Texte intégral
R. Arzt : Devant le Conseil d’analyse économique que vous avez créé hier, vous avez indiqué que le plan de réduction des déficits présenté lundi était mesuré et équilibré. Avez-vous eu le sentiment que les réactions à ce plan l’étaient également ?
L. Jospin : Il me semble, oui. On peut dire que la démarche que nous avons essayé d’adopter a été comprise. Nous avions l’impression que les comptes publics dérivaient. La dissolution nous a fait penser qu’on voulait anticiper sur certaines difficultés. La lettre que m’avait laissé le Premier ministre A. Juppé montrait cette dérive. Donc, nous voulions l’établir pour qu’on sache bien quel était notre point de départ, sans souci de polémique avec le gouvernement précédent, nous ne l’avons pas fait. Nous voulions, puisqu’il y avait cette dérive, prendre des mesures d’ajustement. Nous les avons prises en essayant de faire en sorte que la croissance qui peut peut-être repartir en France ne soit pas cassée et que les efforts à consentir soient équilibrés. Je pense que les réactions étaient relativement mesurées, chacun étant dans sa posture.
M. Cotta : Comptez-vous, dans le budget 1998, sur une épreuve plus difficile ? Sur quoi vont porter les économies supplémentaires par rapport à 1997 ? Comptez-vous sur de recettes un peu plus importantes ?
L. Jospin : C’est un peu plus difficile, effectivement, parce qu’en réalité, si l’on tient compte du fait que pour équilibrer le budget 1997, le gouvernement de M. Juppé avait opéré une ponction sur un système de retraite de France Télécom de près de 40 milliards de francs et que cette mesure n’est prise qu’une fois, nous avons ce manque au moment où nous devons préparer le budget 1998 ? Nous avons notre objectif qui est de ne pas dépasser 3% de déficit pour l’ensemble de comptes publics en 1998, objectif nécessaire à la fois pour la France, parce que dès qu’on dépasse les 3%, on refait de la dette. Donc, il ne faut pas le faire, indépendamment de nos engagements européens. Et puis, nous avons aussi ce rendez-vous européen auquel nous voulons être présents. Donc, c’est plus difficile, mais nous le ferons avec la même méthode, à savoir délibérer collectivement au sein du Gouvernement, d’une part, pour que l’ensemble des ministres cherchent le meilleur choix à faire dans chaque département ministériel pour faire des économies, et puis, là aussi, avec le souci d’équilibrer les efforts qui sont demandés, avec enfin pour objectif surtout de ne pas casser la croissance et de travailler pour l’emploi.
R. Arzt : En tout cas, l’effort d’économie amorcé lundi sera poursuivi, voire amplifié en 1998 ?
L. Jospin : Du côté des dépenses de l’État, certainement, oui.
R. Arzt : Sur quelle hypothèse de croissance travaillez-vous pour le budget 1998 ?
L. Jospin : Nous avons des signes contradictoires. Il semble quand même que la conjoncture économique devrait être meilleure, mais il y a naturellement des discussions entre les économistes, entre les instituts de conjoncture économique pour savoir exactement ce qu’elle sera. Donc je ne veux pas prononcer de chiffres. Je crois que nous devons, par notre propre politique, encourager cette croissance. On parle de la montée du dollar actuellement ; à certains égards, c’est une bonne chose parce que cela facilite nos exportations, mais évidemment toute médaille a son revers : cela veut dire aussi que quand on importe par exemple du pétrole libellé en dollars, eh bien on le paie plus cher. Mais ce qui m’a intéressé, c’est… Je voyais, à la première page du Figaro, ce titre : on expliquait finalement la montée du dollar et la certaine faiblesse des monnaies européennes ou du mark par l’analyse suivante – qui est intéressante à trouver dans le Figaro : le grand phénomène en Europe, c’est l’affaiblissement de la zone France-Allemagne en raison du taux de chômage élevé et de la faiblesse du marché intérieur, explique un analyste. Vous voyez donc que quand l’économie ne marche pas, quand il y a du chômage, au bout du compte, si cela se poursuit sur un nombre d’années trop important – et les taux de croissance en Europe sont plus faibles qu’aux États-Unis, qu’en Amérique latine ou qu’en Asie depuis maintenant trop longtemps – eh bien, ça se paie aussi sur le terrain monétaire. C’est une utile leçon et c’est pourquoi nous voulons tenir nos comptes publics, avoir une monnaie solide, mais en même temps, en luttant contre le chômage et la croissance faible.
