Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, à Crepy-en-Valois et interview à RTL le 31 juillet 1997, sur la sécurité routière.

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Circonstance : Commémoration de l'accident de l'autoroute A6 près de Beaune (53 morts dont 46 enfants, dont beaucoup etaient originaires de Crépy-en-Valois) survenu le 31 juillet 1982

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

RTL - jeudi 31 juillet 1997

RTL : Nous sommes à la veille du grand chassé-croisé des vacanciers de juillet et d’août. Les derniers chiffres connus d’accidents de la route ont montré, sur trois mois, une augmentation du nombre de morts. Y a-t-il un relâchement de vigilance de la part des automobilistes ?

J.-C. Gayssot : Il y a effectivement une dégradation ces derniers mois. Cette dégradation n’infirme pas une tendance que nous avions constatée avec un recul sensible des accidents mortels et des blessés. Depuis 1982, nous sommes passés de 12 000 morts chaque année sur les routes, à 8 000 aujourd’hui. Donc c’est un recul sensible, important. Mais je dis tout de suite que les chiffres que vous annoncez – cette dégradation de ces derniers mois, et de toute manière, le fait que nous sommes le dernier des pays d’Europe pour le nombre de tués –, appellent un renforcement des dispositions pour la sécurité routière.

RTL : C’est à ce titre, de façon symbolique, que vous allez tout à l’heure à Crépy-en-Valois d’où étaient originaires les 44 enfants morts dans l’accident d’autocar de Beaune il y a 15 ans ?

J.-C. Gayssot : Oui, on se souvient de cet accident effroyable où des gosses, notamment de Crépy-en-Valois, avaient été tués. Des dispositions ensuite ont été prises, y compris par rapport aux interdictions de cars, avec des transports d’enfants durant les périodes de grands déplacements. C’est le cas ce week-end, qui est un week-end noir, où il y aura des millions de gens sur la route. Il y a eu des familles, des associations, qui se sont mobilisées. Chaque année il y a cette cérémonie qui est à la fois une cérémonie du souvenir de ce drame effroyable, mais aussi un appel à ce que la vigilance et des moyens soient mis en œuvre pour renforcer la sécurité.

RTL : C’est en partie lié à ces questions de sécurité, mais c’est des autoroutes dont je voudrais vous parler. Vous avez relancé la concertation sur cinq ou six autoroutes en projet, mais contestées. Où en est-on ? Pouvez-vous déjà nous dire lesquelles ne seront pas construites, ou construites différemment ?

J.-C. Gayssot : Je veux ajouter un mot par rapport à la question précédente : la première communication que j’ai faite en Conseil des ministres a été sur la sécurité routière. Et le Premier ministre a été d’accord pour présider un comité interministériel à la rentrée sur cette question. Ce qui signifie l’importance que le Gouvernement attache à ce problème. Sur la question précise des autoroutes, deux choses : d’une part, je l’ai dit, je n’arrête pas les travaux qui sont engagés. D’autre part, là où il y a de graves contestations, où il y a une contestation qui est très forte – je pense à l’A 51 ou à l’A 58 –, j’ai engagé un processus de concertation et de discussion. Pour l’A 51, j’ai arrêté…

RTL : C’est Gap-Sisteron.

J.-C. Gayssot : C’est ça, j’ai arrêté l’engagement de l’enquête d’utilité publique, car je crois qu’il faut concerter, y compris sur l’arc alpin. Et pour l’A 58, la décision que j’ai prise, après discussions avec Dominique Voynet, ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire, c’est d’arrêter la procédure de qualification d’intérêt général.

RTL : L’A 58, c’est Cannes-Monaco, qui double l’A 8 qui existe déjà. En matière d’aéroport, l’extension de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, là, vous avez aussi relancé une concertation. Va-t-elle durer longtemps ? Quand vous déciderez-vous ?

J.-C. Gayssot : Normalement, les travaux de la confection des deux pistes supplémentaires devaient s’engager le 15 juillet. J’ai décidé de retarder ces travaux et de profiter de quelques semaines pour poursuivre la concertation, pour écouter les usagers, les élus, au plan local.

RTL : Vous déciderez donc en plein été ?

J.-C. Gayssot : Non, je ne déciderai pas en plein été. Ce n’est pas dans mes habitudes. Je veux pousser la concertation au maximum. La décision sera prise à la fin de l’été.

RTL : En septembre ?

J.-C. Gayssot : C’est la fin de l’été !

RTL : Y a-t-il une solution alternative ? Peut-on ne pas construire cette extension ?

