Interviews de M. Édouard Balladur, ancien Premier ministre et député RPR, dans "Le Monde" du 28 mai 1997, à France-Inter le 29 à Europe 1 le 30 et dans "La Croix" le 31, sur les résultats du premier tour des législatives, le libéralisme à la française et les risques de la cohabitation.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections législatives les 25 mai et 1er juin 1997

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Europe 1 - France Inter - La Croix - Le Monde

Texte intégral

Date : 28 mai 1997
Source : Le Monde

Le Monde : Quelle analyse faites-vous du vote émis par les Français le 25 mai ?

Édouard Balladur : Les Français ont entendu marquer leur insatisfaction. Pourquoi ? Depuis plus de vingt ans, on n’a pas cessé de leur expliquer qu’on était en crise  monétaire, financière, pétrolière, etc. On le leur a tellement dit qu’ils en sont las... Ce qu’il aurait fallu dire, c’est que nous ne vivons pas une succession de crises conjoncturelles, mais une profonde crise de structure des sociétés d’Europe continentale.

Ce résultat manifeste, ensuite, une profonde aspiration au changement. Le tout, c’est de savoir y répondre. Dans quelle direction faut-il changer ? Faut-il davantage de liberté ou faut-il davantage de contraintes et d’interdictions ? C’est tout l’enjeu du choix entre la majorité sortante et les socialistes associés aux communistes.

Le Monde : N’y a-t-il pas aussi une protestation contre cette dissolution de l’Assemblée nationale que l’on a pu dire de convenance ?

Édouard Balladur : Je ne le crois pas. Appeler les Français à voter dix mois avant l’échéance, alors que l’Assemblée est en place depuis quatre ans, ce n’est pas surprenant. Il y a des échéances internationales auxquelles il fallait faire face. Je pense, en revanche, que nous aurions dû expliquer davantage quel tournant nous voulions voir prendre à la politique française.

Le Monde : Pensez-vous, comme Valéry Giscard d’Estaing, que les Français étaient mécontents de la manière dont ils étaient gouvernés ?

Édouard Balladur : Les Français vivent encore avec l’idée que la France pourra rester à l’écart des changements que tous les pays du monde connaissent. Ce n’est pas propre à la France : les Allemands ont un peu les mêmes réactions.

Lorsque j’ai modifié le régime, des retraites du secteur privé, j’ai pu le faire très vite, et cela a été accepté. Cela avait été précédé d’un long effort d’explication, de discussion. C’est ce qui est nécessaire. Les socialistes, aujourd’hui, ne proposent pas de revenir là-dessus, me semble-t-il, pour autant que l’on puisse avoir des idées précises sur leur programme.

Les Français redoutent de perdre un peu leurs racines et leurs amarres dans ce monde qui bouge tellement. Tout le problème de la politique française, aujourd’hui, c’est de leur montrer qu’on peut et qu’on doit s’adapter, et que cela ne conduit pas à moins, mais à plus de sécurité, sociale et économique.

Le Monde : Beaucoup d’avantages acquis ont reculé et le chômage n’a pas cessé d’augmenter…

Édouard Balladur : Je ne suis pas sûr que l’on puisse dire cela. Quelles protections ont été mises à mal ? Les prix ont été libérés, mais l’inflation n’a jamais été aussi faible. On a supprimé l’autorisation administrative de licenciement, mais avait-elle empêché que le chômage soit multiplié par quatre ou cinq en dix ans ? Après sa suppression, le chômage a augmenté à un rythme beaucoup plus faible. Les dépenses publiques et les prélèvements sont passés, depuis le début des années 80, de 40 % à 45 % du PIB. Qui s’en est mieux trouvé ? il n’y a donc aucun lien entre les interdictions juridiques ou administratives et le degré réel de sécurité qui est offert aux citoyens.

Le Monde : Ce que vous décrivez ne correspond-il pas à la politique menée depuis octobre 1995 ?

Édouard Balladur : Il a fallu d’abord remettre de l’ordre dans les comptes publics – ce que j’avais commencé à faire moi-même – et décider les réformes urgentes. Il faut maintenant passer à une phase nouvelle, avec une baisse plus résolue des dépenses, non seulement d’investissement, mais surtout de fonctionnement, et non pas seulement celles de l’État, mais aussi celles des collectivités locales et de la protection sociale. C’est comme cela que l’on pourra abaisser les impôts et les cotisations.

Le Monde : Faut-il aller plus loin dans la réduction des dépenses de protection sociale ?

Édouard Balladur : Je pense que la méthode contractuelle est la meilleure possible. C’est un changement de culture, consistant à dire : « Voilà le niveau des prélèvements obligatoires ; on ne peut pas aller plus loin : il faut que vous fassiez vos choix dans cette limite. »

Il faut mettre les gestionnaires devant leurs responsabilités, en leur laissant plus de responsabilité. Lorsque le niveau de dépense prévu est dépassé, il appartient aux gestionnaires de prendre les mesures pour assurer le retour à l’équilibre, au lieu de se tourner vers l’État pour qu’il le prenne en charge ou décide d’augmenter encore les prélèvements, ce qui doit être désormais totalement exclu.

