Texte intégral
France 2 : mardi 7 mai 1996
G. Leclerc : Un an après l'accession de J. Chirac à l'Elysée, les Français jugent assez sévèrement son bilan : selon un sondage qui paraît ce matin, ce bilan serait négatif à 57 %, contre 34 %. N'est-ce pas la grande désillusion après les promesses de la campagne ?
Bernard Pons : Je ne crois pas. Le président de la République a été élu pour sept ans. Ça fait un an. Il a été contraint de décider une politique qui n'est pas une politique populaire. Il fallait remettre de l'ordre dans notre pays, d'abord au niveau des finances publiques, ensuite dans un grand nombre de secteurs. Donc, le président de la République savait que dès le début les choses seraient difficiles. Et puis, il a entrepris de demander au Gouvernement de faire toute une série de réformes. Les Français regardent ces choses avec une certaine inquiétude, une certaine appréhension. Mais il y a des signes objectifs qui font qu'on peut être confiant pour un avenir assez proche, en particulier la baisse des taux d'intérêt qui est historique dans notre pays, la reprise de la consommation au mois de janvier et février, encore un peu timide ; des signes au niveau de l'inflation qui est maintenue, du commerce extérieur qui se développe largement. Tout cela montre que la situation économique de notre pays est bonne. Aujourd'hui, il y a des interrogations, des inquiétudes. Je suis persuadé que, dans quelques temps, cela se transformera.
G. Leclerc : La rigueur budgétaire est à l'ordre du jour. J. Chirac a dit qu'il fallait aller plus loin dans la réduction des dépenses publiques pour pouvoir baisser les impôts dès 1997. C'est exactement ce que réclamait il y a quelques jours E. Balladur.
Bernard Pons : Le président de la République est tout à fait conscient que les charges qui pèsent sur les particuliers et les entreprises sont un élément qui bloque la situation de notre pays. Mais il fallait d'abord remettre de l'ordre dans nos finances publiques. On avait laissé les choses aller à vau-l'eau. C'était un peu la politique du chien crevé au fil de l'eau.
G. Leclerc : M. Balladur aussi ?
Bernard Pons : … et un État ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens. Ça fait plus de 20 ans que la France vit au-dessus de ses moyens. Je le vois dans le secteur de l'Équipement, du Logement et des Transports et du Tourisme. On a fait beaucoup de choses, mais quelquefois on fait trop de choses qui pèsent très lourdement sur les finances publiques. Donc, il faut faire des économies dans le train de vie de l'État. Le Premier ministre a incité les ministres à faire un gros effort. Le président de la République l'a rappelé hier. On va dans cette voie. Je pense que tout le Gouvernement sera solidaire pour aller dans cette voie qui est aussi une voie difficile.
G. Leclerc : Êtes-vous prêt à réduire le nombre des fonctionnaires dans votre secteur ?
Bernard Pons : Dans le ministère de l'Équipement, un effort considérable a été fait depuis 15 ans pour la diminution des fonctionnaires, en particulier des fonctionnaires de terrain. Mais il y a d'autres secteurs…
G. Leclerc : Vous avez déjà donné, c'est ça ?
Bernard Pons : J'ai déjà donné au niveau du ministère de l'Équipement. Mais dans d'autres secteurs, en particulier au niveau de l'administration centrale, on doit pouvoir poursuivre des efforts et obtenir des résultats.
G. Leclerc : N'y a-t-il pas un décalage entre les promesses et les réalités ? J. Chirac avait insisté sur la fracture sociale ; or il y a 130 000 chômeurs de plus. A. Madelin a dit ce matin qu'en matière d'emploi, le sursaut n'a pas eu lieu.
Bernard Pons : En ce qui concerne la fracture sociale, la politique conduite a montré la volonté du président de la République et du Premier ministre de la réduire. Le CIE pour les chômeurs de longue durée a été mis en place rapidement. Il donne ses effets. En matière de logement, un effort pour le logement social a été engagé sans précédent. Pour la première fois, un gouvernement, pour les plus démunis et ceux qui étaient à la rue, a décidé des réquisitions en matière de logements. Les logements de première urgence ont été lancés. 12 000 logements de première urgence ont ouvert au mois de mars. Donc, on ne peut pas dire qu'il n'y ait pas eu un effort pour réduire la fracture sociale. Mais où la fracture sociale ne pourra être réduite qu'à partir du moment où la situation économique de notre pays et la situation de nos finances politiques seront assainies.
