Article de M. Marc Vilbenoit, président de la CFE CGC, dans "La Lettre Confédérale" du 25 juin 1997, sur la déclaration de politique générale de Lionel Jospin, et notamment la place des cadres et le plafonnement des allocations familiales.

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En février 1997, la CFE-CGC rencontrait, dans ses locaux provisoires de la rue de Vaugirard, le Parti socialiste. Il me paraissait normal, ainsi qu’à Lionel Jospin, que nos deux organisations confrontent leurs points de vue. Thème par thème, sujet après sujet, le Premier secrétaire semblait découvrir les analyses, les propositions et le projet social que lui présentait la délégation de notre bureau national.

Rien d’extraordinaire me direz-vous dans cette rencontre. Bien sûr. Mais elle traduisait bien de part et d’autre une volonté : celle du débat avec des interlocuteurs à part entière, sans exclusive.

C’est donc très naturellement qu’en vous accueillant, le 11 juin, cette fois-ci rue de Varenne à l’Hôtel Matignon, le Premier ministre y fit référence, en nous indiquant que pour lui il n’y avait pas d’interlocuteur syndical privilégié. Tant mieux. Mais en existait-il avant ? Quoi qu’il en soit, cela ne nous donnera que plus de liberté pour dire franchement les choses, dans l’approbation comme dans le refus, sur le seul critère de ce que nous sommes, de ce que nous pensons, de ce que nous proposons.

Passons tout de suite à l’exercice pratique de ce principe puisque l’occasion nous est donnée avec la déclaration de politique générale dont vous pouvez lire une analyse plus complète en pages intérieures. À tout le moins, nous ne sommes pas satisfaits. La chose est claire. Plus, nous sommes inquiets. Pire, nous condamnons l’agression contre les familles de l’encadrement !

Monsieur le Premier ministre, nous sommes preneurs quand vous faites un pas vers le contrat de générations que la CFE-CGC propose pour permettre l’embauche de 200 000 jeunes. Oui, nous sommes intéressés par une loi-cadre sur la durée du travail qui permette d’ouvrir de vraies négociations sociales.

Mais beaucoup trop de questions urgentes restent à l’état de virtualité et sont reportées à une date ultérieure. Ceux notamment qui se battent face à des plans sociaux qui, eux, ne se ralentissent pas, ou qui sont au chômage depuis trop longtemps, n’ont pas le temps d’attendre.

Monsieur le Premier ministre, la qualification est la grande oubliée du programme d’action du gouvernement, mais l’encadrement ne l’est pas, dès lors qu’il s’agir de mettre la main à la poche… Dans un projet où manifestement le nivellement par le bas l’emporte sur un soutien massif et volontariste à la qualification via la formation, les rémunérations, l’accès à l’emploi des jeunes diplômés… on ne se souvient de l’encadrement que pour l’exclure du bénéfice des allocations familiales.

Monsieur le Premier ministre, je vous répète ce que je vous ai déjà dit : le divorce est partout entre les entreprises et leur encadrement. Le fossé s’élargit chaque jour, toutes les enquêtes le montrent. Si le gouvernement de la République poursuit lui aussi une politique de découragement et de démotivation par la taxation systématique de la connaissance, de la compétence et de l’exercice des responsabilités, alors les temps de l’impuissance et de la tourmente se rapprocheront dangereusement.