M. Cotta : Une de conclusion de l’audit qui vous a été remis cette semaine était que le poids de l’État est trop important. Or, de cette constatation, vous n’avez pas tiré de conclusions pour le moment. Est-ce que vous pourrez faire l’économie d’une réforme de l’État et, en tout cas, d’une réduction de ses effectifs ?
L. Jospin : D’abord, nous avons tiré des premières leçons puisque les économies de dépenses, du côté de l’État, monte à dix milliards. Ensuite, nous irons dans cette direction. Mais, vous savez, nous avions un conseil de défense, hier, sous l’autorité du Président de la République et nous examinions la loi de programmation militaire, la professionnalisation désarmées, et les chefs d’états-majors de chacune des grandes armes – la marine, l’aviation, l’armée de terre, la gendarmerie – nous disaient qu’ils estiment fonctionner au minimum de ce qui leur est nécessaire pour fonctionner véritablement. Voilà un grand domaine de Budget et si on prenait le secteur de la justice, on tirerait des conclusions du même type, on n’a pas l’impression qu’il y a un train de vie de l’État excessif, comme on dit, pour assurer ces grandes missions au service de la collectivité. L’État, n’a pas toujours énormément de moyens.
M. Cotta : Néanmoins, est-ce qu’il faut dégraisser le mammouth ou les mammouths qui existent partout ?
L. Jospin : Oui, mais les mammouths sont des animaux des temps anciens, ils nous habituent à un temps long et donc…
M. Cotta : Qui durent longtemps.
L. Jospin : Oui. Je ne propose pas, comme mon ami, le Professeur Allègre, le ministre Allègre – c’est un homme qui va nous apporter beaucoup dans cette équipe gouvernementale -, de prendre un temps aussi long que le temps géologique, mais enfin de prendre un peu de temps.
R. Arzt : Surtout que les mammouths ont fini par disparaître !
L. Jospin : Je veux dire que si l’on veut réformer l’État pour des raisons de conjoncture budgétaire en le faisant en un an, on est sûr de faire les mauvais choix. Donc nous ferons bouger l’État, mais nous le ferons sur plusieurs années.
M. Cotta : Dans un entretien publié avant-hier dans le Herald Tribune International, D. Strauss-Kahn dit qu’il sera nécessaire, dans les premiers mois, de s’attaquer au système français de protection sociale. Est-ce que vous partagez cette conviction ?
L. Jospin : Ça m’étonnerait… Ça doit être un problème…
M. Cotta : Qu’il l’ait dit comme ça ?
L. Jospin : Oui, ça doit être un problème de traduction de l’anglais au français parce que notre politique – et c’est la vision de D. Strauss-Kahn comme la mienne – est, au contraire de défendre et de conforter le système de protection sociale. Pour autant, là aussi, nous devons maîtriser les dépenses de santé, le faire évoluer.
R. Arzt : C’est ce que dit l’audit, d’ailleurs, dans les quelques conseils que donnent les deux magistrats.
L. Jospin : Oui, nous étudions les conseils que nous donnent les magistrats, une fois qu’ils ont fait leur évaluation, ce qui était l’essentiel de leur mission. Mais M. Aubry, c’est la responsabilité directe, va conduire cette évaluation de notre système de protection sociale, avec le souci à la fois de le rendre efficace, de faire qu’il soit au service de la santé et des droits sociaux de nos concitoyens, dans la maîtrise aussi de son évolution comptable parce que sinon, celui-ci pourrait être menacé s’il n’était pas maîtrisé.
