Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec beaucoup de plaisir que je participe ce matin à vos travaux.
J’ai tenu à venir personnellement vous saluer : c’est d’abord un plaisir pour moi, élu local d’une région où le fermage est très présent, de répondre à l’invitation de votre président, responsable agricole dans la même région. Cela fait de nombreuses années que nous travaillons ensemble, dans le Pas-de-Calais et maintenant aussi à Paris.
Votre congrès aujourd’hui n’est pas seulement l’occasion amicales rencontres.
En venant parmi vous, je tenais aussi tout spécialement à souligner un important anniversaire : le statut du fermage a cinquante ans.
Cinquante ans ! C’est déjà un parcours remarquable, celui d’une législation qui a maintenant régi les rapports de presque deux générations de preneurs et de bailleurs.
Je ne reprendrai pas le détail des événements, petits ou grands, consensuels ou conflictuels, qui ont marqué ce demi-siècle.
Mon propos aujourd’hui sera d’une autre nature : très concrètement, très simplement, je voudrais souligner à quel point le fermage continue d’être, un outil essentiel pour notre agriculture, un outil de sa modernisation.
Au plan économique tout d’abord, en assurant la pérennité de l’exploitation et en garantissant au preneur que les investissements qu’il consent seront décomptés lorsqu’il quittera son exploitation. Ainsi le fermage a contribué à l’essor et à la modernisation de l’agriculture française.
Au plan social ensuite, la législation du fermage a garanti une réelle sécurité à des centaines de milliers d’exploitants.
Et aujourd’hui, le fermage continue à se développer en France. Le fermage y est maintenant largement majoritaire : 60 % des terres sont exploitées sous ce mode de faire valoir.
Après avoir été surtout un outil de régulation des conflits possibles entre un propriétaire et un exploitant, aux intérêts parfois divergents, progressivement, le fermage est devenu un outil de solidarité entre plusieurs générations d’agriculteurs : les retraités de l’agriculture sont désormais les principaux bailleurs. Cet engagement permet à de jeunes agriculteurs de limiter leurs investissements de départ.
Ce dernier point est peut-être le plus important de tous : vous connaissez mon attachement, et celui du Premier ministre qui a signé la charte de l’installation, au soutien à apporter aux jeunes agriculteurs.
Il est indéniable que le fermage apporte aujourd’hui une réponse efficace sur ce point.
Les collectivités locales pourront très bientôt intervenir directement dans le cadre des programmes d’initiatives locales en faveur de l’installation (PIDIL), en améliorant encore cette réponse par la mise en place de fonds de garanties ou d’avance aux fermages. L’État pour sa part y contribuera par une disposition fiscale évitant l’imposition du cumul de plusieurs revenus annuels en cas d’avance de fermage.
S’il est une grande ambition à donner aujourd’hui au fermage, c’est bien celle de soutenir toujours plus l’installation. Vous pouvez être assurés de ma vigilance sur ce point.
Faut-il donner aujourd’hui d’autres orientations complémentaires au fermage ?
Très simplement, j’apporterai ma contribution en soulignant trois points que je crois essentiels pour l’avenir : équilibre, vitalité et évolution.
Équilibre tout d’abord : le bail est un contrat qui lie deux parties aux intérêts complémentaires, le preneur et le bailleur. Même si le législateur a tenu très fermement à encadrer les conditions de leur accord dans des règles d’ordre public, nous ne devons pas oublier que la longévité du statut du fermage ne peut se prolonger que si les intérêts fondamentaux de l’un, et de l’autre, sont tous deux toujours respectés.
C’est pourquoi la concertation entre les représentants des bailleurs et les représentants des preneurs est tellement essentielle : c’est tout simplement le moyen le plus simple de vérifier que cet équilibre fondamental est toujours respecté.
Je sais que vous êtes très attaché à cette concertation, Monsieur le Président, le événements récents l’ont confirmé. J’y reviendrai.
Vitalité ensuite : comme je le rappelais à l’instant, le fermage est un contrat très encadré. Il est donc important de vérifier, très régulièrement, que celui-ci ne porte pas atteinte au dynamisme de l’agriculture.
Au contraire, et je l’ai dit tout à l’heure, le meilleur signe de ce dynamisme est le recours massif des jeunes agriculteurs au fermage au moment de leur installation.
Évolution enfin : Monsieur le président, je crois suffisamment vous connaître pour savoir que vous appréciez la franchise.
Je m’exprimerai donc clairement : le fermage doit pouvoir évoluer !
Je parle d’évolutions progressivement muries, réfléchies, patiemment négociées.
Cette méthode prend du temps. L’expérience a prouvé, malgré ces délais, qu’elle est efficace.
Vous le dites vous-même, Monsieur le Président : vous préférez voir le fermage évoluer plutôt que de voir mettre en place d’autre contrats de location de biens agricoles.
Je le dirai autrement : c’est en adaptant le statut du fermage que l’on rend le plus grand service au fermage.
Mais je n’oublie pas que le temps m’est aujourd’hui compté, et je voudrais en venir à une actualité plus immédiate.
1995 était la première année de mise en œuvre de la réforme de l’indexation des fermages. Je sais que vous étiez très réservé sur cette réforme, surtout au début.
