Texte intégral
Maurice Benassayag (délégué aux Rapatriés)
« C’est par l’école que les harkis s’en sortiront »
… comme Djamé Oubechou major de Normale Sup’ en 88
Les harkis, ces musulmans qui ont choisi la France au moment de l’indépendance de l’Algérie, étaient quelque 100 000 en 1962. Ils seront 800 000 dans dix ans. Maurice Benassayag, délégué interministériel aux rapatriés, fait le bilan pour « France-Soir », des actions engagées en faveur de ces Français à part entière qui vivent encore dans des conditions précaires.
France-Soir. – Qu’a-t-on fait et qu’envisage-t-on de faire pour les harkis ?
Maurice Benassayag. – Jusqu’à présent, on prenait des mesures spécifiques. Aujourd’hui, tous les ministères sont concernés, que ce soit ceux de la Solidarité, du Travail, de l’Education et de la Défense. Nous avons décidé de nous battre sur le front de l’échec scolaire par la création de zones d’éducation prioritaires avec des classes plus légères, avec davantage de professeurs, comme pour les handicapés sociaux. Nous allons organiser des stages de formation professionnelle pour que les enfants soient intégrés dans le cycle normal et non plus dirigés vers les filières spécifiques. Une action sera également entreprise en faveur du logement pour que les harkis et leurs enfants puissent bénéficier de toutes les aides propres à tous les Français. Deux cents militaires du contingent, instituteurs de formation, seront chargés de mission de soutien scolaire auprès des enfants français musulmans.
F.-S. – Vous insistez beaucoup sur l’école.
M. B. – Les harkis ne sont pas à part. C’est par l’école qu’ils s’en sortiront. Le meilleur exemple n’est-il pas Djamé Oubechou, sorti en 1988 major de Normale supérieure. Il avait huit frères et sœurs et sa mère ne parlait pas français.
F.-S. – Pourquoi avoir attendu si longtemps pour régler le problème ?
M. B. – Bien que Français depuis plusieurs générations (ce qui les distingue des Beurs), les harkis ont des problèmes importants, comme tous les marginaux : 75 % d’entre eux ont moins de trente-cinq ans et 80 % des 18-35 ans sont au chômage.
L’origine du malaise ne tient pas au fait qu’ils soient Français musulmans, mais aux conditions de leur rapatriement. On les a parqués dans des camps, notamment à Rivesaltes et à Saint-Maurice-l’Ardoise, dans des conditions précaires, sans vraie scolarisation, ni débouchés d’emplois.
F.-S. – M. Santini, ancien ministre, estime qu’en deux ans, de 86 à 88, on a donné autant aux harkis qu’en vingt ans.
M. B. – C’est vrai, André Santini a disposé de 250 millions en 1987 qui ont servi essentiellement à l’accession à la propriété. Cette année, le budget pour les harkis sera de cinq cents millions de francs pour régler définitivement l’indemnité de soixante mille francs par harki, élargie aux anciens militaires de moins de quinze ans de carrière.
Recueilli par Anne Nourry