Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'utilisation des plantes transgéniques (OGM), notamment le maïs, et les aides aux céréales, Paris le 18 septembre 1997 (déclaration lue par M. J.F Collin, directeur de cabinet du ministre).

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Circonstance : Congrès de l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM), Paris le 18 septembre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président,

Vous venez de tracer un panorama très exhaustif des réflexions et propositions de votre association sur la situation de votre secteur, ses atouts et ses faiblesses, ses craintes et ses espoirs.

Je vous remercie de votre franchise et du style direct avec lequel vous m’avez présenté le dossier du maïs.

Vous me permettez avec le même souci de franchise, de répondre, sinon à toutes vos interrogations, du moins à celles qui me paraissent les plus importantes.

J’évoquerai donc successivement la question des OGM, qui touche directement votre produit, la situation conjoncturelle nationale et internationale du maïs, la réforme de la PAC et le paquet Santer, et bien entendu le rééquilibrage des aides et la révision du plan de régionalisation.

Le dossier OGM, je l’ai bien compris, est pour le secteur du maïs un élément clé de son avenir.

Contrairement à bien des idées reçues, vous savez mieux que moi que dans le secteur agro-alimentaire, cela fait déjà une quinzaine d’années qu’a été créé la première plante transgénique par une équipe européenne.

Le génie génétique est une technologie déjà ancienne, et la principale question que nous avons à traiter touche davantage aux mécanismes psychologiques et sociaux des réactions engendrées par le développement de cette technique, qu’aux données strictement scientifique relatives qui s’y rapportent.

La perspective d’une utilisation banalisée de plantes transgéniques est néanmoins un débat de société majeur, vis-à-vis duquel il est illusoire de penser que le secteur agro-alimentaire, ou toute autre industrie, pourrait prétendre avoir raison pour des motifs économiques, contre une opinion publique hostile.

Le fait que cette hostilité ne soit forcément rationnelle ne change rien à la situation.

En France, en 1996, la conjonction entre l’annonce des premiers « aliments transgéniques », et les réactions provoquées par la crise de la vache folle, a déclenché de violentes et durables réactions de groupes de pression, relayées par une inquiétude des consommateurs.

Force est de constater que nous sommes aujourd’hui dans une situation de blocage, qu’il convient de gérer.

Cela passe obligatoirement par une démarche de communication pédagogique, dont l’objectif premier devrait probablement être expliquer le très rigoureux cadre réglementaire de ces OGM, et le processus strict d’évaluation de la sécurité qui est en vigueur.

De ce point de vue, les initiatives de l’AGPM sont intéressantes.

C’est par une transparence complète de l’information donnée, notamment à travers les règles d’étiquetage, que les consommateurs pourront envisager d’accepter la mise sur le marché de ces produits.

Compte tenu de l’ensemble des mesures de précaution qui doivent entourer ce dossier, nous pensons que la loi d’orientation doit proposer un système fiable de biovigilance.

Ce système devra être capable de mettre en évidence tout effet potentiel sur l’écosystème de l’utilisation éventuellement à grande échelle d’OGM.

Ces démarches, entourées de la plus large concertation possible avec tous les partenaires concernés, dont votre association, devraient permettre à terme de répondre à vos préoccupations dans les conditions acceptables par l’opinion publique de ce pays.

Je voudrais évoquer également la conjoncture nationale et internationale dans laquelle se situe aujourd’hui le maïs.

Nous nous accordons pour dire, Monsieur le Président, que le maïs français bénéficie aujourd’hui d’une situation globalement favorable.

La production 1997 sera la plus forte jamais enregistrée en France, comparable à celle du blé tendre l’année dernière.

Il est donc clair que la réforme de la PAC de 1992 n’a nullement pénalisé le développement du maïs. Je m’en réjouis d’autant plus qu’à l’époque, nous nous en souvenons l’un et l’autre, les craintes, dans votre secteur, étaient fortes, vous n’avez pas manquer de nous les transmettre.

Les rendements n’auront jamais été aussi élevés, puisqu’ils se situeront au moins à 85 quintaux/ha.

Concernant les débouchés commerciaux, près de 7 millions de tonnes sont exportées au sein de l’UE, mais l’utilisation en alimentation animale reste limite.

La concurrence du blé sur ce marché est désormais très forte, et durablement constante.