Le Monde : Faut-il envisager de réduire le nombre de lits d’hôpital dans les proportions que vous aviez vous-mêmes envisagées en 1993 ?

Édouard Balladur : Il y a cinquante mille lits d’hôpitaux en trop. Tout monde le sait. Le système hospitalier français est très performant, mais il est, aussi très coûteux. Nous sommes le deuxième pays au monde pour les dépenses de santé, mais nous ne sommes pas le deuxième pour le niveau de la santé. Le « rapport coût-efficacité » n’est pas suffisant dans notre pays.

Le Monde : Faudra-t-il mettre en cause les retraites du secteur public ?

Édouard Balladur : Il faudra négocier cas par cas. Des solutions ont été trouvées pour les agents des banques et pour ceux de la Sécurité sociale. Il faut prendre les problèmes les uns après les autres et ne pas globaliser. Tout le monde sait quelle est la vérité compte tenu de l’allongement de la durée de la vie : ou bien payer davantage de cotisations – avec les conséquences que cela a sur les rapports entre actifs et inactifs , ou bien, relever l’âge de la retraite. Aux intéressés de décider, grâce au dialogue et au contrat. Préserver, cela veut souvent dire : évoluer à temps.

Le Monde : Le plan d’allègement des charges sociales annoncé par le Gouvernement est-il assez ambitieux ?

Édouard Balladur : Notre niveau d’imposition est trop élevé. Toutes mesure qui se traduirait par une nouvelle majoration de ce niveau d’imposition serait donc fâcheuse et doit être absolument proscrite. Il faut procéder autrement pour alléger le coût du travail non qualifié.

Deux solutions sont concevables. La première, que j’ai mise en pratique, consiste à transférer le coût sur le budget de l’État, mais elle trouve vite ses limites, parce qu’on ne peut pas charger le budget de l’Etat de dizaines de milliards de francs supplémentaires. La seconde solution consiste à trouver un autre type de recettes, assises par exemple sur le chiffre d’affaires, ou proche de la CSG, et qui se substituerait à une partie des cotisations. Pour ce qui me concerne, je n’ai pas encore arrêté ma position sur l’une ou l’autre de ces modalités. Il faut discuter avec les partenaires sociaux, mais ce que je puis vous dire, c’est que je suis très attaché à la poursuite de l’allègement des charges sur les bas salaires. Cette politique a montré son efficacité. Je souhaite que l’on se donne les moyens d’une exonération des cotisations patronales à hauteur d’un Smic et d’un abattement dégressif jusqu’à 1,5 Smic. Cette mesure devrait être réservée dans un premier temps aux PME et étendue ensuite à toutes les entreprises.

Le Monde : Le Gouvernement a semblé vouloir lancer, en début d’année, un débat sur la « flexibilité » du travail, mais aussitôt, il a banni ce mot…

Édouard Balladur : Moi, ce mot ne me fait pas peur, pas plus que celui de libéralisme. Mais si vous préférez que nous parlions de souplesse…

Le Monde : Mais précisément dans quels domaines ?

Édouard Balladur : Je pense, par exemple, aux contrats à durée déterminée, qui pourraient être prolongés au-delà des dix-huit mois actuellement prévus. Certains prétendent que cette solution renforcerait la précarité ; je pense, pour ma part, que c’est le chômage qui est la pire des précarités. Je pense aussi aux seuils sociaux qui constituent souvent une contre-incitation au recrutement, pour les PME. Mais je veux dire dans quel état d’esprit j’évoque ces pistes de réforme : je crois profondément à la solidité d’une société fondée sur un minimum de règle morale et à la fragilité d’une société qui serait fondée sur le laisser-faire intégral et l’insécurité généralisée. C’est la raison pour laquelle j’estime que nous devons inventer un libéralisme à la française et ne pas copier je ne sais quel modèle anglo-saxon. Il faut que nous puissions nous battre sur l’arène internationale, mais tout en sachant ne pas fragiliser le tissu social.

Le Monde : Pourquoi ? Il y a des remèdes libéraux que vous écartez ?

Édouard Balladur : J’entends parfois des experts, comme ceux de l’OCDE, qui évoquent certaines solutions, comme la suppression des allocations de chômage. Cela n’est pas adapté à la société française. Selon les cas, la limite est parfois difficile à tracer, mais il faut y parvenir. C’est le grand défi auquel nous devons répondre : plus de liberté, sans fragiliser l’adhésion à une société de justice et de partage.

Le Monde : René Monory a-t-il franchi cette ligne en évoquant une suppression du Smic ?

Édouard Balladur : Supprimer le Smic, ce ne serait pas aller dans la bonne direction ; ce ne serait pas compris. Il faut donc le garder, comme minimum national. Mais, il faut que l’État s’interdise de donner les « coups de pouce ». Ceux-ci doivent être contractuels, c’est-à-dire résulter d’accords régionaux ou professionnels entre les partenaires sociaux.

