Texte intégral
Le Monde : 13 mai 1996
Le Monde : Le gouvernement, longtemps critiqué pour le manque de lisibilité de sa politique économique, a maintenant fixé un cap clair, donnant la priorité à la baisse des déficits et à la réduction de la dépense publique. Approuvez-vous cette orientation ?
Pierre Méhaignerie : Je l'approuve sans réserve. Si nous parvenons, durant les trois prochaines années, à garder le cap d'une simple reconduction des dépenses budgétaires en francs courants et d'une progression des dépenses sociales dans les limites de l'inflation, alors nous parviendrons à recréer des marges de manœuvre et la bataille pour l'emploi pourra être gagnée.
Le Monde : Sans réserve, dites-vous…
Pierre Méhaignerie : Oui, sans réserve, mais cela ne veut pas dire sans regret, car nous avons perdu beaucoup de temps. Au lendemain d'une élection présidentielle, pour des raisons politiques et psychologiques évidentes, un gouvernement a une grande latitude d'action. J'étais donc de ceux qui recommandaient – et l'on m'a beaucoup critiqué pour cela – que l'on agisse vite, en ayant recours, par exemple, à la procédure des ordonnances, et que l'on engage immédiatement la réduction des prélèvements et des dépenses. Et au lieu de cela, lors du « collectif » budgétaire du printemps 1995, il y a eu 45 milliards de francs de dépenses supplémentaires et 70 milliards d'augmentations d'impôts.
Le Monde : Ne craignez-vous pas que cette norme de simple reconduction des crédits en francs courants soit trop draconienne ?
Pierre Méhaignerie : Non, l'un des principaux enjeux des prochaines années est de construire un nouveau modèle social. Or, j'estime que la dépense publique n'est pas le signe du progrès social. Quand elle implique le niveau de prélèvements que nous connaissons, on doit s'interroger sur la qualité de la redistribution qu'elle est supposée assurer, sur la productivité des services qu'elle finance et sur ses effets dissuasifs à l'égard de l'initiative privée. Comme dans tous les grands pays, il faut œuvrer à une réduction de la dépense et à une meilleure efficacité de celle-ci.
Le Monde : Ce qui impliquera des sacrifices considérables ?
Pierre Méhaignerie : Sinon des sacrifices, en tout cas des réformes de fond, dont la réussite dépend de trois conditions. D'abord, prendre en compte une forte exigence d'équité. Ensuite, faire preuve, à l'égard du pays, d'une véritable pédagogie de la confiance. Il va de soi que nous courons à l'échec si le système actuel de centralisation excessive perdure. Enfin, il est indispensable que ceux qui ont la responsabilité de la politique économique et monétaire, donnent eux-mêmes l'exemple. Je pense à l'exécutif, au législatif, mais aussi à la Banque de France ; les uns et les autres ne sont pas irréprochables dans la maîtrise de leurs frais généraux.
Le Monde : Que préconisez-vous comme économies dans la fonction publique ?
Pierre Méhaignerie : Il faut s'orienter vers une réduction progressive du nombre des fonctionnaires, mais il me semblerait sage de laisser une large place au dialogue avec les partenaires sociaux. La bonne méthode pourrait consister à fixer dans l'immédiat une norme d'évolution pour la masse salariale de la fonction publique, par exemple, proche de l'inflation, et d'ouvrir un dialogue sur cette base, pour trouver le meilleur partage possible entre les rémunérations et l'emploi.
Le Monde : Quelles sont vos priorités pour la prochaine réforme fiscale ?
Pierre Méhaignerie : D'abord, il faut réexaminer ou plafonner les diverses « niches » qui réduisent le produit de l'impôt sur le revenu et, en contrepartie, relever les limites des tranches du barème. Il est, de plus, nécessaire d'améliorer le salaire direct par un transfert des cotisations sociales sur la CSG. Mais, comme il est important que la CSG reste non déductible de l'impôt sur le revenu, le transfert ne peut pas être considérable. Dans le cas de la taxe professionnelle, je ne vois pas beaucoup de marges d'action, sinon œuvrer à une meilleure péréquation.