Pour autant, vos revendications n’ont pas été négligées. Je dois reconnaître aussi que le recours aux commissions départementales des baux ruraux, que vous aviez demandé, s’est révélé être un choix judicieux.
À l’heure actuelle, moins de vingt départements recourent encore à l’indice transitoire fixé par la loi. Cela veut dire, à l’inverse, que dans tous les autres départements, bailleurs et preneurs ont pu déterminer un indice adapté à leur situation. Ce dialogue est donc un réel succès.
Sur d’autres point, nous devons toutefois encore progresser.
Les conditions de mise aux normes des bâtiments d’élevage font partie de ces points délicats.
Un accord de juillet dernier entre la section des fermiers et celle des bailleurs, au sein de la commission tripartite de la FNSEA, propose une piste sérieuse pour sortir de ce dilemme : ou bien le bailleur prend les travaux à sa charge et le problème est réglé ; ou bien le preneur fait les travaux et il en est tenu compte pour les indemnités de fin de bail.
Le ministère de la justice a été saisi de cet accord à ma demande et son expertise vient de me parvenir. Il faut reconnaître l’avancée qui est faite. Mais celle-ci ne pourra être décisive que si elle est complète et claire.
Il faut savoir sur qui portera en dernier recours, sur le bailleur ou sur le preneur, la contrainte légale de la mise aux normes.
En même temps, il serait sage de clarifier aussi le difficile problème des durées d’amortissement. Je vous invite donc à progresser encore sur ce sujet, avec, su vous le souhaitez, le concours des services de mon ministère et ceux de la justice.
Je serai plus bref sur les autres sujets qui vous préoccupent aussi.
Le nouveau décret sur les transferts de références laitières, publié le 23 janvier dernier, clarifie la gestion des quotas dans le sens que vous souhaitiez comme l’ensemble de la profession.
Si l’augmentation des prélèvements vise d’abord à favoriser l’installation, elle a également pour effet de protéger les preneurs.
Vous insistez toutefois sur l’absolue nécessité de protéger les fermiers évincés par leur bailleur, en maintenant à leur profit la totalité des quotas laitiers dont ils bénéficiaient jusqu’ici en tant que preneurs.
Comme vous le savez, il n’a pas été possible d’aller aussi loin dans le décret qui vient de paraître. Mais je peux vous confirmer que des dispositions ont été prises pour permettre à chaque département de réallouer des quotas aux fermiers, heureusement rares, qui seraient dans cette situation.
Vous avez également insisté, Monsieur le président, sur la nécessité de compléter la représentation des exploitants agricoles en commission départementale d’orientation de l’agriculture, par une représentation spécifique des fermiers, craignant que la présence des propriétaires n’y introduise un déséquilibre.
J’ai demandé à mes services de faire le point après quelques mois de fonctionnement des commissions. Une enquête est en cours de dépouillement et cette question doit être abordée globalement avec le OPA.
C’est pourquoi j’ai souhaité personnellement qu’elle soit traitée au cours de la prochaine réunion du CSO, prévue le 2 mai prochain.
En ce qui concerne la préretraite, nous avons fait, en décembre, le point avec les organisations agricoles comme je l’avais moi-même annoncé au Sénat et conformément à la charte de l’installation.
La réorientation de la mesure en faveur de l’installation est réelle : par rapport à la période 1992-1994, le dispositif actuel a plus que doublé la proportion des terres bénéficiant à de jeunes agriculteurs.
Le choix qui avait été fait à l’origine était de privilégier l’orientation des terres libérés en faveur de l’installation, en ne différenciant pas le niveau des primes selon que les terres étaient en fermage ou en faire-valoir direct.
D’ailleurs, Monsieur le président, et ce n’est pas vous qui me direz le contraire ; bien souvent, celui qui cesse son activité n’est pas sans influence sur la désignation de son successeur.
J’ajoute qu’en accord avec les OPA, la situation des preneurs a été prise en compte et de ce point de vue, la seule logique de la destination des terres a été atténuée.
Alors faut-il remettre en cause le choix d’origine privilégiant la destination des terres libérées et considérer aussi que l’influence du preneur sur la destination des terres est quasiment nulle ?
Une telle remise en cause ne serait justifiée que si des différences très fortes apparaissaient dans la destination des terres, selon qu’elles étaient ou non propriété de l’exploitant. Or ce n’est pas actuellement le cas. Mais nous pouvons surveiller particulièrement les évolutions sur ce point.
Monsieur le président, Mesdames, Messieurs, devant maintenant vous quitter pour me rendre à la conférence annuelle, je regrette de ne pouvoir être suffisamment exhaustif sur tous ces sujets au cœur de vos préoccupations mais nous allons avoir l’occasion au cours des prochains moins d’approfondir ces débats.
Célébrant le cinquantenaire du statut du fermage, nous poursuivons sur la voie tracée avant nous, aussi bien du côté des représentants professionnels que du côté des représentants de l’État.
Vous savez que les pouvoirs publics sont attachés à l’idée d’un dialogue nécessaire avec les professionnels de l’agriculture pour préparer et accompagner au mieux ses évolutions.
Avec vous preneurs, mais aussi avec vos bailleurs, je souhaite maintenir les conditions d’un réel dialogue.
C’est ce dialogue qui me donne confiance pour aborder, avec vous, la cinquante et unième année du statut du fermage.