Le Monde : Alors, comment expliquez-vous la désaffection des électeurs vis-à-vis de la majorité sortante ? Ces choix n’ont-ils pas suffisamment été expliqués ?

Édouard Balladur : Les électeurs nous ont envoyé plusieurs messages. En premier lieu, ils nous ont dit qu’ils veulent une société plus dynamique, qui résolve les problèmes d’emploi. C’est la raison pour laquelle je plaide pour un tournant libéral. Une société plus juste, c’est une société plus libre, qui crée de l’emploi.

En deuxième lieu, ils nous ont montré qu’ils sont attachés à la nation française. C’est pourquoi je ne suis pas partisan d’un libéralisme à l’anglo-saxonne. Notre libéralisme doit être protecteur et solidaire.

En troisième lieu, je crois que les électeurs ne voient pas assez la différence entre le droite et la gauche. Je crois qu’une telle indifférenciation est dangereuse pour la démocratie. Au cours des deux derniers septennats, le chômage n’a reculé que lorsque Jacques Chirac et moi-même étions premier ministre. Au cours des dix autres années, il n’a cessé de progresser. Cela fait une totale différence.

Dans les résultats, il y a aussi une aspiration à une méthode de gouverner, fondée sur le dialogue, le contrat, la négociation. C’est à tout cela qu’il faut que nous répondions. Nous avons commencé à le faire mais sans doute cela n’a-t-il pas été suffisamment expliqué.

Le Monde : Il y a donc, dans le vote, une critique du fonctionnement du pouvoir ?

Édouard Balladur : Si j’ai raison, si les Français sont persuadés au fond d’eux-mêmes qu’il faut un changement de la société française – une rénovation… appelez cela comme vous voulez , il faut se poser une double question : précisément, quel changement veulent-ils ? Et qui peut le conduire ?

La première question s’énonce facilement : les Français veulent-ils un changement vers plus de liberté ou vers plus de contrainte ? Ma conviction, c’est que nous avons un défi à relever : avancer vers une société plus libre, mais qui soit aussi solidaire. Alors, si c’est cette voie qu’il faut emprunter, les Français peuvent-ils s’en remettre au Parti socialiste, allié au Parti communiste ? Non, c’est évidemment la majorité actuelle qui est le mieux à même de le faire. Nous avons mieux compris le monde moderne et la nécessité de s’y adapter.

Je veux dire aussi, à ceux qui seraient tentés de voter pour d’autres que le meilleur moyen de lutter contre le socialisme, ce n’est pas d’affaiblir la majorité actuelle. Au fond, le choix est simple : entre la coalition des socialistes et des communistes et nous. Les socialistes et les communistes font confiance aux solutions du passé, qu’ils ont mises en œuvre pendant dix ans ; nous, nous préférons faire le pari de la liberté pour, enfin, faire reculer le chômage.


Date : Jeudi 29 mai 1997
Source : France Inter/Édition du matin

France Inter : Je voudrais revenir un instant sur la prestation du Président de la République avant-hier. Beaucoup d’observateurs, d’acteurs politiques ou des milieux d’affaires y ont vu une sorte de résignation à la cohabitation, un peu comme si tout était joué. Partagez-vous cette impression ou cette crainte ?

É. Balladur : Non pas du tout. Pas du tout. Le Président de la République était dans son rôle qui est un rôle double. D’abord, indiquer ce qui, selon lui et selon moi et selon beaucoup d’autres, est la bonne solution pour la France. Et deuxièmement, dès lors qu’il est le chef de l’État et donc le gardien des institutions, se tenir suffisamment au-dessus de la mêlée pour bien montrer à tous les Français qu’il sera celui qui aura de toute manière la responsabilité de conduire l’État. C’est le sens de son intervention, elle me paraît parfaitement répondre à l’objectif qui devait être le sien et qui a été sans doute le sien puisque cet objectif-là a été atteint. Il n’avait pas, me semble-t-il  et il a eu raison de le faire  à se lancer dans des propos polémiques mais son discours est parfaitement clair en faveur de la majorité actuelle.

France Inter : L’autre Président de la République, V. Giscard d’Estaing, hier soir a dit que s’il y avait cohabitation cette fois-ci, elle serait fort différente de celle que vous avez connue, d’abord parce qu’il y avait cinq ans et parce que les circonstances étaient différentes puisque c’est le Président qui a décidé de la dissolution. En conséquence, il pense que ce sont les institutions qui seraient menacées. Est-ce que, là encore, vous partagez cette crainte ?

É. Balladur : Non, je ne crois pas qu’on puisse dire ça a priori. Vous savez, lorsque j’ai conduit moi-même la cohabitation comme Premier ministre, pendant deux ans et il y a deux ans, on a dit qu’elle était différente de celle qu’avait conduite J. Chirac quelques années auparavant. Et s’il devait y en avoir une autre, elle serait à son tour différente, ça va de soi, ça dépend du tempérament des hommes et des circonstances. D’abord, je ne pense pas, je ne souhaite pas qu’il y ait cohabitation. Ça surprend un peu quand je le dis parce que c’est à moi qu’on prête, si j’ose dire, l’invention du concept…

France Inter : …la théorisation.

