Texte intégral
Europe 1 : mardi 29 juillet 1997
Europe 1 : Comme souvent après un incendie, il y a des polémiques. On montre du doigt une décharge publique d’où le sinistre serait parti. Qu’est-ce qui se passe dans les décharges de cette région ? Sont-elles plus dangereuses qu’ailleurs ?
Brice Lalonde : Très franchement, c’est un exemple d’irresponsabilité générale. Autant le dire publiquement ! Le conseil général, le département des Bouches-du-Rhône, qu’est-ce qu’il attend pour rendre public le plan d’élimination des ordures ménagères ! La loi l’y oblige pourtant et donc il ne respecte pas la loi. Pourquoi cette région est-elle l’une des rares régions de France à avoir des décharges et à ne pas s’engager dans un plan de modernisation du traitement de ses ordures ménagères ! Qu’est-ce que c’est que ces communes qui ne s’entendent pas entre elles ! Qu’est-ce que cela veut dire ? Entre nous soit dit, la chaîne d’irresponsabilité est considérable ! La commune de Septèmes-les-Vallons a déjà été avertie car il y avait déjà des déchets hospitaliers qui ont été trouvés dans cette décharge. Ils sont responsables car c’est une décharge municipale ! Et les houillères ! Les Charbonnages de France sont bien contents de mettre leurs déchets à 260 francs la tonne n’importe où et n’importe comment, sans vérifier ! Qu’est-ce que c’est que cela ? L’enquête dira peut-être tout cela, mais, entre nous soit dit, c’est consternant ! La population locale pourrait bien se révolter à ce sujet.
Europe 1 : La solution est locale ou est-ce qu’il y a une législation à changer ?
Brice Lalonde : Des lois à respecter, tout simplement ! La loi est là et elle dit qu’en 2002, il n’y aura plus de décharges, et on s’y prépare depuis une quinzaine d’années. La loi dit que les départements auraient déjà dû rendre publics, en janvier 1996, des plans d’élimination des ordures ménagères. Il y a quelque chose d’anormal, une espèce de laisser-aller général dans la région. On ne fait pas les choses et ce n’est pas bien.
Europe 1 : Quand Madame Voynet dit qu’il faut prendre des mesures de sécurité supplémentaires, cela correspond à quoi ?
Brice Lalonde : Vous savez, je ne suis pas trop pour faire des lois et des règlements toujours nouveaux. Il faut appliquer ce qui existe. Les ministres sont là pour appliquer les lois ; les maires sont là pour appliquer les lois ; les préfets sont là pour appliquer les lois. Une fois qu’on a tout d’un coup un incendie, tout le monde s’écrie : « C’est épouvantable ! Qu’est-ce qui se passe ? », et on cherche le coupable. Il n’y a pas un coupable en général : il y a une série de laisser-aller, de laxisme et de responsabilité. Cherchons d’abord les solutions plutôt que les coupables. La solution, c’est que bien entendu il y ait un programme sérieux dans les Bouches-du-Rhône d’élimination des ordures ménagères. Par ailleurs, il semble qu’il y ait eu quelques difficultés dans le départ de la lutte contre le feu. Peut-être qu’une enquête veillera à ce que ça ne se reproduise pas. Après tout, profitons des erreurs pour qu’elles ne se reproduisent pas.
Europe 1 : On parle maintenant de prévention, de reboisement. Ne faudrait-il pas laisser faire la nature ou faut-il vraiment reboiser toutes ces collines ?
Brice Lalonde : Ce qu’il faut reboiser, c’est la fierté des habitants d’avoir une belle forêt, une belle ceinture verte. Cela coûte de l’argent, donc il faut décider de le faire avec de l’aide. C’est un beau programme d’éviter les incendies de forêt, retrouver les terrasses méditerranéennes, soigner le sol. Peut-être faut-il des solutions innovantes : recycler les eaux usées, les remonter et arroser les forêts avec, plutôt que de tout jeter à la mer. Les études montrent que c’est le cèdre qui est l’essence la plus résistante. Aidons-les à reboiser de manière à ce qu’ils soient encore plus fiers de leur ceinture verte dans quelques années.
Europe 1 : Pour l’entretien, que peut-on faire ?
Brice Lalonde : Cela demande de l’emploi. Si on veut préserver l’environnement et créer de l’emploi, il faut le financer et faisons-le. Toute cette région gagne pas mal d’argent – peut-être pas toute la population – grâce au tourisme : peut-être que l’industrie du tourisme pourrait contribuer avec un pourcentage, comme le pourcentage formation des entreprises, au reboisement et à l’entretien de la forêt méditerranéenne. Depuis une cinquantaine d’années, il y a moins d’incendie de forêt, les surfaces diminuent, la recherche a considérablement amélioré les méthodes ; simplement, on sait que huit jours par an, « grande sécheresse, grand mistral », il ne faut surtout pas qu’un incendie se déclare ou que le feu échappe à toute proportion. Là, c’est ce qui s’est passé. Peut-être faudrait-il pendant ces huit jours annuels alerter la population en disant : « Aujourd’hui, le barbecue que vous avez proposé, il faut y renoncer. Aujourd’hui, soyez particulièrement attentif à ne pas laisser vos mégots ». Pendant huit jours par an, alerte maximale. Les pyromanes, c’est des blagues : il y en a très peu. La plupart des incendies de forêt sont des imprudences ou des accidents.
Europe 1 : Il faut quand même rendre hommage aux pompiers : il n’y a pas eu de victimes ; très peu d’habitations endommagées. Cela a été fait de manière remarquable. Le feu a échappé au départ, on ne sait pas très bien pourquoi, mais ils ont été remarquables. On a fait le guet armé. Et puis, il faut l’aide de la population. L’écologie, ça ne marche pas s’il n’y a pas le civisme de la population et des Français.
Europe 1 : Est-il inévitable que le feu reprenne l’an prochain dans cette région ?
Brice Lalonde : Il y a trois endroits dans le monde – la Californie, l’Australie et la Méditerranée – où il y a des incendies de forêt. On peut les réduire, mais il faut se rendre compte que c’est de l’entretien : c’est le sous-bois qui brûle.