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Dernières Nouvelles d’Alsace : Samedi 14 juin 1997
DNA : Vos premières impressions de ministre ?
CATHERINE TRAUTMANN : Depuis ma nomination, je me suis fixé deux tâches prioritaires. D’abord, la constitution de mon cabinet (DNA de jeudi). Je souhaitais avoir une équipe de pilotes. Il me reste à recruter la personne qui sera chargée du suivi des affaires régionales, l’attaché parlementaire, ma secrétaire particulière et quelques conseillers techniques. La semaine prochaine, nous serons au complet.
DNA : Est-il vrai que Jospin a imposé les directeurs de cabinet aux ministres ?
CATHERINE TRAUTMANN : Absolument pas. Chaque ministre a choisi son directeur de cabinet. Le Premier ministre nous a laissés libres de constituer nos cabinets, en demandant qu’ils ne soient pas pléthoriques et qu’il n’y ait pas de conseillers officieux. Ma seconde tâche a été de faire le tour des dossiers et d’examiner les problèmes que pose le budget. La décision d’un collectif budgétaire n’est pas prise. On semble aller vers une session extraordinaire du Parlement en septembre, pour anticiper la rentrée, plutôt que de surcharger le travail parlementaire cet été. On aborderait alors le budget de l’État dès la rentrée.
DNA : Vous avez demandé un audit particulier de votre ministère ?
CATHERINE TRAUTMANN : Les administrations centrales m’ont transmis les informations dont je prends actuellement connaissance. J’espère ne pas avoir trop de mauvaises surprises. En tout cas, ce ministère a été particulièrement maltraité. Le gel de crédits a conduit à remettre en question des structures culturelles, cofinancées par l’État et les collectivités locales. Les clignotants sont au rouge.
DNA : Laquelle de vos trois responsabilités privilégiez-vous ? La culture, la communication ou votre rôle de porte-parole du Gouvernement ?
CATHERINE TRAUTMANN : Les trois sont importantes. Le rôle de porte-parole est très sensible car il concerne l’ensemble du Gouvernement. Il faut avoir une bonne connaissance des intentions du Premier ministre et établir une coordination entre les ministères. Je souhaite changer le côté rigide de l’exercice sans déroger à la tâche de rendre compte fidèlement du travail du Gouvernement, plus délicate encore en période de cohabitation. L’expression doit être précise, fidèle et équilibrée.
DNA : Et vos autres missions ?
CATHERINE TRAUTMANN : La culture et la communication sont liées. Nous allons engager un questionnement sur la place que tient la culture dans notre démocratie. Chacun doit pouvoir accéder à ce qui est excellent. Dans une société où les gens gagnent du temps libre, la culture devient un ciment du lien social. Dans un monde où l’information va vite, nous devons favoriser l’ouverture sur toutes les formes de culture, faire bénéficier le plus de personnes possibles des nouvelles technologies. Aux apprentissages traditionnels du savoir, tels la lecture, la fréquentation des musées, la découverte du patrimoine, doit s’ajouter une éducation à l’image, qui englobe tout ce qui a trait à la presse, au film, à la télévision. Il faut élargir les possibilités de création et de découvertes, pour ne pas rater le rendez-vous des nouvelles technologies.
DNA : Voilà beaucoup d’ambition pour un budget qui représente moins de 1 % des dépenses de l’État…
CATHERINE TRAUTMANN : Il est évident qu’on ne pourra pas compter sur le seul budget de la culture. L’enjeu est national : nous sommes les fers de lance, mais la mise en œuvre doit être transversale et concerner plusieurs autres ministères. C’est d’ailleurs ainsi que Lionel Jospin nous invite à travailler, de façon transversale.
DNA : Vous allez veiller à ce que tous les crédits n’aillent pas à des projets parisiens ?
CATHERINE TRAUTMANN : Je veillerai à établir un équilibre. Je milite pour qu’on réexamine les clés de financement. L’État doit garder la responsabilité fondamentale, mais mener une action culturelle ouverte, déterminante et rayonnante. Je vais rencontrer tous les directeurs régionaux des affaires culturelles pour faire le point.
DNA : À propos du TGV-Est, comment va se terminer la querelle Voynet-Trautmann ?
