Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les grandes orientations du Gouvernement en matière d'aides à l'agriculture, la loi d'orientation agricole, et la position française face à la réforme de la politique agricole commune proposée par la Commission européenne, Paris le 3 septembre 1997.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil national de la FNSEA, le 3 septembre 1997

Texte intégral

Mesdames le Présidentes, messieurs les Présidents,
Mesdames, messieurs,

J’ai plaisir à être parmi vous aujourd’hui pour évoquer les grands sujets de l’actualité agricole qui nous occuperont pendant les mois à venir. Je vous propose de le faire dans un ordre de présentation très simple, qui correspond à la proximité dans le temps avec laquelle ces questions se présenteront à nous.

1. Je commencerai par évoquer ce qu’il est convenu d’appeler le plan de régionalisation des aides céréalières et la modification que j’envisage de mettre en œuvre dans ce domaine.

Dès son installation, le Premier Ministre a fixé comme priorité à l’action gouvernementale dans le secteur agricole la recherche d’une plus grande équité dans la répartition des aides publiques.

J’ai eu moi-même l’occasion d’intervenir à de nombreuses reprises sur ce sujet depuis ma prise de fonction, et notamment devant le congrès du Syndicat des producteurs de blé, l’AGPB. Je sais par ailleurs que cette question est débattue au sein des organisations professionnelles agricoles, et notamment au sein de votre Fédération.

J’ai demandé aux services de mon ministère d’étudier les modalités techniques permettant de répondre à cet objectif. Ces modalités ont d’ailleurs été débattues avec les spécialistes des organisations professionnelles nationales et régionales le plus concernées.

Il apparaît que la solution la plus équilibrée consisterait à adapter le plan de régionalisation des aides aux grandes cultures mis en œuvre depuis 1992. Ces ajustements porteraient sur deux aspects :

- l’adoption d’un rendement de référence unique pour les céréales, à l’exception d’une « base maïs » maintenue,
- la suppression de la distinction entre les cultures sèches et irriguées.

Selon les simulations réalisées sur ces bases, il serait possible de redistribuer environ 1,3 milliard de francs sur 33 milliards versés au total. Cette redistribution profiterait essentiellement aux zones dites intermédiaires et aux départements les plus fragiles.

Je rappelle qu’actuellement le montant de l’aide varie de 1 000 F à 3 600 F par hectare.

Cet effort de redistribution se traduirait par une augmentation de l’aide moyenne dans plus de soixante-quinze départements français. Il conforterait la situation des départements de la zone intermédiaire et des régions défavorisées.

Plus juste, favorable au maintien d’une agriculture vivante sur tout le territoire, plus simple à gérer, le dispositif que je vous propose me paraît répondre à l’attente de la majorité des agriculteurs.

Je n’ignore pas que la suppression de la surprime à l’irrigation proposée peut poser des problèmes aux exploitations qui ont développé les cultures irriguées. Cependant le maintien d’une base spécifique pour les surfaces emblavées en maïs permettra d’y répondre en grande partie.

Je dois également vous indiquer que les surfaces irriguées en France ont plus que doublé depuis 1992, passant de 430 000 hectares environ à 900 000. Ce développement n’aurait pas eu lieu en l’absence d’un niveau spécifique de compensation attribué aux cultures irriguées. Il me paraît difficile d’envisager le maintien d’un développement des cultures irriguées à ce rythme, alors que la bonne gestion des ressources en eau est devenue une préoccupation majeure de l’opinion et des pouvoirs publics.

Par ailleurs, même si je sais que ce raisonnement n’est pas toujours accepté, il me semblerait légitime de verser un niveau de compensation spécifique aux agriculteurs engagés dans les cultures irriguées en 1992, et de ne pas leur faire subir sans compensation le changement des règles du jeu intervenu à cette époque. La situation aujourd’hui s’est modifiée, et les agriculteurs devraient être en mesure de tirer du produit de leur exploitation l’amortissement économique des investissements consentis pour l’irrigation.

