Texte intégral
Madame la présidente,
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d’accueillir tous les partenaires du programme Europe contre le cancer et, en particulier, Monsieur Pujol, vice-président de la Ligue nationale contre le cancer, qui en est le coordonnateur cette année.
Le dépistage des cancers féminins (sein et col de l’utérus) doit être replacé dans le contexte général de la prévention et du soin des cancers.
C’est une évidence de dire qu’il s’agit d’une priorité de santé publique. Je note que lors de la conférence nationale de santé à Lille, en juin dernier, celle-ci a approfondi sur cette question ces réflexions engagées l’année précédente.
Je partage d’ailleurs nombre des conclusions de la conférence nationale de santé ; celles-ci sont fondées notamment sur le rapport de l’ANDEM concernant l’évaluation des programmes de dépistage organisé du cancer du sein.
J’approuve pleinement l’objectif de la conférence nationale de santé de ne plus se limiter à des « études pilotes » successives, dirigées vers un organe ou un autre, mais de proposer à nos concitoyens, en tenant compte de leur âge, de leur sexe, de leur environnement social et professionnel, le dépistage des risques des « maladies mortelles évitables ».
Idéalement, ces études, ces dépistages devraient être individualisés, à portée multi-organes, périodiques, planifiés par un médecin responsable – sera-ce le médecin référent ?. Et puis, mais je vais y revenir, bénéficier d’un contrôle de qualité à toutes ses étapes.
Cette année, la semaine européenne contre le cancer porte sur la prévention des cancers féminins.
Le cancer du sein, en France, a une incidence de 26 000 nouveaux cas par an, et de 11 000 décès. La fréquence du cancer du col de l’utérus a fortement baissé, puisqu’en 20 ans le nombre de décès a été divisé par deux (3 500 en 1975, 1 650 en 1995).
La situation s’est donc améliorée, mais elle est loin d’être satisfaisante. Derrière ses chiffres se cachent des drames humains, de la douleur, de la souffrance.
J’évoquais une approche globale de l’individu. Même s’il ne s’agit pas d’un cancer féminin, je voudrais que l’on n’oublie pas le cancer du poumon qui, même s’il reste plus fréquent chez l’homme, va augmenter au cours des prochaines années chez la femme. En effet, la consommation de tabac chez les femmes françaises a augmenté jusqu’en 1991, à 35 %, alors qu’elle avait baissé chez les hommes depuis la fin des années 1970.
L’apparition des cancers des poumons étant décalée de 10 à 20 ans, le nombre de cancers du poumon chez les femmes risque de rejoindre celle des hommes.
Je rappelle qu’une taxe de santé publique vient de frapper le tabac. Mais hélas, on a vu que les femmes fumaient de plus en plus.
Une approche de santé publique se doit d’être plus globale même si notre but est bien d’agir au niveau individuel.
Il n’y a pas de « bon ou de mauvais » cancer. Les stratégies de prévention se doivent de prendre en compte le risque, y compris pour chaque individu. Il nous faut également progresser vers une véritable pédagogie du risque.
J’insiste : les problèmes de santé ne sont pas uniquement des problèmes de médecine, l’organisation des soins n’a de sens que si elle répond aux besoins et aux demandes de santé de nos concitoyens.
Pour cela, il faut mieux les informer sur les risques.
Notre légitime attention à réduire les risques liés au comportement, au tabac, à l’alcool, à la toxicomanie, à l’usage excessif des psychotropes, aux risques de l’environnement, ne les fera pas disparaître. Le risque doit être expliqué en évitant l’écueil de la « peur ». Dans ce but, j’ai engagé des discussions avec Ségolène Royal pour améliorer la santé scolaire, visant en particulier à l’éducation à la santé dès le primaire.
Comment réduire ces drames (le cancer, l’annonce du cancer) et donc améliorer la prévention ?
Les modalités de dépistage et les résultats suivent les cancers.
Dans le cas du col de l’utérus, le dépistage par le frottis cervical permet d’identifier des lésions « pré-cancéreuses », d’où la réduction importante de la mortalité constatée au cours des 20 dernières années. C’est plus difficile avec le cancer du sein, puisque l’on ne peut détecter que des lésions qui sont déjà des cancers avérés.
Ce qui importe, c’est pourtant de les détecter le plus tôt possible, car c’est le traitement de tumeurs de toute petite taille, qui permet d’espérer une guérison définitive.
La prévention de ces deux cancers ont des critères communs :
- on peut donc les détecter à un stade précoce ;
- on dispose d’outils de diagnostic (frottis cervical, mammographie) accessibles et acceptables par les femmes, que l’on peut répéter régulièrement.
Actuellement, le dépistage du cancer du col relève de la pratique courante des médecins, mais une fraction non négligeable de la population féminine (femmes de plus de 50 ans, souvent marginalisées) n’accède pas à ce dépistage que l’on dit « systématique ». C’est l’essentiel du problème. L’égalité devant les risques, devant le dépistage, devant l’accès aux soins.
Par ailleurs, plusieurs études ont montré que nous pouvions également améliorer la qualité des prélèvements et de la lecture des frottis, et aussi le suivi des femmes dépistées.