M. Cotta : Alors, le but de tout cela, c’est le passage à l’euro. C. Trautmann a dit hier que l’on avoisinerait les 3%, est-ce que cela veut dire, comme l’a dit tout à l’heure J.Y Hollinger, que l’Allemagne va vouloir juger en tendance, vous aussi ; est-ce que le 3% n’est pas un impératif absolu ?
L. Jospin : Moi, je ne dirais pas, tout en respectant le propos de J.Y. Hollinger, que l’Allemagne se rallie à la France.
M. Cotta : C’est excessif, vous trouvez ?
L. Jospin : Oui, je veux dire que j’avais le Chancelier Kohl hier au téléphone, nous avons parlé aussi de ces problèmes, et je crois que le Chancelier Kohl aborde les questions comme je les aborde moi-même. Chaque pays d’Europe a à faire ce qu’il faut, librement, pour tenir les engagements collectifs. Et le problème n’est pas de savoir si la France se rallie à l’Allemagne ou si l’Allemagne se rallie à la France. Je pense que c’est un vocable que moi, en tant que responsable politique, je ne veux pas utiliser. Donc nous faisons les efforts que nous avons à faire pour tenir nos engagements.
R. Arzt : Et vous soutiendrez les efforts du gouvernement allemand pour être les plus près possible des 3% ?
L. Jospin : Comme les autres pays européens. Et quant aux Allemands, ils savent ce qu’ils ont à faire, ils ont fixé leurs objectifs, c’est également 3%. Mais je vous le rappelle, ce n’est pas simplement parce que c’est un critère pour le passage de la monnaie unique, c’est parce que c’est nécessaire, pour chacun des pays, si l’on ne veut pas accroître l’endettement ; et l’on ne peut pas passer sa vie, l’État comme le citoyen, à s’endetter. Donc, nous le ferons ensemble, sans que personne ne souhaite que l’on se rallie à quiconque.
R. Arzt : Vous allez rencontrer le Chancelier Kohl à la fin du mois d’août, que pouvez-vous attendre de lui au moment du Sommet de l’emploi qui aura lieu à Luxembourg, à l’automne ? C’est la France qui a voulu ce Sommet, où en est l’Allemagne ?
L. Jospin : J’ai reçu, ainsi que le Président de la République d’ailleurs, le Premier ministre luxembourgeois, M. Juncker, qui est le président de l’Union maintenant, pour six mois. C’est à Luxembourg que se fera ce Sommet et j’ai été heureux de voir que le président de l’Union, le Premier ministre luxembourgeois, avait, sur la question de l’emploi, de la nécessité de réorienter une partie de la politique économique des pays de l’Union européenne vers l’emploi – j’y faisais référence il y a un instant à propos de cette analyse du Figaro -, aussi vers la coopération des politiques économiques, la concertation des politiques économiques… Que ces grands thèmes que nous avons abordés, que le nouveau gouvernement a apportés dans le Sommet d’Amsterdam, sont partagés par la présidence luxembourgeoise. Et nous lui laisserons un peu l’initiative comme c’est normal, tout en épaulant naturellement cette démarche.
M. Cotta : Après d’ultimes concessions du constructeur américain, Boeing, Bruxelles a autorisé la fusion Boeing-McDonnell, est-ce que le gouvernement français est satisfait de cette autorisation et en tout cas, est-ce que cela vous permet de réaffirmer la nécessité d’une restructuration de l’industrie aéronautique française et européenne ?
