Texte intégral
Docteur,
Le praticien que vous êtes, comme des milliers de vos confrères, et les hommes politiques que nous sommes, avons en commun un même souci : répondre à l'attente de ceux qui nous font confiance.
Chaque jour, dans votre pratique, votre objectif est la guérison du patient. L'écoute et l'appui que vous pouvez apporter aux malades et à leur famille, les solidarités dont vous êtes un maillon essentiel, sont au cœur de la bonne pratique médicale et du juste soin. Nous devons préserver tout cela.
Les hommes politiques que nous sommes, ont cherché à assurer la permanence de votre mission et la spécificité du système français de protection sociale dans lequel vous vous inscrivez.
En dépit des très graves difficultés économiques que traverse notre protection sociale, dont chacun connaît l'empileur, nous partageons avec vous le souci de permettre à tous nos concitoyens l'accès à des soins de qualité, en médecine libérale comme à l'hôpital. Aussi, la réforme engagée préserve-t-elle les principes de la Sécurité sociale. Elle préserve également l'exercice libéral, le libre choix du malade, le paiement à l'acte et la liberté d'installation, auxquels nous tenons fondamentalement.
Il ne serait pas concevable de se laisser enfermer dans un dilemme entre un moindre remboursement des soins et une hausse des prélèvements. Mais il est bien clair que nous ne pourrons réussir que si nous trouvons les moyens d'une maîtrise des dépenses de santés : à l'hôpital comme en ville, cette maîtrise doit rester médicalisée.
Nous souhaitons, au-delà des polémiques, vous apporter des précisions sur le contenu de la réforme que nous avons engagée et nous vous remercions de l'attention que vous voudrez bien porter à notre lettre.
Le cadre général de la réforme est maintenant bien connu.
Nous avons voulu parler des exigences de la santé et traiter le problème financier pour ce qu'il doit être : une contrainte évidemment incontournable mais certainement pas un objectif que l'on poursuit pour lui-même, indépendamment de toute autre considération. Nous partageons avec vous cette conviction forte que la santé constitue aujourd'hui le bien le plus précieux des Français. Ils sont prêts à y consacrer collectivement les financements nécessaires. Encore faut-il que vous et nous, qui sommes, chacun à notre manière, responsables de l'avenir de notre système de soins, sachions faire les choix les plus judicieux pour que chaque franc dépensé par l'assurance maladie soit réellement utile à la santé. Cela dépend aussi, en grande partie, du comportement des assurés eux-mêmes.
On ne parle aujourd'hui que de sanctions. Mais le vrai moyen d'une maîtrise durable des dépenses de santé, en secteur libéral comme l'hôpital, ce ne sont pas tant les sanctions, que le juste soin. C'est pourquoi, il est important que vous puissiez mieux évaluer votre pratique et nous reviendrons plus loin sur les instruments qui y contribueront.
Les références médicales ont permis d'enregistrer des progrès depuis deux ans. Élaborées par une agence médicale nationale indépendante, et validées par les signataires de la convention des médecins, elles seront enrichies pour couvrir plus largement les pratiques. Elles s'appliqueront également aux consultations externes des hôpitaux. Et la même agence médicale nationale définira pour l'hôpital, les règles de bonne pratique qui lui seront propres.
Les sanctions en cas d'inobservation répétée des références médicales seront appliquées en première instance, comme actuellement, par les comités paritaires locaux institués par la convention. Mais il faut les rendre effectives, car chacun sait qu'elles ne l'étaient pas.
Les arrêts de travail, l'utilisation des transports sanitaires et la prescription de médicaments, en dehors des indications de l'autorisation de mise sur le marché, feront l'objet d'un suivi particulier.
Enfin, le développement du marché des médicaments génériques vous permettra de prescrire des médicaments moins coûteux. Voilà un moyen simple pour vous limiter les dépenses, sans porter atteinte à la qualité des soins.
De nouvelles règles de revalorisation des honoraires viendront compléter ces dispositions.
