Texte intégral
RTL - vendredi 13 novembre 1998
O. Mazerolle
Tout d’abord l’actualité ukrainienne : une frappe américaine semble inévitable sur l’Irak. Vous comprendriez que la France ne s’y oppose pas ouvertement ?
J.L. Benhamias
- « Pas vraiment. Je pense que la France devrait déclarer que les Américains ne peuvent pas agir sans avoir l’accord de l’ONU. »
O. Mazerolle
Et pourtant la France le dit. Mais si les Américains frappent !
J.L. Benhamias
- « Si les Américains frappent, nous protesteront en tant que Verts. C’est ce que nous ferons. Maintenant, il faudrait aussi que l’Irak respecte réellement les directives de l’ONU. »
O. Mazerolle
S. Hussein s’est mis en faute ?
J.L. Benhamias
- « Tout à fait. »
O. Mazerolle
Les Verts vont tenir leur assemblée générale, ce week-end, avec leur trublion tête de liste aux européennes D. Cohn-Bendit. Vous déstabilisez la majorité en faisant cela ?
J.L. Benhamias
- « Trublion de moins en moins, quand même. Il s’est beaucoup assagi depuis 20 ans. Déstabiliser la majorité ? Ce n’est pas le choix qu’on a fait. D. Cohn-Bendit est une star politico-médiatique, c’est un homme qui est excellent. Il est Vert allemand depuis extrêmement longtemps, depuis 1981. L’idée première est de faire le meilleur résultat possible en juin prochain. »
O. Mazerolle
Certains, dans la majorité, vous reprochent d’avoir voulu faire un coup médiatique à la B. Tapie. Cette fois-ci c’est Cohn-Bendit.
J.L. Benhamias
- « B. Tapie est un homme que, par ailleurs, je ne déteste pas. Mais D. Cohn-Bendit a, à ma connaissance, beaucoup moins d’affaires sur le dos que B. Tapie. D. Cohn-Bendit est ce qu’il est, je pense qu’il défend merveilleusement bien un programme. Et puis avec ce qui vient d’arriver en Allemagne depuis très peu de temps, c’est-à-dire l’arrivée au pouvoir à la fois des sociaux-démocrates allemands et des Verts allemands, cela va dans le bon sens, cela va dans un sens très européens. »
O. Mazerolle
Sur quelles plates-bandes allez-vous marcher au cours de ces élections européennes ? Celles du PS ou celles du PC ?
J.L. Benhamias
- « Les électeurs choisiront et ne marcheront que sur une plate-bande. Vous savez les Verts en France pèsent en gros 7 à 8 %. Aux dernières cantonales on faisait à peu près cela. On vise un score au-delà de 8 %. On marche sur nos propres plates-bandes. »
O. Mazerolle
Tout de même il y a des Verts – D. Cohn-Bendit le premier, ensuite N. Mamère – qui persistent en disant qu’ils devancent le parti communiste pour devenir la deuxième force de la majorité.
J.L. Benhamias
- « Certes, ils l’ont dit. Mais ce n’est pas l’objectif. On est bien dans une majorité plurielle. Après, les électeurs choisiront. Plus il y aura de voix sur les différents partis de la majorité plurielle en juin prochain, mieux la majorité plurielle se portera. Si on fait plus de 8 % on sera content. Battre le PC ou pas, ça n’est pas le problème. »
O. Mazerolle
D. Cohn-Bendit ne fait pas l’unanimité, y compris dans votre rang, certains le trouvent trop européen libéral.
J.L. Benhamias
- « Je n’en ai pas entendu beaucoup. Il a quand même fait 76 % des votes des militants. Vous savez que nous sommes 6 000 maintenant. 76 % c’est pas mal, il y a eu 11 % d’abstentions, et 11 % de votes contre. Ce n’est pas un score à l’albanaise ou la soviétique. »
O. Mazerolle
Je relisais certaines de ses interviews dont l’une qui était donnée au journal Le Monde au mois de septembre dernier. Il disait : il faut accepter la souveraineté politique de l’Europe. C’est votre ligne ?