Le Monde : Faut-il baisser la TVA ?
Pierre Méhaignerie : Le débat est ouvert. Dans l'immédiat, il ne faut pas oublier que le coût d'une telle mesure est forcément élevé et que notre priorité est la réduction du déficit.
Le Monde : Faut-il que les baisses d'impôts commencent dès 1997 ?
Pierre Méhaignerie : Je n'y suis pas opposé, mais j'observe que les quelques marges de manœuvre dont nous disposions ont été, malheureusement, utilisées par le gouvernement par les multiples mesures prises en début d'année. La plus mauvaise solution serait de se précipiter pour procéder à une baisse d'impôts qui ne serait que cosmétique ou engager une réforme qui, au bout du compte, pèserait sur les comptes des collectivités locales. Je préfère un allégement significatif de l'impôt. Mieux vaudrait donc attendre deux ans que nous retrouvions des marges de manœuvre grâce au gel des dépenses de l'État.
Le Monde : Beaucoup de vos amis balladuriens font d'une baisse rapide des impôts leur principal cheval de bataille…
Pierre Méhaignerie : Ils ne m'ont pas encore démontré comment ils font. Comme Saint-Thomas, je veux voir…
Pierre Méhaignerie : La politique économique a globalement renoué avec quelques grandes priorités anciennes, qu'il n'y a pas si longtemps, M. Chirac dénonçait au nom de la lutte contre la « pensée unique » Cela vous fait plaisir ?
Pierre Méhaignerie : Plaisir, oui. Mais maintenant, la tâche est ardue. Un véritable budget de rupture suppose des changements de comportement et une mobilisation de tous.
France Inter : Mardi 14 mai 1996
France Inter : Les députés vont débattre, cet après-midi, du budget : le fait qu'on vous demande votre avis est une première. Quelle est votre marge de manœuvre ?
P. Méhaignerie : La marge de manœuvre est difficile parce qu'il y a, d'abord, la nécessité de réduire le déficit : 45 milliards. Maintien du budget en francs courants, c'est la première fois en trente ans. Donc, c'est une opération difficile et dans cette opération difficile, il faut convaincre les Français. Convaincre les Français que la dépense publique n'est pas nécessairement créatrice d'emplois. Et dès lors que la dépense publique, comme en France, atteint un pourcentage supérieur à 50 %, la voie dite keynésienne de la dépense publique pour relancer la croissance ou l'emploi ne marche plus.
France Inter : On coupe où, dans quoi ?
P. Méhaignerie : Voilà la difficulté, et jusqu'à aujourd'hui, chacun est resté très discret. Je crois qu'il ne doit pas y avoir de vache sacrée, il y a des marges de productivité dans le secteur public, et je pense que tous les ministères doivent apporter leur contribution, y compris la culture ou la communication. Les dernières semaines nous montrent qu'il y a des marges potentielles et quand on voit les grands services publics de la culture, lorsque je les compare à d'autres secteurs en France, j'estime qu'ils doivent apporter leurs efforts de productivité pour que nous puissions réduire ce déficit qui est l'ennemi public n° 1 si l'on veut gagner la bataille de l'emploi.
France Inter : Je retiens déjà que c'est une de vos idées de pousser vers des réductions au ministère de la culture et de la communication, et une pierre dans le jardin de M. Douste-Blazy ?
P. Méhaignerie : Bien sûr, c'en est une, mais je dis que tous les ministères doivent participer. Les transports aussi. Y a-t-il un pays au monde qui, avec une densité de 100 habitants au kilomètre carré, peut avoir à la fois un réseau aérien performant, un réseau d'autoroutes extraordinairement en développement, un réseau de voies ferrées performant., un réseau fluvial ? Il va falloir faire des choix.
