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Au plus fort de la Renaissance, Léonard de Vinci a offert à ses contemporains le spectacle d’un artiste bousculant les frontières de la création ; peintre adulé et toujours célébré ; sculpteur méconnu mais talentueux ; architecte des projets les plus extraordinaires ; ingénieur et inventeur de machines futuristes. Mais aussi intellectuel passionné et ouvert à toutes les spéculations philosophiques.
A n’en pas douter, Léonard surgissant dans notre monde après un sommeil de plusieurs siècles se précipiterait sur le réseau des réseaux, coloniserait Internet au profit des véritables créateurs, s’emparerait de tous les sites pour les métamorphoses et deviendrait webmaster universel.
Ce n’est sans doute pas par hasard si le pape de l’informatique, Bill Gates, a acquis il y a près de deux ans le plus célèbre des Codex de Léonard.
Le patron de Microsoft a reconnu, en sus du coup publicitaire symbolisé par cet achat de plusieurs millions de dollars, dans le génie du sage du Clos-Lucé le grand ancêtre des artistes du multimédia.
Au-delà de ce clin d’œil historique, force est de constater l’ouverture de plus en plus puissante et durable d’Internet en direction de l’art ; arts plastiques, bande dessinée, musique, archéologie, architecture…
Comment un créateur attentif aux mutations esthétiques, passionné par les révolutions technologiques et impatient devant le bouillonnement des idées pourrait-il rester encore longtemps en dehors de la toile tissée par le réseau mondial d’informations ?
Happés par ce dynamisme électronique soulevés par l’invention, motivés par la tentation et la curiosité intellectuelle, les artistes, connus ou en devenir sont de plus en plus nombreux à investir ce champ de connaissances et de loisirs.
Comment un artiste, toujours avide d’expérience, ne se lancerait-il pas dans ce formidable pari des nouvelles technologies. Pari d’ouverture vers l’autres, de recherche et de construction d’une autre voie.
Devant nous et plus encore devant nos enfants, un monde en pleine mutation apparaît. Internet, cet instrument d’échange d’essence libertaire permet le développement de nouvelles œuvres d’art, agrégat esthétique puisé dans les imaginaires les plus débridés.
La transmission de l’art et de la culture est également au cœur de ce nouveau dispositif : 140 millions de spectateurs, dont 30 millions en Europe et 3 millions dans notre pays, comme autant de visiteurs et d’aventuriers.
Cette interactivité a aussi bousculé les pratiques de consommation culturelle. Le « do it yourself » entraîne avec lui des modifications importantes des « règles artistiques », d’accès aux « beaux-arts ». Les expérimentations d’un Fred Forest illustrent à merveille le propos d’un art virtuel.
La machine bouleverse l’écriture et à sa suite l’image et le son. Les pionniers de la musique techno relèvent le défi depuis longtemps. Dans ce schéma d’innovation, les espaces créés, les territoires conquis pacifiquement poussent au partage, sans limite temporelle ou géographique.
Les rappeurs à l’instar d’IAM s’engagent dans cette aventure. Ils cherchent un lieu pour s’unir à la grande famille de leurs admirateurs en leur offrant l’hospitalité sur une autre planète. Des clans, des tribus naissent.
Il appartient maintenant aux décideurs publics de protéger les droits d’auteurs et de combler les vides juridiques, propices à toutes les dérives. Favoriser la création c’est aussi offrir un cadre où le droit défend les libertés.
Internet n’est pas l’ennemi de l’intuition, du plaisir et du savoir. Un quelconque recul de la culture classique n’est pas à craindre. La victoire des émotions alliée à la vitesse, dans ce « village global » dans lequel nous vivons, de gré mais aussi parfois de force, sera au rendez-vous.