Déclaration de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation, sur les industries agro-alimentaires du pôle agronomique de l'ouest, l'enseignement et la recherche agricole, Rennes le 12 mars 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Philippe Vasseur - ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation

Circonstance : Journée AGRENA - Pôle agronomique de l'Ouest, Rennes le 12 mars 1996

Texte intégral

Monsieur le Président Bourges, 
Monsieur le Président Guichard, 
Chers amis,

Si cette manifestation a été reportée de quelques semaines, c'est parce que je souhaitais absolument y participer personnellement et répondre à l'invitation des présidents Bourges et Guichard. Je n'ai pas tous les jours l'occasion de saluer une réussite interrégionale telle que celle du pôle agronomique de l'ouest et je tenais à le faire avec vous aujourd'hui.

Car l'ouest de notre pays est d'abord une réalité agricole et agro-alimentaire.

Avec le quart de la production agricole et agro-alimentaire nationale, les trois quarts de la production de volaille, 40 % de la viande, 30 % du lait, 30 % des plats cuisinés, Bretagne et Pays de la Loire sont d'abord et avant tout de grandes régions agricoles et agro-alimentaires, en France et en Europe.

C'est grâce aux hommes et aux femmes de ces deux régions que l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire sont devenues la première activité économique du grand ouest, en dépit d'une situation géographique excentrée par rapport aux grands centres de consommation.

Grâce aux agriculteurs, bien sûr, mais aussi à tous ceux qui ont su, dans l'industrie, dans le commerce, dans les coopératives, valoriser les produits de cette terre de l'ouest.

Grâce à des entreprises conquérantes, dynamiques, ancrées dans leur terroir, des entreprises dont les produits et la réputation ont largement dépassé les frontières de notre pays, et qui ont permis à la Bretagne et aux Pays de la Loire d'assurer aujourd'hui le quart de nos exportations agro-alimentaires.

Il n'était pas question de se contenter de cette réussite présente : c'est dès maintenant qu'il faut préparer la filière agricole et agro-alimentaire du prochain siècle.

Il est essentiel que nous ayons des perspectives sur l'évolution des marchés mondiaux, l'évolution des besoins, des habitudes de consommation. C'est à nous tous, pouvoirs publics, chercheurs, élus, entreprises d'y réfléchir.

Mais nous devons aussi être capables non seulement, de nous adapter à ces changements, mais encore de les anticiper. C'est à ce prix que nous aurons, demain, une filière agro-alimentaire forte et présente dans le monde entier, au service de nos réglons, et au service de l'emploi. Cela demande un effort de recherche, pour définir les produits et les aliments de demain, pour faire évoluer les modes de production, pour mieux prendre en compte les impératifs de qualité et de respect de l'environnement.

Cet effort, c'est aux entreprises de le conduire, avec l'appui des chercheurs.

Nous avons, en France, une recherche publique de très grande qualité dans le domaine agronomique, avec l'INRA, le CNEVA et l'ensemble des laboratoires des écoles du ministère de l'agriculture. C'est l'une des premières du monde. Mais dans le même temps, les entreprises agro-alimentaires consacrent des moyens trop faibles à la recherche : 3 fois moins que la moyenne de l'industrie.

Cette situation ne date pas d'hier et ce déséquilibre ne sera pas résorbé demain. Mais nous devons tout faire pour ouvrir les portes des entreprises à la recherche, afin que notre extraordinaire potentiel de recherche publique bénéficie à nos entreprises.

C'est à ce rapprochement qu'est dédié le pôle agronomique de l'ouest, créé à l'initiative des collectivités locales et notamment des deux régions, Bretagne et Pays de la Loire.

Je voudrais saluer cette initiative, que j'estime exemplaire à plus d'un titre.

D'abord, parce qu'elle résulte d'une démarche interrégionale. Cela n'allait pas de soi. D'autres jouent plutôt la rivalité que la complémentarité. Yvon Bourges et Olivier Guichard ont pris part personnellement à la constitution de ce pôle. Ils ont réussi à faire ce que l'on fait très difficilement depuis Paris. Ils ont su fédérer les énergies, rassembler les deux régions, mais aussi les départements, et les grandes villes de l'ouest autour d'une ambition commune : rapprocher les entreprises et les chercheurs. Je félicite toutes celles et ceux qui ont apporté et continuent d'apporter leur contribution à ce projet.

Mais le pôle agronomique de l'ouest est aussi remarquable dans son fonctionnement. Cela a été dit, il s'agit d'une structure très légère. Il ne s'agit pas, comme c'est parfois le cas, de faire écran entre les entreprises et les laboratoires, mais au contraire de leur permettre de nouer des contacts directs. Le travail du pôle n'est pas de servir d'intermédiaire, mais au contraire de mettre en relation, de rapprocher.