France Inter : Pouvez-vous nous dire, aujourd'hui, si vous pousseriez l'idée par, exemple, de réductions dans le service public de l'audiovisuel, réductions de budget, voire de privatisation ?
P. Méhaignerie : De privatisation : je crois qu'il ne faut pas perdre de temps dans les guerres idéologiques mais je pense que, dans le secteur public de l'audiovisuel, il y a certainement des efforts d'économies à faire.
France Inter : Et plus généralement, y a-t-il des économies d'emplois dans le secteur public en général ? On dit qu'on ne va pas renouveler les gens qui partent à la retraite. Combien de temps les employés du secteur public vont-ils l'accepter et peuvent-ils l'accepter ? Y a-t-il des gisements d'économies possibles ?
P. Méhaignerie : Oui, il y a des gisements d'économies. Le choix devra être fait entre une modération de l'évolution des salaires et, d'autre part, le nombre d'emplois. Simplement, aujourd'hui, lorsque dans une université, vous demandez aux jeunes ce qu'ils veulent faire, 80 % veulent aller dans le secteur public, 20 % seulement dans le secteur privé. Je considère qu'aujourd'hui, en France, il y en a qui payent cher. Il y a des Français, dans le secteur privé, je pense au bâtiment, qui ont les plus bas salaires, le déficit de considération et l'insécurité. L'excès de pouvoir d'achat, qui est le produit de l'effort de productivité doit aller à ceux qui, dans la société française, aujourd'hui, ont le moins.
B. Jeanperrin : Vous êtes président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Cet après-midi, vous allez remettre une sorte de rapport de synthèse avant le débat. Consensus sur la rigueur, consensus pour que l'on touche à des crédits mais qui ne soient pas des crédits d'investissement pour ne pas casser la croissance. Et les baisses d'impôts, et les conclusions de ce rapport ?
P. Méhaignerie : Moi, je souhaiterais que l'on baisse aussi l'impôt. Cela veut dire qu'il ne faut pas faire 45 milliards d'économies mais 65 ou 70. Après avoir augmenté les impôts, est-ce possible cette année ? Il n'y a pas de réponse miracle et je ne voudrais pas qu'à vouloir aller trop vite, on casse la machine et on revienne dans la situation du mois de décembre. Je préfère la persévérance dans la durée, c'est-à-dire trois années de suite où le budget de l'État soit maintenu en francs courants. Si nous faisons déjà cela, je crois que nous aurons gagné l'essentiel de la bataille de l'emploi.
France Inter : Donc, vous n'êtes pas sur la ligne de M. Madelin qui dit qu'il faut réduire de 50 milliards, en deux ans, les impôts ?
P. Méhaignerie : A. Madelin partage exactement mon analyse. Il a dit ce matin, dans un éditorial, que réduire de 5 à 4, puis à 3 le déficit budgétaire, c'était déjà une œuvre extrêmement difficile. Aller au-delà exige de trouver des solutions qui, aujourd'hui, n'ont pas été apportées par le gouvernement. Il pense à France Télécom, à la capitalisation. Mais je souhaiterais qu'on baisse les impôts cette année. Mais j'ai dit que la pire des solutions, c'est de faire une baisse artificielle en reportant sur les collectivités locales et la taxe d'habitation l'impôt. Je ne crois pas que les Français apprécieraient. Je crois qu'il y a une nécessité de sincérité. Si l'on fait 45 milliards d'économies cette année et qu'on le poursuit pendant trois ans, alors oui, dans les deux ou trois ans qui viennent, nous pourrons, substantiellement, baisser l'impôt et, particulièrement, l'impôt sur les ménages et les familles.
France Inter : Question d'un auditeur : Les impôts ont beaucoup progressé depuis la campagne présidentielle. Vous vous apprêtez à diminuer les dépenses de l'État, vous tournez le dos aux promesses de la campagne électorale qui disaient moins d'impôt, plus de croissance, plus d'emploi ?