Je poursuivrai la concertation sur ce dossier avec la volonté d’aboutir avant la fin du mois de septembre.

2. Les orientations que je viens de vous présenter concernant la modification des règles de versement des aides directes aux agriculteurs ne sont pas sans lien avec la seconde question que je souhaitais aborder avec vous aujourd’hui. Il s’agit de la préparation de la future loi d’orientation agricole.

J’adresse ce jour au Président Guyau, ainsi qu’aux responsables d’un certain nombre d’autres organisations syndicales, un document présentant les orientations qui me semblent devoir être retenues dans le cadre de cette loi d’orientation. Ce document servira de référence dans le cadre de la concertation que j’engage maintenant avec l’ensemble des partenaires concernés.

L’agriculture française est devenue en quelques décennies la première agriculture d’Europe, et la France un des principaux pays exportateurs de produits agro-alimentaires au monde. Cela n’a été possible que grâce aux efforts d’adaptation et de modernisation réalisés par les agriculteurs, en premier lieu, et par les industries agro-alimentaires en second lieu.

Ce succès mérite d’être salué. Pour que ces acquis soient confortés, le monde agricole doit répondre à un certain nombre de défis qui sont autant de questions.

En premier lieu, celles qui naissent de la poursuite ininterrompue du mouvement de concentration des exploitations et d’accentuation des déséquilibres territoriaux.

Ensuite l’apparition d’une certaine crise de légitimité de l’agriculture due aux problèmes sanitaires, je pense à la maladie de la vache folle, et également au fait qu’agriculture et protection de l’environnement, ne font plus toujours bon ménage.

L’agriculture est également confrontée à la nécessité de s’adapter à une demande de plus en plus stratifiée, multiforme et contradictoire. Dans le même temps on lui demande de fournir des produits de plus en plus standardisés pour l’industrie, et des produits de plus en plus individualisés et caractérisés, pour répondre à la demande d’une partie des consommateurs, capables de consacrer à leurs dépenses alimentaires des moyens relativement importants.

Autre défi à relever, celui de concilier le développement de l’accès de nos produits aux marchés tiers, et le maintien des positions acquises par nos producteurs sur le marché européen dans une situation où nos prix intérieurs restent supérieurs à ceux du marché mondial.

Enfin la loi d’orientation devra donner une réponse au problème du statut des agricultures qui sont en permanence tiraillés entre la volonté de banaliser ce statut, et celle d’affirmer un modèle d’exploitation, spécifique à l’agriculture.

La loi d’orientation ne répondra pas à toutes les questions qui se pose le monde agricole. Elle doit se concentrer sur ce qui reste de la compétence du législateur français, en acceptant qu’une partie de problèmes est traitée à Bruxelles et non plus à Paris.

La future loi d’orientation agricole doit à mes yeux être bâtie autour des objectifs suivants :

- replacer le territoire au cœur de la politique agricole ;
- promouvoir le développement durable de l’agriculture ;
- favoriser la diversité des modes de développement des exploitations ;
- restaurer les liens entre l’agriculteur et le produit qu’il élabore ;
- ouvrir le monde agricole sur la société.

Je voudrais ici revenir de façon un peu plus détaillée sur certains des objectifs que je viens de citer devant vous. En premier lieu la lutte contre les déséquilibres territoriaux.

a) La politique agricole commune et ses organisations de marché n’ont pas d’objectifs territoriaux, elles ne visent qu’à l’organisation des marchés.

Pour permettre à l’agriculture de jouer son rôle sur tout le territoire, il faut concentrer les politiques nationales sur les zones les moins productives et les exploitations les plus fragiles.

Cela signifie qu’il faut reprendre de fond en comble notre politique spécifique en faveur de la montagne et des zones défavorisées. Un certain nombre d’aides existent d’ores et déjà, mais cela ne suffit pas. Il faut créer le cadre permettant de mobiliser au bénéfice de ces régions un ensemble cohérent de moyens publics afin d’assurer la survie de l’agriculture.