Quand une revalorisation sera décidée, en début d'année, les patients continueront pendant cette année à payer la consultation au même prix. C'est à la fin de l'année que le complément sera versé en une fois à chaque médecin par l'assurance maladie, dès lors que l'objectif global d'évolution aura été respecté. La revalorisation deviendra alors définitive, et le tarif payé par les patients sera augmenté.
Au cas où toutes les incitations à l'économie et au juste soin ne suffiraient pas à respecter l'objectif global, même en annulant la revalorisation envisagée, un mécanisme de sécurité est prévu. Il consiste à demander aux médecins un reversement. Mais il s'agit d'un mécanisme d'ultime recours, que nous espérons ne pas voir fonctionner, et qui veillerait, de toute façon, à ne pas pénaliser les médecins dont la pratique aurait été rigoureuse.
Nous tenons, en outre, à souligner qu'en application de la réforme hospitalière, un même niveau d'exigence sera demandé à l'hôpital pour la réalisation de l'objectif annuel.
Au-delà du cadre général de la réforme, nous souhaitons vous apporter aussi quelques précisions sur des dispositions qui vont avoir un effet direct sur votre pratique quotidienne, elles concernent la généralisation du carnet de santé, la formation médicale, l'expérimentation de filières et de réseaux et l'information.
1. Le carnet de santé
Votre exercice quotidien va aussi se trouver modifié par la généralisation du carnet de santé. Celui-ci sera distribué par les caisses à chaque patient, dès la première demande de remboursement. Il doit être un instrument d'amélioration de la coordination des soins. Sauf cas de force majeure ou d'urgence, il devra vous être systématiquement présenté. À terme, le contenu du carnet de santé pourra être reporté sur la carte électronique dont disposera chaque assuré social, dans le respect de la confidentialité et du secret médical.
2. La formation médicale
L'évolution très rapide des connaissances et des techniques nous a paru justifier que la formation médicale continue soit rendue obligatoire. Cette obligation pourra être remplie selon des modalités diverses.
Il nous a également paru nécessaire de renforcer, dès l'année universitaire prochaine, la formation initiale des médecins, par un stage de six mois auprès de généralistes agréés.
3. Les expériences de filières et de réseaux de soins
Des expériences de filières et réseaux de soins pourront être conduites sur l'ensemble du territoire. Elles renforceront la place centrale du médecin généraliste, que le patient pourra être incité, et non par contrainte, consulter en première intention. Ces expériences se feront sur la base du volontariat et pour une durée limitée à cinq ans. Elles devraient permettre d'assurer une prise en charge plus cohérence du patient, notamment lorsque celui-ci souffre d'une pathologie lourde ou chronique.
4. L'informatisation
L'informatisation, qui est déjà réalisée dans un certain nombre de cabinets médicaux, permet d'accéder à des banques de données, d'échanger des informations avec des confrères ou avec des établissements de soins et, grâce au codage des actes et des pathologies qui va progressivement entrer en vigueur, de mieux suivre votre propre pratique. C'est une amélioration pour le suivi des malades et la qualité des prescriptions.
L'informatisation sera encouragée, notamment à travers le fonds de modernisation de la médecine libérale. La durée d'amortissement des micro-ordinateurs et services multimédias vient, par exemple, d'être ramenée à deux ans. Un calendrier prédis est fixé : caisses d'usuraire maladie et professionnels de santé devront être en mesure de procéder à des échanges de données au 31 décembre 1998, ce qui permettra supprimer les feuilles de soins.
Les grands principes de notre médecine libérale, auxquels vous et vos confères êtes attachés, demeurent.
Avec le projet d'ordonnance, nous entamons un processus qui permettra à ces principes de rester au cœur d'une pratique médicale responsable.
C'est bien dans cet esprit que nous avons conçu une réforme qui, nous en sommes convaincus, assurera l'avenir de notre système de soins.
En vous remerciant de l'attention que vous avez bien voulu nous accorder, nous vous prions de croire, Docteur, à l'assurance de nos sentiments les meilleurs.