P. Méhaignerie : Bien sûr, mais je mesure, et j'ai dit en juin et j'ai manifesté mon mécontentement sur la hausse brutale des prélèvements. Si aujourd'hui, vous ne luttez pas contre le déficit public qui est l'ennemi n° 1, si l'on veut gagner la bataille de l'emploi et qui est l'injustice majeure parce qu'on fait porter sur les générations un déficit cumulatif, trois mille milliards aujourd'hui, et si vous voulez, par exemple, avoir un impôt plus juste entre l'impôt sur le capital et l'impôt sur le travail, il vous faut à tout prix réduire le déficit.
France Inter : Il faut peut-être aussi faire la réforme fiscale dont on parle ?
P. Méhaignerie : Oui. Je voudrais que ces deux jours soient consacrés à cette question : dites-nous sur quels secteurs nous allons faire porter les économies. Après, nous parlerons des impôts, sinon, c'est trop facile. Le ministre de l'éducation, la défense est un secteur protégé, l'agriculture, pourquoi pas ? 45 milliards à trouver : j'aime mieux vous dire que, pour la première fois en trente ans, si on le fait, c'est un effort important.
B. Jeanperrin : Vous dites que cette rigueur sur trois ans peut porter ses fruits sur la croissance et l'emploi, mais il y a de plus en plus d'économistes qui disent que si tous les pays européens se mettent à faire de la rigueur et un tour de vis absolument drastique, au contraire, on va entrer en récession et cela va tout freiner ?
P. Méhaignerie : C'est la raison pour laquelle, au-delà de 40 et 50 milliards de francs d'économies, nous risquerions de porter atteinte à la croissance ou à ce que certains appellent la fracture sociale. Donc, la ligne de crête est étroite. Vouloir annoncer 80 milliards comme certains des élus le font… Je le souhaiterais mais ces mêmes élus ne le font pas lorsqu'ils sont élus locaux. Donc, je dis : ayons une ligne de crête et de la persévérance. C'est comme un coureur de fond : ou il veut partir à très grande vitesse, alors qu'il n'est pas expérimenté, ou il préfère la persévérance dans la durée. Moi, je choisis cette ligne par expérience.
RMC : Mercredi 5 juin 1996
RMC : Échec, hier, du lancement d'Ariane 5 à Kourou, est-ce que c'est une mauvaise nouvelle, puisque l'on avait dit qu'elle était très sûre ? On chiffre à deux milliards les pertes dues à cet échec : faut-il continuer quel qu'en soit le prix ?
P. Méhaignerie : C'est certainement une mauvaise nouvelle mais, globalement, Ariane reste un succès. Quant au coût de cette opération, je pense que je n'ai pas l'ensemble des éléments, mais je suis convaincu que dans le domaine des télécommunications, la France et les autres pays européens doivent rester présents et qu'à terme, c'est certainement une chance pour le pays.
RMC : Vous aviez demandé, à cor et à cri, que les impôts sur le revenu baissent en France : est-ce que vous êtes complètement satisfait des promesses d'A. Juppé dans ce domaine ?
P. Méhaignerie : Il y a les promesses et il y a les réalités. Pour le moment, nous avons un rapport qui est sérieux, qui décape, qui ne cache pas les mauvaises comme les bonnes nouvelles. Moi, je trouve que le premier résultat, c'est que nous avons un débat démocratique où on doit dire ce que chacun gagne et chacun perd, et montrer qui paie quoi. Premier bilan : nous avons un débat et je souhaite que ce débat s'engage avec le pays, s'engage au Parlement. Deuxièmement, cette réforme, à mon avis, est nécessaire. D'abord, parce que le niveau des impôts est globalement trop élevé en France, qu'il y a une meilleure gestion de la dépense publique et qu'en publiant ce rapport et en le demandant, le gouvernement s'oblige à une obligation de résultat. Mais cela va être difficile. Cela va être difficile pour deux raisons : un, il faut changer les habitudes car la dépense publique est populaire en France ; et il vaut mieux gérer les affaires publiques, il y a des marges.
