Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les orientations de la Commission européenne en matière agricole pour la période 2001-2006, dites paquet Santer", et les propositions françaises pour la réforme de la PAC, Paris le 16 juillet 1997.

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La commission de l’Union européenne se prépare à présenter ce jour au Parlement européen les propositions dites « Paquet-Santer », fixant les orientations budgétaires et de politique agricole pour la période 2001-2006.

De nombreuses fuites ont permis d’en connaître officieusement les grandes lignes. Elles ont suscité de vives réactions des organisations professionnelles agricoles et les ont conduites à formuler de légitimes questions.

Sur la base de ce qui nous est connu, il n’est pas exagéré de dire que la commission cherche, notamment avec ce projet, à préparer les futures négociations de l’Organisation mondiale du commerce plutôt qu’à répondre à des difficultés internes de la politique agricole commune.

En rapprochant les prix communautaires des prix mondiaux, elle espère mettre l’Europe en situation d’exporter sans restitution sur les marchés tiers et éviter d’avoir à défendre cet instrument de la politique agricole communautaire devant l’organisation mondiale du commerce.

Une telle stratégie ne peut être acceptée telle quelle ; en France d’abord puis entre les ministres de l’Union européenne.

On peut craindre en effet qu’une réforme portant sur les seules modalités de soutien du revenu des agriculteurs ne suffise pas à satisfaire les partenaires de l’Union européenne dans les négociations multilatérales et qu’ils exigent dans l’avenir d’autres concessions portant sur les tarifs douaniers à l’importation de produits agricoles et les conditions d’accès au marché communautaire.

Quant au fond du projet de réforme de la PAC élaboré par la commission, il consiste à poursuivre dans la voie de l’abandon du soutien des prix des produits agricoles sur le marché communautaire au profit d’aides directes au revenu des agriculteurs. On ne saurait s’engager dans une telle logique, qui porte en elle le démantèlement à terme de la PAC, sans un examen approfondi de toutes ses données.

Cette politique permettrait certes de mettre le prix communautaire d’intervention du blé au niveau du marché mondial, donc d’exporter sans restitution. Mais il n’en va pas de même des autres céréales, de la viande bovine et du lait.

Par ailleurs, les Gouvernements de l’Union européenne ne sauraient accroître la dépendance du revenu des agriculteurs par rapport aux aides directes, sans un débat approfondi sur les avantages et les coûts d’une telle orientation.

Je regrette que ce projet écarte d’emblée toute proposition novatrice dès lors qu’elle ne s’inscrit pas dans le cadre de la baisse des prix proposée par la commission. C’est ainsi que la filière laitière se voit appliquer un schéma de baisse de prix compensée par l’instauration d’une prime à la vache laitière, alors que des propositions alternatives de gestion des quotas laitiers ont été élaborées, qui mériteraient au minimum d’être soumises à l’examen des ministres de l’agriculture.

Enfin, les éléments connus de ce projet font apparaître d’importants déséquilibres dans les aides compensatoires prévues pour les différents secteurs de production, au détriment de l’élevage bovin extensif en particulier.

Je revendique donc le droit, avant de m’engager dans l’examen technique détaillé de ce projet, de mener une réflexion et une concertation approfondie avec les représentants du monde agricole français afin de définir la position que la France défendra dans les négociations communautaires.

Pour ma part, j’aborderai cette négociation avec le souci de faire prévaloir un accord qui :

- permette une répartition équitable des soutiens publics entre les filières de production et entre les agriculteurs ;
- prenne en compte les préoccupations liées à l’emploi, au développement durable et à l’occupation de l’espace exprimées par la société ;
- constitue un compromis acceptable entre la recherche de nouveaux débouchés sur les marchés tiers et la défense des positions acquises sur le marché intérieur ;
- préserve le droit de l’Union européenne à mettre en œuvre sa propre politique agricole dans les négociations commerciales multilatérales à venir.

J’engagerai rapidement la concertation sous des formes appropriées avec les organisations syndicales représentatives pour définir la politique agricole permettant de parvenir à ces objectifs dans le cadre communautaire, c’est-à-dire en tenant compte des intérêts de nos partenaires européens.