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Le Monde : Le Congrès se réunit, lundi 18 janvier, pour réviser la Constitution et permettre la ratification du traité d’Amsterdam. Le débat dans les deux assemblées a été rapide et largement consensuel. Est-ce la fin des guerres de religion sur l’Europe ?
Christian Poncelet : Dès mon élection à la présidence du Sénat, j’ai souhaité que la révision constitutionnelle soit adoptée rapidement, afin que la ratification du traité d’Amsterdam ne se « télescope » pas avec la campagne pour les élections européennes. C’est chose faite, et nous avons ainsi franchi une étape importante. J’ai seulement un regret : que l’amendement des sénateurs RPR, visant à renforcer le contrôle des parlementaires français sur les actes communautaires, n’ait pas été retenu. Il est pour le moins paradoxal que l’on puisse, aujourd’hui, adopter une résolution sur un projet d’acte relatif à la grosseur des asperges et qu’on ne puisse pas discuter, au fond, de l’agenda 2000 sur le financement des institutions européennes.
Le Monde : Pour le traité d’Amsterdam, êtes-vous favorable à l’introduction d’un article liant la ratification à la réforme des institutions de l’Union avant tout élargissement ?
Christian Poncelet : Je suis favorable à une recommandation assez forte en ce sens, mais il ne faut pas créer une source de conflit, ni imposer à l’exécutif une sorte d’injonction qui entraverait sa capacité de négociation.
Le Monde : L’Alliance, vous paraît-elle en mesure de présenter une liste unique aux élections européennes ?
Christian Poncelet : Nous allons y arriver. Je ne crois pas que les divergences soient telles qu’on ne puisse pas aller ensemble aux élections européennes, à condition que personne ne prétende imposer sa voix. Je suis convaincu que nous allons trouver, avec l’UDF, un accord pour une Europe confédérale. Aujourd’hui, les esprits ne sont pas mûrs pour envisager une construction fédérale de l’Europe, comme ils ne l’étaient pas, hier, pour la monnaie unique. Mais, il est évident que les institutions actuelles de l’Europe, du fait même de la mise en place de l’euro et de l’harmonisation économique, fiscale et sociale qu’elle suppose, vont très rapidement apparaître inadaptées. Pour faire avancer le processus européen enclenché, il y a une quarantaine d’années, il convient donc, dans une nouvelle étape, d’envisager une structure européenne confédérale, plus respectueuse des différences et des traditions qu’une fédération. Il ne servirait à rien de vouloir sauter les étapes, si cela risque de créer des tensions et d’amplifier les craintes des uns ou des autres.
Le Monde : Vous êtes très loin de la conception gaulliste traditionnelle de l’Europe des nations…
Christian Poncelet : Non. La confédération est acceptable pour le RPR. Et il ne faudrait pas faire déraper la construction européenne pour des raisons idéologiques ou doctrinales.
Le Monde : Charles Pasqua mène donc, à vos yeux, un combat d’arrière-garde ?
Christian Poncelet : Ses idées sont respectables. Pour l’instant, il envisage de présenter une liste. Ce n’est pas souhaitable, je le lui ai dit. Nous verrons s’il va jusqu’au bout. Dans ce cas, il se placerait en marge du RPR.
Le Monde : En cas de liste unique, la question se pose de son chef de file. Or, Philippe Séguin suscite de nombreuses réserves…
Christian Poncelet : Je suis surpris que certains en fassent un point de fixation et brandissent les choix passés comme un péché originel et indélébile. Philippe Séguin a été contre le traité de Maastricht. Le peuple s’est prononcé en 1992 et M. Séguin respecte ce choix, en républicain. C’est un mauvais procès qui lui est fait.
Le Monde : Il n’y a donc aucune raison que les centristes présentent une liste autonome ?
Christian Poncelet : Je ne pense pas. Il est normal qu’on fasse un peu monter les enchères quand on commence une négociation. Je suis convaincu que le bon sens va l’emporter.