J.L. Benhamias
- « Oui, aucun problème. »
O. Mazerolle
Cette ligne fédéraliste est celle des Verts ?
J.L. Benhamias
- « Depuis longtemps. Le débat des Verts à l’époque du référendum sur le Traité de Maastricht était : Est-ce que le Traité de Maastricht permet plus d’Europe ou arrête l’Europe dans sa construction ? C’est bien cela le débat. Le débat n’était pas sur : Faut-il l’Europe ou non ? Les Verts sont tous pour une vraie Europe politique et démocratique . »
O. Mazerolle
D. Cohn-Bendit a voté oui à Maastricht.
J.L. Benhamias
- « Certes. Mais vous savez chez les Verts s’il y avait eu un vote à l’époque – maintenant on revient presque 10 ans en arrière. Cela avait fait un vote très typique chez les Verts 50 %/50 %. 50 % avaient voté oui – je pense à G. Hascoët et Y. Cochet, qui sont deux de nos députés qui avaient voté oui. Et puis, on sait bien que M.-C. Blandin et D. Voynet avaient voté non. »
O. Mazerolle
Il défend tout de même une conception extrêmement libérale de l’économie. Il y a, parmi les Verts, des défenseurs au contraire d’une économie beaucoup plus administrée ?
J.L. Benhamias
- « Oui, nous sommes pour que l’État joue un rôle régulateur. Mais nous sommes quasiment pour qu’un État européen joue un rôle régulateur dans l’économie. Je pense que D. Cohn-Bendit serait d’accord avec cela. »
O. Mazerolle
Vous allez ratifier le Traité d’Amsterdam ?
J.L. Benhamias
- « Vous savez, ce n’est pas nous qui le ratifions. »
O. Mazerolle
Enfin est-ce que les députés Verts ?
J.L. Benhamias
- « Les députés Verts voteront contre, parce que nous pensons que le Traité d’Amsterdam ne va pas dans le bon sens. Nous pensons que le Traité d’Amsterdam ne va pas assez loin, et notamment il s’est arrêté sur la notion et les bases démocratiques pour l’élargissement de l’Europe. »
O. Mazerolle
Donc, c’est irrémédiable : vous allez voter contre ?
J.L. Benhamias
- « Par rapport au Traité d’Amsterdam, bien sûr. »
O. Mazerolle
Quelles que soient les déclarations du Premier ministre avant le débat sur cette révision constitutionnelle ?
J.L. Benhamias
- « Séparons bien le Traité d’Amsterdam des révisions constitutionnelles. Ce n’est pas la même chose. Je ne sais pas ce que voteront les députés par rapport aux révisions constitutionnelles. Nous sommes, nous, pour que l’Europe politique avance réellement. Si les révisions constitutionnelles vont dans ce sens-là, nous voteront oui. Pas au Traité d’Amsterdam, aux révisions constitutionnelles ! »
O. Mazerolle
Et après, c’est non au Traité d’Amsterdam ?
J.L. Benhamias
- « Non, c’est avant. Le Traité d’Amsterdam a été fait avant que la majorité plurielle n’arrive au Gouvernement. Donc, à ce niveau-là, c’est non. »
O. Mazerolle
Enfin, il a été endossé par le Premier ministre.
J.L. Benhamias
- « Bien évidemment, c’est le suivi de la République française qui fait qu’un Premier ministre change, mais la République continue. »
O. Mazerolle
Vous n’avez pas le sentiment de le mettre en porte-à-faux, si vous votez non ?
J.L. Benhamias
- « Pas vraiment. D’ailleurs, lui non plus ! »
O. Mazerolle
Lui, non plus ! Il est pour que vous votiez non ?
