Texte intégral
Date : 11 juillet 1997
Source : France Inter
Question : La baignade à la Hague est-elle dangereuse ?
D. Voynet : Se baigner sur les plages du Colentin en période de vacances, c’est possible, ce n’est pas dangereux et cela ne nécessite pas de mesures particulière de santé publique qui n’ont d’ailleurs pas été prises, ni par moi-même ni par Bernard Kouchner. (…) Le principe d précautions » applique avant que le risque ait été identifié.
Question : Certains, et notamment les verts, estiment que la Hague et la filière nucléaire mettent en danger les générations futures. Quelle est votre position ?
D. Voynet : La déclaration du porte-parole des vents, Philippe Boursier, est très générale et elle fait sans doute allusion à l’énorme parc électronucléaire français et à la production de déchets qu’ils génèrent, déchets dont on ne sait pas encore très bien quoi faire à cette heure. La loi Bataille, adoptée en 1991, prévoit des programmes de recherche importants sur trois pistes possible : la transmutation, le stockage en profondeur dans les (illisible) géologique profondes ou l’entreposage en surface. Nous avons devant nous plusieurs années au cours desquelles nous devront explorer toutes les pistes pour essayer de voir ce que l’on peut faire de ces déchets. En ce qui me concerne, je n’ai pas changé d’avis après le 1er juin. Je continue de penser qu’aucune solution n’est très satisfaisante et que l’accumulation de déchets nucléaires fait peser sur les générations futures un risque important.
Question : Quelles sont les décisions à prendre en matière nucléaire ?
D. Voynet : En gros, la France est dans une situation de surproduction importante d’électricité, à la suite de choix qui ont été faits il y a longtemps. Ces choix ont été faits il y a plus de vingt ans, dans un contexte différent : une crise du pétrole et une rareté des ressources fossiles organisées d’une façon économique. Cela a conduit à chercher autre chose. Sur la base de courbes exponentielles de consommation d’électricité pour l’avenir, on a commandé pendant des années cinq à six tranches nucléaires par an. Aujourd’hui, on se rend compte que l’on a appris à mieux utiliser l’énergie, à faire des économies - c’est ce que l’on appelle l’éco-efficace – et que l’on ne consomme pas toute l’énergie que l’on pensait consommer. Alors, que fait-on aujourd’hui ? On encourage des comportements qui sont peu responsables, d’un point de vue écologique. On encourage le chauffage électrique, la climatisation, la voiture électrique pour justifier a posteriori cette surproduction d’électricité. On vend aussi de l’électricité à l’étranger. Certains disent qu’elle n’est pas vendue très cher au regard de son coût de revient et du fait qu’on garde les déchets pour des milliers d’années. (…) Le prix de l’électricité nucléaire n’est pas très cher, mais le coût du nucléaire, je crois que personne n’est en mesure de l’évaluer de façon très sérieuse parce que le démantèlement des centrales nucléaires va coûter très cher et que, en ce qui concerne les déchets, personne n’a la moindre idée des sommes qu’il va falloir pour y faire face. (…)
Question : En matière de sécurité nucléaire, qui doit contrôler : l’administration ou les associations ?
D. Voynet : Je vous donne un exemple : la Cogema aujourd’hui ne participe pas de façon régulière à la commission locale d’information et de surveillance qui a été mise en place dans la presqu’île du Colentin. Est-ce normal ? Non. Je souhaite que les membres de la Cogema puissent donner de vraies réponses sans éluder les problèmes, s’il y a des problèmes, ce dont je ne suis pas sûre. Mais il est normal que les gens craignent les problèmes s’ils ont l’impression qu’on leur cache quelque chose et que ma démarche n’est pas complétement ouverte et rigoureuse d’un point de vue scientifique et démocratique. (…)
Question : Vous avez parlé d’écotaxes. De quoi s’agit-il ?
