Texte intégral
Conférence de presse conjointe du ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, et du ministre allemand des affaires étrangères, M. Klaus Kinkel – propos du ministre (Bonn, 3 juillet 1997)
D’abord, je remercie chaleureusement M. Kinkel pour son invitation à passer ici cette journée. C’est la première visite que j’effectue à l’étranger en tant que ministre des affaires étrangères indépendamment des sommets auxquels j’ai déjà participé. C’est absolument naturel pour moi que cette première visite se déroule à Bonn. Je suis très sensible au geste qu’a fait le chancelier Kohl envers moi en me recevant longuement ce matin. Je remercie également Klaus Kinkel pour le résumé déjà très complet des questions que nous avons abordées. Nous avions commencé à les aborder en réalité quand nous avons discuté à Amsterdam, puis à Denver. Nous avons continué à les traiter plus en détail aujourd’hui. Nous continuerons à les traiter. Vous avez vu, c’est un éventail très large sur tous les plans des questions que peuvent avoir à traiter ensemble des ministres des affaires étrangères. C’est-à-dire à peu près toutes les questions internationales d’actualité.
Je suis donc venu donc ici tout naturellement, car pour moi la relation franco-allemande est une relation centrale dans notre projet d’avenir qui et celui d’une Europe qui continue à se bâtir dans le cadre du Traité qui nous engage tous. C’est une relation qui est fondée sur une grande expérience. Maintenant nous savons que nous sommes des pays souvent différents sur beaucoup de sujets. Nous savons aussi que nous avons un grand projet commun qui est plus fort que les différences de sensibilité ou de perception. Nous savons que nous avons des mécanismes éprouvés et des modes de travail qui nous permettent, sujet après sujet, lorsque les approches ne sont pas spontanément les mêmes, de dégager des solutions qui ont une grande force pour la France et pour l’Allemagne et pour l’ensemble de nos partenaires. C’est ainsi que nous restons et que nous resterons le moteur nécessaire, je crois, de ce grand projet européen.
Je ne vais pas reprendre tout ce qu’a dit Klaus Kinkel qui a cité à peu près tous les sujets dont nous avons commencé à parler. Je me borne à cette très brève introduction en me réservant pour vos questions.
Je suis heureux de la journée que j’ai passée ici très sympathique, très utile, déjà un mélange de détente et de travail, placée sous un signe d’amitié et je crois tout de suite pouvoir le dire, de compréhension. J’ai l’impression que nous avons la même façon directe, pragmatique d’aborder les questions et le même objectif. A partir de là ça devrait marcher.
Q. (Sur « les questions particulières faisant problèmes » dans les relations entre les deux pays).
R. Je partage complètement l’analyse et les propos de Klaus Kinkel que je pourrais reprendre pour moi. J’ai une chose à vous dire : ne faites pas de contresens sur le mot différence. Les différences, elles sont à la base, il y en a depuis toujours. Il y en a à n’importe quel moment dans les relatons franco-allemandes depuis 30 ou 40 ans. C’est une banalité. Ce n’est pas une annonce particulière concernant la situation de juillet 1997. C’est une banalité de base.
Ce qui caractérise les relations franco-allemandes, ce n’est pas que se sont deux pays qui sont devenus par magie identiques sur tous les sujets. C’est que ce sont des pays qui ont leur histoire et leur personnalité et qui sont animés par une volonté d’aller de l’avant, d’abord pour eux-mêmes, pour ces deux pays, et puis pour l’ensemble du projet européen. Nous avons donc la volonté de traiter ces sujets quand ils se présentent ; les sujets sur lesquels on est spontanément d’accord, c’est très bien, formidable ; les sujets sur lesquels l’approche n’est pas spontanément la même, on travaille et on trouve des solutions. Et le mouvement se poursuit.
Donc je ne voudrais pas qu’il y ait d’interprétation conjoncturelle. Ce que je dis, d’autres pouvaient le dire avant moi ; d’autres le diront après moi, car ce mouvement se poursuivra. Voilà dans quel esprit nous allons travailler.
Q. (Sur le Sommet extraordinaire sur l’emploi et sur les mesures du gouvernement contre le chômage).
R. Comme vous le savez, ce Conseil européen sur l’emploi est une des conclusions du Sommet européen d’Amsterdam. C’était une proposition française que nos partenaires ont acceptée pendant ce Conseil européen.
