Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs,
L’année dernière à la même époque, c’est Monsieur Vasseur qui intervenait, pour la première fois depuis sa prise de fonction, lors de votre congrès et développait devant vous les grandes lignes de la politique agricole qu’il entendait mener dans votre secteur d’activités.
Aujourd’hui, il m’a demandé de venir vous écouter, prendre connaissance de votre bilan de cette dernière année et de vos projets. J’ai beaucoup de plaisir à être parmi vous et je suis très honoré d’être ainsi amené à m’exprimer devant vous.
J’ai donc été très attentif à vos propos Monsieur le président.
J’ai constaté une fois de plus que vos pôles d’intérêt dépassent le seul secteur des oléo-protéagineux proprement dit. C’est ainsi que vous l’avez resitué, à juste titre, dans son environnement international et européen.
Avant d’en venir aux aspects qui concernent spécifiquement vos productions et tenter de répondre à vos attentes, je voudrais tout d’abord aborder les changements de cet environnement. Vous en avez-vous-même, largement traité pendant votre congrès.
Plus que jamais, les instances internationales sont des lieux privilégiés pour défendre l’agriculture française, sa spécificité et la nécessité de préserver son organisation et son soutien.
Je pense en premier lieu à l’élargissement de l’union européenne aux pays d’Europe centrale et orientale, les fameux PECO, auxquels s’ajoutent Chypre et Malte.
Et si je souhaite vous en parler, c’est pour saluer la lucidité et le sens des responsabilités avec lesquels vos organisations professionnelle et syndicales ont abordé cette question.
Je partage votre analyse et votre objectif de développe dans le contexte les productions agricoles pour lesquelles nous sommes aujourd’hui déficitaires.
Je sais que vous entretenez des relations avec les producteurs de ces pays, contribuant ainsi à une connaissance mutuelle, indispensable à l’établissement d’un bon dialogue et à un rapprochement ultérieur.
Vous allez même plus loin, en développant des partenariats en matière de trituration. Et je crois effectivement que les PECO constituent un bon choix stratégique pour des investissements dans ce domaine.
Vous le savez, l’agriculture de ces pays a une place déterminante dans leur économie. Elle compte plus d’actifs que celle des 15 États-membres réunis, et représente déjà en matière de grandes cultures, plus de 50 % de la production européenne. L’agriculture sera donc un enjeu capital dans les futures négociations. L’impact budgétaire en sera naturellement un autre.
Il est donc important de réfléchir globalement, puis sectoriellement, et ce sera certainement plus délicat, aux conditions acceptables pour cet élargissement.
Vous savez que la commission, s’écartant du statu quo et de toute réforme radicale, propose d’approfondir la réforme de 1992 avec pour objectifs la compétitivité des produits – une politique rurale plus intégrée, et une simplification des politiques actuelles, ce qui, si cela se traduit par un allègement des procédures, ce ne sera pas un luxe.
Dans certains cas et pour certains pays la production communautaire ne pourra pas résister aux prix des PECO. Dans d’autres cas, une concurrence pourra être envisageable.
C’est pourquoi le ministre préconise à la fois une approche par pays et par produit qui préserve les principes de la PAC, ceux qui ont fait jusqu’alors la réussite de l’agriculture française et européenne.
Cette défense constructive de la PAC, on ne la retrouve pas seulement dans le débat sur les PECO, mais dans toutes les négociations internationales.
Que ce soit pour exiger une étude préalable d’impact et l’exclusion des produits concernés par les OCM dans les négociations bilatérales pouvant conduire à des accords de libre-échange.
Que ce soit encore pour écarter les politiques communes du champ d’application de la CIG ou préserver les modalités de décision propres à l’agriculture et qui, il faut le reconnaître, permettent une bonne prise en compte des spécificités de ce secteur économique.
Croyez donc bien que la défense des intérêts et de la spécificité de l’agriculture française est une constante de la position du ministre, tant dans les négociations internationales que dans les négociations européennes.
Vous avez, Monsieur le président, souligné votre impatience sur l’état d’avancement du dossier des protéagineux et je vous comprends.
Cette production est aujourd’hui la seule à pouvoir être développée en Europe pour enrayer la baisse de notre couverture en matières protéines.
Or aujourd’hui, bénéficiaire d’une aide fixe et sans garanti cette culture laisse la place à d’autres culture arables, les céréales en particulier. Ainsi, la surface en protéagineux baisse dans toute l’Europe.
Les solutions sont claires. À moyen terme, un régime de type « oléagineux » devrait inciter les producteurs de s’engager dans cette production tout en garantissant leurs revenus.