É. Balladur : La théorisation, voilà. Et il se trouve que je suis parmi les rares hommes politiques en France qui l’aient pratiquée deux fois. Une fois dans le Gouvernement de J. Chirac en 1986 comme ministre de l’Economie et des Finances, et une seconde fois comme Premier ministre. Donc véritablement, je sais ce dont je parle. Je ne souhaite pas la cohabitation parce que, si elle est inévitable évidemment, elle enlève quand même de l’efficacité à l’action des pouvoirs publics. Moins d’ailleurs dans le domaine de la politique intérieure que de la politique extérieure. Mais aujourd’hui, le champ de la politique extérieure s’est beaucoup élargi. La politique extérieure, c’est la politique européenne, entre autres. Et la politique européenne, c’est pour partie de la politique intérieure. Lorsqu’on se réunit à quinze et qu’on dit : voilà, il faut que les déficits dépassent, ne dépassent pas tel degré, que les taux d’intérêts soient à tel niveau, on influe sur la conduite de la politique économique intérieure de la France et des autres pays d’ailleurs. C’est pourquoi, je souhaite que tout soit fait pour éviter une nouvelle cohabitation. Alors, est-ce qu’elle modifierait, si elle devait se produire, notre système institutionnel ? Je ne le crois pas non plus.

France Inter : On a vu hier sur une même estrade M. Séguin et M. Madelin, prêts non seulement à diriger la campagne mais également à diriger manifestement le pays et incarner deux options ou deux réponses au message lancé par les électeurs lors du premier tour. L’un : plus de liberté ; et l’autre : plus de protection contre la fracture sociale. Est-ce que ce message des électeurs est ambigu et équivoque ? Ou est-ce qu’au fond, ce ne sont pas deux France dont les intérêts divergent qui se sont exprimées ?

É. Balladur : Je ne crois pas du tout à l’opposition entre la liberté et la protection, entre le dynamisme individuel et la justice. Regardons ce qui se passe autour de nous. Quels sont les pays qui ont le moins de chômage et le plus d’emploi ? Ce sont ceux qui ont le plus de liberté et le moins de déficits et le moins d’impôts. C’est parfaitement clair. Or, qu’elle est la meilleure façon de lutter contre la fracture sociale et de protéger les hommes et les femmes dans notre pays contre l’injustice ? C’est de leur donner du travail. Et si leur donner du travail, ça veut dire plus de liberté à tous, ça veut bien dire que c’est la liberté qui est le meilleur garant de la justice car c’est le meilleur garant de la réduction du chômage. Et moi, je ne connais pas de fracture sociale plus grave que la fracture entre ceux qui ont du travail et ceux qui n’en n’ont pas. Donc, je ne fais pas du tout mienne cette opposition. C’est ce que j’appelle le libéralisme à la française. Il ne s’agit pas de copier des modèles étrangers qui ont quelque chose souvent, il est vrai, de rude et qui nous paraît injuste à nous, Français, et pas assez protecteur. Eh bien, il s’agit d’inventer notre modèle.

France Inter : Alors précisément, j’allais vous demander : qu’est-ce que ça peut bien être que ce libéralisme à la française et est-ce qu’il a sa place dans un monde, qu’on le veuille ou non  on l’a encore vu hier avec les réactions de la Bourse  qui est dominé par le capitalisme anglo-saxon, c’est-à-dire, un capitalisme financier qui règne en maître ? Est-ce qu’on peut faire ça tranquillement dans notre coin ?

É. Balladur : Non mais, attendez, je ne suis pas en train de dire que la France doit s’isoler du reste du monde, maintenir son système tel qu’il est sans bouger et s’imaginer qu’elle va pouvoir continuer à être un des grands pays industriels ou économiques du monde en se mettant de côté. Il ne s’agit pas de se mettre de côté, il s’agit au contraire de se mettre dans le mouvement du monde. Et pour se mettre dans le mouvement du monde, il nous faut davantage de liberté que nous n’en avons. Je le répète, les pays dans lesquels il y a le plus d’emplois sont ceux où il y a le plus de liberté, le moins d’impôts, le moins de déficits et le moins de réglementations. C’est indiscutable. Alors, il nous reste un problème, qui n’est pas uniquement un problème français d’ailleurs  les Allemands ont le même et d’autres pays européens aussi, c’est d’arriver à concilier cette liberté que nous devons instituer avec la préservation de ce qui nous paraît juste dans la société. Et c’est très important. Moi, je ne crois pas à l’efficacité d’une société de laquelle la morale serait bannie. Nous devons réaliser une cohésion des esprits au service d’un même projet de société. Alors, ce sera difficile, ce sera sans doute long mais c’est absolument indispensable. Voilà, ce que j’appelle le libéralisme à la française, c’est ça.

