Texte intégral
L'Europe, aujourd'hui, commet un contresens historique ; Elle se fait sans les hommes, contre leur sentiment profond. On voit, bien avec l'affaire de la « vache folle », que tout a été sacrifié à un économisme dévastateur de la santé publique. Le parallèle avec la « monnaie unique » et le « libre-échangisme » bruxellois saute aux yeux.
On a fait prévaloir le paramètre monétaire sur le paramètre économique et social ; on a fait prévaloir le commerce international, la balance des devises, oubliant ainsi la seule balance qui tienne, la balance des emplois.
Face à l'humain, la machine bruxelloise fait le choix de tout plier à des principes dogmatiques.
Ainsi, aura été privilégié en matière de santé publique, le sacro-saint principe de la liberté de circulation des marchandises. Ainsi, aura été privilégié, en matière de sécurité, le démantèlement de tous les contrôles aux frontières.
Peu à peu l'Europe se défait, dans le cœur des Européens, parce qu'elle se fait contre la sécurité, contre la santé publique, contre l'emploi, contre la démocratie.
Alors que l'Europe se défait contre la sécurité, contre la santé publique, contre l'emploi, contre la démocratie.
Alors que l'Europe devrait être tout entière tournée vers l'emploi, elle est, aujourd'hui, tout entière tournée vers le chômage :
– au nom de la monnaie unique, elle sacrifie nos entreprises aux pays à basses monnaies ;
– au nom du libre-échangisme, elle sacrifie nos entreprises aux pays à bas salaires.
Et nous voilà avec 20 millions de chômeurs !
La conférence de Turin, qui vient de s'ouvrir, est d'abord un exercice de dissimulation alors qu'elle pourrait être une occasion historique de remettre à plat la construction européenne.
Nous sortons de l'ordre figé de Yalta, de l'Europe de la peur du monde soviétique. Il faut aujourd'hui se tourner vers l'avenir, trouver d'autres raisons de faire l'Europe : de faire une Europe qui protège les citoyens, à l'heure des grands trafics et des grandes transhumances. Une Europe qui protège les emplois, à l'heure des concurrences des pays sans normes sociales. Une Europe qui protège les nations, à l'heure où l'on voudrait fondre la France dans un couple franco-allemand réducteur.
Quatre idées centrales
Les fédéralistes veulent consacrer la CIG à « l'approfondissement ». Que recouvre cette expression ? Quatre idées principales :
1. – « L'Europe des citoyens »
Au motif que les droits des citoyens seraient mal protégés par les États, membres, un lien direct serait établi entre Bruxelles et chaque individu.
Sous une forme détournée, ou peut-être même directe, on aboutirait ainsi à une « Constitution de l'Europe », supérieure aux Constitutions nationales.
2. – La généralisation du vote à la majorité
Les fédéralistes souhaitent étendre le vote majoritaire, pièce maîtresse de la supranationalité, quasiment à tous les sujets, ramenant ainsi nos nations libres au rang de circonscriptions administratives au sein de l'Europe.
3. – La « fusion » des trois piliers
Dans le traité sur l'Union européenne coexistent trois « piliers », le premier obéissant aux procédures communautaires, les deux autres (sécurité intérieure et extérieure) relevant, au contraire, de procédures intergouvernementales.
Les fédéralistes veulent évidemment aligner les deux derniers piliers sur le premier.
Concrètement, cela aurait, par exemple, pour conséquence d'étendre Schengen aux quinze États membres.
4. – L'abolition des frontières internes
S'appuyant sur une conception déraisonnable de la liberté de circulation, les fédéralistes ont pour objectif, non seulement d'abolir les contrôles aux frontières internes, mais aussi d'abolir les frontières elles-mêmes.
La réduction des nations au rang de simples régions entraînerait une déstabilisation profonde, génératrice de frustrations et d'insécurité.
Quant à l'ambition de forger un peuple européen unique, dirigé par un État européen unique, elle détruirait les solidarités nécessaires à l'exercice de la citoyenneté : elle remplacerait les démocraties nationales par une « démocratie européenne », lointaine et difficile à contrôler ; elle susciterait un « gouvernement européen » au patriotisme faible, et moins soucieux de défendre les citoyens.
Le monde à venir nous appelle au contraire à inventer de nouvelles formes de coopérations, préservant les démocraties nationales.
Les peuples doivent avoir le droit de choisir leurs lois, leur langue, leur mode de vie. Ils doivent avoir le droit de défendre leur emploi.
Mais, pour qu'ils puissent exercer librement ces choix, il faut d'abord qu'ils soient reconnus et respectés en tant que tels. C'est pourquoi l'Europe pour les peuples doit être d'abord une Europe par les peuples
Des principes de base
Cette Europe doit obéir aux principes suivants :
Reposer sur les nations : l'Union européenne doit rester une association d'États ; la volonté de chaque peuple représente le droit supérieur de l'Union ; le contrôle démocratique est prioritairement exercé par les Parlements nationaux ; les impôts sont nationaux et l'Union vit de « cotisations » des États.
Laisser les États choisir leurs coopérations. Mais l'application de ce principe sous-entend :
1) Que les nations soient souveraines ;
2) Que l'on répudie le dogme d' « l'Unité institutionnelle ».
Il faut que l'esprit de Turin retrouve l'esprit de Rome, l'esprit confédéral et l'esprit d'un marché commun.
La conférence de Turin devrait donc inscrire à son ordre du jour les priorités suivantes : combattre le chômage et proposer des instruments de défense commerciale : rouvrir le débat sur la monnaie unique plutôt que de forcer l'allure ; adopter une charte des droits des peuples afin de stopper le glissement vers l'installation d'un super-État ; refaire du conseil d'organe directeur de l'Union et ramener la commission au rang d'organe subordonné ; maîtriser et plafonner les dépenses de l'Europe pour stopper la dérive du budget européen ; renforcer la sécurité, c'est-à-dire renforcer les frontières extérieurs et rétablir les filtres aux frontières intérieures.
Le mythe fondateur de l'Europe, celui du dépassement des nations, a reçu, avec la chute du Mur de Berlin, un démenti cinglant. Ce qui s'est passé est d'une importance capitale : l'unification du continent, le retour des nations, le rétrécissement d'un monde aujourd'hui multipolaire.
La France doit comprendre que ce nouveau monde est sa propre chance. Entre l'option allemande et l'option européenne, la France doit faire le choix de l'option européenne.
Mais la France est aussi une puissance mondiale : elle doit donc aussi faire le choix de l'option mondiale.
L'avenir est aux nations. Parce qu'il respecte les citoyens et parce que les citoyens reconnaissent sa légitimité, l'État-nation est le seul modèle d'organisation politique qui ait fait ses preuves dans le monde. Or quel est le prototype mondial de l'État-nation ? La France.