RMC : On se souvient que l'an dernier, P. Méhaignerie, vous aviez mis cinq semaines pour obtenir quatre petits milliards d'économie, pensez-vous en obtenir 60 milliards cette année ?
P. Méhaignerie : Ce sera difficile mais je pense que le gouvernement a les moyens, que n'avait pas le Parlement, pour gérer au mieux la dépense publique. Je suis convaincu. Quand je compare les petites et moyennes entreprises et la gestion du secteur public, j'estime qu'il y a des améliorations de productivité et de qualité de services.
RMC : Hier, il y avait M. Sapin à votre place et il disait que le risque était qu'une nouvelle promesse s'ajoute aux promesses déjà non tenues de la campagne électorale. Selon lui, l'État n'a pas les moyens d'assurer les baisses d'impôt promises, alors ?
P. Méhaignerie : J'ai dit que ce sera difficile, mais je crois que le gouvernement est engagé dans cette voie et il ne peut que réussir. Mieux gérer la dépense publique et arriver à 50 milliards ou 60 milliards d'économie m'apparaît possible. À quoi va servir cette économie à terme ? À faire ce que tous les autres pays européens, de Stockholm à Madrid, de Vienne à Londres, se sont engagés à faire. L'Europe, aujourd'hui, doit dégager des emplois ; pour dégager des emplois, elle ne peut pas le faire si le secteur public n'est pas mieux géré. C'est la raison pour laquelle, je trouve qu'au terme du débat que nous allons avoir au mois de septembre, je suis convaincu qu'il faudra vaincre le scepticisme des Français et nous le vaincrons s'ils voient que la dépense publique est limitée, si on teste la réforme sur une vingtaine de familles pour voir où sont les gagnants, où sont les perdants – car il y a beaucoup de scepticisme en effet. Je souhaite que l'on puisse voir exactement, avec plusieurs cas-types, ce que peut-être exactement le résultat.
RMC : Êtes-vous ébranlé lorsque vous avez lu, comme nous tous, que 67 % des Français considèrent, aujourd'hui, que la majorité n'a pas appliqué le programme pour lequel elle a été élue ?
P. Méhaignerie : Dans les trois premiers mois, il y a eu, il est vrai, des orientations qui ne semblaient pas conformes aux engagements qui avaient été pris devant les Français. Moi-même, j'ai marqué mes réserves. Je dois dire que depuis quelques mois, le gouvernement est engagé dans une voie de réforme qui m'apparaît à terme, et dès maintenant, donner des résultats.
RMC : Est-ce que cela vous paraît une bonne direction que le gouvernement s'engage à faire que les hauts revenus profitent de cette réforme fiscale ?
P. Méhaignerie : Je crois que cela, c'est une caricature. Je n'accepte pas du tout que l'on dise que cette réforme va conduire à l'amélioration de la situation des hauts revenus. Qui vont être les gagnants dans cette réforme ? Et j'ai lu toutes les pages et sérieusement, et avec des collègues. Qui vont être les gagnants ? D'abord la démocratie. Il est normal que l'on mette tout sur la table et que les Français sachent qui paie quoi, qui reçoit quoi. Deuxièmement, la famille : il est probable qu'entre 200 000 et 700 000 familles paient moins d'impôt sur le revenu, compte tenu de la modification du système de décote. C'est important, en particulier pour les familles de deux et trois enfants. Troisièmement, les bénéficiaires sont plus les revenus du travail que les revenus du capital. Or, depuis dix ans, qui a été avantagé ? Les rentiers, les revenus du capital. C'est le chemin inverse qui est choisi. On ne pas dire que si ce sont les revenus du travail, un peu au détriment des revenus du capital ou des rentes, qui sont les gagnants que ce sont les hauts revenus ! Le seul message, en effet, qu'il faut corriger, c'est la baisse de 56,8 à 40 % de la tranche supérieure, mais toutes les tranches diminuent, puisque la tranche du bas passe de 12 à 7 % et que pour payer les impôts, il faudra avoir des revenus plus élevés. Pourquoi la tranche de 56,8 % baisse-t-elle à 40 % ? D'abord parce que l'on supprime les 20 %. Alors, payer 56,8 % sur 70 % de ces revenus ou 40 % sur 92 % de ces revenus, faites le calcul mathématique et vous verrez que ce n'est pas une baisse aussi brutale sur la dernière tranche que ce que l'on dit. Non, je suis clair sur ce point – d'ailleurs, le Parlement ne l'accepterait pas – cette réforme va dans le sens de la croissance, de l'emploi et d'une certaine équité.