France Inter : Je faisais allusion...

É. Balladur : Vous allez me dire que c’est un peu général ce que je viens de dire mais je suis tout prêt à développer sur tel ou tel exemple. Et je vais en prendre un, si vous voulez bien. Vous me permettez d’en prendre un ?

France Inter : Oui, de toute façon je n’ai pas le choix.

É. Balladur : Les dépenses sociales. On me dit : comment allez-vous faire si vous voulez réduire les déficits ? Vous allez alors réduire les avantages sociaux. Mais je répondrais que, si grâce à plus de liberté il y a moins de chômage, comme le chômage nous coûte plus de 300 milliards, il y aura moins de dépenses sociales. C’est très simple ce que je viens de dire. Et vous me permettrez de dire que je crois que c’est tout à fait vrai et que l’on ne peut pas raisonner comme si les dépenses sociales étaient les mêmes, quelle que soit la situation économique et quelle que soit la situation de l’emploi.

France Inter : Vous permettez à mon tour de vous poser une question ?

É. Balladur : Ah, je vous en prie, je ne vous en ai pas posé, moi.

France Inter : Chacun son métier M. le Premier ministre. Est-ce que vous, de votre côté, vous êtes prêt, si la majorité gagne et si on vous le demande, à reprendre du service comme Premier ministre ?

É. Balladur : Écoutez, ça c’est une question qui ne se pose pas. Je ne veux pas dire qu’il est incongru de la poser, A. Ardisson. Si elle devait se poser, je lui fournirais la réponse qui devrait lui être donnée.

France Inter : Il n’est pas impossible que des auditeurs vous la posent tout à l’heure à 8h45.

É. Balladur : Vous les aurez stimulés, peut-être.


Date : Vendredi 30 mai 1997
Source : Europe 1/Édition du matin

Europe 1 : Il y a de l’électricité dans l’atmosphère de la France. À quarante-huit heures de son vote fondateur, le peuple est sollicité de toutes parts. On cherche à le séduire, l’effrayer ou le convaincre. On le trouve inspiré et sage ou instable. Si la gauche gagne, il y aura peut-être six alternances en seize ans, comme le dit A. Duhamel. Dimanche donc, les Français vont zapper, écarter l’une des deux équipes. Laquelle ?

É. Balladur : Les élections, c’est fait pour choisir une équipe et en écarter une autre. Et je souhaite de tout cœur que ce soit la nôtre qui soit choisie.

Europe 1 : Vous croisez les doigts ?

É. Balladur : Je ne suis pas superstitieux du tout.

Europe 1 : À Lille, L. Jospin, qui n’est pas un matamore, affirmait hier soir que la France est au bord d’un événement qui va stupéfier l’Europe.

É. Balladur : N’exagérons rien, même si les choses se passent comme le souhaiterait L. Jospin, ce n’est pas de nature à stupéfier ! Simplement, ce serait un recommencement un petit peu attristant. La France a vécu deux expériences socialistes en quinze ans et toutes les deux se sont mal terminées, à savoir plus de chômage, plus d’impôt et plus de dettes. Je souhaite de tout cœur que la France fasse en sorte d’éviter une troisième expérience de ce genre, ce qui évitera à L. Jospin d’avoir à faire un troisième inventaire puisqu’il aime les inventaires, y compris de la gestion socialiste.

Europe 1 : La droite a l’art de s’inventer des chefs. Elle a Chirac d’abord, puis Juppé puis vous, puis Léotard, puis Barre et maintenant Séguin. Si l’on a bien compris, au Zénith a eu lieu la cérémonie d’onction de P. Séguin ?

É. Balladur : C’est la preuve en tout cas, si ce que vous dites est vrai, d’une grande richesse et d’une grande diversité dont je ne me plains pas. Il vaut mieux avoir plusieurs possibilités. C’est tout ce que je peux vous répondre.

Europe 1 : Et cela fait une unité ?

É. Balladur : Oui, dans les moments difficiles, cela fait une unité. Dans les moments calmes, cela fait de la diversité.

Europe 1 : Maintenant, c’est ?

É. Balladur : Maintenant, c’est les moments difficiles. Nous traversons un moment difficile. Nous sommes très loin d’être sûrs  d’ailleurs, on ne le sait jamais  de gagner dimanche prochain. Les choses sont très loin d’être jouées dans aucun sens d’ailleurs et nous devons tout faire pour donner l’image de la cohérence politique, intellectuelle et humaine.

Europe 1 : Vous vous êtes inventés un nouvel homme providentiel ?

É. Balladur : Il n’y a pas d’homme providentiel.

Europe 1 : Quand on additionne l’élan libéral de Madelin et le gaullisme social de P. Séguin, est-ce que ce n’est pas, au fond, que l’on refuse de choisir une voie ou l’autre ?