Mais une politique en faveur de la montagne et des zones défavorisées ne peut pas se réduire à des transferts d’argent public. Elle doit favorise le développement de cultures adaptées à un milieu naturel donné, et non pas encourager la « culture du handicap », financée durablement par de subventions.

Il peut s’avérer nécessaire également d’apporter dans de telles zones des aménagements aux règles de fonctionnement des organisations communes de marché, je pense notamment au régime des quotas laitiers et à la production de fromages d’appellation d’origine contrôlée.

Favorise la lutte contre les déséquilibres territoriaux c’est bien sûr penser aux zones défavorisées, mais c’est aussi prendre en compte la fragilité des zones baptisées souvent intermédiaires. Celle-ci ne bénéficient pas d’indemnités compensatoires de handicap naturel. Elles sont pourtant fragiles, spécialisées sur les grandes cultures, sans bénéficier d’avantages comparatifs particuliers. Ces régions sont à la merci de toute modification des réglementations communautaires.

Les Pouvoirs publics doivent encourager dans ces zones intermédiaires la réorientation des exploitations qui souhaitent passer d’un modèle productiviste de développement à un autre type d’agriculture au travers de de contrats de développement durable liant les Pouvoirs publics et les exploitations agricoles qui souhaitent s’engager dans ces démarches.

b) Lutter contre les déséquilibres territoriaux c’est aussi décourager la concentration excessive des exploitations.

Plutôt que de faire de grandes déclarations sur le nombre d’agriculteurs qui doit être maintenu dans les campagnes, il me semble que la loi d’orientation doit améliorer et moderniser le fonctionnement des organismes chargés du contrôle des structures, et de promouvoir une politique d’installation soucieuse de l’emploi.

Mon objectif n’est pas d’interdire tout agrandissement d’exploitation ou d’affirmer la supériorité d’une forme d’exploitation sur une autre. Il est de fournir une vision exacte de l’évolution de la situation dans les départements, et de permettre l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique agricole par l’ensemble des partenaires concernés dans les départements. Naturellement les dispositions nouvelles qui seront prises viseront à permettre qu’un contrôle équivalent puise être exercé sur les personnes physiques comme sur les sociétés.

Il me semble que les institutions chargées du contrôle des structures gagneraient beaucoup à s’ouvrir sur d’autres partenaires, et à ne pas rester des structures strictement agricoles. Le fonctionnement des commissions départements doit être totalement transparent et démocratique. Je pense également que nous devrions chercher à rapprocher ces institutions des agriculteurs par exemple en permettant aux commissions départementales de s’appuyer sur des correspondants cantonaux élus, chargés de rechercher des candidats à l’installation et de les informer sur les opportunités d’installation existantes. La publicité des libérations doit être assurée pour que chacun ait connaissance des décisions prises et des raisons qui les justifient.

c) Mais le contrôle des structures aussi rigoureux soit-il ne suffira pas à assurer la présence de l’agriculture sur l’ensemble du territoire. Nous n’y parviendrons que si nous affirmons qu’il existe au moins deux types d’exploitation agricoles, les unes se consacrent à la production en masse de matière première pour les industries agro-alimentaires et pour les industries chimiques, les autres orientées vers l’élaboration de produits finis vendus à un prix plus élevé soit à des distributeurs soit au consommateur final, et si nous permettons aux secondes de se développer.

L’une des tâches fondamentales que je m’assigne est de restaurer le lien qui doit unir les agriculteurs avec les produits qu’ils élaborent et les terroirs sur lesquels ils travaillent.

Cette orientation suppose que nous mettions en œuvre une gestion rigoureuse des signes de qualité. La spécificité des appellations d’origine contrôlée doit être préservée face au foisonnement des autres signes d’identification des produits. L’appellation d’origine contrôlée est en effet le seul moyen de lier durablement un produit à un terroir. C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire de maintenir dans sa spécificité actuelle l’institut national des appellations d’origine.