Nous sommes très heureux que nos partenaires aient accepté cette idée car nous pensons que cette construction européenne doit bénéficier à chaque étape d’une double confiance : la confiance des opérateurs économiques et la confiance des opinions, qui attendent un signal sur ce plan. La préparation de ce conseil commence juste, et je ne veux pas trop anticiper sur le travail que va faire la présidence luxembourgeoise. Je peux vous dire, que le gouvernement français s’est attaqué à cette question, qu’il est en train d’élaborer les propositions qu’il le transmettra à la présidence luxembourgeoise puisque celle-ci nous a demandé nos suggestions, puisque nous sommes à l’origine de cette idée.
Nous avons une idée simple : nous ne voulons pas un Conseil européen, disons classique et purement formel. Nous voulons qu’il soit original, qu’il soit en prise directe sur les questions d’emploi en Europe et qu’il débouche sur des conclusions aussi concrètes que possible, aussi concrètes qu’une réunion de ce type peut le permettre. Nous sommes justement en train d’y travailler. Je ne peux pas anticiper plus à ce stade. Voilà quel est l’esprit dans lequel nous travaillons. Nous rappellerons d’une façon ou d’autre que toutes propositions intéressantes faites en Europe ces dernières années. Nous les rappellerons pour les interpréter dans les discussions. On n’en est pas plus loin que cela. Nous ne sommes que quelques jours après Amsterdam.
Q. (A propos des déclarations du chancelier allemand concernant les critères de Maastricht)
R. Ce n’est pas à moi de commenter les propos du chancelier Kohl, surtout quand cela s‘inscrit dans le cadre d’un dialogue entre responsables politiques allemands. Je peux vous dire, qu’en ce qui nous concerne, le gouvernement s’inscrit dans le cadre du respect du Traité, que sa politique consiste à maintenir le même objectif, à respecter le calendrier et que ce gouvernement est décidé à ce que l’euro se fasse. Le président de la République et le gouvernement français sont sur la même ligne sur ce point.
Q. Quelles mesures le gouvernement français va-t-il prendre pour réduire les déficits ?
R. Je voudrais vous rappeler une tendance en ce qui concerne l’évolution du déficit en France. D’abord je rappellerai que ce critère sur lequel il y a beaucoup de discussions est un critère sur cinq. Sur ce critère-là, en 93 et 94, e déficit était en France de 5,6. En 95 il était de 4,8. En 96 il était de 4,2. En 97, je ne le connais pas puisque c’est précisément la question qui est posée dans le cadre de l’audit des finances publiques demandé par M. Jospin, le nouveau Premier ministre. Cet audit visé à nous indiquer quel pourrait être ce déficit à la fin de l’année, sauf intervention ultérieure par rapport à cette tendance. Je crois que c’est très important que ceux qui, en dehors de France notamment, sont attentifs à l’évolution de ce critère, regardent cette tendance. Elle est une partie de réponse à la question que vous posez.
Maintenant je ne peux pas aujourd’hui à Bonn, en tant que le ministre des Affaires étrangères, vous expliquer en détail ce que sera la réponse du gouvernement français une fois que cet audit sera connu. A ce moment-là le gouvernement français prendra ses responsabilités. Vous écouterez ce que dira le Premier ministre français et le ministre français de l’Economie et des finances, sur la façon dont sera traitée la question du budget et donc des décisions économiques. Je ne peux pas vous les communiquer aujourd’hui. Vous le comprendrez bien, je ne peux que vous réitérer une orientation qui est une orientation claire, une orientation politique qui consiste à respecter, à appliquer ce Traité qui nous engage, à respecter le calendrier et les objectifs qu’il contient.
Entretien conjoint du ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, et du ministre allemand des affaires étrangères, M. Klaus Kinkel, à l’émission « Sept et demie » de Arte, propos du ministre
(Bonn, 3 juillet 1997)
Q. Messieurs, vous vous connaissiez depuis longtemps et pourtant vous nous avez offert aujourd’hui un spectacle un petit peu spécial, fait du vélo, faire du tourisme ensemble. Vous vous êtes amusé, Hubert Védrine ?
Q. J’ai trouvé cette journée formidable. J’ai bien aimé le ton, le climat. En vélo, on peut se parler comme ça, à deux, tranquillement.
Q. A condition de ne pas aller trop vite !
R. Et puis il n’y avait aucune raison de commencer par quelque chose d’ampoulé.
Q. Un des grands sujets de débat en Europe en ce moment, c’est évidemment la question de l’euro, de la monnaie unique, des critères de convergence. La France veut l’euro mais pas au prix d’un plan de relance, pas au prix d’une rigueur supplémentaire. L’Allemagne veut l’euro mais dans le respect le plus strict des critères de Maastricht.