RMC : Êtes-vous en faveur de la disparition des « niches fiscales », c'est-à-dire des avantages fiscaux qui concernent une centaine de professions ?
P. Méhaignerie : C'est la condition de la réussite de la réforme. Il n'y aura pas de réforme sérieuse si on ne supprime pas l'essentiel des « niches » et ça, cela va secouer ceux qui en bénéficient.
RMC : Vous savez ce que dit M. de la Martinière autour du rapport : « Je sais que mon rapport va être mis en pièces et il ne restera rien de mes propositions » !
P. Méhaignerie : Exactement, mais comme dans un magazine du week-end : « Comment, avec un million de revenu annuel, on peut ne pas payer d'impôts ». C'est cela qui est intolérable et c'est cela qui va changer. C'est la raison pour laquelle, je dis que le Parlement et le gouvernement n'accepteront pas un système qui aggrave les inégalités que l'on a constatées dans ces dix dernières années. Mais dans le même temps, ne faisons pas fuir le cadre qui gagne 25 ou 30 000 francs par mois et qui est chargé. Et je prends un cas particulier que j'ai sous les yeux. L'ouvrier au Smic, célibataire, paie aujourd'hui des impôts sur le revenu, il n'en paiera pas demain. Et à côté de cela, il y a aussi le transfert des cotisations sociales maladie vers une CSG qui va profiter aux actifs.
RMC : Est-ce que pour toutes ces réformes, Sécurité sociale, service militaire, réforme fiscale, il faudrait que le gouvernement élargisse la base électorale de sa politique ? Est-ce qu'il faudrait qu'il y ait une nouvelle équipe avec une majorité vraiment soudée parce que ce n'est pas le cas en ce moment ?
P. Méhaignerie : Ça c'est vraiment très, très secondaire !
RMC : Pas vraiment lorsque l'on entend, tous les jours, des gens de la majorité qui critiquent le gouvernement !
P. Méhaignerie : Pour moi, c'est secondaire. J'ai été critique sur le gouvernement lorsqu'il a augmenté de 50 milliards les dépenses publiques et de 100 milliards les impôts. Depuis trois mois, j'estime que le gouvernement va dans la bonne direction et que les premiers résultats montrent qu'il faut être optimiste et que si l'on accepte les réformes, même difficiles, nous aurons des résultats. Tous les pays sont engagés dans ces réformes et je pense que la France ne peut pas être la seule à refuser les adaptations.
RMC : On entend tous les jours P. Séguin et les anciens balladuriens critiquer le gouvernement. Est-ce que pour l'électeur de la majorité, ce n'est pas un peu gênant ?
P. Méhaignerie : Est-ce que ce sont des critiques ? Il est normal que des personnalités veuillent s'affirmer. Je ne vois pas les critiques aussi fortes que vous mais il est vrai que pour faire un titre dans un journal, il vaut mieux mettre l'accent sur ce qui différencie que sur ce qui unit.
RMC : C'est la faute de la presse encore une fois ?
P. Méhaignerie : Non, ce n'est pas la faute de la presse ! Mais c'est la nécessité d'avoir des titres et vous le savez parfaitement.
RMC : On doit mal entendre ce qui se dit à l'Assemblée nationale ! Merci en tout cas.