L’utilisation des autres signes d’identité des produits devrait faire l’objet d’une clarification pour éviter la concurrence entre les indications géographiques de provenance et les A.O.C.

Parallèlement les démarches interprofessionnelles permettant la traçabilité du produit du producteur au consommateur doivent être encouragées.

d) Les contrats de développement durable entre l’État et les agriculteurs doivent encourager la reconversion des exploitations qui le désirent, de la production de masse à une production identifiée et distribuée de façon spécifique, ou un mode de production différent intégrant des pratiques agronomiques respectueuses de l’environnement. Ces contrats de développement durable doivent pouvoir bénéficier de l’essentiel des concours nationaux à l’agriculture si l’on veut qu’ils aient un impact. Ils pourraient se substituer en grande partie aux actions conduites par les Offices dans le cadre des contrats de plan notamment.

e) La garantie de la qualité sanitaire des produits alimentaires sera bien entendu une des priorités de mon ministère. Vous avez pu prendre connaissance des arbitrages rendus après un débat interministériel difficile au sujet de la future agence des produits alimentaires. La loi portant création de cette agence devrait être adoptée avant la fin de l’année 1997. Elle sera un outil essentiel dans la politique de qualité sanitaire à laquelle je suis attaché.

Au-delà de cela la loi d’orientation agricole pourrait être l’occasion de définir la position française vis-à-vis des organismes génétiquement modifiés. Elle pourrait notamment préciser les procédures d’autorisation d’importation et de mise en culture s’il apparaissait que les règles actuelles ne suffisent pas.

f) La place des hommes et le statut des exploitations constituent bien sûr une pièce fondamentale de la future loi d’orientation. Je précise que dans mon esprit cela ne signifie pas que la loi d’orientation comporterait des dispositions fiscales. Bien au contraire je souhaite traiter les questions fiscales de façon distincte, afin de ne pas bloquer la discussion du projet de loi d’orientation pour des motifs qui lui seraient étrangers. En revanche la loi pourrait contenir des dispositions portant création de la notion de fonds exploité en matière agricole.

Quant aux disposions relatives aux statuts des personnes contenues dans le projet de loi d’orientation antérieur ; elles pourraient être reprise sous bénéfice d’analyse et d’inventaire.

g) La place des personnes, leur capacité à développer des exploitations viables, dépendra de plus en plus de leur niveau de formation et de leur capacité à s’approprier les fruits de la recherche.

De ce point de vue, il me semble que les défis auxquels l’agriculture sera confrontée justifient un effort de « vulgarisation » aussi important que celui qui était entrepris dans les années soixante. Il ne s’agit plus aujourd’hui d’expliquer aux agriculteurs comment produire plus mais, comment produire à moindre coût économique et environnemental, en suivant des itinéraires techniques différents. Cette démarche ne peut pas être confiée aux organismes d’aval, quel qu’en soit le statut, car ils sont enfermés dans leurs propres contraintes et leur propre logique. L’agriculture a besoin de chercheurs et de techniciens de terrain proches des agriculteurs, et formés à cette nouvelle approche.

La loi d’orientation agricole que je vous propose assurera le développement équilibré et durable de l’agriculture et des industries de transformation des produits agricoles, dans un environnement institutionnel renouvelé et démocratisé. Cette tâche n’est pas moins exaltante que la modernisation de l’agriculture entreprise au début des années 1960 dans le but de lui permettre de produire plus pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Elle est à beaucoup d’égards plus difficile à accomplir, dans la mesure où des objectifs qualitatifs et des dispositions spécifiques à chaque situation doivent se substituer à des objectifs quantitatifs qui se prêtaient mieux à de mesures d’application générale. Mais c’est précisément le défi que nous devons relever que de répondre par des méthodes nouvelles à ces questions nouvelles.

3. Le dernier sujet que je souhaitais évoquer avec vous c’est la réforme de la politique agricole commune envisagée par la Commission. C’est à la lumière du projet que je viens de vous présenter pour l’agriculture française que je réagis aux propositions de la Commission.