Le Monde : Ce n’est pourtant pas le « bon sens » qui a prévalu en Rhône-Alpes…
Christian Poncelet : La nouvelle UDF vient de se créer. L’affaire de Rhône-Alpes relève de ce qu’on pourrait appeler une maladie d’enfance. C’est une péripétie, même si nous avons donné, à Lyon, un spectacle détestable pour la démocratie.
Le Monde : L’affaire de Rhône-Alpes a pu être interprétée comme une façon pour l’UDF de laver le camouflet qu’elle avait subi lors de votre élection à la présidence du Sénat, au détriment d’un des siens, René Monory…
Christian Poncelet : Lorsque je me suis présenté, je n’ai pas demandé l’investiture du RPR auquel j’appartiens et je n’ai pas eu le pouvoir de deviner la couleur ou l’origine des votes qui se sont portés sur mon nom. Ma candidature, puis mon élection, disait-on, provoqueraient une tornade et des déchirures. Rien de cela ne s’est produit. Il faut savoir surmonter le ressentiment momentané pour aller à l’essentiel.
Le Monde : Le Premier ministre adopte, aujourd’hui, un discours qui fait la part belle à la nation. Ne craignez-vous pas qu’il ne vienne chasser sur les terres de la droite ?
Christian Poncelet : Cela prouve que de Gaulle avait raison : tout le monde a été, est ou sera gaulliste. En découvrant que la nation existe, M. Jospin devient gaulliste !
Le Monde : Parmi les archaïsmes qu’il s’est dit décidé à combattre, M. Jospin a cité le cumul des mandats. Êtes-vous toujours aussi hostile au projet de loi en discussion ?
Christian Poncelet : Nous ne sommes pas opposés à une limitation du cumul, mais il faut se garder d’une démarche excessive et éviter que le législateur ne délibère en chambre, coupé des réalités. Il faut donc un – et un seul – mandat national, mais aussi, afin de garder un lien avec le terrain, un mandat exécutif local, et un seul. Je dois dire que de nombreux députés, toutes tendances confondues, ne se gênent pas pour nous faire connaître leur accord avec cette position et nous dire de tenir bon… D’ailleurs, regardons la réalité : M. Jospin a demandé à ses ministres de démissionner de leurs fonctions exécutives locales. Mais, à une exception notable, celle de Mme Trautmann, la plupart ont conservé la réalité de leurs pouvoirs. Ils ont, certes, démissionné de leurs mandats de président de conseil général ou de maire, lorsqu’ils en avaient un, mais se sont fait élire vice-président ou premier adjoint. Tout cela relève parfois d’une certaine hypocrisie.
Mais il faut regarder au-delà. Avant de limiter strictement le cumul des mandats, il faut parachever la décentralisation et créer un véritable statut de l’élu. Ensuite, nous verrons si nous pouvons aller plus loin. Rien n’est figé pour l’éternité.
Le Monde : Cela veut donc dire qu’il n’y a pas de compromis possible ?
Christian Poncelet : Après tout, le Premier ministre peut reprendre notre projet ! Ainsi, nous franchirons une étape. Dans le contexte actuel, en tout cas, le gouvernement a adopté une attitude jusqu’au-boutiste, et ce projet n’est pas acceptable.
Le Monde : Le projet de loi sur la parité hommes-femmes vient en débat au Sénat le 26 janvier. Le Sénat, longtemps réfractaire au droit de vote pour les femmes, est-il favorable à ce texte ?
Christian Poncelet : Les femmes qui accèdent aux hautes responsabilités ont souvent montré des qualités de courage, de décision, supérieures aux hommes. En France, les partis ont longtemps freiné les choses et, effectivement, seule la loi permettra d’accélérer l’accession des femmes aux responsabilités publiques. Peut-être le projet voté à l’Assemblée nationale, est-il un peu trop contraignant par rapport au projet initial ? Le Sénat, dans sa sagesse, pourrait revenir au texte du gouvernement. Après tout, nous avons le temps. Il ne faudrait pas, non plus, prendre prétexte de cette loi pour introduire le scrutin proportionnel. Mais je pense que cette loi passera sans difficulté.
Propos recueillis par Raphaëlle Bacqué et Gérard Courtois