J.L. Benhamias
- « Ce n’est pas qu’il est pour. C’est qu’il en a pris acte. »
O. Mazerolle
Il en a pris acte, très bien. Ça ne le gêne pas ?
J.L. Benhamias
- « Je ne crois pas. »
O. Mazerolle
Le nucléaire : l’Allemagne va abandonner les centrales nucléaires. D. Voynet s’est, paraît-il, fait rappeler à l’ordre par L. Jospin qui lui a dit : pas question de défendre cette lignée en France ?
J.L. Benhamias
- « Cela c’est ce qui est écrit. Mais je ne crois pas qu’elle se soit fait rappeler à l’ordre. Il est vrai que la différence entre la France et l’Allemagne c’est que l’Allemagne produisait son énergie à 35 % grâce au nucléaire, en France c’est 80 à 85 %. Les choses sont un peu différentes, évidemment. Ceci dit, quand un pays pragmatique et réaliste comme l’Allemagne décide dans un accord Verts-SPD de sortir du nucléaire, cela touche forcément et la France et l’Europe. Et moi, qui pense que D. Strauss-Kahn, C. Pierret, L. Jospin sont des gens très pragmatiques et très réalistes, économiquement cela change tout parce qu’on ne peut pas faire tout seul, on ne peut pas construire tout seul industriellement, financièrement de nouvelles générations de centrales nucléaires. »
O. Mazerolle
Vous attendez un redéploiement ?
J.L. Benhamias
- « On attend un grand débat réaliste-progressiste qui permette à la France, enfin, de savoir de quelle énergie elle a besoin pour les années futures. »
O. Mazerolle
Mais, tout de même, en Allemagne, s’il y a abandon du nucléaire c’est pour retourner au charbon. Cela ne fait pas un peu passéiste ?
J.L. Benhamias
- « Pas vraiment, je ne vois pas pourquoi le charbon serait passéiste ! Et pas seulement au charbon ! Vous savez, on peut disposer aussi du gaz, on dispose aussi de l’hydroélectrique, on dispose aussi évidemment des énergies renouvelables comme l’éolien. Cela marche très bien l’éolien ! La recherche spatiale a fait faire de grands progrès aux hélices qui permettent maintenant de produire de véritables kilowatts. Et puis, le solaire a un grand avenir devant lui. »
O. Mazerolle
Avec le gaz, on ne va pas réchauffer l’atmosphère encore plus qu’avec le nucléaire ?
J.L. Benhamias
- « Entre deux maux… par rapport aux nuisances. L’être humain produit des nuisances. Alors, il faut choisir qu’elles sont les nuisances qui sont acceptables. Évidemment, le charbon et le gaz produisent plus d’effet de serre que n’en produit le nucléaire. Mais enfin, le charbon et le gaz produisent beaucoup moins de déchets pour plusieurs milliers d’années que le nucléaire. »
O. Mazerolle
Ce qui s’est passé en Allemagne avec l’alliance SPD-Verts vous dope un peu : ils ont trois ministres les Grünen, ils ont des secrétaires d’Etat, et vous, vous avez un ministre.
J.L. Benhamias
- « Nous ne sommes pas jaloux. »
O. Mazerolle
Vous n’êtes pas jaloux ?
J.L. Benhamias
- « Pas du tout. Nous nous sommes rencontrés très souvent avec la direction des Verts allemands cette année. On a prévu l’arrivée des Verts allemands, comme les Verts allemands l’avaient prévu, à un niveau gouvernemental. Les institutions sont différentes. Vous avez vu, en France, on ne peut faire un gouvernement trois semaines ou un mois après : le Premier ministre décide, le Président de la République accepte ou n’accepte pas les ministres qui lui sont proposés. Ce n’est pas comme cela en Allemagne. »
O. Mazerolle
Quel message voulez-vous adresser à L. Jospin au cours de ce week-end ?