L. Jospin : La position de Boeing sur le plan aéronautique était déjà dominante, cette fusion avec un autre groupe américain important, McDonnell Douglas, pose naturellement des problèmes. On ne va pas accepter en Europe que la Commission fixe des règles pour éviter les positions dominantes, les situations de quasi-monopole pour les entreprises européennes et l’accepter à propos d’une très grande entreprise américaine. C’est vrai que la Commission a obtenu un certain nombre de concessions de la part du groupe…
R. Arzt : Suffisantes ? Formelles ?
L. Jospin : Cela demande examen. Je pense qu’en réalité, c’est à la fois la mesure de ces concessions et ultérieurement leur application effective de la part de Boeing-McDonnell Douglas qui doit nous permettre d’apprécier véritablement cela. Je partage le point de vue que l’on prêtait à E. Cresson, l’un des commissaires européens chargé notamment de la recherche dans ces secteurs de pointe.
R. Arzt : … qui dit qu’on a peut-être accepté tout cela un peu vite ?
L. Jospin : Peut-être. En tout cas, nous nous voulons savoir quelle est exactement la portée des engagements européens avant de fixer notre position en tant que gouvernement français.
R. Arzt : Plusieurs ministres, D. Strauss-Kahn, M. Aubry, laissent entendre que le chômage restera stable pendant quelque temps et ne commencera à diminuer qu’à la fin 1998. C’est une échéance d’amélioration lointaine. N’y a-t-il pas un risque décevoir vos électeurs ?
L. Jospin : Je n’en sais rien. Ce qui est vrai c’est que dans les mois qui viennent il va y avoir un phénomène d’inertie et que les politiques menées contre le chômage, qu’il s’agisse de la politique économique au sens général – je le disais tout à l’heure, à savoir l’équilibre à trouver entre l’assainissement des comptes publics et la préservation d’une croissance qui repart – et les programmes plus spécifiques qui auront un impact sur le chômage comme par exemple au plan Emploi des jeunes sur lequel nous travaillons d’arrache-pied au cours de ces semaines puisque nous voulons passer ce plan le 20 Août au Conseil des ministres, Conseil des ministres qui reprendra alors ; eh bien, il est vrai que l’impact de ces mesures ne se fera que progressivement. Il y a un délai pans le temps. Dire qu’il faudra attendre la fin 1998, cela me paraît assez difficile à affirmer aujourd’hui.
M. Cotta : Ceci étant beaucoup d’annonces ont été faites sur l’emploi. 2 000 nouveaux emplois à la SNCF, 5 000 à La Poste, 40 000 agents de sécurité, tout cela vient d’être annoncé, est-ce que cela sera fait cette année ?
L. Jospin : Naturellement. Le programme Emploi des jeunes, nous sommes en train d’y travailler. Les sommes prévues pour financer ce programme en 1997 sont là, 2 milliards de francs. Elles ont été votées dans ce que l’on appelle le décret d’avance, les décisions que nous avons prises en arrivant. Je l’ai dit les ministres y travaillent. A la réunion des ministres hier, à Matignon, nous avons eu deux sujets essentiels : le premier était celui de la préparation de la loi des Finances pour 1998 c’est-à-dire du projet de budget pour 1998 puisque je devais arbitrer sur les dépenses au début d’août. Le deuxième sujet était justement le plan emploi des jeunes. M. Aubry nous a rappelé la démarche qui était la nôtre. J.-P. Chevènement sur le plan de la sécurité, de la présence des forces de sécurité, C. Allègre sur le terrain de l’éducation, d’autres ministres sont intervenus pour nous dire comment ils travaillent ensemble pour qu’à l’automne et je pense dès le 1er octobre, les premières embauches puissent avoir lieu. Il faudra passer par un projet de loi au Parlement bien sûr avant. C’est la démarche classique à la fois de l’État de droit et de la démocratie.
R. Arzt : Une question sur cette journée dite d’appel de préparation à la défense qui a été annoncée hier par le ministre de la Défense. Premièrement, qu’est-ce qui ne vous convenait pas dans le rendez-vous citoyen sur cinq ans qui n’avait été établi. Deuxièmement avez-vous pensé à rétablir la conscription ?