Une telle initiative n'aurait pu voir le jour et prospérer si le dispositif d'enseignement supérieur et de recherche de l'ouest n'était pas organisé pour répondre à cette demande.

Bretagne et Pays de la Loire réunissent le quart du potentiel de recherche agricole et agro-alimentaire national.

Le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation compte, dans ces régions, des grandes écoles, parmi les plus remarquables : ces écoles rassemblent près de 3 000 étudiants; elles couvrent l'ensemble de la filière , depuis la santé des animaux, avec l'école vétérinaire de Nantes, l'agronomie avec l'école supérieure d'agronomie de Rennes, l'agro-alimentaire, avec l'école des ingénieurs des travaux des industries agricoles et alimentaires de Nantes, l'ENITIAA, sans oublier l'horticulture et le paysage, avec le pôle horticole d'Angers que nous sommes en train de mettre en place et qui constituera un ensemble de formation unique en France.

De même que l'industrie agro-alimentaire est une réalité dans l'ouest, de même, il était nécessaire de réunir les énergies et le potentiel de ces écoles. C'est en 1986, sous l'impulsion du directeur de l'ENSA de Rennes, Camille Moule, que les premières discussions ont eu lieu.

Elles ont abouti, en 1988, à la création d'une association, AGRENA, qui regroupe aujourd'hui 5 écoles à Rennes, Nantes et Angers.

Les fondateurs d'AGRENA et ceux qui la font vivre aujourd'hui, au premier rang desquels je salue Pierre Thivend, son président et directeur de l'ENSA de Rennes, ont souhaité que cette association soit utile, qu'elle permette de conduire des actions concrètes.

C'est ainsi qu'AGRENA permet de coordonner l'action de recherche des écoles et aussi de mettre en commun les moyens dont elles disposent dans des domaines où l'efficacité s'en trouve renforcée, je pense en particulier aux relations internationales ou à la formation linguistique.

En se regroupant, les écoles du ministère de l'agriculture sont mieux armées pour répondre aux besoins des entreprises. Grâce à AGRENA, elles ont pu apporter une contribution essentielle au pôle agronomique de l'ouest. Je sais que les deux associations travaillent dans une étroite synergie, c'est d'ailleurs le thème de cette journée.

AGRENA est aussi, messieurs les présidents, une démarche interrégionale. Nos écoles, très présentes dans leurs départements et dans leurs régions, savent aussi coopérer avec les régions voisines : c'est ainsi que Rennes a apporté tout son concours à la constitution du pôle horticole d'Angers.

Mais l'action du ministère de l'agriculture pour rapprocher la recherche des besoins de notre économie ne s'arrête pas là. C'est une de mes préoccupations permanentes et aussi celle de notre directeur général de l'enseignement et de la recherche, Hervé Bichat, que beaucoup d'entre vous connaissent.

Nous préparons actuellement, en liaison avec mon collègue François d'Aubert, le futur contrat d'objectif de l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, pour les cinq prochaines années. Il permettra d'orienter la recherche vers des thèmes plus proches des préoccupations du monde économique et Insistera sur la nécessaire valorisation des travaux.

De la même façon, je suis très attaché au développement des centres techniques dans le domaine agro-alimentaire, qui apportent une aide souvent extrêmement utile aux entreprises, notamment aux PME.

J'évoque ce sujet avec d'autant plus de plaisir que c'est grâce à la contribution de Michel Caugant, industriel en Bretagne et responsable du centre technique de Quimper, que nous avons repensé le dispositif.

Michel Caugant est aujourd'hui à la tête de l'association des centres techniques, l'ACTIA, qui regroupe maintenant la quasi-totalité d'entre eux. Là aussi, nous avons souhaité fédérer les énergies et je ne suis pas étonné qu'un breton soit à l'origine de cette initiative.

Vous avez, au cours de cette journée, tiré le bilan de l'activité du jeune pôle agronomique de l'ouest, avec l'appui d'AGRENA.

Nous devons, maintenant, aller plus loin.

La compétition internationale, particulièrement vive, tant pour les produits agricoles qu'agro-alimentaires, nous conduira à renforcer notre effort d'innovation et de recherche.

C'est dans cet esprit que les écoles, réunies au sein d'AGRENA, ainsi que l'INRA et le CNEVA signeront dans quelques minutes la charte du pôle agronomique de l'ouest, qui marquera leur adhésion à cette démarche de rapprochement de l'industrie et de la recherche dans l'ouest.

Mais notre dispositif d'enseignement supérieur et de recherche doit aussi être plus fort. AGRENA n'est qu'une étape.

Je préfère disposer d'écoles du ministère à Rennes, Nantes et Angers plutôt que d'un seul site d'enseignement supérieur dans l'ouest.