J.L. Benhamias
- « Ce sera un message à L. Jospin, et aux Français et aux Françaises, dans leur ensemble : que l’écologie politique et les Verts sont utiles à la vie quotidienne des Français au jour le jour ; que nous sommes bien là pour transformer les politiques publiques dans un sens d’amélioration de la vie quotidienne des gens. »
RMC - lundi 16 novembre 1998
P. Lapousterle
Est-ce que vous avez approuvé, disons, la méthode des États-Unis dans cette affaire qui a fait que l’Irak accepte les conditions de l’ONU avec le bras américain ?
J.L. Benhamias
- « Je ne l’ai pas approuvé, mais on ne m’a pas demandé mon avis. Non, sans rire, je crois qu’il faut par rapport à l’Irak dire que S. Hussein est un dictateur. Il y en a beaucoup dans le monde. Donc il faut agir contre les dictatures. Et nous pensons, les Verts, que c’est le rôle de l’ONU. Donc à ce niveau-là les Américains ne sont pas les gendarmes du monde. Ils ne peuvent pas décider seuls de savoir qui est bon et qui est méchant. Et puis une autre analyse : l’embargo sur le peuple irakien ne sert à rien. Cela a prouvé son inefficacité totale. Qui souffre de l’embargo ? Le peuple, les enfants, les femmes, donc les familles. »
P. Lapousterle
Donc, il faudra le lever ?
J.L. Benhamias
- « Je pense qu’à un moment donné, il faut y aller progressivement et puis par l’ONU aussi, imposer à S. Hussein le droit de contrôle. »
P. Lapousterle
Votre parti des Verts tenait son assemblée fédérale, ce week-end, à Noisy-le-Grand. C’était la première grande intervention de D. Cohn-Bendit, votre tête de liste pour les élections européennes. Il n’a pas mâché ses mots, et il n’a pas refusé les effets de style. Est-ce que vous pensez que, lorsqu’il a dit qu’il fallait régulariser tous les sans-papiers, et qu’il a donné quelques conseils à L. Jospin pour devenir Président de la République est-ce que vous pensez que ce sera bien accueilli ?
J.L. Benhamias
- « Je n’en sais rien. Il a dit qu’il fallait régulariser tous les sans-papiers qui en avaient fait la demande. C’est-à-dire 50 000 ou 60 000 sans-papiers qui continuent à ne plus savoir où ils en sont, et qui ne demandent qu’une seule chose : vivre tranquillement dans notre pays. C’est un principe et une notion d’intégration qui me paraît suffisante. Après, est-ce que L. Jospin prendra bien les conseils que lui donne D. Cohn-Bendit ? Je pense que c’est prendre de la hauteur. D. Cohn-Bendit a dit cela, d’autres en parleront. Nous ne sommes pas encore dans les présidentielles. »
P. Lapousterle
Est-ce que vous pensez qu’au cours de la campagne il n’y aura pas de problèmes avec le parti socialiste – votre grand frère – dans la coalition que vous formez ?
J.L. Benhamias
- « En ce qui concerne les Verts il n’y en aura pas. »
P. Lapousterle
Non.
J.L. Benhamias
- « Non, je crois qu’on va y aller. Ce qu’on a déjà dit, et ce qu’a répété plusieurs fois D. Voynet notamment, c’est qu’il n’y a pas de concurrence dans la majorité plurielle : les électeurs et électrices choisiront en juin prochain. Et ils auront le temps de choisir, et ils verront qui porte le mieux les couleurs pour une Europe qui soit démocratique et environnementale. »
P. Lapousterle
Lorsqu’on voit, ce matin, partout dans la presse, les embrassades entre D. Voynet et D. Cohn-Bendit, vous pensez qu’on peut y croire ? Parce que l’on sait quand même que ce sont deux personnages concurrents, et qu’au départ D. Voynet n’était pas tellement favorable à sa candidature ?
