Interviews de M. Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, dans "Ouest-France" du 2 juillet 1997 et à RTL le 18, sur le lancement de l'opération de contrôle sanitaire baptisée "Pour des vacances sans nuages" et sur le projet de majoration de l'impôt sur les sociétés.

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Média : Emission L'Invité de RTL - Ouest France - RTL

Texte intégral

Ouest-France - Mercredi 2 juillet 1997

Ouest-France : Vous avez choisi Roscoff, par hasard...

Marylise Lebranchu : L'an dernier, l'opération avait été lancée dans le Var. Je cherchais donc une autre belle région touristique. Par hasard (rire), j'ai pensé à ma région. Mais l'opération va concerner avant tout les 38 départements les plus touristiques. Il s'agit de mobiliser, sous l'autorité des préfets, l'ensemble des administrations, au bénéfice des vacanciers.

Ouest-France : Vous annoncez des contrôles renforcés. Certains trouveront cela désagréable.

Marylise Lebranchu : De deux choses l'une : ou l'on considère le tourisme comme une activité annexe, para-commerciale où le bricolage est de mise et les contrôles bien ennuyeux ; ou alors, c'est une activité économique à part entière et elle a ses règles pour le plus grand bénéfice de tous. Nos contrôles ne sont pas du flicage, mais d'abord des conseils pour que personne n'oublie ses devoirs de vigilance et d'accueil. J'espère d'ailleurs mettre en place un contrôle qualitatif tout au long de l'année, qui soit également un service d'information et de formation destiné aux professionnels. Par contre, nous ne pouvons pas tolérer des attitudes qui mettent en danger la santé ou parfois la vie des gens.

Ouest-France : Vigilance sur la valse aux étiquettes ?

Marylise Lebranchu : Elles ne valsent pas partout, et nous ne sommes pas laxistes sur tout ce qui est réglementé. En revanche, les commerçants ont une certaine liberté de fixation des prix qui doit être respectée. En général, cela doit se passer dans la concertation plus que dans la mise en demeure. À pratiquer des prix déraisonnables, non seulement le commerçant fait fuir les touristes mais également les autochtones. Pour gagner sur la clientèle de l'été, on risque en fait de perdre son fonds de clientèle de l'année.

Ouest-France : Sur le plan sanitaire, quelle attitude adopterez-vous en [Illisible]s d'alerte aux coquillages insalubres, comme cela arrive parfois l'été ?

Marylise Lebranchu : Il y a d'abord le problème des zones insalubres pour la pêche à pied. Elles doivent être signalées. Certains élus y sont réticents, au nom de l'image de leurs plages. Ils ont tort. Ils n'ont pas le droit de faire prendre des risques aux gens. De même, s'il y a menace de planctons ou de bactéries toxiques, il ne faut pas attendre le résultat des analyses pour stopper la vente et alerter le public. Je préfère 48 heures de ventes interdites et constater que l'on s'est alarmé pour rien, que l'inverse. Les professionnels, en jouant la totale transparence, gagneront en image de marque.

Ouest-France : Vous préparez des contrôles surprises ?

Marylise Lebranchu : Nous tirons d'abord les leçons des contrôles passés et nous ciblons bien entendu les interventions. Ce n'est pas un secret que nous serons cette année très vigilants sur les vendeurs de frites et fritures et l'état des huiles utilisées. Pour le reste, je ne vous livrerai pas nos priorités : un contrôle doit être inopiné pour être efficace.


RTL - Vendredi 18 juillet 1997

RTL : Avant de parler des PME qui redoutent, il faut le dire, beaucoup les conséquences de l'audit financier de lundi, un mot sur votre autre actualité : la chasse aux arnaques qui se multiplient, bien sûr pendant les périodes estivales. Les services de la répression des fraudes se sont particulièrement intéressés le week-end dernier aux autoroutes et ils ont trouvé quand même beaucoup d'infractions.

M. Lebranchu : Oui, beaucoup, je crois que si nous avons choisi les autoroutes, c'est parce qu'en période de grandes migrations estivales, la clientèle est active  vous ne pouvez pas sortir de l'autoroute facilement pour manger ou vous faire dépanner  et c'est vrai que sur 60 contrôles, on relève 14 infractions qui donnent lieu à PV, 14 avertissements. Et quand on regarde le bilan de l'an passé projeté sur cette année, on est encore à 20 % d'avertissements pour relative bonne foi dans un comportement qui peut être indélicat ou tout simplement mal ajusté. Mais 20 % qui donnent quand même ouverture de PV, donc c'est dommage. Et je crois qu'il faut continuer ce type de contrôles sans dire ni quel jour, ni à quelle heure, parce que c'est vrai que quand on arrive dans un pays et que l'on commence par subir des arnaques sur l'autoroute, ce n'est pas la meilleure image que l'on puisse recevoir du pays en question.

RTL : C'est ce que j'allais dire : c'est inadmissible, alors est-ce que vous avez déjà des idées pour essayer de faire retomber ce pourcentage de 20 % ?