Mais nous devons, dans le même temps, veiller à la lisibilité de notre dispositif. Bretagne et Pays de la Loire ne resteront pas le grand pôle agro-alimentaire qu'ils forment s'ils ne disposent pas d'un pôle d'enseignement et de recherche fort et lisible au plan européen et mondial : chez nos voisins, les écoles, les universités agronomiques comptent souvent des milliers d'étudiants et des centaines de chercheurs.

La constitution d'AGRENA a mis en évidence toutes les synergies qui peuvent exister entre nos écoles. Nous devons donc aller plus loin. Mon objectif est la constitution d'une véritable « fédération » de nos écoles, dans le respect de la personnalité de chacune d'entre elles. Elle seule permettra de donner à cette ensemble la force dont il a besoin.

J'ai demandé qu'un rapport d'orientation me soit remis d'ici la fin de l'année. Nous prendrons alors les orientations définitives qui nous permettront d'aboutir, je l'espère, avant la fin de 1997.

C'est un véritable défi qui s'offre à nous. La constitution, à côté du pôle agronomique de l'ouest, d'un pôle d'enseignement et de recherche agronomique de l'ouest est une perspective mobilisatrice et je suis persuadé que vous aurez à cœur d'y contribuer.

Cela ne veut pas dire, pour autant, que les écoles doivent se refermer sur elles-mêmes. Vous savez combien je suis attaché à la spécificité de notre enseignement agricole, tant au niveau technique que supérieur, mais en même temps à sa bonne intégration au dispositif national d'enseignement.

Je suis très heureux de l'accueil aujourd'hui au sein d'AGRENA d'une part de l'école supérieure de microbiologie et de sécurité alimentaire de Brest, qui dépend de l'université de Bretagne occidentale, et d'autre part du CNEVA. C'est à la fois le signe de notre ouverture, mais également celui de notre souci de prendre en compte la totalité de cette grande région ouest, qui s'étend de Rennes à Brest et d'Angers à Saint-Brieuc : c'est une réalité géographique ; c'est maintenant une réalité au sein d'AGRENA.

De même, je ne verrais pour ma part que des avantages à ce que les deux grandes écoles supérieures privées de l'ouest sous tutelle du ministère de l'agriculture, l'école supérieure d'agriculture d'Angers et l'école supérieure du bois de Nantes se rapprochent d'AGRENA.

Autour du pôle agronomique de l'ouest, autour d'AGRENA, nous pouvons développer une filière agricole et agro-alimentaire performante et compétitive.

Cette filière est la première richesse de la Bretagne et des Pays de la Loire.

L'agro-alimentaire est la première industrie de notre pays. Elle assure la moitié de notre excédent commercial. Elle emploie plus de 400 000 personnes, souvent en zones rurales.

Ce sont autant d'atouts que nous devons absolument préserver et valoriser. Nos priorités doivent aller d'abord à la préparation de l'avenir.

En favorisant l'innovation : c'est ce que nous faisons avec le pôle et avec nos écoles.

En favorisant aussi la création d'entreprises agro-alimentaires. Vous le savez, j'ai lancé Il y a quelques semaines une opération visant à la création de 100 nouvelles entreprises agro-alimentaires. Le chiffre est symbolique, mais il montre mon souci de favoriser la création, sur l'ensemble du territoire, de PME qui valorisent les produits agricoles régionaux. Les idées ne manquent pas ; nous donnons simplement le « coup de pouce » nécessaire au créateur. J'espère que l'ouest occupera toute sa place dans ce programme, et qu'au moins 25 des 100 projets viendront de Bretagne et des Pays de la Loire. Les premiers viennent d'ailleurs de nous être envoyés.

La préparation de l'avenir implique aussi la préservation des ressources et surtout la préservation de l'environnement. C'est aussi un de mes soucis. Nous n'avons pas, dans le passé, accordé assez d'importance à cette question de l'environnement, qui surgit désormais avec une certaine acuité.

Je me réjouis que le pôle en ait fait un de ses axes de travail et de même, que l'ENSA de Rennes dispense des formations spécifiques dans ce domaine.

C'est maintenant à tous les acteurs de se mobiliser : professionnels, pouvoirs publics, chercheurs.

La Bretagne fera l'objet d'un suivi spécifique, conduit par le préfet de région.

C'est en innovant, en répondant aux besoins des consommateurs, en valorisant les produits locaux, en prenant en compte les contraintes d'environnement que nous pourrons faire de l'ouest le grand pôle agricole et agro-alimentaire de notre pays.

Grâce à la mobilisation des élus de Bretagne et des Pays de la Loire, grâce à l'appui qu'apportera le ministère de l'agriculture avec ses écoles, grâce au dynamisme des professionnels de la filière, l'ouest sera ce grand pôle.

Il en a l'ambition et les moyens, j'en ai acquis la conviction aujourd'hui.