Interview de M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, à RMC le 12 avril 1996, sur la visite en France du premier ministre chinois, la signature d'un protocole d'accord financier avec la Chine, la commande de treize avions Airbus et sur les droits de l'homme.

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Circonstance : Visite du Premier ministre chinois M. Li Peng du 10 au 12 avril 1996

Média : RMC

Texte intégral


P. Lapousterle : L'excédent commercial français va-t-il se poursuivre ?

Y. Galand : L'excédent commercial français va se poursuivre dans l'année qui vient. Je crois que c'est un excédent structurel durable. Encore faut-il que nous prenions un certain nombre de moyens. J'ai annoncé, en liaison avec le Premier ministre, un certain nombre de réformes d'amélioration du commerce extérieur au service de nos entreprises, d'une part, et compte tenu de l'évolution des marchés mondiaux d'autre part. Vous dites que c'est un des rares très bons chiffres : je vous signale quand même que depuis le début de l'année, il faudrait que les Français se mettent à positiver. Vous avez un marché automobile qui se porte bien, plus 12 % en trois mois ; vous avez un marché immobilier qui commence à frémir, voire à décoller. Le marché de l'immobilier se porte beaucoup mieux depuis cinq semaines. Quand vous avez un moral d'entrepreneur et du consommateur qui repart... Vous savez, c'est quand on a une économie qui s'assainit, quand on a des marchés financiers qui l'accompagnent, parce nous n'avons jamais eu des taux d'intérêt aussi bas, ce qui est très bon pour les entreprises, je pense que c'est à partir de là que nous pourrons réduire le chômage. Nous avons une période difficile, qui est une période de six mois. Je vous garantis qu'à partir du second semestre, nous allons voir l'embellie, en particulier en matière d'emplois. À partir de 1997, l'embellie se verra en matière fiscale.

P. Lapousterle : Avez-vous reçu M. Li Peng sans états d'âme ?

Y. Galand : Tout à fait. Je suis d'ailleurs allé voir Li Peng il y a cinq ou six mois en Chine. Une visite comme celle-ci ne se fait pas par une improvisation magique. Mon collègue H. de Charette était allé en Chine. Je suis allé en Chine pour préparer tout ceci soigneusement. C'est dans le cadre de cette préparation que nous avons, je crois, une visite qui, sur le plan économique, est tout à fait réussie.

P. Lapousterle : Comprenez-vous, en même temps, les manifestations contre celui qui a donné l'ordre d'assaut contre les manifestants de la place de Tiananmen ?

Y. Galand : Notre pays est une démocratie. Dans le cadre de cette démocratie, toutes les sensibilités s'expriment. Je les comprends parfaitement. Ce faisant, je voudrais leur rappeler un certain nombre de choses : la première, c'est que c'est l'économie et le développement de l'économie qui règlent les problèmes de droits de l'Homme dans tous les pays du monde dans lesquels je suis passé. Quand vous avez un développement du niveau de vie, vous avez un problème de droits de l'Homme qui se réduit. La seconde, c'est que les manifestations et la volonté sont une chose, je ne connais pas de pays industrialisés aujourd'hui qui ne travaillent pas avec la Chine, qui est le plus grand marché mondial. On peut toujours le faire. À partir de là, je pourrais vous donner un certain nombre de chiffres sur les contrats que nous avons signés. Nous parlions de l'emploi : c'est l'emploi français qui serait en cause. Donc, j'ai rencontré le Premier ministre Li Peng, qui d'ailleurs connaît extrêmement bien notre pays et extrêmement bien tout ce qui touche aux relations économiques entre la France et la Chine. Je l'ai rencontré personnellement avec plaisir trois fois au cours de cette visite, de même que je l'avais rencontré en Chine.

P. Lapousterle : Y a-t-il eu un incident diplomatique entre la France et la Chine ?

Y. Galand : Ça prouve qu'il peut y avoir des relations qui sont des relations profondes, sincères entre deux pays qui n'excluent pas la franchise. C'est une forme sur laquelle il y a un dîner assez particulier, ce qui n'empêche pas que ce voyage se placer sous le signe de ...

P. Lapousterle : Y a-t-il finalement une liste de 20 dissidents à laquelle la France tenait particulièrement ?

Y. Galand : Il y a un certain nombre de choses en matière desquelles, si vous voulez être efficace en matière diplomatique, vous faites de la diplomatie confidentielle et discrète. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui font de la diplomatie King-Kong avec des effets d'annonce et peu de résultats. Vous me permettrez de penser que le Président et le Gouvernement pratiquent différemment.