J.-C. Gayssot : J’ai dit, dès lors que j’engageais la table ronde de concertation, que je ne donnerai pas d’opinion avant que tous les éléments de concertation soient évalués. Il y a des enjeux considérables qui touchent à la fois à des enjeux nationaux pour nos entreprises – Air France –, à nos capacités d’accueil du trafic du transport aérien qui ne fait que croître – 5 à 6 % par an. Ils touchent aussi à des problèmes d’emplois énormes, des problèmes de sécurité et également des problèmes d’environnement. C’est à l’issue de la concertation, et en prenant en compte tous ces enjeux que la décision sera prise.

RTL : La privatisation d’Air France : êtes-vous toujours contre ?

J.-C. Gayssot : Je l’ai dit dès le début. D’abord, je crois qu’elle n’est pas à l’ordre du jour. Ensuite, je pense qu’il y a d’autres choix à faire que la privatisation pour donner à cette entreprise publique les moyens de se développer, de respirer et de s’allier avec d’autres entreprises à l’échelle du monde.

RTL : En ce qui concerne le rail, la SNCF, l’État a désendetté la SNCF de 20 milliards de francs, en contrepartie de quoi la SNCF va créer 2 000 emplois. Vous êtes satisfait ?

J.-C. Gayssot : C’est une décision qui a un caractère un peu historique : depuis plus de 15 ans, chaque année, le nombre d’emplois à la SNCF reculait de l’ordre de 5 000 à 6 000 par an. Pour la première fois cette année depuis 15 ans, on va vers une stabilisation des effectifs. Surtout, en réduisant de 20 milliards l’endettement, nous réduisons de plus de 1,2 milliard la charge de la dette pour la SNCF, ce qui nous permet à la fois d’embaucher 1 000 cheminots sous statut, plus 1 000 emplois-jeunes dans le cadre de la loi sur les emplois-jeunes qui va être votée à l’automne, et qui permet également à la SNCF de disposer de 800 à 900 millions pour développer des investissements, des achats de locomotives, ce qui fait encore de l’emploi dans les industries ferroviaires.

RTL : Comment vivez-vous la méthode Jospin au Gouvernement ? Y a-t-il vraiment dialogue entre les ministres et le Premier ministre ?

J.-C. Gayssot : Je ne vous cacherai pas que je ne peux pas comparer avec des méthodes précédentes ! Il n’y a que deux mois que je suis ministre. Ce que je peux vous dire de la manière la plus simple, c’est que sur la base de l’orientation générale, du discours de politique générale et également des décisions prises à l’issue de l’audit et des lettres de cadrage qui s’y rattachent, c’est qu’il y a concertation, dialogue, il y a la volonté d’inscrire chacune des activités ministérielles dans l’esprit des objectifs et des priorités. Je pense à l’emploi, à une meilleure utilisation des moyens qui sont les nôtres pour avoir la plus grande efficacité. Il y a un appel permanent à ce que les ministres entre eux discutent, confrontent, se mettent d’accord avant d’aller à l’arbitrage du Premier ministre. Je crois que c’est une méthode efficace.


Discours à Crépy-en-Valois, le 31 juillet 1997.

Mesdames, Messieurs,

Il y a 15 ans, le 31 juillet 1982, un épouvantable accident se produisait sur l’autoroute A 6.

53 tués dont 46 enfants. Un grand nombre d’entre eux étaient originaires de Crépy-en-Valois et de ses environs.

Pour la France, ce fût un traumatisme national et pour les familles, une tragédie que le temps n’effacera jamais.

Chaque année, une manifestation du souvenir a lieu au cérémonial de l’avenir, près de Beaune, avec les familles, les associations de soutien qui luttent contre l’insécurité routière et les représentants de l’État.

Vous avez décidé que ce moment d’hommage et de recueillement se ferait aussi, ici-même au cimetière de Crépy d’où étaient originaires la plupart des petites victimes à qui la vie fut ôtée dans cette nuit d’enfer du 31 juillet 1982.

Mes pensées, ce matin, vont d’abord aux familles des victimes, aux proches de ces enfants dont la disparition restera, à tout jamais une blessure.

C’est vers eux que va mon émotion.

Je tenais à exprimer mon soutien à toutes les familles qui se sont mobilisées après l’accident, pour améliorer la sécurité routière en perpétuant le souvenir de ce terrible accident.

Je veux aussi rappeler la nécessité d’agir, d’aider ceux qui doivent vivre après de tels traumatismes.

J’ai voulu dès mon arrivée à la tête de ce ministère que la sécurité routière soit une priorité de mon action et en même temps, une préoccupation quotidienne pour les fonctionnaires qui en ont la charge sur le terrain.