G. Leclerc : Le moment n'est-il pas venu d'élargir l'assise du Gouvernement ? Ne faut-il pas faire rentrer de fortes personnalités comme des balladuriens, F. Léotard ?
Bernard Pons : C'est un problème qui relève de l'analyse du président de la République et du Premier ministre. En ce qui concerne ma participation au Gouvernement, je n'ai pas à porter de jugement en la matière. A l'heure actuelle, le Gouvernement représente bien la majorité telle qu'elle est au Parlement, plus particulièrement à l'Assemblée nationale. C'est tellement vrai que lorsque le Gouvernement présente des textes à l'Assemblée nationale, il est soutenu par sa majorité.
G. Leclerc : Pas de remaniement ?
Bernard Pons : A partir du moment où il y aura peut-être une modification de la politique conduire par le Gouvernement ou une adaptation, alors, à ce moment-là, sans doute, il faudra revoir peut-être la composition du Gouvernement. Mais c'est le président de la République qui est juge en la matière.
G. Leclerc : La SNCF prend-t-elle la bonne direction avec son nouveau directeur ?
Bernard Pons : C'est une grande entreprise avec une culture très grande. Il y a 180 000 salariés. La SNCF est dans une situation financière très difficile. Nous avons lancé un débat national. Ce débat se déroule actuellement. Il montre que le problème de l'endettement de la SNCF est ce qui pèse sur l'entreprise.
G. Leclerc : Vous allez annoncer des mesures concernant la flotte de commerce ?
Bernard Pons : Oui. Nous avons une flotte de commerce qui est dans une situation difficile, une politique maritime en retard. Il faut relancer notre flotte de commerce. Je vais présenter tout à l'heure en Conseil des ministres un projet de loi permettant de développer des quirats en matière de construction navale, c'est-à-dire de permettre à la défiscalisation pour les particuliers ou pour des sociétés de manière à relancer l'investissement dans notre politique maritime.
Le Parisien : 18 mai 1996
Le Parisien : Face à l'accroissement prévisible du trafic aérien, certains affirment que le gouvernement a fait son choix en privilégiant l'extension de Roissy par rapport à la création d'un troisième aéroport en région parisienne. Qu'en est-il exactement ?
Bernard Pons. : Les infrastructures d'Orly et de Roissy comme l'a souligné la mission Douffiagues, ne seront plus en mesure d'ici vingt ans d'accueillir le trafic aérien. Face à ces conclusions, le gouvernement a donc, sur ma proposition, décidé dans un premier temps en octobre dernier, d'aménager Roissy Charles-de-Gaulle, de développer les plates-formes de province et de réserver un site pour un troisième aéroport dans le Bassin parisien.
Le Parisien : Ce troisième site ne serait donc pas un « leurre » pour faire passer une extension de Roissy, qui rencontre une vive opposition de la part des riverains ?
Bernard Pons : Absolument pas. Je proposerai au gouvernement dans quelques jours, en liaison avec mes collègues concernés, le choix de ce troisième site. Et en ce qui concerne Roissy, je tiens à préciser que le projet de création de deux nouvelles pistes qui ne seront destinées qu'à l'atterrissage et qui va faire l'objet d'une enquête d'utilité publique est moins un projet de développement que « d'aménagement maîtrisé ». Il sera accompagné de mesures de développement économique pour tout ce secteur avec notamment l'accroissement de la zone géographique des communes susceptibles de percevoir la taxe professionnelle liée à l'activité de l'aéroport. Et toutes les garanties seront prises pour rendre compatible une exploitation raisonnable de Roissy et une limitation des nuisances.
Le Parisien : Quelles seront ces garanties ?
Bernard Pons : Nous allons créer, et, c'est une première en Europe, une institution indépendante, présidée par un magistrat, qui sera chargée de superviser le système de surveillance du bruit, de vérifier le respect des procédures par les compagnies aériennes et d'instruire, le cas échéant, les plaintes des riverains.
Le Parisien : Quand cette institution sera-t-elle mise en place ?
Bernard Pons : Elle devrait être installée dans les mois qui viennent, vraisemblablement à l'automne.