É. Balladur : J.-P. Elkabbach, il faut faire plusieurs choses à la fois ou plutôt, remplir plusieurs objectifs à la fois. Si on redonne à la France du muscle, de la croissance et du dynamisme, on résoudra les problèmes de l’emploi et la fracture sociale. Donc, plus de liberté  c’est ma conviction  qui donnerait plus de croissance et d’emploi, cela permettra d’avoir plus de justice dans la société. Les deux vont de pair. Moi, je ne pense pas à l’un ou à l’autre.

Europe 1 : L. Jospin trouve Madelin et Séguin incompatibles et R. Badinter dit que c’est marier Mme Thatcher avec Colbert.

É. Balladur : Il y a trois siècles d’écart entre Mme Thatcher et Colbert et M. Badinter doit le savoir.

Europe 1 : P. Séguin propose un pacte de confiance et il a recommandé de revenir aux valeurs de 1995. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

É. Balladur : Cela m’inspire la réflexion suivante : dans les grands moments de son histoire, la France a dû revenir à des choses simples et à un objectif simple. L’objectif quel était-il et quel est-il toujours ? C’est de donner du travail à tous les Français et d’éviter une société cassée en deux avec la plupart du bon côté et une bonne partie aussi du mauvais côté. Alors, comment y arriver ? Vous allez me suspecter de me répéter, J.-P. Elkabbach : il n’y a qu’une façon d’y arriver, c’est de diminuer le chômage et il n’y a qu’une façon de diminuer le chômage, c’est de produire plus et donc d’être plus libres.

Europe 1 : Produire plus plutôt que répartir plus ?

É. Balladur : Il faut commencer par produire et ensuite on répartit, parce que si on veut répartir plus sans produire plus, le résultat est que l’on casse complètement la machine économique.

Europe 1 : Vous n’avez pas tellement répondu. 1995, qu’est-ce que cela inspire ?

É. Balladur : Mais c’était cela.

Europe 1 : Est-ce que c’est la victoire de J. Chirac et votre soutien dès le soir du premier tour ou est-ce que c’est le début de l’exclusion des plus proches de Balladur ?

É. Balladur : Oh, écoutez, vous mettez les problèmes à un niveau qui n’est pas le bon ! Permettez-moi de vous le dire. Le problème est qu’en 1995, les Français ont mis fin à deux septennats socialistes. Ils ont considéré, à tort ou à raison, qu’ils n’avaient pas été bons pour la France. À partir de là, il y a eu une nouvelle espérance. Bon. Des difficultés se sont fait jour, notamment parce qu’il y a eu une récession dans l’ensemble de l’Europe. Bien. Et comme toujours, quand on exerce le pouvoir, on ne satisfait pas tout le monde. Eh bien, il faut retrouver une inspiration qui permette d’aller du même pas vers plus de force pour la France et plus de justice pour la société française.

Europe 1 : Si la droite gagne à l’arraché, le Président de la République devra-t-il embarquer, cette fois, toutes ces forces dans le même bateau à partir de lundi, pour le prochain gouvernement ?

É. Balladur : Il fera ce qu’il estimera devoir faire.

Europe 1 : Au passage, on peut signaler que J.-M. Le Pen a livré à la vindicte électorale, à la guillotine, des leaders de droite ou de gauche. Ceux qui lui ont fait des misères.

É. Balladur : J’ai entendu cela.

Europe 1 : Qu’est-ce que cela vous inspire ?

É. Balladur : Je trouve cela profondément déplaisant.

Europe 1 : Qu’est-ce vous redoutez d’un gouvernement Jospin ?

É. Balladur : Ce que je redoute d’un gouvernement Jospin, c’est qu’il cultive une fois de plus l’illusion et que cela se termine une fois de plus par l’échec. Qu’est-ce que cela veut dire l’échec pour la France ? Cela veut dire ne pas résoudre le problème du chômage  nous avons quand même réussi à stopper l’aggravation, il ne faut tout de même pas l’oublier  ne pas résoudre le problème du chômage et, en deuxième lieu, ne pas être capable de faire entrer la France dans l’Europe, ce qui est l’intérêt national et j’allais presque dire égoïste de la France. Rien ne me choque plus que d’opposer la Nation à l’Europe. On ne servira pas la Nation sans l’Europe. Voilà les deux craintes qui sont les miennes.

Europe 1 : Et cela pourrait durer cinq ans ?

É. Balladur : Cela, je n’en sais rien.

Europe 1 : Non, mais ce type de cohabitation ?

É. Balladur : Je ne sais pas. Je ne peux pas faire des prévisions de ce genre.

Europe 1 : En ouvrant, hier, le meeting du Zénith, vous avez dit que le meilleur avenir pour la France, je vous cite, c’est « davantage de liberté, davantage d’Europe, davantage de dialogue ». Est-ce que c’est une manière de prendre date d’une manière ou d’une autre ?

