Texte intégral
Date : Mercredi 27 août 1997
Source : RTL
RTL : Pourquoi, alors que le PS aime les symboles, ce refus du gouvernement de ne pas utiliser le terme d’abrogation ?
F. Hollande : D’abord parce que, nous, on respecte nos engagements. C’est le principe qu’on s’est fixé. Quels étaient nos engagements ? Quels sont nos engagements aujourd’hui ? C’est de rétablir le droit du sol. Ce sera fait. C’est-à-dire, le droit à la nationalité française pour ceux qui sont nés en France et qui y ont résidé un certain nombre d’années avant leur majorité. Deuxièmement, on avait toujours demandé on demande encore le droit pour beaucoup d’immigrés qui sont en situation régulière à une vie familiale normale, c’est-à-dire, de pouvoir avoir femme et enfants avec eux : ce sera fait. Troisièmement, on avait demandé on demande toujours et le Gouvernement en est d’accord qu’il y ait une réforme du droit d’asile conforme à notre tradition républicaine. Mais en même temps, on a toujours dit avant la campagne on l’a dit après, et le Gouvernement le marque aujourd’hui qu’on était aussi pour la lutte contre l’immigration clandestine, et que même si on régularisait un certain nombre de sans-papiers je crois qu’il ne faut pas l’oublier : avec des critères très précis qui tiennent compte d’ailleurs de ceux que je viens d’évoquer sur l’asile et sur le regroupement familial en même temps, on ne voulait pas qu’il y ait de nouveaux courants migratoires à un moment où chacun connaît la situation du chômage. Et donc, il ne pouvait y avoir d’immigration clandestine qui est souvent faite d’ailleurs à travers des filières d’employeurs clandestins qui doivent être durement réprimés. Voilà, c’était la position avant, c’est la position après. Alors maintenant, il y a les mots.
RTL : Il y a les mots ! Parce que vous dites : on respecte les engagements. Le mot « abrogation » n’a pas été utilisé ?
F. Hollande : On a toujours dit : on remplacera les lois Pasqua-Méhaignerie qu’il ne faut jamais oublier puisque c’est sur la nationalité , et Debré. Cela va être remplacé. On dit : une nouvelle législation, il y aura une nouvelle législation. On a dit, vous avez dit, « abrogation. » Eh bien moi, je dis : on abrogera toutes les dispositions de l’ordonnance de 1945 sur l’immigration qui sont contraires à nos principes, c’est-à-dire, aux principes de la République et aux droits des personnes. Voilà, ce que l’on doit dire. Mais quand on dit « abrogation », c’est dire que c’est supprimé ; mais il faut les remplacer par d’autres dispositions et ces dispositions s’inspirent des principes que je viens d’évoquer. À la fois des principes qui doivent traduire ce qu’est notre conception de la République tradition d’accueil mais en même temps, il doit y avoir une effectivité de la loi républicaine. C’est-à-dire que, pour ceux qui ne sont pas en situation régulière, ils ne doivent pas être sur notre territoire.
RTL : Crise de confiance dans la majorité disent certains chez les Verts.
F. Hollande : Peut-être chez les Verts, je ne sais, je ne connais pas leur situation. Mais dans la majorité, au PS, on sera tout à fait conforme à nos engagements. Et à partir de là, il n’y aura pas d’états d’âme. D’ailleurs, je vous ferai observer qu’on est pour l’instant à un avant-projet de loi c’est-à-dire qu’il n’y a pas encore de projet de loi il n’y a pas tous les projets de loi puisqu’il n’y a pas encore celui sur la nationalité et sur le droit d’asile ; et c’est en fonction, en plus, du débat parlementaire qu’on sera en mesure de savoir ce qui a été respecté et ce qui ne l’a pas été. Et au PS, on fera tout pour ce qui a été dit dans la campagne soit fait après la campagne.
RTL : J.-L. Debré, l’ancien ministre de l’intérieur, déclarait hier : le PS considère que les législations de 1993 et 1997 sont bonnes pour notre pays, avec la non-abrogation.
F. Hollande : J.-L. Debré croit encore que ces lois vont pouvoir passer au travers de notre intervention. Je ne veux pas lui faire de la peine parce que ce n’est pas mon souci, ni lui faire plaisir. Je pense qu’on fera à peu près le contraire de ce qu’avait fait Debré. Debré avait fait des lois qui étaient tatillonnes, paperassières, méprisantes à l’égard des droits des gens, et inefficaces. On fera exactement le contraire. On fera des lois efficaces contre l’immigration clandestine et qui éviteront toutes tracasseries pour ceux qui sont régulièrement sur notre territoire. On verra quelle sera l’attitude de M. Debré à l’Assemblée nationale.