Au cours de ces deux mois, j’ai mené ce combat de sensibilisation à plusieurs occasions parce que je refuse la fatalité des accidents.

L’accident de la route qui enlève la vie est, pour moi, une injustice insupportable. Je ne peux pas l’accepter moins encore lorsque ce sont des enfants qui sont les victimes.

Et, pourtant, chaque année, la route produit des milliers de morts et de blessés. Des vies sont gâchées que l’on doit sauver.

C’est pourquoi, ma première communication en conseil des ministres porta sur ce sujet, sur cette obligation de mener une politique forte et exigeante pour la sécurité routière.

Le gouvernement m’a suivi dans cette voie puisque le Premier ministre a accepté la réunion d’un comité interministériel à la sécurité routière qu’il présidera avant la fin de cette année.

Cette instance, que l’on n’a pas convoquée depuis décembre 1993, réunit les ministres dont la réflexion et l’action peuvent améliorer le comportement de tous les usagers de la route. C’est un outil de définition de la politique que je veux mener, c’est un lieu d’où partira l’impulsion nouvelle qui est déjà donnée.

Rapidement, après mon installation, j’ai en effet tenu à rendre public le rapport de M. Verre.

L’idée importante que je retire de cette réflexion est la nécessité de modifier le comportement des usagers de la route. Et, cela passe par une sensibilisation aux risques, aux dangers de la route, aux pièges que tend la conduite d’une voiture ou d’une moto et surtout, par une éducation aux règles du code de la route, aux règles de la sécurité routière. C’est dans ce sens d’une éducation plus civique que je veux aussi travailler. Éduquer, sensibiliser dès le plus jeune âge, dès l’école et de façon systématique, aux réflexes des futurs conducteurs pour rendre ainsi la route plus sûre.

J’ai aussi rappelé, à plusieurs reprises, le sens des campagnes nationales comme « Bison futé », lancées notamment à l’occasion des départs en vacances.

Ces mois d’été où les déplacements sur les routes concernent plus de 27 millions de Français et 10 millions d’Européens, doivent retenir toute notre attention. Le dispositif mis en œuvre à cette occasion est complet. Il intègre tous les thèmes traditionnels de la sécurité routière : lutte contre l’alcool au volant avec une grande action : « Alcool au volant, autotestez-vous », nécessité d’attacher la ceinture de sécurité, contrôle des véhicules utilisés, respect des temps de conduite, maîtrise de la vitesse…

L’ensemble des services de l’État sont aussi mobilisés pour améliorer la fluidité du trafic. La présence des forces de police et de gendarmerie est renforcée sur les routes, ces jours grande circulation. Elles gèrent le trafic et veillent au respect des règles de sécurité.

Leur mission est d’informer, de conseiller et aussi de contrôler les usagers de la route pour infléchir le comportement des automobilistes, des cyclomotoristes dans le sens d’une plus grande sécurité.

Aux côtés de ces acteurs habituels de la sécurité routière, je sais que les hommes et les femmes de l’équipement et des sociétés d’autoroutes sont aussi très attentifs, très mobilisés pour rendre la route plus sûre et pour faciliter les conditions de déplacement des vacanciers notamment.

Leur action, en période estivale, concerne l’indication des itinéraires de délestage, l’accueil, l’information des usagers sur les thèmes de la sécurité routière.

Ce n’est cependant que la partie visible de leur engagement. En toute période et en tous points du territoire, les agents de l’équipement veillent à l’état des routes. Je les ai vu en Savoie, sur le tour de France. C’est pour eux une mission essentielle à laquelle ils sont particulièrement attachés.

La sécurité des routes est une préoccupation aussi, pour moi dans les négociations budgétaires actuelles.

Plus généralement, la sécurité des déplacements guide les choix que j’ai à faire dans le secteur des transports. Cette obligation que je m’impose, implique aussi que je sois attentif aux possibilités d’équilibrer les différents modes de transports. Les moyens de renforcer la sécurité des transports collectifs rencontrent encore les questions d’effectifs et d’emplois.

J’espère, avec ces quelques réflexions, vous avoir convaincu de ma détermination à agir pour la sécurité routière, à mobiliser tous les moyens et tous les partenaires dans ce sens.

Mesdames, Messieurs, vous tous qui avez au cœur le combat pour la sécurité routière, croyez que je mesure l’ampleur de la tâche. C’est en alliant l’action des pouvoirs publics et la prise de conscience de chaque citoyen, de chaque usager que nous parviendrons à avancer sur ce douloureux dossier.