L. Jospin : Ou on fait le choix d’une armée professionnalisée, accompagnée de volontaires, avec aussi autour des réserves, ou on fait le choix de la conscription, autrement dit d’une armée avec certes des militaires de carrière mais fondamentalement fondée sur l’engagement d’un certain nombre de citoyens et des jeunes. Le choix de l’armée professionnelle a été fait par le Président de la République. Nous n’avons pas remis en cause ce choix, nous nous inscrivons dans ce choix qui avait été fait avant nous. On ne peut pas modifier des décisions aussi importantes. A partir de ce moment-là, il faut être dans la logique de ce choix. Ce Rendez-vous citoyen de cinq jours coûtait très cher d’une part, d’autre part posait des problèmes aux forces armées pour l’organiser et donc, nous avons fait un raisonnement simple à avoir : vous avez fait le choix de la professionnalisation, n’inventons pas un service cinq jours ! Cela n’a pas de sens ! Donc, nous envisageons de le remplacer mais le débat aura lieu, là aussi, au Parlement. Il y aura un projet qui sera présenté à l’automne d’une rencontre d’une journée qui permettra à la fois de maintenir le lien entre les jeunes et la nation et puis aussi de faire un recensement de l’ensemble des jeunes parce qu’il peut y avoir des circonstances historiques dans lesquelles une mobilisation générale serait nécessaire.
M. Cotta : Vous êtes là sur le terrain idéal de la cohabitation. Considérez-vous qu’après le 14 juillet où le Président de la République a dit ce qu’il pensait, le 17 où vous avez dit vous-même ce que vous pensiez, l’incident soit clos ? La cohabitation va maintenant fonctionner ?
L. Jospin : De toute façon, chacun dit ce qu’il pense, c’est bien normal, et chacun a le droit de s’exprimer. On peut s’interroger pour savoir si au bout d’un mois et demi il fallait s’exprimer sur tous les sujets comme cela a été fait. Mais ce n’est pas quelque chose qui est en cause. Cela contribue à un climat. Bien. Moi, je viens de m’exprimer publiquement à propos du Président de la république lors de la cérémonie anniversaire des rafles du Val d’Hiv à laquelle j’ai participé la semaine dernière. J’ai cité le Président de la république pour lui rendre hommage pour le discours qu’il avait tenu en 1995 à cette même occasion.
M. Cotta : C’est une façon de faire l’équilibre ?
L. Jospin : Vous pensez ?
M. Cotta : Je vous le demande !
L. Jospin : C’est une façon de s’exprimer, de faire un choix, quand on s’exprime sur le partenaire. Ce que j’ai rappelé, c’est la Constitution, c’est-à-dire les pouvoirs du Premier ministre, du Gouvernement, lorsqu’ils disposent d’une majorité à l’Assemblée nationale pour agir, et dans la plupart des domaines, le Gouvernement naturellement a tous les moyens d’agir. Vous voyez bien qu’il le fait.
R. Arzt : Sur les sans-papiers, on a cru comprendre qu’il ne s’agissait pas de donner des papiers à tous les sans-papiers, que ce n’était pas l’intention du Gouvernement. Vous pouvez rassurer le Président sur ce sujet, qui craignait que soit légitimée l’immigration clandestine ?
L. Jospin : Vous n’avez pas cru comprendre, vous avez compris ? C’est tellement clair que ça ne pouvait pas être compris autrement. Il s’agit de régler humainement, mais en même temps sur des critères objectifs – humainement, ça veut dire en examinant les cas individuels des familles – un certain nombre de cas inextricables que les législations antérieures avaient créés. Il ne s’agit pas de régulariser l’ensemble des sans-papiers. Donc, c’est une position équilibrée, juste, nous adoptons et dont nous voudrions qu’elle aboutisse non seulement à régler un certain nombre de cas, mais aussi à débarrasser, au fond, la France de ce débat sur le problème de l’immigration, tel qu’il a été abordé aujourd’hui par ceux qui furent la majorité, ceux qui sont l’opposition. Donc, c’est de façon sereine, dans la défense des intérêts de la République, en prenant en compte des situations humaines, en veillant également au rayonnement de la France que nous traiterons ces questions.