J.L. Benhamias
- « Vous avez raison. Mais on peut y croire. Sur une grande chaîne privée, hier soir, pendant une heure, les deux n’ont pas sonné faux. Cela sonnait juste. Il n’y a pas de concurrence : D. Cohn-Bendit est un européen extrêmement convaincu. Les jeux d’appareil, la direction d’un parti comme celui des Verts que j’anime ne l’intéresse pas beaucoup. Quant à Dominique, je crois que personne ne peut lui prendre sa place. En plus, on est très paritaires chez les Verts. Statutairement c’est 50/50. »
P. Lapousterle
Mais vous savez bien que, lorsqu’il y a deux grandes personnalités dans un parti, c’est toujours un problème. Pour tous les partis !
J.L. Benhamias
- « Oui, mais D. Cohn-Bendit est un véritable Vert européen. Comme nous tous les Verts. Mais dans la participation au petit monde Vert international, la France n’est qu’un des enjeux, pas l’ensemble des enjeux. »
P. Lapousterle
Avec D. Cohn-Bendit, vous avez été chercher un candidat qui a 30 ans d’ancienneté dans le domaine politique.
J.L. Benhamias
- « On n’a pas été le chercher. »
P. Lapousterle
Non, vous n’êtes pas allé le chercher ?
J.L. Benhamias
- « Non, il est venu tout seul. »
P. Lapousterle
Mais, vous avez accepté ?
J.L. Benhamias
- « Plus que cela puisqu’il a été élu par 76 % des militants. »
P. Lapousterle
C’est finalement le vétéran de la politique française. Il y a 31 ans il faisait de la politique en France. Ce n’est pas un problème ?
J.L. Benhamias
- « Il me semble voir encore quelques vétérans dans la politique française, ailleurs que chez nous. »
P. Lapousterle
Ce n’est pas un problème d’avoir un candidat si ancien pour une formation jeune comme la vôtre ?
J.L. Benhamias
- « Non, non, vraiment pas. Les côtés extrêmement positifs de D. Cohn-Bendit c’est que ce garçon, en 30 ans, a évolué mais ne crache en rien sur son passé. Comme on fera une campagne dans le présent et dans l’avenir, tout va bien. Il est capable d’assumer ce qu’il a fait avant, et maintenant de développer des positions politiques pro-européennes dans le sens où les citoyens vont comprendre en quoi l’Europe est utile. »
P. Lapousterle
Votre parti ne cache pas qu’il y a deux grands problèmes avec le Parti socialiste dans la majorité : c’est la place du nucléaire en France, et puis le problème actuel des sans-papiers.
J.L. Benhamias
- « Ils sont bien préparés. »
P. Lapousterle
Vous parlez sur ces deux problèmes, vous exprimez vos différences qui étaient d’ailleurs antérieures à l’accord que vous avez signé avec le PS. Est-ce que ce n’est pas un problème de dire des choses différentes, et que le Gouvernement continue à faire comme si vous ne parliez pas, c’est-à-dire que la politique continue de s’appliquer comme su vous étiez d’accord ?
J.L. Benhamias
- « Les progressions des transformations des sociétés démocratiques sont lentes, pas forcément extrêmement rapides. Nous saurons prendre notre temps. Je prends l’exemple du nucléaire : l’accord qui a été passé dernièrement entre les Verts allemands et les sociaux-démocrates allemands est un accord qui met maintenant la France devant ses responsabilités par rapport à la diversification des ressources énergétiques pour produire de l’électricité. Nous sommes à 75 % : nous sommes le dernier pays démocratique dans le monde à avoir autant de nucléaire. C’est un vrai débat et c’est un vrai débat économique, c’est un vrai débat financier et c’est un vrai débat technologique. On peut sortir du nucléaire en 10, 12, 15 ou 20 ans. Des compromis sont possibles. Quant à la question des sans-papiers et l’immigration on pense que le Gouvernement – et on le dit déjà fermement et solennellement – s’y est mal pris. On pouvait régulariser tranquillement 150 000 personnes il y a maintenant un an et demi, et ce problème aurait été dépassé. Et après, on aurait parlé de la question des flux migratoires et du droit de circulation – qui n’est pas la même chose -, du droit de résidence. Les Verts sont pour le droit de circulation, comme pour les marchandises, comme pour les finances. Le droit de résidence se passe par les accords de co-développement. »
P. Lapousterle
Vous n’êtes pas un peu déçu qu’au cœur de ces grands raisonnements, sur aucun de ces deux points vous ne progressiez pas ?
