l'impact de ces mouvements : certes, cette situation est préoccupante mais nous n'avons aucun intérêt à mettre de l'huile sur le feu ni à jouer le rôle de « caisse de résonance ».
Il est clair que certains de ces mouvements sont entachés d'arrière-pensées économiques voire commerciales.
Sur ce sujet, le Gouvernement agit avec fermeté, comme l'a rappelé le Premier ministre.
Des actions diplomatiques ont été engagées par le Premier ministre pour prévenir toute entrave aux échanges et demander, le cas échéant, un rappel à l'ordre immédiat des contrevenants par la Communauté européenne
Je suis déjà intervenu auprès du commissaire Fischer et du commissaire Monti chargé du marché communautaire afin qu'il veille scrupuleusement à ne pas laisser se développer de telles campagnes.
Permettez-moi enfin de vous assurer que le Gouvernement saura graduer, si nécessaire, ses réactions et saura prendre les mesures, si besoin était, indispensables à la reconquête de nos parts de marché.
Pour conclure, je voudrais vous faire part de l'impression forte que j'ai ressentie à l'occasion des visites et des contacts que j'ai eus tout au cours de cette matinée.
Je sais l'énergie, l'ardeur et l'authenticité que vous savez déployer dans ce combat pour le futur de votre région.
Là où je suis, dans les responsabilités que j'assume, soyez certains que je défends et que je défendrai avec la même ardeur la viticulture dès lors que nos objectifs se rejoignent.
Nous devons tout faire pour nous concentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire sur les mesures et les politiques structurantes. Nous en mesurons aujourd'hui tous les bénéfices pour votre région.
C'est vraiment dans un tel cadre que l'effort public a le plus de signification et le plus de légitimité.