P. Lapousterle : Intensification des relations avec la Chine : cet objectif est-il atteint ?

Y. Galand : Cette visite dure trois jours. Mercredi a amené son lot de contrats et de très bonnes nouvelles. Jeudi aussi. Nous verrons ce qu'il en sera vendredi. Arrivé à aujourd'hui, sans anticiper sur la fin de la visite, elle donne des résultats tout à fait exceptionnels.

P. Lapousterle : Les patrons disent que c'est loin du compte.

Y. Galand : Nous sommes dans un pays extraordinaire, sur lequel on cherche à faire dire aux gens non pas des bonnes nouvelles et des éléments positifs, mais des éléments négatifs, sur lequel on se laisse aller à des éléments négatifs ! Si vous lisez aujourd'hui la presse américaine, « l'Amérique battue », « Boeing défait ». Les Américains ne s'y trompent pas : regardez les interviews du président de Boeing : « c'est un sinistre ». Si on était à Toulouse ou dans d'autres cités européennes, aujourd'hui, pour Airbus, il faudrait savoir se féliciter du résultat que l'on a.

P. Lapousterle : C'est un résultat ou une espérance ?

Y. Galand : C'est un résultat : ce sont 30 commandes fermes. Le marché chinois est un marché particulier. Vous avez un organe de régulation qui commande. Ce ne sont pas les compagnies aériennes. Il répartit ensuite entre les compagnies aériennes. Cet organe de régulation a commandé ferme, avec des dates de livraison et des acomptes, 30 Airbus. Il en a déjà affecté 10, ce qui est tout à fait classique à China Southern Airlines. Les 20 autres vont être affectés selon un calendrier prévu. C'est une commande ferme.

P. Lapousterle : Quel est le calendrier ?

Y. Galand : Dans quelques mois, il y aura les affectations, ensuite, les livraisons normales en fonction des cadences de fabrication. Je vous signale que ça représente quand même l'emploi de 5 000 emplois par an. Ce n'est pas rien dans les périodes actuelles. C'est d'ailleurs un succès formidable. Nous représentions d'ailleurs – c'était tout à fait normal – en matière aéronautique 7 % du marché chinois. Par cette commande, nous doublons notre part de marché et arrivons à 14 %.

P. Lapousterle : Quelles sont les chances réelles des Européens de construire le futur avion chinois ?

Y. Galand : C'est l'avion de 100 places sur lequel les Chinois veulent s'associer avec soit les Singapouriens, soit les Coréens, peut-être même les deux, pour fabriquer un avion qui a des potentialités énormes dans le monde. Ce que je peux vous dire, c'est que le protocole qui a été signé hier à l'Élysée est un protocole qui montre que nous avons une longueur d'avance dans cette course. Face aux Américains, une fois de plus, et aux concurrents, nous devrions normalement pouvoir gagner cette course. J'en ai encore parlé hier avec Li Peng. Samedi, M. Gallois lui fera une présentation à l'aérospatiale de cet avion et de ces perspectives et du consortium européen dont Aérospatiale est leader. La décision doit être prise en juin. Il ne faut jamais anticiper sur ce genre de choses. Nous avons de bonnes chances.

P. Lapousterle : Les petits entrepreneurs auront-ils voix au chapitre ?

Y. Galand : Les petits entrepreneurs qui nous écoutent ont voix au chapitre, puisque je peux leur dire que nous avons signé un protocole en 1995 d'1 milliard de francs de crédits. Actuellement, il y a certainement 15 à 20 % de ce protocole qui ira à des PME. Pour ma part, je suis très attaché au développement des PME à l'exportation. Je crée le 14 mai le club Partenariat-France qui est le club qui va permettre aux grandes entreprises volontaires – il y aura 50 grands groupes – de pouvoir mettre leur infrastructure et leurs réseaux à la disposition des PME pour les aider à exporter. Nous allons avoir une cellule permanente à la direction extérieure pour aider les PME. Nous prenons un certain nombre de mesures, y compris une part dans les protocoles financiers pour les PME. Je vous garantis que les PME de ce pays vont trouver une aide sans précédent pour les aider à exporter et que l'excédent du commerce extérieur dont vous parlez n'est pas l'accident d'une année : c'est maintenant quelque chose de durable et sur lequel nous allons tous ensemble, les entreprises et le Gouvernement, continuer à nous battre. Je vous rappelle que le premier qui vante la qualité France qui se bat pour la performance et la technologie France, c'est le président de la République, et c'est nouveau, dans tous ses voyages et partout.