D. Voynet : La discussion n’est qu’ébauchée sur le principe des écotaxes et des pollu-taxes. C’est une discussion qui risque de prendre pas mal d’acuité au cours des prochaines semaines puisque le Gouvernement explore l’idée de baisser la fiscalité qui pèse sur le travail en mettant en place des ressources différentes. L’idée d’une fiscalité pesant sur des ressources rares et pénalisant les comportements les plus gaspilleurs et les plus irresponsables de ce point de vue nous paraît intéressante. Mettre en place une écotaxe sur le CO2 ou sur l’énergie en général et baisser en conséquence la fiscalité qui pèse sur le travail nous paraît à la fois vertueux d’un point de vue écologique et innovant d’un point de vue social.
Date : samedi 12 juillet 1997
Source : L’EST RÉPUBLICAIN
L'Est Républicain : Les Verts, au départ, avaient réclamé un super-ministère incluant les Transports, le Logement, la Ville. Êtes-vous déçue de n’avoir que l’Aménagement du territoire et l’Environnement ?
Dominique Voynet : Il est vrai que notre accord verts- PS prévoyait un énorme ministère. Mais nous avons très vite compris que ce souhait n’était pas réalisable… puisque nous aurions rassemblé la moitié des compétences du gouvernement ! Alors, tel qu’il est, il me convient très bien.
Car, dans mes attributions, j’ai fait inscrire pour la première fois le développement durable dans les politiques publiques. Et j’ai obtenu ma tutelle conjointe, avec le ministère de l’Industrie, de la direction de la sûreté nucléaire. Avec, toujours l’objectif de parvenir à une séparation des fonctions de contrôleur et de contrôlé dans ce domaine, comme dans tous les secteurs liés aux risques majeurs.
L'Est Républicain : Justement, à propos des dangers du nucléaire, avec-vous ou non été désavouée par vos collègues de l’industrie et de la santé, jeudi, après vos déclarations relatives aux mesures de sécurité à édicter à La Hague ?
Dominique Voynet : Absolument pas ! Quand j’ai été interrogée, à la sortie du conseil des ministres, je n’ai tenu que des propos mesurés. J’ai admis que je ne disposais pas des résultats définitifs des analyses effectuées et j’ai précisé qu’au vu de ceux qui étaient diffusés par les médias, et qui étaient issus d’une expertise allemande, il valait mieux, à titre de précaution et dans l’urgence, empêcher les pêcheurs et les plaisanciers d’accéder au site. Le mot « urgence » signifiait, dans mon esprit « en l’attente » de ces données. Lorsque nous les avons reçues, dans l’après-midi, et constaté qu’il n’y avait rien de catastrophique, d’autres précisions ont aussitôt été fournies. Mais ma déclaration a été sortie de son contexte et certains ont assimilé « urgence » à « danger immédiat ». Ce qui n’était pas le cas.
L'Est Républicain : L’épidémiologiste bisontin Jean-François Viel avait mis en lumière des cas de leucémie anormaux dans l’environnement du centre de La Hague. Le rapport du professeur Souleau a-t-il validé ses observations ?
Dominique Voynet : Ce dernier ne met en cause ni l’honnêteté professionnelle du professeur Viel, ni la qualité de ses travaux. Il ne le suggère des pistes pour que ce scientifique affine sa démarche, qu’il approfondisse ses cas de référence et qu’il prolonge sa période d’étude au-delà de l’année 1993. Ce qui est en cours de réalisation.
L'Est Républicain : Enfin, pour en terminer avec le nucléaire, que pensez-vous des manifestations des partisans de Super-phénix préoccupés pour l’emploi ?
Dominique Voynet : Qu’il faut revoir le chiffre de ces emplois qu’on prétend menacés ! Le démantèlement va pendre de cinq à six ans et nous allons travailler, en parallèle, sur la reconversion industrielle du site en tenant compte des compétences des personnels.
L’une des pistes possibles étant de demander à EDF de continuer de produire de l’énergie sur place, par d’autres moyens. Mais il serait idiot de ma part de nier l’existence de pressions fortes pour que Superphénix continue. Ce que j’exclue, pour ma part, car le constat est irrévocable et il s’agirait d’une remise en cause du discours de politique générale du Premier ministre.
L'Est Républicain : Maintenant que vous avez également obtenu la mise à mot du canal Rhin-Rhône, avez-vous des remords ?