R. Le gouvernement français est favorable à la monnaie unique. Il est favorable à ce que cette monnaie unique soit réalisée à la date prévue.
Q. Quelle est la volonté réelle politique de la France de faire l’euro ? Hier encore, le ministre français des Finances, Dominique Strauss-Kahn, a déclaré que même si les déficits étaient trop importants, il n’était pas question d’imposer un plan de rigueur.
R. D’abord, en ce qui concerne la volonté du gouvernement français, vous avez, il y a quelques instants, cité le Premier ministre. Il a confirmé que l’objectif de ce gouvernement était de faire l’euro à la date prévue. Vous avez posé une question sur la volonté politique, je vous réponds de la façon la plus claire possible.
Q. Alors, maintenant en ce qui concerne les chiffres…
R. D’autre part, dans le commentaire, plus particulièrement sur les chiffres, on parle d‘un chiffre imposé par l’Allemagne. C’est tout à fait inexact. Il y a certain nombre de dispositions, qui sont dans le Traité qui a été adopté et ratifié par les pays européens et ratifié, qui prévoient une façon d’amener vers la monnaie unique. Il s’agit d‘une façon de mettre en place cette grande monnaie pour qu’elle soit efficace et pour qu’elle marche. Ce sont des critères que les différents pays se sont fixés les uns aux autres.
Q. Mais le chancelier Kohl, hier encore, a dit que 3 % de déficit, pour lui c’était 3,0 %.
R. Il ne m’appartient pas de commenter les déclarations du chancelier Kohl, surtout quand cela s’inscrit dans un débat entre responsables politiques allemands. Je voudrais souligner un élément – puisque l’on parle de tendance très souvent – un élément qui est la tendance de la réduction du déficit public français. D’abord, je rappellerais qu’il y a cinq critères. Nous parlons donc d’un critère sur cinq. Les quatre autres ne posent aucun problème pour la France. Quant à ce critère-là, le déficit public, il était, il y a peu d‘années, à 5,6. Il est descendu à 4,8 puis à 4,2. Vous voyez la tendance, c’est une bonne tendance. La discussion se concentre maintenant sur ce que pourrait être le déficit. Vous avez cité un chiffre qui est un chiffre au conditionnel. Personne ne le connaît. Il faut attendre l’évaluation qui sera faite au terme de l’audit des finances publiques demandé par le Premier ministre, M. Jospin. Après quoi, le gouvernement français prendra ses responsabilités. Il est donc trop tôt pour spéculer sur ce point.
Q. Le deuxième sujet de discussion entre les deux pays a été la question de l’Europe sociale, notamment au cours du sommet franco-allemand de Poitiers et puis du sommet européen d’Amsterdam. Un sujet qui a largement donc occupé les esprits et auquel ni la France, ni l’Allemagne n’accordent exactement le même degré d’urgence. Vous avez entendu, Hubert Védrine, Klaus Kinkel dire qu’il n’y a pas de différence sensible entre la France et l’Allemagne. Est-ce que vous êtes d’accord ?
R. Je suis très content de ce que dit Klaus Kinkel parce que il ne faut pas durcir la description. Là aussi j’ai écouté : j’ai entendu des mots « conflit franco-allemand, guerre de l’Europe sociale ». Pourquoi ces mots ridicules ? Je ne comprends pas pourquoi on durcit comme ça les positions. Il y a une approche qui n’est pas spontanément la même, on le sait très bien. Ce sont des pays qui ont des perceptions parfois différentes des sujets, comme d’ailleurs avec les autres pays européens. La question est de savoir ce que l’on fait à partir de ça. Or, là, le gouvernement, le nouveau gouvernement français de Lionel Jospin, a posé une question très simple qui est de dire : « on ne peut valablement poursuivre la construction européenne, qui est notre but et notre, projet, qu’en bénéficiant de la double confiance, celle des opérateurs économiques et celles des peuples ». Et les peuples parlent chômage et emploi. Les problèmes d’emploi et de société qu’on rencontre en Europe aujourd’hui, n’ont aucun rapport avec la construction européenne. On les connaissait liés à d’autres phénomènes économiques globaux. On les rencontrerait même s’il n’y avait pas la construction européenne. Bon, mais il n’empêche qu’aujourd’hui, il y a une attente très forte pour la construction européenne intègre cette nécessité dans son projet. J’ai constaté à Amsterdam que tous les gouvernements européens le comprenaient très bien. Les gouvernements européens sont composés d’hommes politiques responsables qui savent très bien ce que pensent les gens en général. La discussion porte donc sur les modalités et sur les moyens. A Amsterdam, le Pacte de stabilité a été accepté, mais il a été complété, enrichi d’une Résolution croissance et emploi à partir de laquelle nous travaillons désormais. Il y a ce rendez-vous de l’automne sur l’emploi. Il y a la mobilisation accrue des ressources de la Banque européenne d’investissement, notamment au profit des PME et des sociétés innovantes en matière de technologie avancée. Il y a la coordination des politiques économiques notamment à partir de l’article 103. C’est un peu technique, mais ça veut dire quoi ? Cela veut dire qu’il y a une base à partir de laquelle les gouvernements peuvent travailler. Alors, on a des points de vues différents sur ces questions. L’essentiel est qu’on en parle et qu’on regarde ensemble ce qui peut être fait d’utile. Grâce à cet enrichissement, c’est un des aspects principaux du programme de la présidence luxembourgeoise.