M. Lebranchu : D'abord, les contrôles, je crois qu'il n'y a pas d'autres solutions que la prévention, en annonçant que les contrôles seront fréquents et ils le seront. Mobilisation des personnels, une pédagogie également parce que c'est vrai que lorsque l'on a affaire à une clientèle que l'on ne peut pas évaluer le matin pour le soir, on a tendance à recongeler le repas que l'on a préparé et à le resservir. Donc il y a des gens qui, de bonne foi, pensent que ce n'est pas très grave de congeler, bien sûr, mais à condition que la température de congélation soit la bonne. Mais à côté de cela, vous avez aussi la tendance de servir aux touristes étrangers un merveilleux pichet de Beaujolais qui est en fait un petit vin de pays. Tout cela n'est pas très bien, même si l'on se rend moins compte du pichet quelquefois que d'autres arnaques. Et puis, il faut aussi parler des dépannages. Le prix est à 379 francs, il est fixé certes et on peut se faire dépanner dans n'importe quel garage ; si c'est la nuit, malheureusement, de temps en temps, les prix dépassent largement le surcoût nocturne. Donc tout cela demande de la pédagogie, de l'information et puis du contrôle et je pense qu'avec tout cela, on doit réussir à faire baisser...

RTL : Et des amendes plus fortes, non ?

M. Lebranchu : Je crois que les amendes sont déjà correctes. Ce qu'il faut, c'est peut-être faire plus de contrôles, plus souvent et pas seulement juste en début de période d'été puis en laissant un petit peu filer les choses sur les mois de juillet, août, etc.

RTL : On ne connaît pas encore l'audit, mais on parle déjà des conséquences. On entend déjà les chefs d'entreprise s'inquiéter, notamment de la majoration de l'impôt sur les sociétés. Ont-ils tort de s'alarmer ?

M. Lebranchu : Première chose, il était évident que nos entreprises dont plus de la moitié exportent, ont besoin d'avoir des déficits publics encadrés, d'abord pour le propre équilibre des comptes de la France, mais aussi parce qu'il faut aussi, pour eux, aller vers l'euro. Donc c'est vrai qu'il faudra bien que quelqu'un contribue à cette marche vers l'euro et les entreprises sont les premières intéressées puisque, vous savez que les conditions d'exportation seront quand même meilleures si l'on arrive à un euro fort et si l'on évite des crises monétaires qui touchent beaucoup de nos PME en ce moment. Rappelez-vous les conséquences de l'Espagne ou les conséquences de l'Italie. Donc première chose : les entreprises ont besoin de nous pour encadrer complètement les déficits publics. Second élément : je crois effectivement, et c'est mon rôle en tant que secrétaire d'État chargée des PME, qu'il faut défendre les petites entreprises qui aujourd'hui créent beaucoup d'emplois, ne sont pas forcément toutes sur les marchés à l'exportation et ont besoin du coup de main de l'État pour continuer à créer des emplois. Donc c'est vrai qu'il faut poser clairement la question : est-ce possible, dans cette règle du jeu qui veut que l'on aille chercher les ressources là où elles sont, de faire un effort via les plus petites entreprises.

RTL : Alors, je vous pose la question.

M. Lebranchu : Moi, j'espère que oui, je pense que oui. Sur la forme de l'effort à faire, je crois qu'il faut nous laisser un peu de temps parce que dès lundi, bien sûr, c'est le chantier qui va être ouvert entre l'annonce de la nécessité de trouver X milliards lundi et la façon dont on va les faire, on aura encore un petit peu de temps. Je crois que les bas de laine qui sont imposés sont les bas de laine des grosses entreprises qui, grâce à des économies de productivité et souvent à des destructions d'emplois, peuvent placer de l'argent sur les marchés financiers et ça rapporte bien. Donc là, personne ne peut être choqué de ce prélèvement. En revanche, il n'y a pas de bas de laine dans les petites entreprises, il y a une véritable bagarre quotidienne pour réussir à créer de l'emploi. Nous avons avancé avec elles sur des dossiers comme la formation, la qualification, nous devons avancer avec elles sur une aide de l'État.

RTL : Les PME peuvent compter sur vous, si je vous ai bien compris ?

M. Lebranchu : Il est hors de question qu'elles ne comptent pas sur moi.

RTL : Mais, ne craignez-vous pas un phénomène de découragement peut-être chez ces PME, ces petits patrons qui sont appelés à la rescousse pour le déficit budgétaire, pour le salaire minimum, pour les 35 heures, pour l'emploi des jeunes : ça ne fait pas trop ?

M. Lebranchu : Non à condition que l'on s'engage sur une piste d'ouverture, sur qu'est-ce que l'on fait sur le moyen terme  sur le court terme d'abord, bien sûr  mais sur le moyen terme. Qu'est-ce que l'on fait avec vous pour que vous puissiez embaucher facilement, pour que vous puissiez avoir accès aux marchés facilement, ce qui n'est pas le cas. Il n'y a pas que l'aspect fiscal des choses qui inquiète les PME, contrairement peut-être à ce que l'on peut lire ici ou là. Il y a tout un environnement à apporter, une aide directe à donner de la part de l'État, je pense en particulier à l'accès aux marchés de l'exportation de nos PME. Il y a un certain nombre d'encouragements de ce type qui sont largement aussi attendus que ne peut l'être telle ou telle mesure fiscale qui, tous comptes faits, les concerne peu. Soyons clairs, parce qu'il y a peu de marges et il y a surtout peu de placements, peu de bas de laine, comme je disais tout à l'heure. Donc l'inquiétude que l'on dit est une inquiétude globale, lorsque l'on rencontre les entreprises, et je suis à Morlaix ce soir et je viens d'en rencontrer. Quand on les rencontre les unes après les autres, la demande n'est pas du tout une demande aussi globalisée que celle qui peut peut-être vous revenir.