M. Cotta : Autre polémique naissante : plusieurs maires RPR ont pris un arrêté visant à raccompagner chez leurs parents les enfants de moins de 12 ans qui sont dans les rues de minuit à 6 heures du matin. Qu’en pensez-vous ?
L. Jospin : Je ne suis pas sûr que chacun des arrêtés ressemble à l’autre tout à fait. Il faudrait peut-être distinguer les cas et ne pas les amalgamer. Vous parlez de reconduire les enfants ; une chose est de reconduire les enfants, une chose est de les mettre au commissariat de police, déjà. On ne sait pas. Dans l’un et l’autre arrêté, ce n’est pas tout à fait la même chose qui est faite. Naturellement, personne ne peut penser, et moi pas, que les enfants doivent vagabonder dans les rues au-delà de minuit à l’âge de 12 ans et à moins de 12 ans. Tout le monde sait aussi, les éducateurs, les éducateurs de rue, les maires, qu’il y a un problème d’une certaine attitude un peu délictueuse d’enfants plus jeunes aujourd’hui. Ces problèmes ne doivent pas être traités à la légère. Mais je ne crois pas que ce soit par ce type de couvre-feu qui évoque quand même d’autres époques que l’on réglera ce genre de problème. Les ministres compétents, que ce soit Mme M.G. Buffet, par exemple, qui s’est mise à la disposition des maires – je lui en ai parlé, je l’ai appelée immédiatement pour lui demander « Qu’est-ce qui se passe, qu’est-ce que vous faites, qu’est-ce que vous dites ?». Ce qu’elle disait, ainsi que S. Royal, me paraissait juste. Elle s’est mise à la disposition des maires pour dire « Voyons avec vous comment nous pouvons essayer de régler ce problème correctement et humainement. » Il faut responsabilise les familles, il faut régler ces questions. Mais il faut peut-être plus les régler avec les éducateurs, avec des contrats sociaux, avec des travailleurs sociaux qu’en emmenant des enfants de 12 ans dans les commissariats de police. Je crois que c’est le bon sens.
R. Arzt : Quel est la maître-mot de la méthode Jospin ?
L. Jospin : Ce devait être à vous de me le dire !
M. Cotta : Alors, aidez-nous !
L. Jospin : Bon, je fais tout alors ! Respect des faits sans doute, respect des Français, c’est-à-dire que je ne me refuserai à régler aucun des problèmes que je trouve devant moi. J’ai trouvé – je le dis sans polémiques, mais les exemples pourraient être pluriels – beaucoup de questions non-réglées par le gouvernement précédent, sur lesquelles il y avait eu parfois des effets d’annonce, mais pas de décisions, pas le financement prévu, des tas de problèmes industriels en particulier pour qu’on me presse de régler, mais qui n’avaient pas été réglés pendant plusieurs années. C’est le cas de Thomson, par exemple, quand même, où le Gouvernement précédent s’est pris les pieds dans le tapis. Je veux traiter tous ces problèmes. Donc, les faits sont là : on les règle, on n’est pas obligé de les régler comme le faisait la droite. Je pense que ce Gouvernement peut exprimer une modernité d’une autre nature, plus adaptée que celle à laquelle se référait le gouvernement précédent. Donc, discussion collégiale dans le Gouvernement, dialogue avec les hommes et les femmes qui sont concernés dans la population, puis après, décision ? Voilà en gros la méthode qui est la mienne. Elle doit se marquer dans le style gouvernemental, dans la façon de s’adresser à nos concitoyens. Elle doit se marquer aussi dans le traitement des problèmes : délibération, décision. C’est comme ça que j’essaie de travailler.