Interview de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, dans "Les Dernières Nouvelles d'Alsace" du 5 septembre 1997, sur les dossiers du TGV-Est et du TGV-Rhin-Rhône, son souhait d'installation du "Bioscope" à Strasbourg, les possibilités de création d'emplois-jeunes dans le secteur culturel, ses fonctions dans la municipalité de Strasbourg, et sur le respect de la vie privée.

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Média : Les Dernières Nouvelles d'Alsace

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DNA : On peut s’attendre à une bonne nouvelle pour le TGV-Est aujourd’hui ?

Catherine Trautmann : Lors d’une réunion de travail avec le ministre des transports, mercredi, nous avons convenu que c’est lui qui annoncera les décisions dès que son budget, comme tous les budgets des différents ministères, aura été adopté le 24 septembre. Il évoquera sans doute aussi le TGV Rhin-Rhône puisque les deux dossiers avancent simultanément. À la suite de plusieurs séances de travail, j’ai la certitude que le passage à la réalisation est possible, bien que nous ayons découvert en arrivant au Gouvernement que les marges budgétaires ne permettaient pas de tenir les engagements pris. Le dossier ne prendra plus de retard.

DNA : Les études d’avant-projet sommaire seront donc lancées dans les prochains jours ?

Catherine Trautmann : Le comité de pilotage se réunira fin septembre, début octobre. La ville de Reims devrait apposer sa signature sur la convention de financement des études détaillées à la fin du mois. Tout sera donc prêt. L’association pour le TGV-Est tiendra son assemblée générale dans les [ILLISIBLE].

DNA : Association dont vous restez présidente ?

Catherine Trautmann : Pour l’instant, oui.

DHL : l’aéroport n’a pas été pénalisé

DNA : Comment avez-vous apprécié la petite phrase de Hubert Haenel dans « les DNA » de dimanche disant que, si on n’arrive pas à réaliser une ligne de TGV-Est correcte, il valait mieux concentrer les efforts sur le TGV Rhin-Rhône ?

Catherine Trautmann : Ce type de raisonnement n’a pas beaucoup de sens parce que, aujourd’hui, la DUP (déclaration d’utilité publique) est acquise ; les études de détail peuvent être lancées ; la mission TGV-Est est prête à travailler. Pour le Rhin-Rhône, nous avons l’assurance que le dossier se poursuit et c’est une bonne chose, puisque nous plaidons tous pour que le Grand Est soit correctement desservi et que les interconnexions soient prises en compte. Et l’interconnexion alsacienne est l’un des éléments de la mise en réseau nationale des TGV. Il ne faut pas opposer un TGV à l’autre.

DNA : Résumons : vous n’annoncez rien sur le TGV aujourd’hui, mais vous êtes optimiste ?

Catherine Trautmann : Résolument    optimiste. Après avoir constaté avec surprise, cet été, que les moyens pour réaliser dans les délais la première tranche du TGV-Est européen n’étaient pas disponibles, tout le monde s’est mis au travail pour que cet engagement soit tenu.

DNA : DHL un an après. Aucun regret sur la décision prise à l’époque ?

Catherine Trautmann : Cette décision prise, pas seulement par moi d’ailleurs, dans un contexte de crise, garantit le développement souhaitable des activités de l’aéroport dans des conditions de respect de l’environnement. Aujourd’hui, le débat est dépassionné. Il a provoqué en France l’incompréhension ou, au contraire, l’approbation. Nous avons vécu en direct l’insuffisance de la réglementation dans ce type d’activités. Les pouvoirs publics et l’opinion ont été alertés. Vu la croissance forte du nombre de passagers, il ne semble pas que le développement de l’aéroport ait été durablement pénalisé. Il y a eu un questionnement, peut-être un effet d’image, mais ils n’ont pas du tout été handicapants.

DNA : Vous sentez-vous investie d’une mission de défense du Bioscope, face à votre collègue Martine Aubry qui défend, elle, le projet lillois ?

