Texte intégral
Nous avons fait le choix de l'Europe, car c'est l'intérêt supérieur de la France
• Faire avancer l'Europe politique, l'Europe de la défense, l'Europe de la diplomatie
• Pour une nation fédérative des États.
En 1945 à La Haye, en 1950 à Paris, en 1957 à Rome, les démocrates-chrétiens de l'Europe ont posé les fondations d'une Europe qui cesserait d'être une simple entité géographique divisée pour devenir à terme une réalité politique unifiée et puissante.
Nous sommes en 1998, près de dix ans après la chute de notre adversaire le plus redoutable, l'URSS. Nous sommes désormais devant un choix. Ou bien l'Europe poursuit, consolide et approfondit la voie de l'unité, elle affirme alors son identité de civilisation et ses valeurs de paix, de liberté, d'égalité et de fraternité entre les peuples, ou bien l'Europe perpétue ses divisions, ses querelles mesquines et se contente de ressusciter des nations à l'échelle d'un sous-continent.
Le choix des démocrates-chrétiens européens et de l'héritage historique de l'UDF est celui de la raison. Nous avons fait le choix de l'Europe, parce que nous sommes conscients de l'intérêt supérieur de la France. L'Europe est bien la nouvelle dimension de notre rayonnement et de notre puissance.
Nous devons répondre aujourd'hui à trois défis :
– l'immigration clandestine qui, en l'absence d'une véritable coordination des gouvernements, peut se jouer de la diversité des règles en Europe qui régissent le statut des étrangers, le droit d'entrée et de séjours ;
– les institutions qui, en l'état, ne permettent pas d'envisager à moyen terme un élargissement de l'Union ; à moins d'accepter que l'union de tous les Européens ne conduise à la paralysie de toute l'Europe. Nous voulons que cette réforme conduise à une véritable politique étrangère commune parce que nous ne pouvons pas faire dépendre notre capacité de réaction, de négociation et d'action des choix américains. Au Kosovo, l'Europe parle d'une seule voix, celle de la paix, mais seuls les États-Unis savent se faire entendre ;
– répondre aux discours anti-européens, en soulignant à quel point la construction européenne est une oeuvre originale : elle ne vise pas à construire un super État européen ou à brider la souveraineté de ses États membres. Nous croyons que l'Europe sera une union fédérative des États, où l'exercice conjoint de certaines compétences ne remettra pas en question le pouvoir des Nations, incarné dans les États souverains.
Le France se prépare donc à ratifier le traité d'Amsterdam. Elle doit d'abord réviser sa Constitution, afin de rendre possible un partage de certaines compétences, dans les domaines de la sécurité et du droit d'entrée et de séjour des étrangers. Au moment où se pose avec acuité pour la France, mais aussi pour l'Italie et pour l'Allemagne, le problème de l'immigration clandestine, il convient de dire combien le traité d'Amsterdam, au-delà de ses limites institutionnelles, marque un véritable progrès dans la maîtrise coordonnée des flux migratoires, qui nous fait tant défaut aujourd'hui.
Le traité d'Amsterdam doit être ratifié, car il offre à l'Europe les premiers moyens de sa puissance future. Ratifier ce traité de manière parcellaire, ou chercher à en différer les effets, comme certains le voudraient, c'est laisser entendre à nos partenaires que la France hésite. Cette hésitation pourrait marquer la fin de la prépondérance française dans la construction de l'Europe, dont elle est à l'origine.
Lorsque, à l'occasion d'une procédure de ratification, aujourd'hui celle d'Amsterdam, nous voyons se lever les adversaires de la modernité politique du prochain siècle – l'intégration européenne –, notre devoir est de leur dire simplement mais fermement qu'ils se trompent. Qui peut dire avec sérieux que la France n'est pas bénéficiaire de la construction européenne ? Qui peut dire qu'elle n'a pas contribué à la modernisation de notre économie depuis la première application du traité de Rome, la politique agricole commune ? Qui peut dire que notre rayonnement dans le monde et notre action diplomatique ont été ou seront amoindris par la construction de l'Europe ?
Puisse la campagne du printemps prochain pour les élections européennes faire oeuvre de pédagogie. Les prochaines élections doivent signifier démocratiquement ce que disent aujourd'hui les études d'opinion : 70 % des Français veulent approfondir l'Union européenne. Ces élections ratifieront l'événement historique de cette fin de siècle : les Européens se dotent d'une même monnaie, l'euro, dès le 1er janvier 1999. Les doutes, les critiques et les réserves des uns et des autres, comme la conjoncture économique – cette crise financière, boursière et bancaire qui rebondit tous les six mois depuis 1997 – sont balayés par un euro qui incarne déjà le retour de la puissance européenne.
Encore faudra-t-il user de l'euro avec la conviction que cette monnaie prépare une union politique où les États seront plus forts ensemble. Sinon, l'euro ne sera pas la monnaie internationale stable et crédible qui permettrait de refondre autour d'elle le système monétaire international déséquilibré depuis les années 70. Ce succès dépendra de notre capacité de faire avancer rapidement l'Europe politique, l'Europe de la défense, l'Europe de la diplomatie. Il ne faut pas que cet avenir, que nous voulons certain, devienne un horizon lointain. L'Europe doit être le nouveau pôle de stabilité et de prospérité du monde.
Nous avons débattu d'une série d'amendements au projet de révision constitutionnelle. Ils posent principalement la question de la subsidiarité, c'est-à-dire le partage de compétences entre les États et l'Union. L'Europe que nous voulons sert les États : ils s'appuieront sur l'Europe pour se consolider. Doit-on soumettre au Parlement l'ensemble des actes de l'Union, même réglementaires, pour assurer une information et un contrôle des représentants de la Nation ? Sans doute, car il s'agit là d'une démocratisation nécessaire de l'Europe.
Veillons toutefois à ce que cette procédure d'examen, d'avis et de résolutions préparés par les délégations du Sénat et de l'Assemblée nationale ne paralyse pas la prise de décisions des Européens, et les négociations des ministres lors des conseils européens. Il ne faut pas non plus qu'un contrôle de subsidiarité soit assuré par des institutions nationales : chaque pays membre aurait sa propre conception du partage de compétences. Ces questions révèlent un manque : une Constitution européenne. Dès lors, le contrôle constitutionnel, celui de subsidiarité, seraient assumés par une Cour suprême européenne.
Parce que nous comprenons les doutes et les inquiétudes vis-à-vis des risques d'une emprise trop forte de Bruxelles sur les États membres, parce que nous sommes attachés à un pouvoir décentralisé, parce que nous croyons, en tant que démocrates, à la séparation et à l'équilibre des pouvoirs, et enfin parce que nous sommes des Européens convaincus, l'UDF doit se trouver au rendez-vous d'une Europe politique et démocratique et devenir une union fédérative des États, pour reprendre l'expression de Valéry Giscard d'Estaing. Ce débat sur la révision constitutionnelle en France a un mérite : jeter les bases d'une future citoyenneté européenne.