É. Balladur : C’est une manière de réaffirmer ce que sont mes convictions de toujours et ce qui a été également mon action, chaque fois que je l’ai pu. Il faut davantage de liberté dans la société française pour avoir plus de justice. Je ne suis pas de ceux qui opposent justice et liberté ; c’est la même chose, si je puis dire, le même objectif. En second lieu, il faut avoir l’Europe pour servir la Nation française qui sera plus forte grâce à l’Europe. Ce ne sont pas des abstractions, ce sont des choses concrètes. Et en troisième lieu, il faut une méthode de gouvernement et d’ailleurs de gouvernement, pas uniquement au point de vue central mais de gouvernement dans les organisations, dans les collectivités, les régions, les départements, qui soit fondée davantage sur le dialogue et le contrat et non pas sur le règlement autoritaire. Une société moderne, finalement. Et si je devais résumer, je dirais que cette élection est un épisode du combat éternel, dans notre pays, entre les anciens et les modernes.

Europe 1 : Mais qui sont les modernes ?

É. Balladur : Nous, bien entendu. Il était vraiment utile que je le précise ?

Europe 1 : Parce que chacun dit : c’est moi, le moderne.

É. Balladur : Oui, tout le monde le dit mais tout le monde n’a pas raison de le dire. Et dans le cas précis, je pense que ce que je viens de vous dire sur nos trois orientations  celles auxquelles je crois personnellement  expriment bien les besoins de la France dans une époque moderne.

Europe 1 : Vous allez continuer à tourner encore aujourd’hui ?

É. Balladur : Cet après-midi même, je vais dans l’Isère et dans l’Ain.

Europe 1 : Soutenir qui ?

É. Balladur : Je vais soutenir M. Guichon, M. Boyon, M. Millon et M. Hannoun.

Europe 1 : Que M. Le Pen voudrait voir exécuter. Vendredi dernier, avant le premier tour, J. Lang prophétisait, ici, déjà la victoire de la gauche. Vous, aujourd’hui, vous gardez confiance ?

É. Balladur : Je garde confiance mais je ne fais pas de prophétie. Je vous ai dit tout à l’heure que je n’étais pas superstitieux, n’est-ce pas ? Il me semble vous avoir dit cela.


Date : 31 mai 1997
Source : La Croix

La Croix : L’intervention de Jacques Chirac, mardi soir, a-t-elle permis d’éclairer les Français sur le changement que la majorité pouvait apporter ?

Édouard Balladur : Le Président de la République, comme c’est son rôle, a exposé aux Français les enjeux du scrutin de dimanche. De quoi s’agit-il ? Permettre à notre pays de se préparer dans les meilleures conditions aux échéances importantes qu’il va devoir affronter.

C’est la majorité, composée du RPR et de l’UDF, qui est le mieux à même d’apporter les changements nécessaires pour relancer la croissance, lutter contre le chômage et permettre à notre pays de ne pas manquer l’entrée dans la monnaie européenne.

La Croix : Vous parlez de « libéralisme à la française » et le président de « modèle français ». Qu’est-ce qui caractérise précisément la spécificité de la France ?

Édouard Balladur : Il y a beaucoup de choses sous le vocable de « spécificité française », des bonnes et des moins bonnes.

Soyons clairs. Si la spécificité de la France c’est de se tourner vers les solutions du passé, vers les hommes du passé, les idées socialistes, nous savons où cela peut nous mener. Cette expérience, notre pays l’a malheureusement connue pendant dix ans. Au cours des deux derniers septennats, les périodes où le chômage a reculé sont celles où la majorité a exercé le pouvoir : entre 1986 et 1988, lorsque Jacques Chirac était Premier ministre et de 1993 à 1995, lorsque j’occupais moi-même ces fonctions. En dehors de ces deux périodes, le chômage a continûment progressé. C’est là, effectivement, une spécificité de la France dont nous nous passerions volontiers. Mais si, au contraire, la spécificité de la France c’est de parvenir à un modèle de société où l’initiative et la solidarité sont conciliées, alors, oui, je me reconnais dans cette expression.

La Croix : La cohabitation ne préserve-t-elle pas à la fois la liberté d’action d’un gouvernement et l’aspiration des Français à une vie politique pacifiée ?

Édouard Balladur : La cohabitation, que je connais bien, ne peut pas être une fin en soi. Elle est, à certains moments de notre vie politique, la contestation d’un désaccord entre l’orientation de la majorité présidentielle et le résultat d’une élection législative. Elle n’est pas, par nature, pacifiée ou conflictuelle, elle est simplement rendue possible par la solidité des institutions que nous a léguées le général de Gaulles. Elle ne saurait être un modèle, c’est évident !

La Croix : Vous en appelez à plus de souplesse dans le domaine de l’emploi. L’échec du CIP n’a-t-il pas montré l’impossibilité de s’attaquer à certaines règles, comme le Smic, perçues comme l’ultime barrière de sécurité ?