J’ai bien entendu que le Président Guyau a dit à ce sujet et je partage un grand nombre des critiques et des interrogations qu’il vous a présentées. J’ai déjà eu l’occasion d’en faire part à mes collègues Ministres de l’Agriculture européens et à la Commission.

Je voudrais d’abord souligner les difficultés tactiques qui sont liées à cette négociation. Il s’agit d’un « paquet ». Le document « agenda 2000 » traite en réalité de trois sujets différents : le budget de l’Union européenne pour la période allant de l’an 2000 à l’an 2005, l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe centrale, la réforme de la politique agricole commune. Les différentes formations du Conseil des Ministres à l’échelon européens : les Ministres de l’Économie et des Finances, ceux des Affaires étrangères, ceux de l’Agriculture, vont travailler parallèlement. Les risques de marchandage, voire les tentatives d’empiétement de compétences d’une formation d’un Conseil des Ministres sur une autre sont bien sûr plus importantes que si nous avions à discuter d’un projet ne traitant que de la réforme de la politique agricole commune.

Je serai particulièrement vigilant sur cet aspect des choses, et je ferai tout ce qui est possible de faire que la réforme de la politique agricole commune reste l’affaire des ministres de l’Agriculture.

La Commission prétend, avec ce projet, régler deux séries de problèmes de nature différente. Ceux qui sont liés aux négociations internationales entre l’Union européenne et ses partenaires, je veux parler de négociations dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce qui permettront l’élargissement de l’Union européenne d’une part. D’autre part, des problèmes internes que pourrait rencontrer la politique agricole commune faute de réforme à échéance de quelques années.

S’agissant des négociations internationales, parlons tout d’abord de l’Organisation Mondiale du Commerce. La démarche de la Commission consiste à dire : « rapprochons les prix communautaires des prix mondiaux et nous pourrons supprimer les restitutions, la protection aux frontières de l’Union européenne, bref la politique agricole commune. Ainsi nous n’aurons plus de difficultés dans le prochain round de négociation de l’Organisation Mondiale du Commerce ».

Je ne peux pas accepter cette démarche pour plusieurs raisons :

- L’alimentation est en enjeu stratégique pour l’Europe. Elle doit maintenir les outils de la défense de ses intérêts dans ce domaine.
- Le projet de la Commission n’est pas cohérent avec les objectifs qu’il s’assigne. En effet, s’il propose de rapprocher le prix intérieur des céréales communautaires du prix mondial. Il ne va pas aussi loin pour les autres produits. Cela pour des raisons évidentes, car il est impossible à un horizon prévisible de rapprocher le prix communautaire du lait ou de la viande des prix néo-zélandais, australiens ou autres. Du même coup, il faudra de toute façon maintenir la protection aux frontières de l’Union européenne pour ces produits ainsi que les restitutions si nous voulons continuer à exporter.
- Qui pourrait garantir que les aides directes versées aux agriculteurs dans le cadre de cette politique agricole à nouveau réformée, ne seront pas remises en cause par nos partenaires à l’Organisation Mondiale du Commerce ? Personne naturellement sauf à être capable de faire admettre une vision européenne du découplage.
- Enfin, la Commission ne peut pas trancher à elle seule la question de savoir s’il est préférable de réformer la politique agricole avant de s’engager les négociations à l’OMC ou de procéder à l’inverse C’est une question politique majeur qui doit être traitée par les représentants des gouvernements de l’Union européenne.

Si l’on évoque maintenant la préparation de l’élargissement de l’Union européenne, je suis là aussi très sceptique sur la viabilité du projet de la Commission. Celui-ci propose en effet aux futurs adhérents à l’Union européenne des conditions qu’ils auront sans doute beaucoup de difficultés à accepter. La Commission les exclut par avance des aides au revenu dont bénéficient les agriculteurs des pays déjà membres de l’Union européenne, et leur réserve une part d’ailleurs limitée des aides dites structurelles. Comment peut-on espérer que ces pays acceptent de telles propositions sans demander en échange une ouverture rapide du marché des quinze pays de l’actuelle Union européenne. Or nous savons que les élargissements précédents n’ont été réussis que parce qu’ils ont été progressifs, ménageant de grandes périodes de transition.