Q. L’autre point sur lequel la France est en flèche avec d’autres pays, c’est l’élargissement de l’OTAN. Les Américains parlent de trois pays seulement, la République tchèque, la Pologne et la Hongrie. La France voudrait y voir rajouter la Roumanie et accessoirement la Slovénie. Sur ce point, la position française a été bloquée par les Américains de façon assez nette. Est-ce qu’il existe un risque de crise à Madrid au sein de l’alliance atlantique ?
R. De crise, non, je ne pense pas. Simplement tout le monde a pu constater que, le 12 juin dernier, le secrétaire américain de la Défense avait déclaré que ces discussions étaient dorénavant sans objet, puisque les Etats-Unis ne veulent pas du tout répondre à cette demande. C’est le premier aspect. Quant au deuxième aspect que vous avez évoqué, sur l’élargissement, la France pense en effet que l’Alliance atlantique devrait prendre en considération l’ensemble des désirs des pays qui veulent y entrer. C’est un peu dommage qu’avant un Sommet une position soit arrêtée de façon aussi unilatérale. Nous préférons qu’on prenne en compte au moins le souhait de ces cinq pays. Je note avec plaisir que, du point de vue allemand, c’est une formule qui est acceptable comme les autres, que l’Allemagne ne considère pas que cette option à cinq présente des inconvénients.
Q. Et désormais, la France parle d’une seule voix entre le président de la République et le gouvernement sur ce sujet ?
R. Pourquoi désormais ?
Q. Parce qu’il y a eu un communiqué la semaine dernière qui disait que le gouvernement adoptait une position sans préjuger de ce que pouvait être celle du président de la République.
R. Non, ce ne sont des histoires, tout ça. Le gouvernement français a constaté - comme le fait le président de la République – une réponse qui est américaine, sur un des points. Quant à l’autre volet qui est celui de l’élargissement, il y la même identité de vue avant le sommet de Madrid.
Q. Merci Monsieur le Ministre Kinkel, merci Monsieur le Ministre Védrine, bonsoir…
Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hubert Védrine, et du ministre allemand des affaire étrangères, M. Klaus Kinkel, avec les élèves du lycée bilingue Friedrich Ebert (Ile de Grafenswerth, 3 juillet 1997)
Q. Je voudrais vous demande, Monsieur le Ministre, comment vous jugez l’attitude des Allemands envers l’euro et le deutsche mark ? (reste inaudible)
R. La monnaie, c’est très important pour chaque pays, c’est tellement important que c’est presque une part de la psychologie nationale, de l’identité nationale et chaque pays voit sa monnaie en fonction de sa propre histoire.
L’Allemagne a une conception de la stabilité de la monnaie qui est liée à sa propre histoire, l’Angleterre a une autre conception de la monnaie, la France aussi. Ça, c’est le point de départ. Il ne faut pas être étonné de ces différences. C’est tout à fait logique, les pays ont des histoires des différentes. Simplement la France et l’Allemagne ont eu l’intelligence depuis de années de bâtir un grand projet commun et ce grand projet commun est plus fort que les différences.
