Texte intégral
Le Point : L'outre-mer va mal. Surtout si l'on compare sa situation avec celle de pays indépendants comme l'Île Maurice. Alors, l'heure n'est-elle pas venue de favoriser l'accession progressive à l'indépendance des DOM ?
Jean-Jacques Peretti : La question ne se pose même pas. Je dirai même qu'elle est presque injurieuse à l'égard de nos compatriotes d'outre-mer, qui sont profondément attachés à leur pays. Il faut d'abord rappeler que les départements d'outre-mer étaient des terres françaises bien avant la Savoie et la Corse. Les mouvements qui se réclament de l'indépendantisme représentent epsilon... Si le problème de l'indépendance ne se pose donc pas, c'est celui du développement de ces départements qui retient aujourd'hui l'attention.
Pendant cinquante ans, depuis la loi de départementalisation, les DOM ont été en phase de rattrapage par rapport à la métropole. C'est cette étape qui a été franchie par Jacques Chirac, avec la réalisation de l'égalité sociale, pour tourner définitivement la page dans ces départements français.
Le Point : En métropole, beaucoup de gens considèrent que les tenir à bout de bras est un luxe excessif...
Jean-Jacques Peretti : C'est le type même de l'idée reçue. Un habitant d'outre-mer reçoit 22 500 francs de transferts publics venant de l'État, contre 25 600 francs pour un métropolitain. Alors il faut cesser avec cette rengaine aux relents colonialistes. Ceux qui la ressassent perdent de vue que d'autres départements pèsent bien davantage en termes de dépense publique.
Le Point : Que répondez-vous à ceux qui ne voient pas l'intérêt d'avoir de tels prolongements outre-mer ?
Jean-Jacques Peretti : Nos départements incarnent la France et sa diversité depuis plus de trois siècles... S'interroge-t-on sur ce que représente tel ou tel autre département métropolitain pour la France ? L'outre-mer permet à notre pays d'être présent en Amérique, dans la Caraïbe, dans l'océan Indien et le Pacifique Sud, de siéger dans la commission de l'océan Indien. Partie intégrante de l'identité française, il représente aussi 96 % de nos espaces maritimes !
Le Point : Que peut-on concrètement envisager pour sortir les DOM de leur impasse économique et sociale ?
Jean-Jacques Peretti : C'était tout le sens des assises de février. Elles ont permis de réunir les acteurs économiques, politiques et socioprofessionnels des DOM. Ils sont tous mobilisés pour définir leurs propres moyens de développement et les mettre en oeuvre. Bien sûr, des moyens diversifiés et adaptés, parce que vous ne développerez pas de la même manière la Guyane, les Antilles ou la Réunion. Comment y parvenir ? Par la croissance interne, la satisfaction d'un certain nombre de besoins, mais aussi par la croissance externe. Quant au poids des importations dans l'économie des DOM, si souvent relevé, d'où viennent-elles ? De métropole. Ce sont des produits fabriqués par des entreprises françaises. L'Insee a longtemps comptabilisé le flux vers l'outre-mer au titre du commerce extérieur, dont il représentait 30 % en 1995.
Le Point : Le développement ne suppose-t-il pas un changement d'état d'esprit outre-mer ?
Jean-Jacques Peretti : Mais ce nouvel état d'esprit existe ! Davantage outre-mer qu'en métropole. Si vous allez à la Réunion, par exemple, vous pouvez mesurer cette évolution à travers l'expérience fantastique qui est conduite par Village Titan, qui produit des dessins animés. Ils raflent des marchés coréens. Eh bien, il s'agit de l'initiative privée d'une association de réinsertion à laquelle participent cent vingt jeunes et qui en concernera bientôt trois cents. Ils ont des commandes belges, allemandes, etc. Il y a donc des niches et des créneaux originaux dans les DOM aussi.
Le Point : Quel est, selon vous, l'axe essentiel de développement des DOM ?
Jean-Jacques Peretti : Il leur faut élargir leurs bases économiques en regardant vers l'extérieur, dans une perspective de coopération régionale. Ils peuvent apporter beaucoup aux États voisins qui n'ont pas le même niveau de développement. Je pense par exemple à la Réunion vis-à-vis de Madagascar.
La Réunion peut être une tête de pont pour certaines entreprises métropolitaines qui veulent exporter en Asie, en Afrique du Sud. C'est la même chose pour les Antilles au sein de la Caraïbe. Ces départements étaient un peu recroquevillés sur une économie trop centrée sur l'importation et le négoce. Mais cette mentalité a fortement changé.
Le Point : En conclusion, vous seriez plutôt optimiste ?
Jean-Jacques Peretti : Pour l'avenir, il faut passer d'une logique de transferts à une logique de développement. Il y a une jeunesse extrêmement il importante sur le terrain, qui est dans ses starting-blocks. Ces jeunes qui ont bac + 5 et + 6 sont disposés à prendre les commandes. Ils veulent rester chez eux et ont compris la nécessité de s'engager sur la voie du développement économique. Bien sûr, cela ne se fera pas d'un coup de baguette magique. Il faut comprendre leurs problèmes et leurs propositions quand quelque chose est demandé, et les inscrire dans une logique de développement. J'ai sur mon bureau nombre de propositions, de projets qui prouvent que l'état d'esprit dans les DOM est celui du développement, de la croissance.
L'égalité institutionnelle et sociale est réalisée. Il reste à assurer l'égalité en termes de développement. C'est la priorité du gouvernement, et en particulier la mienne, que de les aider dans cette tâche.