RTL : L’aménagement du temps de travail autre dossier prioritaire , M. Aubry dément l’existence d’une note publiée, hier, à la une du Monde et qui recommandait au gouvernement les 35 heures à partir du 1er juillet 2000. Cela veut dire que le projet est abandonné ?
F. Hollande : Cela veut dire que l’on est dans une période où l’on est en train de définir nos textes. On parlait, tout à l’heure, de l’avant-projet sur l’immigration. Maintenant, on parle de l’avant-projet sur la réduction de temps de travail. C’est normal, on est dans cette phase d’élaboration. Et puis, il va y avoir cette conférence sur la réduction du temps de travail. Quelles est notre position et quelle est celle du gouvernement ? Nous sommes pour le passage aux 35 heures dans un délai raisonnable. Ce sera l’objet de la négociation. Nous le sommes sans perte de salaire, nous le sommes avec des procédures d’accompagnement qui devront être définies dans la négociation, et nous le sommes surtout pour qu’il y ait des créations d’emplois. Ce seront nos seuls objectifs dans la période qui vient. Pour autant, attendons, ne soyons pas trop pressés. Il y a des calendriers et dans un mois, nous en saurons davantage. En tout cas, ce seront les principes de l’action du gouvernement.
RTL : Qu’est-ce que vous répondez à J. Lang qui dit : « le FN doit se lécher les babines après le refus du PS de changer les modalités du scrutin régional », prévu pour mars prochain ?
F. Hollande : Moi, je crois que si on avait pu changer le mode de scrutin, cela aurait été plutôt une bonne chose parce que le scrutin pour les régionales ne permet pas d’avoir des majorités stables dans les instances concernées, et que dans ces conditions, il valait mieux avoir un mode de scrutin plus favorable pour ces stabilités. Cela n’a pas été possible parce que la droite ne l’a pas voulu et que nos partenaires ne le souhaitaient pas non plus. Alors, nous avons été obligés d’en faire le constat. Maintenant, J. Lang le regrette nous aussi. Je ne suis pas sûr qu’il faille parler des babines du FN pour autant. Ce qui compte, c’est que les électeurs ne donnent pas trop de voix. Nous ferons tout pour qu’il en soit ainsi au FN aujourd’hui. C’est cela qui doit être notre seul objectif.
RTL : L. Jospin ira demain à Bonn pour rencontrer H. Kohl : les 3 % ?
F. Hollande : Les 3 %, vous savez, cela fait partie du Traité de Maastricht et c’est déjà vieux. Aujourd’hui, cela ne nous pose pas un problème insurmontable ces 3 % peut-être un peu plus aux Allemands, mais cela, c’est leur affaire. Non, on va parler de tout ce qui fait la construction européenne, c’est-à-dire, aussi la relance de l’Europe politique. Car, on ne peut pas simplement se satisfaire d’une union monétaire, d’un élargissement qui soit sans approfondissement des institutions européennes et d’une Europe politique, même d’une Europe de la défense qui piétine. Je crois que la volonté de L. Jospin, à travers cette rencontre, c’est de donner un coup d’accélérateur à la construction européenne, et pas simplement la réduire à l’euro.
RTL : Et donc, là on revient à J. Lang : aménager le Traité d’Amsterdam qu’il n’a pas envie de ratifier ?
F. Hollande : Pour l’instant, le texte n’est pas déposé à l’Assemblée nationale et au Sénat. Donc, avant de dire qu’on ne va pas le voter, il faudrait avoir une connaissance exacte de ce traité et qu’il soit effectivement déposé. Donc, ne posons pas des problèmes avant qu’ils ne soient effectifs. Pour le reste, ce qu’il faut et là J. Lang a raison , c’est qu’il y ait des avancées en matière d’Europe politique. C’est-à-dire qu’on ne peut pas se permettre de faire l’union monétaire d’un côté, de faire peut-être l’élargissement de l’autre, et de laisser en chantier l’Europe politique. Qu’est-ce que cela veut dire l’Europe politique ? Cela veut dire d’avoir des majorités qualifiées de pays qui puissent avancer dans des domaines comme l’environnement, comme la sécurité, comme peut-être demain les choix politiques. Il faut qu’on ait une véritable démocratisation des institutions européennes. Cela, c’est un sujet qui mérite, effectivement, qu’on en parle avec nos amis Allemands et aussi qu’on en parle avec les Britanniques, qu’on en parle avec tous les pays qui constituent l’Europe d’aujourd’hui.