J.L. Benhamias
- « Moi, je pense que tout cela va progresser. Je ne sais pas si c’est dans six mois, trois mois, demain ou dans un an, mais cela va progresser. »
P. Lapousterle
Quand on vous annonce par exemple que le Pacs – qui est un projet de loi sur lequel vous vous êtes engagés, dont vous pensez qu’il est absolument nécessaire – quand vous entendez dire qu’il risque d’avoir un an de retard, cela vous chagrine ?
J.L. Benhamias
- « Ce qui me chagrine c’est ce débat pitoyable. Le Pacs n’est que l’amélioration du concubinage qui existe quand même depuis de nombreuses années. Il y a évidemment la reconnaissance – c’est incroyable en France ! – du couple homosexuel. Mais enfin dans quel pays vivons-nous à ce niveau-là ? Vraiment, nous sentons que la population accepte totalement ces faits de société, et là on a un débat à l’Assemblée nationale où on croirait revenir 30 ans ou 40 ans en arrière. Alors, quel retard ? Alors, maintenant que cela prenne six mois ou un an, dommage ! Il y a eu un raté, à un moment donné, de l’ensemble des députés. »
P. Lapousterle
Y compris vous ?
J.L. Benhamias
- « Non, non. »
P. Lapousterle
Sur six vous étiez deux !
J.L. Benhamias
- « Sur six nous étions trois. Le troisième étant président de séance. Vous savez que s’il y avait eu un vote à l’Assemblée, chacun a le droit à un mandat, donc les trois représentaient les trois autres. »
P. Lapousterle
Pour la campagne européenne votre but est, évidemment, de réunir le plus de suffrages possibles. Si vous changiez de statut, si vous deveniez second, est-ce que cela devrait se traduire pour la suite politiquement ?
J.L. Benhamias
- « Cela devrait se traduire politiquement justement sur ce qu’on vient de discuter par rapport au poids que nous pesons de la société. Et puis, comme on fera une campagne sur ces thèmes-là, donc les Français auront choisi. »
P. Lapousterle
Et dans le Gouvernement ?
J.L. Benhamias
- « Dans le Gouvernement cela dépend de L. Jospin. On ne change pas un gouvernement parce que, tout un coup, ce sont les élections européennes et que tel ou tel a fait plus ou moins. Parce que, il faut réexpliquer pourquoi dans ce cas-là ! L. Jospin devrait dire : on enlève un ministre socialiste, on enlève un communiste ou un Radical ? Ce n’est pas comme cela que cela se passe. S’il y a beaucoup d’électeurs qui votent pour nous, et nous le pensons – en tout cas au-delà au 8 % -, cela changera le rapport de forces dans la majorité plurielle, et donc dans ce que nous pensons, dans ce que nous proposons. »
P. Lapousterle
Et sans traduction gouvernementale cela ne vous dérangerait pas ?
J.L. Benhamias
- « Nous verrons bien. S’il n’y a pas de changements ministériels. On ne fait pas cela en fonction des élections européennes. »
P. Lapousterle
8 % ce n’est pas un peu ambitieux ?
J.L. Benhamias
- « Non, on les a déjà faits. Cela nous est déjà arrivé en 1989, 1991 et 1992. On sait qu’on peut le faire. »