J’en viens maintenant à l’examen plus détaillé par secteur du projet de réforme de la PAC.

Je commencerai par les grandes cultures. La Commission propose dans ces domaines d’achever ce qui a été entrepris en 1992. En d’autres termes, elle propose une nouvelle baisse de prix permettant de ramener le prix des céréales communautaires à un niveau équivalent à celui qui est constaté sur les marchés mondiaux.

On peut s’interroger sur l’importance de la baisse prolongée, puisque celle-ci ramènerait semble-t-il le prix du blé européen à un niveau inférieur à celui du prix mondial.  On ne peut pas manquer également de se poser des questions sur la pérennité des aides directes compensatoires versées aux agriculteurs. Je ne parle même pas ici d’éventuelles menaces budgétaires, mais de la façon dont elles seront traitées dans le cadre des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il n’est bien sûr pas question d’accepter une telle orientation sans avoir de garanties précises sur ces différents points.

Il me semble ensuite que la principale objection réside dans le traitement réservé aux oléagineux. La Commission propose pour échapper aux contraintes de « Blair house » d’aligner le régime d’aides aux oléagineux sur celui qui est consenti aux céréales. Nous avons effectivement des chances d’échapper à toute contrainte de surfaces pour la production des oléagineux si cette orientation st maintenue, puisque les agriculteurs arrêteront vraisemblablement de produire du colza ou du tournesol pour produire du blé qui leur assurera une meilleure rémunération. Cette politique n’est pas cohérente avec les intérêts de l’Union européenne, et je m’opposerai à sa mise en œuvre.

S’agissant du secteur de l’élevage, les réactions ont été dans l’ensemble très hostile en France pour des raisons qui sont évidentes. La proposition présentée par la Commission est extrêmement déséquilibrée en ce qui concerne la production de viande bovine. En encourage la production intensive issu du troupeau laitier et pénaliserait gravement la production extensive dans le grand bassin allaitant français. Les conséquences de ce projet apparaissent complètement opposées aux objectifs affirmés par ailleurs par l’Europe. Je veux parler des discours sur une agriculture occupant mieux le territoire et plus respectueuse de l’environnement, orientée sur des pratiques moins intensives de production de produits de plus grande qualité. Cette partie du projet doit donc être revue profondément. J’ai entendu la proposition présentée par le Président Guyau de substituer aux différentes primes à l’élevage bovin qui existe actuellement une prime de base à l’hectare d’herbage. Cette proposition constitue une alternative attrayante et a priori favorable aux intérêts français. J’ai demandé à mes services d’analyser les conditions dans lesquelles une prime de cette nature pourrait être instaurée et ses conséquences pour l’élevage bovin français et européen. Nous aurons bien entendu l’occasion d’en reparler dans le cadre de nos concertations futures.

J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer devant vous et devant toutes vos instances à quel point je désapprouvais l’orientation proposée pour la production laitière. Il ne me paraît pas souhaitable d’ajouter aux quotas de production laitière des quotas de prime à la vache laitière. Sans opposer à l’orientation dogmatique de la Commission consistant à aligner tous les secteurs sur le même régime un autre dogmatisme, je pense qu’il est nécessaire d’examiner des solutions alternatives, dans la continuité du travail de réflexion qui a été entrepris par les professionnels laitiers.

J’aurai l’occasion dans les prochaines semaines, comme je l’ai fait dans la loi d’orientation, de proposer aux organisations syndicales une méthode de concertation nous permettant de travailler efficacement.

C’est à nous de démontrer dans cette affaire notre capacité à élaborer des propositions alternatives. C’est à cette condition que nous parviendrons à infléchir les orientations qui nous sont proposées actuellement. À mous de démontrer que nous en sommes capables. Merci de votre attention.