C’est vrai dans des domaines multiples, économique, culturel et maintenant monétaire. Pourquoi y a-t-il ce projet de monnaie européenne : parce que si on réfléchit à l’échelle du monde, à l’échelle des grandes forces dans le monde, on voit que les Européens ont besoin d’une grande monnaie. Une grande monnaie qui soit capable de jouer un rôle de stabilisation, un rôle de croissance, un rôle d‘influence dans le monde qui soit à la taille de l’Europe de demain. Pour inventer la monnaie unique, qui est une idée extraordinaire, il a fallu tenir compte des conceptions des uns et des autres.
Les Allemands ont fait remarquer que pour eux, il était impossible d’abandonner le mark, qui est l’incarnation de la stabilité pour un euro qui n’aurait pas lui-même une grande stabilité. Les Français ont compris ce raisonnement puisque l’accord s’est fait. C’est un accord qui est ancien déjà, qui est l’accord de l’époque de Maastricht, le traité d’union politique. Nous voulons ensemble faire une grande monnaie.
Mais à partir du moment où nous voulons faire une grande monnaie, on ne peut pas la faire n’importe comment. Il faut la faire sérieusement. Il y a des discussions forcément sur un certain nombre de détails mais l’objectif est présent dans tous les esprits.
Est-ce que ça entraîne des sacrifices particuliers ? Alors là, je réponds un peu à votre question et je réponds un peu à d’autres questions en même temps. Je pense que ce n’est pas la construction européenne qui entraîne des sacrifices. Dans tous les pays du monde aujourd’hui, dans n’importe quel autre pays, on est obligé de gérer son budget sérieusement. On ne peut pas, c’est comme dans une famille, avoir une conception trop déséquilibrée du budget. On ne peut pas laisser augmenter les déficits, sinon ce sont les enfants qui paient. Les enfants et les enfants des enfants, on fait payer les générations suivantes. Et ça, c’est une obligation économique qui n’a rien à voir avec l’Europe.
Je voudrais vous dire cette chose simple : ce n’est pas ce grand projet d’une monnaie européenne qui entraîne des contraintes particulières. Il y a aujourd’hui en Asie, en Amérique latine, en Afrique, ailleurs, partout dans le monde, des pays qui font des efforts pour gérer correctement leur économie et leur monnaie. Ce n’est pas à cause de l’euro.
Nous au moins, en Allemagne, la France et les autres pays de l’Union européenne, nous avons un grand projet qui doit nous donner plus de stabilité, plus de force, plus d’influence. C’est comme ça que nous arrivons à nous retrouver en dépassant les différences de psychologie nationale.
Q. Est-ce l’euro influencera beaucoup le marché de l’emploi ?
R. La question est-elle pour moi ? Pour M. Kinkel ? Pour les deux ?
Q. Pour vous.
R. M. Kinkel – Tous les pays qui ont décidé de faire ensemble une monnaie unique sont convaincus qu’une monnaie unique sera une stimulation pour les pays y participant. Je ne peux pas vous dire aujourd’hui de façon mathématique les conséquences de l’euro sur le marché de l’emploi. Mais c’est une conséquence qui est forcément positive.
Est-ce qu’elle sera un peu positive ou très positive, ça je ne le sais pas et on ne peut pas le dire tout de suite. Mais, c’est de toutes façons un élément de force pour défendre nos marchés, notre capacité interne et externe. Les pays qui se sont engagés dans l’euro ne sont pas fous, il y a eu une discussion pendant des années dans tous ces pays. Au point de départ, chaque pays aurait préféré sans doute garder sa monnaie nationale, mais finalement tout le monde a réfléchi pendant des années et les gens se sont engagés dans ce grand projet parce qu’ils ont vu que les avantages étaient plus forts quel les inconvénients. Mais, il faut maintenant le réexpliquer sans arrêt et il faudra le démontrer. Moi, je n’ai pas de doute.
R. Je suis d’accord avec ce que M. Kinkel a dit.
Q. (Sur l’élargissement de l’OTAN)
R. La question générale que vous posez, c’est de savoir comment organise le rapprochement entre les pays de l’Union européenne actuelle et les pays de l’Europe centrale et orientale. D’une façon générale, c’est un objectif des Quinze. Les quinze pays de l’Europe actuelle sont tous d’accord sur le fait qu’il faut organiser ce rapprochement sur différents plans. Mais il faut le faire bien car il faut que ça tienne, que ça soit solide. Donc il faut s’occuper d’une part de l’élargissement de l’Europe, d’autre part de l’élargissement de l’OTAN.