CATHERINE TRAUTMANN : Il n’y a pas de querelle. Dominique Voynet souhaite de nouvelles négociations sur la qualité de l’aménagement, mais il n’est pas question de remettre en cause le projet. J’ai convenu avec elle et avec Jean-Claude Gayssot, ministre des transports, d’examiner l’ensemble du projet et de le faire avancer.
DNA : Vous allez conserver la présidence de l’association pour le TGV-Est européen. Peut-on à la fois être au Gouvernement et présider un groupe de pression ?
CATHERINE TRAUTMANN : La question sera examinée par le conseil d’administration et lors de la prochaine assemblée générale. Leur réunion a été reportée pour cause de dissolution. Le conseil d’administration m’avait demandé de poursuivre, mais c’est vrai qu’il y a une nouvelle donne. En tout cas, l’association doit continuer à exister et à faire son travail de veille.
DNA : Vous êtes favorable à l’abandon du projet de canal Rhin-Rhône ?
CATHERINE TRAUTMANN : Le transport fluvial mérite qu’on le développe. Pour le canal Rhin-Rhône, j’ai toujours dit qu’il posait des problèmes d’impact sur l’environnement. Il est dommage qu’on ne puisse pas avoir accès à la Méditerranée par le fleuve. Mais le canal ne sera pas réalisé tel qu’il a été conçu. C’est l’engagement pris par le Premier ministre.
DNA : Quand quitterez-vous votre mandat de maire ?
CATHERINE TRAUTMANN : La future loi sur le cumul des mandats nécessite une modification de la Constitution. Je n’attendrai donc pas cette loi. J’enverrai dans les prochains jours ma lettre de démission au préfet et l’élection du maire et des adjoints aura lieu avant le 10 juillet.
DNA : Les Strasbourgeois vous ont élue maire en 95, député en 97, et ils se retrouvent avec un ministre. Ont-ils gagné au change ?
CATHERINE TRAUTMANN : Il n’y a pas que les Strasbourgeois qui gagnent au change. Les Alsaciens aussi. Obtenir une place dans un gouvernement aussi resserré n’est pas chose évidente. Je pourrai porter, de façon déterminée, les dossiers universitaires, hospitaliers, européens de Strasbourg.
DNA : N’est-il pas un peu hypocrite de mettre sa fonction de maire au chaud, en restant au conseil municipal ?
CATHERINE TRAUTMANN : Le temps pendant que je serai ministre, c’est Roland Ries qui sera maire et dirigera la ville. Si je restais maire, il me faudrait déléguer le travail tout en gardant l’image de maire. C’est là que serait l’hypocrisie. Le mandat de maire est une grande tâche, une lourde responsabilité politique. On ne peut pas être ministre et faire le travail de maire que les gens attendent. Mais je garde mon mandat électif au sein du conseil municipal. Je l’ai déjà dit : avant je tirais, maintenant je pousserai. Les employés du ministère considèrent comme une chance d’avoir un ministre à temps complet et les Français attendaient cette réforme.
DNA : Les Strasbourgeois risquent de considérer que pour eux, c’est une malchance.
CATHERINE TRAUTMANN : Mais ils ne me perdent pas ! J’ai un contrat de fidélité avec eux et je vais continuer à service la ville et la région. Cette situation doit être un plus.
DNA : Le ministre de la communication déposera-t-il un recours contre le projet de multiplex (cinéma) que le maire de Strasbourg a décidé d’implanter place de l’Étoile ?
CATHERINE TRAUTMANN : J’ai exprimé très clairement mon point de vue sur les multiplexes. Il n’y a pas de règle générale qui prévale. La démarche strasbourgeoise est originale dans la mesure où elle prend en compte une approche urbanistique. Elle ne casse pas l’équilibre entre le multiplex et les salles existantes. Il faut que les gens aient accès à une pluralité d’offres et le cahier des charges du projet strasbourgeois sont une originalité qui pourraient en faire un projet exemplaire.
DNA : Quelles sont vos ambitions au sein du PS ?
CATHERINE TRAUTMANN : Je souhaite faire partie de ceux qui, autour de Lionel Jospin, permettront l’émergence d’une autre conception et de nouvelles pratiques de la politique. Les Français sont en attente de comportements personnels différents. Il y faudra le temps nécessaire, mais nous sommes des coureurs de fond dans l’équipe Jospin.