Date : Vendredi 29 août 1997
Source : France 3
France 3 : Il y a un double problème pour vous et pour le PS : faire taire les querelles avant le congrès de Brest et puis rassembler derrière le Premier ministre.
F. Hollande : Double problème ! Double solution. Il n’y a pas, pour l’instant, de problèmes entre le Gouvernement et le PS parce que ce que fait le Gouvernement correspond à ce qu’il avait dit avant les élections. Je n’ai pas noté au cours de cette université d’été de hiatus d’écart. Je pense que nous sommes extrêmement attentifs à tout ce qui va se passer. Il y a des rendez-vous importants : l’emploi pour les jeunes cela est pour le mois de septembre et le mois d’octobre et puis, il y a la grande conférence sur la réduction du temps de travail, l’emploi et les salaires et enfin le budget pour 1998. Il y a plus de choses à préparer pour l’avenir que de commentaires à faire sur le passé immédiat parce que ce qui s’est fait jusqu’à présent nous convient plutôt. Quant au PS lui-même, vous savez que c’est un parti de débats ; un parti de réflexions, un parti de propositions et moi, mon rôle, c’est de le garder comme il est, c’est-à-dire aussi vivant, aussi riche, aussi divers et en même temps de le rassembler. Non pas simplement pour soutenir le Gouvernement mais quelques fois en cohérence par rapport au gouvernement, de lui faire des suggestions utiles, celles qu’on entend souvent dans le pays en restant proches de ceux qui nous ont élus.
France 3 : Parlons d’une gauche plus large : comment gérer, aujourd’hui pour vous, les impatiences du PC d’un côté et parfois la grogne des Verts aussi de l’autre, sur les dossiers de rentrée, qu’il s’agisse de l’emploi, des 35 heures ou encore de la politique d’immigration.
F. Hollande : Je crois que si on a réussi dans la campagne électorale, puis ensuite tout de suite après, c’est parce que la gauche a été à la fois rassemblée et en même temps plurielle. Il y a des différences entre nous, il y a des socialistes qui sont majoritaires, mais il y aussi des communistes, des Verts.
France 3 : Ils disent que vous ne tenez pas vos promesses électorales. Je pense, par exemple, à la politique sur l’immigration.
F. Hollande : Alors, à ce moment-là, il faut faire une explication et regarder point par point, notamment dans ce texte de J.-P. Chevènement qui sera complété bientôt par d’autres textes, notamment par Mme Guigou sur le droit du sol, regarder ce qui est prévu. Et quand on fait ce travail d’observation, on constate qu’entre ce que nous avions dit avant la campagne électorale c’est-à-dire, des principes très clairs pour faciliter la vie des immigrés régulièrement sur notre territoire et pour essayer de régulariser ceux qui ont été jetés dans la clandestinité par les lois Pasqua et en même temps avoir une immigration maîtrisée, c’est-à-dire, ne pas régulariser tous les sans-papiers ce n’est pas possible ni accueillir une immigration économique – car, nous ne le pouvons pas ; je crois que les principes du gouvernement correspondent parfaitement, avec des nuances de vocabulaire qu’il faut peut-être rectifier, et aussi les améliorations du texte qui répondent à ce que nous avions dit dans la campagne électorale et aux Français. Nous ne changeons pas et si nous devons faire les ajustements, c’est par rapport à une réalité et pas par rapport à des opportunismes ou des opportunités.
Il n’y a pas de surprise sur le réalisme de la rentrée aujourd’hui par rapport à la campagne ?
F. Hollande : Non, je crois qu’il n’y a pas de surprise, pas de mauvaise surprise. Il y a une réalité qui est ce qu’elle est et notre souci ce n’est pas simplement d’être les notaires de nos engagements électoraux même si on veut les respecter, c’est de réussir. Par exemple en matière de chômage, l’objectif est de le diminuer. Ce n’est pas tellement de savoir si on va utiliser tous les moyens qu’on avait prévus. On en utilise beaucoup : l’emploi pour les jeunes, la réduction du temps de travail. Ce qu’il faut, et le premier chiffre qui a été publié aujourd’hui, même s’il est encore très provisoire, nous permet de penser que c’est cet objectif-là, uniquement, qui sera jugé par les Français.