Mais, pour faire vite et simple, la France a demandé pour la première année une revalorisation fixe de l’aide. Malgré le bien-fondé de cette demande le dossier n’a pas encore abouti et les semis sont aujourd’hui passé.
Nous ne relâcherons pas pour autant la pression à Bruxelles parce que cette demande est justifiée et urgente. Comme vous le savez, l ministre en a fait une de ses toutes premières priorités.
Et je voudrais ici lever les doutes que certains peuvent avoir. La crise bovine retient naturellement une partie de notre temps et mobilise le budget communautaire, mais l’imagination et la persévérance, nous conduirons à faire progresser toutes les priorités exprimées par le ministre lors du premier tour de table à Bruxelles sur le paquet-prix.
Je voudrais à ce propos, souligner en particulier la volonté du ministre d’obtenir le desserrement de la contrainte de la jachère bien inutile et qui pèse encore sur vos exploitations.
À travers la diminution du taux de jachère obligatoire, c’est une vision de l’agriculture, économique, fondée sur la compétitivité des produits, présente sur les marchés mondiaux, contribuant à la sécurité alimentaire mondiale, qui est en jeu.
À l’opposé d’une agriculture repliée sur elle-même, profitant de façon peu durable d’une production insuffisante, et finissant fonctionnarisée, vouée au seul entretien des campagnes.
Alors bien sûr, je ne connais pas mieux que vous aujourd’hui, le taux de gel obligatoire qui s’appliquera pour les semis d’automne. Vous savez que le ministre a déjà demandé dans ses interventions, une réduction radicale.
La bonne préparation des plans de culture dans les exploitations requiert en outre de connaître ce taux rapidement.
C’est la raison pour laquelle la France a insisté pour que la commission fasse connaître sa proposition dès le conseil des ministres européen de l’agriculture du mois de juin.
L’administration des aides de la PAC est déjà suffisamment lourde, puissions-nous faire en sorte que les décisions communautaires interviennent au moins à temps !
Dans ce contexte de baisse du taux de jachère, j’ai bien entendu vos soucis, d’une part d’éviter un dépassement trop important des surfaces maximales pour les oléagineux, et d’autre part d’assurer l’approvisionnement des usines de transformation des oléagineux en biocarburants. Je partage totalement vos préoccupations Monsieur le président.
Sur le premier point, il faut réfléchir rapidement et la commission est déjà saisie de l’impact que peut avoir un gel très bas sur le dépassement de la surface spéciale oléagineux.
Sur le second point, je ne crois pas, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, que l’on puisse mettre en doute le soutien constant et renforcé des pouvoirs publics à la filière nouvelle des biocarburants.
Il n’est pas nécessaire de rappeler le détail de l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement pour soutenir l’initiative prise par la filière oléagineuse, ses producteurs, ses collecteurs, ses transformations, pour lancer une filière « biocarburants ».
Vous connaissez mieux que quiconque les péripéties qu’a connu et que connaître encore le difficile dossier de la défiscalisation des biocarburants.
Il mobilise encore aujourd’hui plusieurs ministères pour convaincre la commission européenne ainsi que nos partenaires de la justesse de nos vies et de l’utilité de notre démarche stratégique.
Ainsi, afin de répondre aux critiques de la commission et d’obtenir une dérogation permettant de poursuivre le développement de cette filière, un nouveau dispositif de défiscalisation a été proposé par la France en février dernier, au niveau européen.
Enfin, l’engagement des pouvoirs publics s’est récemment traduit par l’inscription dans le projet de loi sur la qualité de l’air d’une mesure d’incorporation obligatoire d’oxygène dans les carburants d’ici l’an 2000.
Il paraît difficile dans le contexte actuel d’obtenir l’insertion dans la réglementation communautaire d’une jachère industrielle obligatoire. La situation peut être naturellement différente dans l’avenir.
Ce serait en effet peu compatible avec une demande de réduction drastique du taux de jachère.
C’est pourquoi, il me semble beaucoup plus réaliste, comme vous le proposez d’avoir recours à un accord interprofessionnel qui lierait opérateur de cette filière spécifique, qui ont démontré, depuis sa création, leur capacité à se mobiliser collectivement.
Le ministre avec qui j’en ai parlé est prêt à vous soutenir dans cette démarche et à examiner rapidement un tel accord et à l’étendre à tous les producteurs si vous le demandez.
Un tel accord devrait permettre, sans doute, d’assurer de façon souple, et responsable l’approvisionnement des unités industrielles de production de « diester ».
Un tel dispositif devrait être complété par l’allègement des contraintes encore trop importantes qui pèsent sur les producteurs qui s’engagent dans un contrat de jachère industrielle.
