Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, dans "Le Figaro" du 15 mai 1996, sur les dérives dans la gestion de la télévision publique et les objectifs de la télévision publique.

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Le Figaro : Que pensez-vous, vous et votre parti, de l’affaire mettant en cause la gestion de France Télévision ?

Robert Hue : Chaque jour apporte son rebondissement et « l’affaire » est complexe. Mais ce qui s’en dégage, me semble-t-il, c’est d’abord la révélation du niveau des contrats consentis. On est loin, bien loin, du raisonnable ! On est aussi loin de la transparence nécessaire, car ces contrats soudainement jetés sur la place publique ont été consentis par le PDG de France Télévision. Et selon le principe de la fable « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », voilà les partisans de la privatisation qui s’empressent de se jeter sur l’occasion… En ce sens, cette affaire n’est pas nouvelle. Elle est typique des fins que l’on s’assigne : est-ce que l’on fait de la télévision pour être au service du public ? Ou pour faire de l’argent en mobilisant de l’audience pour des rentrées publicitaires ? Je ne crois pas que les chaînes publiques doivent se faire la copie conforme des chaînes privées. Leur finalité, leur mission – et donc leurs procédés – ne doivent pas se confondre.

Le Figaro : Estimez-vous le pouvoir des conseils d’administration suffisant dans le monde de l’audiovisuel public ?

Robert Hue : Non. Nous pensons qu’il est nécessaire non seulement de défendre et rénover le secteur public de télévision afin qu’il joue un rôle moteur pour affronter les impératifs de ce que les spécialistes appellent la « révolution informationnelle », le multimédia, mais aussi de le démocratiser. Cette démocratisation concerne bien sûr les conseils d’administration. Ils doivent, selon nous, dans tous les cas, être des lieux d’élaboration, d’orientation, et de contrôle des fonds. On peut inventer des formes neuves pour cela. Nous proposons qu’ils soient composés d’élus nationaux, de représentants des salariés et aussi de représentants des téléspectateurs.

Le Figaro : Pensez-vous, en conséquence que la tutelle de l’État est adéquate ou mérite d’être renforcée ?

Robert Hue : « Tutelle » : le mot ne convient pas. Il signifie trop souvent un contrôle tatillon, des initiatives mises sous « étouffoir ». Le pôle public de l’audiovisuel est une affaire nationale. La responsabilité de l’État est donc engagée. Elle doit s’exercer de manière à garantir le respect de l’intérêt général, à promouvoir des critères de qualité et de pluralisme.

Il s’agit donc de démocratiser toutes les institutions afin que tous – élus, salariés, publics – redéfinissent la télévision publique et ses missions demain. Et cette question nationale doit être traitée en tenant compte des réalités qui s’annoncent comme des autoroutes de l’information.

La production et la diffusion des millions d’heures d’images qui bientôt alimenteront les petits écrans ne peuvent être soumises aux seules règles de la rentabilité financière et commerciale. Cette question est si importante que nous réclamons l’organisation d’un sommet mondial, sous l’égide de l’ONU, pour réfléchir.

Le Figaro : Que pensez-vous de l’idée de privatiser France 2 ?

Robert Hue : Dénoncer les dérives auxquelles nous assistons ne signifie évidemment pas de se ranger aux côtés des tenants de la privatisation. Ni de France 2, ni de France 3. Au contraire, nous sommes opposés à toute mise en cause supplémentaire du pôle public de production et de diffusions audiovisuelles. Nous venons de voter contre la privatisation de la SFP, et nous agissons contre la déréglementation des télécommunications, de France Télécom, de l’EDF, de la SNCF.