D’autre part, chaque pays, l’Allemagne, la France naturellement, les autres grand pays d‘Europe, ont tous des politiques bilatérales actives pour faciliter cette transition pour tous les pays qui vont de la Pologne à la Roumanie sans oublier les pays baltes ou les pays des Balkans. Il faut avoir une vision d’ensemble si l’on raisonne sur quinze, vingt ans. C’est cela notre intérêt, c’est que tous ces pays progressivement se rassemblent pour former une Europe grande et forte, pacifique et sable.
Les sujets ne sont pas tout à fait les mêmes. Quand on parle de l’Union européenne, il faut s’ouvrir au maximum de pays possible, tout en traitant sérieusement les sujets. Parce que cela entraîne des conséquences considérables sur notre budget, sur la politique agricole de nos pays, sur les subventions qui permettent d’aider les régions en difficulté dans les pays d’Europe actuelle. Il faut que tout cela demeure gérable. En plus, les pays qui veulent entrer dans l’Europe, le veulent parce qu’il marche bien, parce qu’elle est forte. Ils ne veulent pas entrer dans une Europe qui en marcherait plus, dans laquelle toutes les politiques s’arrêteraient parce que nous n’aurions pas préparé les choses sérieusement. Ce à quoi travaillent l’Allemagne, la France et les autres pays d‘Europe, c’est d’organiser des élargissements sérieux qui permettent à l‘Europe de bien fonctionner, après, dans l’intérêt de tout le monde, dans l’intérêt de tous les pays membres.
En ce qui concerne l’OTAN, c’est un problème un peu différent puisque c’est une question de sécurité. Alors, là, la discussion ne se passe par uniquement entre Européens, c’est une différence. Elle se passe entre les Européens d’une part et avec les Etats-Unis d’autre part. A l’heure actuelle, il y a en effet un problème d’actualité puisque les Etats-Unis ne veulent élargir l’OTAN qu’à la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. Plusieurs autres pays pensent qu’il faudrait élargir également à la Slovénie et à la Roumanie. Ce serait un facteur de stabilisation. Il y a là une discussion. C’est fréquent que les européens n’aient pas le même point de vue que les Etats-Unis. Et aux Etats-Unis, il y a le point de vue du président, le point de vue du Congrès. Ce sont deux choses différentes. Il y a donc là une discussion et vraisemblablement à Madrid – puisque nous avons cette réunion mardi prochain – il faudra trouver un compromis qui permette de dégager des perspectives d’avenir pour que l’élargissement ne s’arrête pas tout de suite. Mais, je le répète, cela traite d’une partie des sujets qui sont les questions de sécurité.
La plupart des autres questions sont traitées dans l’Union européenne. Ce qu’il faut avoir, je crois, c’est à la fois une grande idée d’avenir. Il faut que toute l’Europe se rassemble petit à petit. En même temps, il faut beaucoup de sérieux dans la façon de faire parce qu’il ne faut pas prendre des décisions improvisées et découvrir trois ans après que pour des raisons politiques, pour des raisons financières, tout cela ne marche pas et que les nouveaux organismes se détraquent ou arrêtent de marcher. Il faut donc concilier les deux choses. C’est là où l’Allemagne et la France ont à jouer un rôle très important car elles peuvent indiquer le rythme.
Q. Sur les causes des déficits
R. Moi je vous dirais : ne vous perdez pas dans le détail et dans la phase de transition entre maintenant et la décision définitive, la confirmation de faire l’euro le printemps prochain. Vous entendrez des choses très contradictoires et très bizarres. Mais tout ça, ce sont des détails. Moi, je vous dis : la chose essentielle, c’est que l’euro se fera, l’euro se fera à la date prévue.
Q. Sur les critères
R. Vous êtes préoccupé par les critères parce que vous en entendez parler tous les jours. Je vous rappelle qu’il y a cinq critères et en général, les médias sont obsédés par un seul critère qui est celui du déficit public. Mais y a plusieurs critères, qui en général, sont très bien remplis. Je veux dire que souvent on exagère la discussion sur ce point. Maintenant, sur votre question l’intention générale des pays de l’Union européenne, c’est de faire l’euro à la date prévue, avec tous les pays qui pourront le faire à ce moment-là. Ce n’est pas du tout dans nos intentions, ni de reculer la date, ni de changer quoi que ce soit à ce qui est prévu, parce que c’est le Traité. Donc, on le fera, à la date prévue avec tous les pays qui seront prêts à partir de ce moment-là. Et les autres pays le rejoindront dès qu’ils le pourront, puisque beaucoup de pays font ce qu’il faut pour être dans ce mouvement.