Dominique Voynet : En mon âme et conscience, non ! Je n’ai aucun regret Ceci posé, le problème reste entier : comment enlever les camions des routes ? J’ai vu que Jean-Pierre Chevènement proposait de réaliser le TGV Rhin-Rhône pour libérer la voie classique au profit du fret. En ce qui me concerne, je pense qu’on ne peut pas, à ce stade, affirmer qu’une solution est meilleure qu’une autre.
Et qu’il nous faut étudier le développement combiné du transport de marchandises en intervenant là où se trouvent les flux réels, là où ils peuvent avoir un impact économique véritable, et non en fonction des seuls désirs des élus locaux.
L'Est Républicain : Les partisans du canal voudraient relancer l'alternative Moselle-Saône. Quelle est votre sentiment ?
Dominique Voynet : Ma position contre le grand canal n’était pas une position contre la voie d’eau ! Et il est normal qu’on examine tous les projets autoroutiers et ferroviaires. En revanche, il faut se garder de décisions hâtives qui donneraient la fâcheuse impression qu’on offre à la Compagnie nationale du Rhône un chantier pour la consoler d’en avoir perdu un autre.
Moselle-Saône, c’est le même problème que Rhin-Rhône : flux de transports identiques, franchissements de seuils délicats, rentabilité douteuse, etc. Ce serait transposer la difficulté ailleurs.
Le programme que j’aimerais, moi, confier à la CNR, c’est celui de la restauration des capacités d’épuration de l’étang de Berre, pour reconstituer la continuité avec la mer.
L'Est Républicain : Le financement du canal Rhin-Rhône peut-il vraiment aller au TGV du même nom ?
Dominique Voynet : Il serait bien normal que l'argent de la CNR contribue à alimenter le fonds pour les transports terrestres, dans la perspective d'améliorer les circulations sur l'axe nordsud. J'en ai discuté avec Pierre Moscovici et avec Jean-Pierre Chevènement : les trois ministres comtois sont d'accord pour se battre ensemble afin de garder un peu de cet argent pour les besoins en circulation de fret et de voyageurs dans ces sillons rhénans et rhodanien.
L'Est Républicain : Oui, mais les trois ministres franc-comtois ont-ils la même vision du TGV Rhin-Rhône ?
Dominique Voynet : Nous ne sommes pas en désaccord sur le principe d’un train rapide, mais je ne crois pas pour autant au phasage. Si on réalise Mulhouse Dijon, on ne fera jamais le reste !
Car la branche sud est un leurre.
Le Jura sera exclu, traversé sans être servi.
Ma proposition est donc la suivant : que tous les auteurs concernés se mettent d’accords pour qu’on lance au plus vite le tronçon Mulhouse Besançon, qu’on le fasse aujourd’hui même, et qu’en prolongement vers Paris on ait recours au train pendulaire en sauvegardant les intérêts jurassiens.
L'Est Républicain : Lors de votre prise de fonction, vous avez ému la Lorraine avec vos interrogations concernant le tracé du TGV Est...
Dominique Voynet : Je m’en suis entretenue avec Gérard Longuet et nous avons dissipé le malentendu. Quand je suis arrivée, j’ai pris ce TGV comme exemple pour dire que lorsque le débat était mal mené, qu’il n’intervenait qu’en aval pour les aménagements et non en amont et que le dialogue était insuffisant, les contentieux se multipliaient, avec des menaces financières tant pour la puissance publique que pour les entreprises.
C’était pour mieux illustrer mon souhait d’une réforme des procédures d’enquête d’utilité publique, avec davantage de transparence.
Le TGV Est, à cause de cette mauvaise méthode, n’est d’ailleurs pas complétement à l’abri d’une décision négative du Conseil d’État.
L'Est Républicain : Le sénateur haut-saônois Alain Joyandet a indiqué que vous étiez favorable à l’autoroute Langres-Montbéliard…
Dominique Voynet : Je lui ai dit que je n’entendais pas réexaminer les petits bouts de tracés autoroutiers morceau par morceau et que je voulais privilégier au contraire une approche globale.
Je ne suis pas allée plus loin dans mon commentaire et je n’ai ni donné de garantie ni émis de position contre.