De la même manière, l’expérience des programmes de dépistage des cancers du sein (en place dans une trentaine de départements actuellement) montre l’intérêt d’une organisation qui se fonde sur un « cahier des charges » précis permettant de garantir la qualité des mammographies du suivi.
Un important travail a été fait avec les professionnels concernés pour aboutir à des recommandations précises et une véritable démarche d’assurance qualité. Ce travail va pouvoir s’achever au cours des premiers mois de l’année prochaine.
Ces efforts de l’État, de la Caisse nationale d’assurance maladie, des professionnels permettent d’engager notre pays dans la mise en place de la généralisation du dépistage organisé des cancers féminins dans les trois ans qui viennent :
Cette organisation se fondera sur les principes définis par l’ANDEM :
- l’assurance de qualité des examens de dépistage ;
- la formation des médecins et des professionnels ;
- la participation la plus large possible de l’ensemble des femmes concernées ;
- l’articulation du dépistage avec un suivi thérapeutique adapté et de qualité.
C’est à ces conditions que nous obtiendrons une amélioration de la prévention de ces cancers. Nous devons sortir de la simple « expérimentation » qui ne concerne actuellement qu’une trentaine de départements pour le cancer du sein, et quatre pour le cancer du col de l’utérus.
Nos objectifs sont clairs, atteindre au moins 80 % des populations « à risque », c’est-à-dire les femmes de 50 à 69 ans pour le cancer du sein et les femmes de 20 à 65 ans pour le col.
Un plan d’action sera engagé dès 1998 et poursuivi sur trois ans, avec notamment :
- l’information du grand public avec des campagnes nationales et régionales, avec des actions spécifiques en direction des femmes qui ne consultent pas ;
- la gratuité des examens de dépistage (mammographie et frottis) ;
- mais aussi l’implication des médecins traitants dans les programmes de dépistage. À ce titre, l’avenant conventionnel que nous venons de ratifier avec Martine Aubry, sera un des moyens, non exclusif, de la nécessaire mobilisation des médecins sur l’objectif général d’amélioration de la prévention.
Sur ce dernier point, je voudrais revenir sur la question de la référence médicale opposable concernant le cancer du col.
Je connais les imperfections de cette RMO. Son intérêt relatif, éviter des examens inutiles, même s’ils ne sont pas, en l’occurrence, dangereux, est d’ailleurs remis en question avec la montée en charge du dépistage organisé.
Lorsque cette organisation sera mise en place, l’objet de cette RMO n’aura plus lieu d’être. Il faut noter qu’en cas d’antécédent ou de problème particulier, des femmes considérées par leur médecin comme des patientes « à risque » peuvent bénéficier d’un dépistage du cancer du col plus fréquent.
La RMO sera donc supprimée.
Encore une fois dans ce domaine, je rappelle nos priorités, informer, adapter la prévention à l’individu, à ses « risques » personnels et dans le même temps, garantir la qualité des examens et du suivi.
Je suis conscient que l’organisation de ces dépistages et leur généralisation au territoire national demandera des efforts de tous.
Je profite de cette occasion pour remercier le Pr Maurice Tubiana, qui préside le comité national de dépistage du cancer du sein. Je souhaite d’ailleurs, d’ici la fin de cette année, installer un comité national compétent sur l’ensemble des dépistages des cancers.
Il nous faudra par ailleurs, et nous travaillons en ce sens, réviser le dispositif législatif et réglementaire afin de mieux préciser les responsabilités et les compétences en matière de dépistage des cancers. Des décisions seront prises au début de l’année 1998.
Nous avons, avec Martine Aubry, des objectifs ambitieux concernant la lutte contre les cancers, et nous comptons sur la mobilisation de tous pour arriver à nos objectifs.
J’aurais l’occasion de revenir très vite dans les prochains mois sur l’organisation du dépistage, mais cette « semaine européenne contre le cancer » apparaît comme un élément important d’information et de mobilisation.
Je voudrais rappeler ici l’engagement de la France pour la création du « Programme européen contre le cancer », à la suite de la réunion des chefs d’État et de gouvernement au Conseil européen de Milan en 1985, et l’engagement personnel du chef de l’État, le président François Mitterrand sur ce projet. Nous reparlerons de cette action au conseil santé européen de novembre.
Le thème de la campagne européenne cette année est « Parlez du cancer avant qu’il ne prenne la parole ».
Cette campagne européenne souligne à juste titre que les femmes européennes ont peur du cancer du sein. Le spectre des cancers féminins est vécu comme une atteinte directe à la féminité, la peur de l’ablation du sein, comme une menace d’une mutilation. L’atteinte directe à l’intégrité physique, qui se surajoute à la crainte du cancer. Ce tabou doit être brisé, y compris dans le dialogue avec les médecins.
En matière de santé publique, je le répète, c’est aux citoyens qu’il faut rendre la parole, et, en particulier, aux femmes.
C’est à l’information de parler – sans – tabou.
C’est d’ailleurs dans ce sens que nous souhaitons organiser les états généraux de la santé dans le courant de l’année prochaine.