Malgré cette situation concurrentielle, que l’on trouve également dans les débouchés en amidonnerie, les perspectives du marché pour la prochaine campagne sont bonnes : on peut légitimement espérer, compte tenu de rapports de prix de la nouvelle campagne, que la prééminence du maïs dans l’amidonnerie sera confirmée et que, pour l’incorporation animale, une amélioration soit sérieusement possible.

Enfin, la paquet-prix 1997 permettra au maïs de continuer son développement, d’une part du fait de la réduction du gel des terres de 5% au lieu des 17,5% réglementaires, et d’autre part, du fait de l’exemption du gel extraordinaire.

Vous conviendrez avec moi que cette dernière mesure est particulièrement efficace lorsque le taux de dépassement d’une base est important.

J’évoquerai à présent la réforme de la PAC proposée par la Commission dans le cadre du Paquet Santer.

J’aborde enfin l’actualité la plus immédiate, celle du rééquilibrage des aides et de la modification du plan de régionalisation.

Je souhaite M. le Président rappeler le plus clairement possible, comme Louis Le Pensec en vous recevant avec la FNSEA mardi dernier, notre objectif dans ce dossier.

6 ans après la réforme de 1992, il est quasi unanimement admis qu’une plus grande équité doit être impérativement et rapidement recherchée dans la répartition des aides publiques.

Nous nous réjouissons qu’un consensus se soit dégagé pour reconnaître cette nécessité d’évolution, et pour souhaiter que celle-ci soit conduite sans attendre la réforme du paquet Santer.

Nous allons donc mettre en place, comme d’habitude dans la concertation, un nouveau dispositif de répartition. Le groupe de travail que le Ministre a proposé de réunir dès la semaine prochaine permettra notamment de fixer le calendrier traduisant la nécessaire progressivité de cet ajustement.

Afin de permettre à chacun de se préparer à ce nouveau schéma, il a d’ores et déjà été convenu que celui-ci ne s’appliquerait pas pour la campagne 1997-1998 en cours, mais seulement pour la campagne 1998-1999 le 1er juillet prochain.

Cet ajustement se traduira d’abord par une unification progressive de références de rendement céréalier, étant entendu que nous souhaitons préserver une spécificité « maïs », en maintenant pendant cette période une base maïs spécifique.

Je tiens sur ce point à vous confirmer notre attachement au maintien et au développement de cette culture, indispensable à l’équilibre agricole de certaine région et essentiel à l’économie agricole nationale et européenne.

Je vous confirme également notre volonté de maintenir la possibilité d’irriguer, lorsque que cette technique est réellement nécessaire à la compétitivité de l’exploitation, et qu’elle prenne en compte la bonne gestion des ressources en eau.

Mais il me semble désormais nécessaire de bien recadrer précisément les conditions de cette ressource en eau, car vous avez-vous-même souligné combien ce dossier était désormais devenu un véritable problème de société.

Dans ces conditions, et justement parce que nous avons la volonté d’expliquer le bien-fondé d’une irrigation raisonnée, il nous apparaît préférable d’aider au financement des charges qu’elles représentent par le biais des différentes formes de soutien à l’investissement, et non par une surprise annuelle uniforme.

Il n’est pas raisonnable de nier les chiffres : les surfaces irriguées ayant servi de base à la réforme de 1992, c’est-à-dire la moyenne constatée de 1989 à 1991 était de 469 872 HA ; cette année nous allons nous situer à près de 900 000 ha.

Cette évolution n’est plus acceptable, et d’ailleurs si ce taux de programme devait se prolonger, il ne serait plus admis par l’opinion publique, celle-ci risquerait alors de rejeter en bloc le principe même de l’irrigation, ce que nous souhaitons éviter.

Voilà pourquoi nous souhaitons nous engager, à compter de l’année de la campagne 1998-1999, dans une diminution progressive de l’écart entre le niveau d’aides pour les cultures sèches et celui des cultures irriguées.

Là encore, le groupe de travail proposé par le Ministre aura à formuler des propositions.

Je souhaite, M. le Président, que soit utilisé ce délai pour mettre en place ces orientations et cette progressivité de mise en application, pour que nous nous engagions les uns et les autres l’indispensable travail d’explication et de pédagogie.

Il nous paraît plus important sur ces sujets de prendre le temps de convaincre plutôt que d’imposer trop rapidement.

J’ai entendu vos observations, j’ai compris vos craintes.

J’ai aussi compris que nous partagions beaucoup d’objectifs.

Je suis convaincu que nous trouverons ensemble les moyens les mieux appropriés pour aboutir raisonnablement.