Texte intégral
« Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député.
Monsieur le président Rossi, le lapsus que vous avez commis en commençant votre propos me paraît être un bon signe pour l’ouverture de ce débat. Identifier la France aux femmes n’est pas exactement le point jusqu’où le Gouvernement veut aller ; il se contenterait de savoir que les femmes aient dans ce pays, et notamment dans la vie publique, leur juste place.
Quant au Gouvernement, dans cette affaire, il a une pensée, il a un objectif, il n’a pas d’arrière-pensées. Et je vous répondrai donc clairement. Au cœur de la démarche de modernisation de la vie publique que nous avons engagée se tient effectivement la volonté d’avancer vers l’objectif de la parité. Bien sûr, la volonté des partis politiques peut y conduire et la formation politique à laquelle j’appartiens, à l’occasion des élections législatives, a réservé 30 % des circonscriptions à des candidates femmes. Je crois aussi qu’on peut constater, dans cette assemblée, que si le nombre des femmes – encore insuffisant – s’y est fortement accru, c’est beaucoup grâce aux formations politiques de la majorité.
Néanmoins, il apparaît que si cette volonté des formations politiques est défaillante, nous n’avancerons pas assez vite, surtout si le cadre institutionnel – et je dirais même le texte constitutionnel – semblent faire obstacle à cette avancée vers la parité. C’est pourquoi dès ma déclaration de politique générale, au nom du Gouvernement, j’ai annoncé que nous nous fixions comme objectif une révision de la Constitution afin d’y inscrire l’objectif de la parité entre les femmes et les hommes. Cet engagement a été confirmé par moi lors de la Journée internationale des femmes, le 8 mars 1998, et cet engagement a été accepté par le président de la République, même s’il a préféré le mot égalité entre les femmes et les hommes plutôt que la formule que je proposais, plus nette, plus claire, plus novatrice qui était celle de parité.
Nous nous sommes entendus – mais on peut introduire le mot parité, s’il vous convient mieux, ce n’est pas un problème – nous nous sommes entendus donc sur un texte et un projet de loi constitutionnelle a été adopté par le Conseil des ministres le 17 juin. Ce texte, dont la rédaction, aujourd’hui retenue par votre commission des lois, indique que cette réforme de la Constitution se fera par l’affirmation à l’article 3 de notre texte fondamental des éléments suivants : « la loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ». Il s’agit donc d’une réforme essentielle de notre vie démocratique, cinquante ans après l’obtention du droit de vote par les femmes, alors que – (en écho, ici, aux réactions dans l’hémicycle, ndlr). Oui, bien sûr de Gaulle. De Gaulle et les formations de gauche réunies dans l’esprit du Conseil national de la résistance, ne l’oublions pas. De Gaulle et le Parti communiste et le Parti socialiste et le MRP issus des combats de la résistance, c’est la réalité historique, nous la partageons sur ce terrain. Ne nous disputons pas.
Les femmes représentent aujourd’hui 53 % de la population. Dans des conditions et par différence avec les autres grandes démocraties européennes, pouvons-nous accepter qu’elles ne constituent qu’à peine 11 % des députés, 6 % des sénateurs, qu’il y ait moins de 10 femmes maires de ville de plus de 50 000 habitants, aucune femme présidente de conseil général, et une seule femme présidente de conseil régional.
La mise en œuvre de la parité dans la vie politique doit d’ailleurs s’accompagner d’une action résolue tendant à une plus grande égalité des hommes et des femmes dans tous les aspects de la vie publique, de la vie professionnelle et de la vie sociale, et notre secrétaire d’État, N. Péry, aura à y travailler et à vous faire des propositions dans les semaines et dans les mois qui viennent. Je voudrais vous dire en tout cas et pour finir de répondre complètement à votre propos, Monsieur le président Rossi, que cette démarche à sa justification en elle-même, qu’elle n’obéit à aucun autre motif. Concrètement, puisque vous parlez de mode de scrutin, c’est vrai que les modes de scrutin de liste permettent aisément de réaliser la parité. Nous avons, nous, pris déjà, socialistes, des engagements dans ce sens et je crois savoir que les formations de la majorité ont proposé un amendement tendant à ce que cela apparaisse comme principe dans la réforme du mode de scrutin régional. Mais cette révision constitutionnelle n’est aux yeux du Gouvernement et à mes yeux, en aucune façon, conçue comme un moyen ou comme un prétexte, dans l’avenir, à une modification des modes de scrutin et tout particulièrement du mode de scrutin législatif. Discutons donc de la parité et de l’égalité sans arrière-pensées. Si nous devions avoir un débat sur les modes de scrutin, il serait d’une autre nature. Le Gouvernement, à cet égard, n’a pas de projet. »