Interview de M. André Rossinot, président du Parti radical, à France-inter le 27 mars, sur l'interdiction faite par la cour d'appel, à l'ex MRG d'utiliser la dénomination "Radical", le sens de son engagement dans la campagne pour la présidence de l'UDF, et sur l'affaire de la "maladie de la vache folle".

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Média : France Inter

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France Inter : La Cour d’appel de Paris a interdit à Radical d’utiliser cette dénomination puisqu’il vous la laisse. Cela vous convient-il ?

A. Rossinot : La justice, c’est quand même pas mal, y compris par les temps qui courent. Ce n’est que justice puisqu’il y avait eu une sorte de rapt organisé par B. Tapie et F. Hory, l’un parlant de Parti radical, B. Tapie, et l’autre changeant le nom du Mouvement des radicaux de gauche en utilisant le substantif radical pour semer le doute et la confusion. Nous avions perdu en première instance mais là, le Tribunal de grande instance en appel, nous a donné raison à la fois contre M. Tapie et contre l’ex-MRG qui va devoir changer de nom. Aujourd’hui, M. Tapie doit un franc symbolique place de Vallois, ça fait partie des créances dont nous sommes fiers.

France Inter :  C’est peut-être la seule que vous récupérerez jamais ?

A. Rossinot : Je ne sais même pas.

France Inter : Pour quelles raisons avez-vous intenté ce procès ? Pour des raisons sentimentales ?

A. Rossinot : Pour des raisons sentimentales et puis des raisons d’éthique et de morale politique. Nous incarnons la légitimité politique, mais il y aussi une chose grave, en politique, que la médiatisation peut accentuer : c’est la confusion. Par conséquent, qu’il y ait aujourd’hui un Mouvement des radicaux de gauche alliés aux socialistes, voire qui a été conjoncturellement allié au Parti communiste, c’est une chose. Le Parti radical, son histoire, sa légitimité géographique et politique place de Vallois, en est une autre, et je pense aujourd’hui, c’est une très bonne nouvelle et je pense que mes amis radicaux sont fiers.

France Inter : Vous vous sentez plus Radical ou plus UDF ?

A. Rossinot : J’allais vous répondre facilement les deux. Parce qu’il y a à la fois sensibilité, son cœur, sa petite patrie politique d’origine et la mienne dont je suis particulièrement fier : c’est le Parti radical.

France Inter : C’est l’héritage ?

A. Rossinot : Oui l’héritage. Mais les valeurs qui sont les nôtres, celles de tolérance, de refus des extrêmes, de laïcités, d’ouverture, de solidarité, nous souhaitons aussi les faire partager à une large fraction de l’opinion et l’organisation politique veut que la théorie des grands ensembles s’applique là aussi. C’est ce que Giscard avait compris en 1978, en fédérant la famille libérale, la famille démocrate-chrétienne et la famille radicale et sociale-démocrate. Aujourd’hui, il faut progresser, c’est la succession de Giscard, c’est une étape importante et difficile.

France Inter : Vous n’êtes pas le favori selon les sondages ?

A. Rossinot : Ce sont des sondages sur opinion, il y a 1 750 électeurs.

France Inter : Vous n’êtes pas le favori ?

A. Rossinot : J’ai beaucoup dérangé.

France Inter : Pourquoi vous présentez-vous quand même ?

A. Rossinot : J’ai beaucoup dérangé et j’ai eu, je crois, un grand mérite de recentrer le débat dans deux directions, cela a été le sens de mon engagement. D’abord je souhaite qu’on passe d’un système confédéral fragile, exposé à des discordes, exposé à des divisions politiques, à une structure politique forte, moderne, unifiée. Je souhaite que l’UDF devienne une grande formation politique unifiée, moderne. La seule condition pour y arriver, c’est que le prochain président de l’UDF soit élu au suffrage universel des militants.

France Inter : Pas le prochain, alors ?