Catherine Trautmann : Bien évidemment, ce dossier m’importe. Je souhaite que le meilleur site puisse être choisi et que le Bioscope soit porté et défendu collectivement, ce qui facilitera la tâche de la ministre alsacienne dans le Gouvernement. Je souhaite que ce projet, pensé, soutenu, conçu, financé par des contributions publiques, mais dont le développement associe des partenaires privés et publics, se réalise dans notre région. Nous avons énormément d’arguments pour le plaider. Cette très belle idée doit entrer dans une stratégie d’exploitation de nos richesses et de nos atouts, et en même temps de développement. Il faut que les différents interlocuteurs travaillent ensemble à faire avancer le projet.

DNA : Combien comptez-vous créer d’« emplois Aubry » dans la culture ?

Catherine Trautmann : Entre 10 000 et 15 000. Nous avons la volonté de répondre à des besoins exprimés sur le terrain. Ma première priorité étant celle de l’accès de tous à la culture, il est important de pouvoir bénéficier d’un effort de mobilisation et de partenariat entre des collectivités et des associations, notamment les associations d’éducation populaire. Nous avons demandé aux DRAC (directions régionales de l’action culturelle) de faire des propositions sur ce qui est faisable sur tout le territoire. Nous allons aussi profiter de ce plan pour répondre à des besoins de développement culturel dans le monde rural. Nous souhaitons revoir avec les collectivités les modes de contractualisation pour équilibrer les participations et inscrire les projets dans la durée, ce qui n’était guère possible avec les aléas budgétaires de ces derniers temps.

DNA : Si vous étiez toujours maire de Strasbourg, vous émettriez sans doute des craintes sur la sortie du dispositif, dans cinq ans. Les emplois-jeunes ne seront-ils pas trop lourds à porter par les collectivités ?

Catherine Trautmann : Chacun sait qu’on dispose de cinq ans pour solvabiliser ces emplois. Ce sera d’ailleurs un des critères retenus par les préfets dans la sélection des projets. On fera un premier bilan d’étape à la fin de l’année prochaine.

DNA : Vous êtes bien installée dans votre fonction ministérielle ? Vous ne regrettez pas d’avoir quitté Strasbourg ?

Catherine Trautmann : Je ne regrette pas d’appliquer l’engagement, pris pendant la campagne électorale, d’exercer une fonction ministérielle en ayant toute la disponibilité pour le faire. Je ne me désintéresse pas de Strasbourg. Je reste conseillère municipale et communautaire, mais je ne suis pas celle qui tire les ficelles derrière mon collègue Ries et mon équipe. Je leur ai toujours fait pleinement confiance et ça, je crois que c’est très important en politique. Cela démontre qu’on n’est pas propriétaire du pouvoir, qu’on ne peut réussir que par un travail d’équipe, en étant prêt à assumer l’intégralité de ses responsabilités. Pour moi, il n’y a pas de séparation avec les Strasbourgeois. Je peux faire profiter mon équipe de mon expérience de maire. La compétence et le savoir-faire acquis au ministère s’ajoutent à cette expérience, et ce sera au bénéfice de la collectivité à laquelle je suis attachée.

DNA : Le directeur du festival de photojournalisme de Perpignan juge les politiques hypocrites dans leur condamnation des paparazzi, et notamment vous qui avez, dit-il, « expliqué dans VSD comment vous faites des tartes pour votre mari »…

Catherine Trautmann : Je ne me sens pas hypocrite. Je n’ai pas honte de faire de la tarte et j’accepte que les gens souhaitent connaître les personnages publics autrement que dans la vie officielle. Je ne suis pas différente dans la vie privée que dans la vie publique, mais j’ai toujours préservé mes enfants, ma vie familiale est extrêmement discrète. Ce que les politiques essaient de faire, c’est d’être digne de la fonction qu’ils exercent, de savoir séparer ce qui est public et privé dans leur manière de vivre. La responsabilité de ceux qui collectent l’information et la transmettent et celle des personnages publics qui sont en contact avec la presse, est de faire leur travail, chacun dans le respect de l’autre. C’est pourquoi j’ai employé l’expression de code de bonne conduite.