Édouard Balladur : Si j’en appelle à plus de souplesse dans le domaine de l’emploi et de la réglementation du travail, c’est pour lutter contre le chômage. Je constate une évidence : le chômage est en France plus élevé qu’ailleurs, et il frappe plus particulièrement les jeunes. De ce fait, notre pays traverse depuis vingt ans une crise qui l’atteint dans des fondements mêmes. Il m’a semblé que tout ce qui pouvait être fait pour permettre aux jeunes tout spécialement de franchir ce qui leur paraît être aujourd’hui une barrière insurmontable à l’entrée dans le monde du travail était une bonne chose. Il ne m’est jamais apparu souhaitable et il ne m’apparaît toujours pas souhaitable de remette en cause, si peu que ce soit, le Smic. Mais pour un jeune, la réalité d’aujourd’hui, c’est que même l’obtention d’un stage est difficile. Alors, on peut se lancer dans tous les débats théoriques que l’on veut, mais cela ne fera pas progresser la lutte contre le chômage. C’est elle seule qui compte à mes yeux. Nous devons inventer les formules qui permettront de lutter contre cette injustice-là.

La Croix : Les Français sont-ils prêts à accepter un relèvement de l’âge de la retraite, que vous estimez inéluctable ?

Édouard Balladur : En 1993, j’ai procédé, après une large concertation, à une réforme profonde de notre système de retraite. Cette réforme a été comprise par les Français. Ils sont attachés au principe même de la retraite par répartition et ils savent que tout doit être fait pour le défendre. Il ne s’agit pas, là encore, d’entrer dans des débats idéologiques mais de s’adapter aux conditions économiques et démographiques d’aujourd’hui et de demain. Pas plus, mais pas moins.

La Croix : Plus généralement, comprenez-vous l’inquiétude d’une opinion qui estime avoir beaucoup sacrifié sans être jamais payée en retour ?

Édouard Balladur : Voilà vingt ans que l’on explique aux Français que lu crise est responsable de tous leurs maux. Durant cette crise, ils ont consenti, c’est vrai, beaucoup de sacrifices et ils ont notamment supporté une augmentation presque ininterrompue du chômage. Par deux fois pourtant, en 1986 et en 1993, nous avons restauré la croissance et amélioré l’emploi. Les pays étrangers n’ont pas les mêmes difficultés. Il est donc possible de lutter contre la crise, contre le chômage. Comment ? On sait que c’est la politique que nous avons commencé à mettre en œuvre, fondée sur la liberté, qui est efficace. Tout discours qui prétend le contraire ne dit pas la vérité aux Français.

La Croix : Quelle analyse faites-vous de la société française ? Le pouvoir politique est-il en mesure d’organiser son évolution ?

Édouard Balladur : Il n’y a aucune raison pour que les Français soient plus difficiles à gouverner que d’autres peuples. Aucune. Il faut simplement tracer les perspectives, expliquer les enjeux, proposer une politique qui réponde à la situation d’aujourd’hui. À ces conditions, je crois que le pouvoir politique peut dessiner et faire accepter l’évolution de la société. C’est tout le sens de la méthode de gouvernement que j’appelle de mes vœux, fondée sur le dialogue, la concertation puis la décision.

La Croix : La droite est restée discrète durant la campagne sur un certain nombre de sujets où elle faisait traditionnellement entendre sa différence : la famille, l’immigration, la santé... Sur quoi dit-elle intervenir, en priorité ?

Édouard Balladur : Le défi de notre pays, aujourd’hui, c’est d’adapter la France au monde tel qu’il est sans pour autant que l’identité de notre pays se dissolve dans un ensemble dans lequel les Français ne se reconnaîtraient plus. Il nous faut pour cela retrouver la croissance, l’initiative, le goût de l’effort, mais aussi le sens de la récompense et de la solidarité. À ce prix nous retrouverons une France forte.

Plus forte, la France sera plus sûre et d’elle-même et des valeurs que traditionnellement elle incarne, où la famille, c’est vrai, mais aussi la tolérance et le respect des droits de l’Homme sont essentiels.

La Croix : Les « affaires » semblent avoir lesté le score de certains candidats de la majorité ? Comment solder le passif ? Comment rendre son crédit à la justice ?

Édouard Balladur : La réforme de la justice, pour qu’elle soit mieux comprise des citoyens, plus efficace, plus rapide, est l’un des grands enjeux des années qui viennent. Cette réforme est engagée, il faut la mener à son terme.

La Croix : Est-il sain qu’à la faveur des hypothèses avancées par Matignon, en cas de victoire de la droite, renaisse le clivage du premier tour de la présidentielle ?

Édouard Balladur : Je ne vois pas d’où vous pouvez tirer cette impression. La majorité unie a mené campagne pour que triomphent les idées de liberté et de solidarité, pour une France plus forte où le chômage régresse, ce qui, je vous le rappelle, est la préoccupation essentielle de nos concitoyens, plus que le rappel des épisodes électoraux des années passées.

La Croix : Quel rôle souhaitez-vous jouer en cas de victoire de la majorité ? Et en cas d’échec ?

Édouard Balladur : Celui qui a toujours été le mien dans un cas comme dans l’autre : réfléchir aux défis que doit relever notre pays, et proposer ce que je crois être les meilleures solutions. Comme vous le voyez, c’est une tâche à la fois difficile et ambitieuse, mais passionnante.