Car, comme vous, je suis persuadé que trop de tracasseries peut finir par détourner certains producteurs de la jachère industrielle. Bien que le chemin parcouru dans ce sens depuis le premier règlement sur « le gel non alimentaire », presque impossible à mettre en œuvre, soit grand, il y a encore beaucoup de travail à réaliser.
Vous pouvez, là aussi, compter sur la totale détermination du ministre pour faire progresser et obtenir des résultats sur ces questions, en particulier sur le problème compliqué des rendements en oléagineux sur les parcelles sous contrats.
D’un côté l’industriel veut pouvoir à juste titre compter sur une quantité garantie de graines, de l’autre l’obligation pour le producteur de livrer la totalité de la récolte des parcelles sous contrat, quelles que soient les conditions climatiques.
Ce casse-tête non seulement prend un temps précieux aux agriculteurs mais de surcroît risque en effet de retarder le versement des aides pour les parcelles concernées.
C’est la raison pour laquelle, il faut que le producteur soit libéré de ses obligations dès lors que la qualité livrée est forfaitairement égale au rendement moyen de l’exploitation affecté d’une certaine décote.
En outre, par soucis de simplification encore, le producteur devrait pouvoir déposer son contrat, passé avec un transformateur, en même temps que sa déclaration de surface pour tout son exploitation.
Ces questions font l’objet de nombreuses discussions entre votre organisation et les services du ministère. Nous nous efforcerons de les faire aboutir !
Enfin, et c’est le dernier volet de ce dispositif d’approvisionnement de la filière biocarburant, c’est le prix des graines.
C’est bien évidemment le prix qui constitue à l’évidence l’attrait pour les opérateurs économiques qui sont les producteurs, pour la jachère industrielle oléagineuse. Tout comme l’État a fait un effort en matière de défiscalisation, force m’est de constater que vous en avez aussi beaucoup fait, puisque cette année encore le prix des graines issues de jachères est encore en croissance.
Au total, il y a là tous les éléments d’une bonne formule pour que la prochaine campagne se passe bien pour la filière des biocarburants, et je suis convaincu de notre détermination commune tout mettre en œuvre pour en assurer la réussite.
Je me suis largement étendu sur le sujet de la jachère industrielle, mais je ne voudrais pas en terminer sans une rapide prospective sur l’avenir.
Dans les prochaines années, vos filières feront face à plusieurs défis, que vous avez parfaitement analysé :
1. la consolidation des entreprises de collecte encore aujourd’hui fragilisés par la réforme de la PAC ;
2. le développement de nouveaux marchés, les biocarburants certes mais aussi les débouchées dans la chimie ;
3. les évolutions du secteur des semences avec notamment les variétés génétiquement modifiées ;
4. l’élargissement de l’union européenne à l’Est, dont nous avons déjà parlé.
Jusqu’alors votre filière « bénéfice » du fond interprofessionnel de développement, le FIDOP, alimentée par des cotisations volontaires rendues obligatoires payées par les producteurs.
Je suis tout à fait convaincu du caractère positif du bilan de l’utilisation de ce fond qui a notamment permis de contribuer à maintenir et rationaliser un secteur de première transformation indispensable à l’équilibre de toute votre filière.
Le dispositif réglementaire qui permet d’alimenter ce fond expire le 30 juin 1996, mais je peux vous assurer que le ministre à l’intention pour sa part de permettre sa prolongation, persuadé qu’il est de l’intérêt de cet outil financier pour répondre aux besoins présents et futurs de l’ensemble des partenaires de vos filières.
Bien entendu, il conviendra de convaincre les autres administrations concernées ; vous pouvez compter sur notre détermination. Là aussi pour faire aboutir cet important dossier que nous approfondissons ensemble, Monsieur le président, dans les tous prochains jours à la fois :
- dans son montant ;
- dans son contenu stratégique ;
- dans ses modalités de mise en œuvre.
Vous avez, Monsieur le président, commencé votre intervention en soulignant le caractère à la fois responsable et entreprenant de l’ensemble des producteurs du secteur des oléo protéagineux.
C’est pourquoi, tout à tour, j’ai voulu vous illustrer que, chacun à son métier, les pouvoirs publics de leur côté défendent sans relâche, les intérêts agricoles, en anticipant sur les négociations internationales comme en accompagnant, dans l’intérêt général, vos projets à la fois ambitieux et innovants.
Je ne manquerai pas de rapporter à M. Vasseur ce que j’ai, en tendu et partagé avec vous aujourd’hui, votre détermination, votre combativité et votre capacité à innover, à créer, pour vous adapter en permanence à l’évolution des marchés.
Je vous remercie de votre attention.