Texte intégral
La Lettre Confédérale : 24 avril 1992
Édito - Paul Marchelli
À propos de Maastricht
La classe politique bruisse de toutes parts. Faut-il ratifier le traité de Maastricht et, par conséquent, modifier notre constitution ?
Le débat est d'importance pour notre avenir et nous croyons que l'intégration européenne doit se réaliser le plus tôt possible, pas dans n'importe quelle condition naturellement, mais avec la volonté de construire avec les autres pays de la Communauté la première puissance économique mondiale.
Le débat qui s'engage en France comme chez nos voisins mérite, non seulement l'attention, mais aussi la contribution de toutes les forces agissantes de la nation. Nous y participerons donc avec cependant un préalable qu'il me faut énoncer dès à présent. L'Europe, et notamment l'Europe sociale, ne peut être celle des exclusions. Par conséquent, avant même de penser à la réforme de la constitution et à la ratification du traité de Maastricht, il faut constater que les cadres européens sont marginalisés et interdits de dialogue social.
En effet, la Confédération européenne des cadres (CEC) ne peut pas pour l'instant s'asseoir à la table des négociations où siègent l'UNICE et la CES car patrons et syndicalistes ouvriers souhaitent conserver le monopole du débat. C'est ainsi que sur des sujets essentiels comme celui de la mobilité des salariés, en particulier celle des cadres, nous risquons d'être absents de la discussion.
Cette situation, vous en conviendrez, est intolérable. Elle va peser lourdement dans notre réflexion et sans doute dans nos prises de position à propos de la ratification du traité de Maastricht. Nos interrogations sont d'autant plus légitimes qu'avec la Commission et le Parlement européen, la Confédération européenne des cadres développe en pleine responsabilité des relations normales. J'ajoute que les gouvernements de certains États, et notamment le gouvernement français, ont soutenu notre action. C'est donc à un véritable ostracisme anti-cadre de la part du patronat et des syndicats ouvriers que nous avons à faire. Cette situation rappelle fâcheusement les difficultés que la CFE-CGC a connues en 1946 lors de son émergence en France.
Faudra-t-il, comme nous l'avons fait à l'époque, batailler pendant des mois pour faire reconnaître notre légitime représentativité ? Je veux espérer que le débat national qui s'engage à propos de la ratification du traité de Maastricht sera, pour ceux qui essaient encore de nous exclure de la construction européenne, l'occasion d'une révision peut être déchirante niais à coup sûr nécessaire.
La Lettre Confédérale : 5 juin 1992
Édito - Claude Cambus
Maastricht refusé par les Danois
Les observateurs informés étaient inquiets, la ratification du Traité de Maastricht par les Danois n'était pas chose acquise. Mais le résultat du référendum : 50,7 % de contre a secoué les milieux politiques et médiatiques comme si c'était un événement totalement inattendu.
Outre le refus des Danois de s'engager dans le processus européen défini à Maastricht, ce résultat pose aussi le problème de la démocratie représentative : les élus danois avaient approuvé et le peuple a rejeté. La conséquence ne s'est pas faite attendre : le Président français a décidé un référendum. Ce que les responsabilités politiques n'avaient pu obtenir, le vote des Danois l'a imposé.
Maintenant chacun y va de son analyse sur la suite : les Portugais en charge des affaires européennes ont d'abord parlé d'exclusion du Danemark, dans notre pays certains parlent de poursuivre à 11 sans changer une virgule, d'autres estiment une renégociation indispensable.
Pour nous CFE-CGC les choses n'ont pas changé : l'Europe est toujours nécessaire, pour elle-même, pour l'Est, pour le Sud, et pour la régulation de l'économie mondiale.
Si cette Europe ne peut se renforcer à 12 tout de suite, il faut la continuer à 11, sans exclure le pays qui n'a pas ratifié et en faisant, au contraire, tout pour que son retour soit possible.
Mais si 0,7 % d'une population peut faire basculer une décision importante, que dire du poids de l'encadrement dans la balance ? Avec plus de 30 % de la population active française et sans doute européenne, son enthousiasme ou ses réticences seront essentielles dans le processus de ratification là où il reste à mettre en œuvre, c'est-à-dire dans les onze autres nations.
Alors, les autorités de Bruxelles, le patronat et notre gouvernement ont une responsabilité importante au travers de la reconnaissance officielle de la Confédération européenne des cadres (CEC). Que cette reconnaissance soit annoncée et notre confiance dans l'avenir – un avenir qui passe nécessairement par l'Europe – s'affichera. Qu'elle soit au contraire sacrifiée au pacte actuel « CES-patronat-Commission » et nous devrons en tirer les conséquences : si la démocratie économique et sociale n'est pas possible, qui pourrait croire à la réalité d'une Europe démocratique. Cette désillusion ajoutée au vote danois, à la politique agricole commune, mettrait en péril la ratification.
Que nos dirigeants s'engagent cette fois et montrent en quelle considération ils tiennent le syndicalisme en général, et celui de l'encadrement en particulier. Leur choix sera décisif pour le résultat des consultations dans chacun des États membres.