Interview de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au Budget, dans "Paris-Normandie" le 12 mars 1999, sur l'évolution de la pression fiscale.

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Circonstance : Déplacement à Rouen le 12 mars 1999-visite de l'Ecole des douanes et déjeuner débat avec des hommes d'affaires à la préfecture de région

Média : Paris Normandie

Texte intégral

PARIS-NORMANDIE : Le gouvernement n’a pas profité de la croissance pour diminuer la pression fiscale. Ne craignez-vous pas qu’un renversement de tendance économique ne vous empêche définitivement de le faire ?

Christian Sautter : « D’abord, je ne partage pas votre pessimisme sur la croissance. C’est vrai que comme Dominique Strauss-Kahn a l’habitude de le dire, nous traversons actuellement un trou d’air, mais la tendance de l’économie française est une croissance comprise entre 2,5 % et 3 % du PIB. Nous avons fait 3,2 % en 1998, nous ferons sans doute un peu moins en 1999, mais la croissance reprendra a un rythme vit et elle est donc devant nous et pas derrière nous.
Je tiens ensuite à rappeler que le Gouvernement a au moins stabilisé la pression fiscale tout en baissant le déficit et en contrôlant les dépenses. Je rappelle qu’entre 1993 et 1997, les précédents gouvernements avaient augmenté les prélèvements obligatoires de près de deux points de PIB. Dans le budget 1999, nous avons diminué les impôts de près de 16 milliards de francs. Dans le programme pluriannuel de finances publiques que nous avons transmis à Bruxelles, nous prévoyons de diminuer les prélèvements obligatoires d’un point de PIB à l’horizon 2002. Le gouvernement est donc fermement engagé dans une politique de diminution des prélèvements obligatoires et il la poursuivra d’ici la fin de la législature ».

PARIS-NORMANDIE : Diminuer les impôts constitue-t-il un moyen de la politique budgétaire ou un but de la politique économique de l’Etat ?

Christian Sautter : « La fiscalité est un instrument important non seulement de la politique économique, mais également de la politique sociale de l’Etat. C’est un moyen de la politique économique parce que nous l’utilisons pour lutter contre le chômage : la suppression en 5 ans de la taxe professionnelle sur les salaires confortera les entreprises qui créent de l’emploi aujourd’hui, c’est-à-dire les PME, 820 000 entreprises bénéficieront dès 1999 d’une baisse de leur taxe professionnelle d’environ 40 % et les entreprises du secteur tertiaire. C’est également un instrument de la politique sociale parce que c’est un moyen de réduction des inégalités ; c’est ce que nous avons fait en atténuant ou en supprimant certaines niches fiscales en matière d’impôt sur le revenu (loi Pons, quirats de navires) et en renforçant l’impôt de solidarité sur la fortune (augmentation du taux maximum de 1,65 % à 1,8 % pour 800 gros patrimoines) ».

PARIS-NORMANDIE : Comment empêcher que la fiscalité locale ne supprime les effets d’une éventuelle baisse nationale des impôts. Peut-il y avoir une politique fiscale coordonnée ?

Christian Sautter : « Je crois qu’il faut faire confiance aux élus locaux et à leur sens des responsabilités. J’observe d’ailleurs en 1997, les taux des impôts locaux ont beaucoup moins augmenté qu’au cours des dernières années (+ 1,2 % à 1,7 contre + 2,3 % à + 3,2 % en moyenne depuis 1992) et même que, dans certaines collectivités comme les régions, on constate une baisse générale de la fiscalité. Je ne crois donc pas que les décisions prises au niveau local puissent contrecarrer la politique fiscale du Gouvernement ».

PARIS-NORMANDIE : Le Gouvernement se déclare réformateur. Mais, en matière fiscale et malgré les critiques sur la complexité du système français, on ne voit aucune réforme venir. Est-ce si difficile ? Ou bien votre volonté est-elle insuffisante à cet égard ?

Christian Sautter : « Vous avez raison de dire que le système français est complexe. On peut ajouter qu’il est certainement possible d’en améliorer l’efficacité économique et l’équité. Mais je ne peux pas vous laisser dire que le gouvernement n’a fait aucune réforme depuis juin 1997 : la suppression de 4,8 points de cotisation sociale pesant sur les salaires et leur remplacement par une majoration de 4,1 points de la CSG sur l’ensemble des revenus constitue un fort élément de rééquilibrage de la fiscalité sur le travail vers la fiscalité sur le capital ; la suppression de la taxe professionnelle sur les salaires, la plus importante réforme de la taxe professionnelle depuis sa création en 1975, se traduire in fine par un allègement de 25 Mds F pour l’emploi dans les entreprises ; la baisse des frais de notaire, attendue depuis des années, la création d’une taxe générale sur les activités polluantes, la baisse de la TVA pour 12 milliards de francs, tout ceci constitue un ensemble de réformes cohérents et très significatives pour l’emploi, la justice sociale et la protection de l’environnement.
Quant à la simplification, c’est un des principaux soucis du gouvernement et nous avons là aussi fait beaucoup pour simplifier la vie des français : 15 millions de formulaires seront ainsi supprimés en 1999 pour les particuliers et les entreprises. Pour les particuliers, je voudrais citer deux simplifications importantes. La première, c’est la suppression de l’obligation de fournir un certificat de scolarité pour obtenir la réduction d’impôt pour frais de scolarité dont bénéficient les collégiens de moins de 17 ans ; plus d’une famille sur deux bénéficiera de cette mesure de simplification. La seconde, c’est l’importance réforme du droit de bail. Contrairement à ce qu’on laisse entendre ici ou là, celle-ci ne se traduira nullement par une double imposition pour les propriétaires bailleurs, puisque ceux-ci ne payeront pas plus d’impôts en 1999 qu’en 1998, mais elle conduira à une grande simplification, 5 millions de déclarations et autant de moyens de paiement seront supprimés, puisque les contribuables n’auront plus à remplir à l’automne une déclaration particulière pour cet impôt ».