A. Rossinot : Pas celui du 31 mars, mais il y a des réformes statutaires à faire avant l’été. J’ai obligé chacun à s’y engager, on va passer par une véritable organisation fédérale, vers un grand parti avec un fichier commun, un congrès national. L’UDF n’a pas tenu congrès depuis 1982 à Pontoise. C’est une grande formation qui s’était affadie et pour laquelle aujourd’hui il faut beaucoup se passionner. C’est un enjeu au centre, c’est la deuxième raison de ma candidature. L’espace politique du centre n’apparaissait pas suffisamment, F. Léotard et A. Madelin, issus tous deux de la formation libérale, donnaient une image un peu trop décalée sur la droite, de l’UDF. Or, l’espace du centre est prioritaire.

France Inter : Mais F. Bayrou est l’allié de F. Léotard, on les soupçonne même de vouloir faire une tournette ?

A. Rossinot : Oui. Une des questions qu’on se pose c’est pour combien de temps, selon eux, le président élu le 31 mars va l’être. La clarification, aujourd’hui, n’est pas totale. Je souhaite qu’il y ait clarification, que l’UDF ne soit pas uniquement une affaire d’alliances parce que s’il n’y a qu’une alliance conjoncturelle de personnes, il y aura risque d’éclatement. Pour conjurer ce risque, je dis qu’il faut une grande formation politique unifiée avec une élection au suffrage universel pour la prochaine fois.

France Inter : Contre qui vous présentez-vous ?

A. Rossinot : Je me présente pour l’UDF. J’ai deux compétiteurs.

France Inter : Trois maintenant ?

A. Rossinot : On va voir ça ce matin. J’entends faire un score le plus élevé possible, c’est très important qu’on ne laisse pas ce sentiment d’une UDF réduite à un duopole demain, entre Léotard et Bayrou. La candidature d’A. Madelin a perturbé ce jeu, la mienne vise à mettre en œuvre l’existence d’un troisième pôle, à côté du Parti républicain et de Force démocrate, c’est important pour son équilibre et pour garantir l’unité.

France Inter : Vous voulez être dans l’équipe dirigeante quelle qu’elle soit ?

A. Rossinot : Tout à fait. Avec une véritable organisation authentiquement tripolaire et incarner le centre parce qu’en 1998, compte tenu de la difficulté des élections partielles, c’est là où se fera la différence. Il faut une UDF en pleine forme dans cet espace politique.

France Inter : Cette compétition qui n’a pas toujours été fraternelle va laisser des traces ? Les vaincus vont se plier à la loi des vainqueurs ?

A. Rossinot : C’est indispensable, je ferais tout pour ça. La bataille ne s’arrête pas le 31 mars. Il faut garantir l’unité de l’UDF, garantir une réforme statutaire avant l’été dans des conditions honorables et fortes, se battre pour la diversité et le pluralisme à l’intérieur des opinions émises. Je puis vous assurer que ma bataille personnelle ne s’arrête pas le 31 mars.

France Inter : Vous êtes médecin, quel enseignement tirez-vous de l’affaire de la vache folle sur le plan politique ?

A. Rossinot : Sur le plan politique et sur le plan de la santé, on est quelquefois, dans ce monde, enivré par le progrès, l’audace ; on va dans l’espace ; on pense que rien ne peut résister à l’homme or quand on regarde le problème de cette infection – c’est d’ailleurs le même problème en ce qui concerne le Sida- on se rend compte que dans la lutte contre la maladie, il ne faut pas de répit. Il faut, et c’est une de mes batailles, y compris comme maire de Nancy, une éducation sanitaire, un partenariat avec tout le secteur santé public et privé. C’est la même chose sur le plan animalier. Il faut qu’il y ait des organisations politiques qui prennent des décisions qui aillent dans ce sens, même si c’est douloureux sur le plan économique comme pour nos partenaires anglais. Il n’y a pas d’autres moyens. Les fléaux, cela existe ; ça continue à faire peur et par conséquent, l’éducation comme la protection sont indispensables.

France Inter : Vaut-il mieux prendre trop de précautions que pas assez ?

A. Rossinot : Tout à fait et je crois que la sagesse, aujourd’hui, est de prendre ces décisions et d’être solidaires de nos amis anglais, dans cette période difficile pour eux.

France Inter : Autrement dit, mettre la main au porte-monnaie ?

A. Rossinot : Mettre la main au porte-monnaie parce que cela peut nous arriver aussi un jour en France.