Texte intégral
Antenne 2 : 24 janvier 1992
Antenne 2 : La guerre des exclusivités faisait en fait des téléspectateurs des victimes.
F. Bredin : Tout à fait. Ce n'est pas complètement une décision du CSA, c'est un consensus. Et c'est une chose assez rare pour qu'on le remarque. C'est un consensus qui a réuni à la fois les représentants du mouvement sportif et les chaînes de télévision, avec l'aide du CSA. Et l'idée, c'était de mettre fin à la guerre des exclusivités pour permettre à tous ceux qui aiment le sport de le regarder quelle que soit la chaîne qu'ils regardent.
Antenne 2 : Ces principes pourraient-ils avoir force de loi ?
F. Bredin : Je souhaite que l'intervention législative soit aussi minimum que possible puisqu'il y a consensus, puisque l'ensemble des représentants vont signer les propositions qui ont été faites. Je pense qu'il y a engagement moral. On va regarder si les choses s'appliquent bien. Si c'est le cas, on essayera de réduire au maximum l'intervention législative à ce qui est strictement nécessaire.
Antenne 2 : Le problème de l'embargo, notamment à travers l'exemple du record du monde du cent mètre, dont une chaîne cryptée avait acheté les droits, et dont Antenne 2 n'a pu retransmettre des images.
F. Bredin : Tout n'a pas été réglé, c'est une première étape. Je trouve que c'est déjà une étape assez extraordinaire, car ce consensus a été obtenu dans des conditions très rapides et chacun a essayé de faire des efforts de telle manière d'y arriver. Tout n'est pas réglé, vous citez le cas des problèmes de gel des droits, il y a également le problème de la diffusion en clair et en direct, de tous les grands événements majeurs de telle manière à ce que les spectateurs puissent le voir immédiatement. Mais c'est déjà une belle étape.
Antenne 2 : Quand par exemple deux chaînes s'associent pour priver le service public d'un événement comme la Coupe du monde de rugby, vous allez réagir ?
F. Bredin : C'est un peu après cette histoire que j'avais décidé de donner une mission pour aller voir chacun des partenaires et essayer d'édicter ces quelques règles minimum, déontologiques, qui sont nécessaires, parce que le sport et la télévision, chacun de leur côté, ont beaucoup évolué, et l'un et l'autre ont beaucoup besoin l'un de l'autre. Donc il est important d'avoir de bonnes relations. Donc c'est à partir de cela que j'avais lancé cette mission et que nous avions décidé de faire cette table ronde. Mais je le répète, c'est une première étape, il faut continuer.
Antenne 2 : Comment se présentent les Jeux olympiques à 15 jours du coup d'envoi ?
F. Bredin : Franchement, après avoir vérifié à plusieurs reprises, après avoir suivi l'entraînement de beaucoup d'équipes sportives, je crois que les choses se présentent bien. Les équipements sportifs sont prêts, de ce point de vue il n'y a pas de problème, l'organisation est bien réglée. La sélection des sportifs est bonne.
Antenne 2 : Comme battante, que pensez-vous des gens qui, à quelques jours des JO, sont défaitistes ?
F. Bredin : Ils l'étaient, ils le sont moins, à l'issue des derniers résultats qui sont remarquables. Et donc aujourd'hui on reprend confiance, mais c'est un trait très français. Le fait que cela se passe sur le territoire français est important, c'est J.-C. Killy qui le dit, et il en sait quelque chose.
Europe 1 : 28 janvier 1992
Europe 1 : Quel est votre avis sur ce test de féminité ?
F. Bredin : Il faut dissocier deux choses : d'une part le contrôle de féminité qui est non seulement accepté mais souhaité par tous les sportifs, car il assure l'égalité des chances. Donc le contrôle de féminité est fait depuis longtemps. Le problème réside sur les modalités de ce contrôle. Doit-il être clinique, hormonal, génétique ? C'est là que les scientifiques ont pris position contre le seul test génétique dans la mesure où il n'a pas finalité médicale en l'espèce puisqu'il s'agit d'organiser les épreuves sportives.
Europe 1 : Et la confidentialité ?
F. Bredin : Là-dessus, je tiens à m'inscrire en faux. Il y a des exemples dans le passé qui sont totalement inconnus. Il y a un exemple très connu, dans la mesure où la personne l'a fait savoir. Mais il y a d'autres exemples où l'on n'a absolument pas su quel avait été le résultat des tests. Ce que j'ai fait avec B. Durieux, puisque nous avons été saisis par le Comité d'éthique qui évidemment tient le plus grand compte de ces observations, qui sont graves, car elles touchent aux femmes et au sentiment qu'elles ont d'elles-mêmes, il est évident que j'y suis sensible. On a écrit au CIO, en lui transmettant l'avis de ce Comité d'éthique et en insistant sur trois points : d'une part en demandant le libre consentement des athlètes. Il ne peut pas y avoir de contrôle médical de ce type sans consentement des athlètes. Ensuite sur la confidentialité, je sais que c'est arrivé, car je connais des exemples dans le passé. Et la confidentialité a toujours été respectée. Il faut bien sûr y être très attentif. Enfin dans notre lettre, B. Durieux et moi-même expliquons qu'il doit y avoir des tests complémentaires. On ne peut pas se contenter d'un seul test génétique. Tout le monde est d'accord avec cela. Ce serait abusif de le faire.
Europe 1 : Vous souscririez à une formule qui inclurait un test génétique ?
F. Bredin : C'est un élément, mais ça ne peut pas être le seul élément. Se fonder seulement sur le test génétique serait tout à fait limité et donc très insuffisant par rapport aux multiples définitions de la féminité.
Europe 1 : Pourquoi un test pour les femmes et seulement pour elles. Votre point de vue de femme là-dessus ?
F. Bredin : Le problème est le suivant : on peut penser que les hommes ont des performances supérieures aux femmes pour des raisons biologiques. De ce fait, si un homme participe à une compétition sportive avec les femmes, il a un avantage notoire. Du reste il faudrait faire attention à ne pas encourager les parents qui ont des enfants avec des ambiguïtés sexuelles à s'adonner à ce type de compétition sportive. Ce n'est pas l'idée non plus. Il faut être vigilant à ce que chacun concourt dans sa section, homme ou femme.
Europe 1 : Est-ce que le gouvernement, vous, avez un moyen de soumettre ou de contraindre le CIO ?
F. Bredin : J'exprime une opinion qui est celle du gouvernement français. Mais il n'y a pas actuellement en France de loi sur la bioéthique. C'est un problème qui est discuté, car certains scientifiques pensent qu'elle est nécessaire et d'autres qu'elle ne devrait pas exister, chaque cas étant un cas d'espèce. Le gouvernement doit proposer au Parlement une loi sur la bioéthique, bientôt. Ainsi ce type de problème sera soumis aux parlementaires, aux législateurs, pour voir quelle est la position à prendre. Ce que nous pouvons faire, c'est transmettre au CIO en lui demandant de tenir le plus grand compte de ce que dit le Comité d'éthique, l'avis de ce dernier aussi, et en lui disant notamment de respecter quelques points qui nous paraissent fondamentaux : le libre consentement des athlètes, la confidentialité, et des tests complémentaires en cas de doute.