Texte intégral
Le Premier ministre à Monsieur le Secrétaire Général du Gouvernement
Objet : Préparation de la loi de finances pour 1993.
La maîtrise de nos finances publiques requiert une grande vigueur dans la préparation du projet de loi de finances pour 1993, compte tenu des effets de la conjoncture économique sur la situation budgétaire.
L'économie mondiale a fortement ralenti en 1991. Les États-Unis ont connu une véritable récession ; la croissance, dans la CEE, est passée de 4 % en 1988 à 1,2 % l'an dernier.
L'année 1992 devrait être meilleure. Mais la reprise est encore fragile et il faudra attendre 1993 pour retrouver une croissance mondiale nettement meilleure.
Dans cette conjoncture morose, la France a bien résisté, grâce aux gains de compétitivité dus à la maîtrise de l'inflation et à la stabilité de notre monnaie. Les résultats de notre commerce extérieur en témoignent. Après une croissance de 1,2 % en 1991, on peut prévoir 2 % en 1992 et 2,6 % en 1993.
Le budget de l'État a subi l'impact du ralentissement économique sur les recettes. Les moins-values fiscales ont conduit à une révision en baisse des recettes attendues en 1992 de plus de 40 Mdsf. Ces pertes devront être intégrées dans le calcul des recettes associées au projet de loi de finances pour 1993 : nous ne pourrons pas compter l'an prochain sur des ressources fiscales supérieures à celles de la loi de finances votée en 1992.
Étant donné que nous n'avons pas voulu compenser les moins-values fiscales par des impôts nouveaux qui auraient freiné la reprise, le déficit budgétaire s'est élevé en 1991 à 132 MdsF et il devrait atteindre cette année 135 MdsF.
Pour préserver les acquis de notre politique économique et les capacités d'intervention de l'État, des mesures correctrices sont nécessaires pour contenir le déficit budgétaire. Il représentait en 1990, 4 % du PIB ; il ne devra pas dépasser 2 % du PIB en 1993.
À défaut, la progression de l'endettement public compromettrait la baisse des taux d'intérêt que l'on peut raisonnablement escompter cette année ; la reprise s'en trouverait freinée tandis que le poids croissant de la charge de la dette serait vivement critiqué.
Pour atteindre l'objectif ainsi défini et financer nos priorités : emploi, éducation, justice et sécurité publique, nous avions le choix entre un relèvement des impôts et le contrôle strict de la dépense publique.
J'ai choisi la seconde solution : il n'y aura pas de progression de la pression fiscale en 1993. Pour cette raison, les charges de l'État ne devront pas augmenter de plus de 3,5 % par rapport à 1992.
Cette règle suppose de votre part un gros effort pour identifier les moyens d'accroître l'efficacité de la gestion publique. Simplifier, supprimer les doubles emplois, rechercher toutes les économies possibles dans le train de vie de l'État sont des exigences comprises de nos concitoyens. Bref, je vous demande instamment de dépenser mieux plutôt que de chercher à dépenser plus.
Dans cet esprit, vous établirez vos propositions budgétaires pour 1993 en vous conformant aux indications suivantes :
1. En ce qui concerne les dépenses ordinaires, vos dépenses de fonctionnement courant (hors dépenses de personnel) devront être réduites de 3 % par rapport à 1992.
Je vous demande de proposer des réductions d'effectifs, car j'écarte toute création globale nette d'emplois civils en 1993 dans la fonction publique.
Ceci implique une réduction nette des effectifs de votre ministère et la mise en réserve des emplois nécessaires dès 1992, conformément aux instructions qui vous sont transmises par le ministre du Budget.
Vous me soumettrez, à cette fin, des projets de suppression des organismes peu utiles.
Enfin, la restructuration de la grille de la fonction publique exclut toute demande de nouvelle mesure catégorielle non couverte par ce dispositif.
2. S'agissant des interventions, vous identifierez les crédits nécessaires à la couverture des dépenses inéluctables, résultant d'engagements législatifs ou règlementaires, et vous réexaminerez l'opportunité et l'efficacité de chacune de ces procédures.
Vous proposerez des réformes pour les simplifier, et ramener leur coût en-dessous du niveau atteint en 1992.
Les interventions discrétionnaires devront, quant à elles, être reconsidérées afin d'être réduite d'au moins 15 % par rapport à 1992.
3. En ce qui concerne les dépenses d'équipement, vous devrez justifier vos demandes d'ouverture d'autorisation de programme, dès lors que ces dépenses ne résultent pas d'une obligation de nature législative ou règlementaire. Les besoins de crédits de paiement devront être appréciés globalement de façon à résorber les reports de crédits injustifiés.
Les propositions seront faites sur la base des crédits ouverts en LFI 1992, après déduction des blocages opérés en application des instructions qui vous ont été adressées le 16 mars dernier.
À cet égard, je vous rappelle que les crédits actuellement bloqués sont destinés à assurer le financement des dépenses supplémentaires décidées depuis le vote de la loi de finances.
Je vous indique que les mesures relatives aux reports de crédits mises en œuvre en 1991 seront reconduites, en 1992, dans des conditions qui vous seront précisées par le ministre du Budget.
Enfin, vous devrez procéder aux réaffectations de crédits nécessaires à la couverture des besoins susceptibles d'apparaître en 1992 sur votre budget de façon à éviter toute ouverture nette de crédits, sauf exception soumise à mon approbation.
J'ai demandé au ministre du Budget, de tirer avec vous les conséquences de l'augmentation du budget communautaires sur vos demandes budgétaires pour 1993 afin d'éviter des cumuls de financements.
De même, vous proposerez la suppression des actions qui, aux termes des lois de décentralisation, relèvent désormais de la responsabilité financière des collectivités locales.
Vous adresserez au ministre du Budget vos propositions pour le 20 mai 1992.
Je souhaite que vous parveniez d'ici le 30 juin 1992 à un accord avec lui. Au cas contraire, il me soumettra des propositions conformes aux orientations définies ci-dessus.
Pierre Bérégovoy
Le ministre délégué auprès du ministre d'État chargé du Budget.
Paris, le 16 mars 1992
Le ministre délégué au Budget à Monsieur le Secrétaire général du Gouvernement
Objet : Régulation budgétaire.
Dans une conjoncture marquée par un ralentissement sensible des recettes fiscales, le Gouvernement a mené avec succès en 1991 une politique visant à maîtriser l'évolution de dépenses publiques, et à éviter ainsi un alourdissement du déficit au-delà de celui provoqué par les pertes de recettes.
Le Premier ministre a souhaité que cette stratégie soit poursuivie en 1992, et que les dépenses non financées qui viendraient peser sur l'exécution de la loi de finances, telle que, par exemple, l'indemnisation des transfusés contaminés par le virus du SIDA, soient compensées par des économies équivalentes.
Dans cet esprit, il m'a autorisé à prendre les mesures qui permettront, en cours d'année, de veiller au respect de cette règle de bonne gestion : c'est ainsi que pourra être respecté le niveau de dépenses sur lesquelles le Gouvernement s'est engagé devant le Parlement, lors de l'examen de la loi de finances.
À cet effet, le Premier ministre a fixé un objectif de mise en réserve de 5 % des crédits de dépenses ordinaires et de 8 % des crédits de paiement et autorisations de programme, à l'exception des dotations non régulables dont la liste est jointe en annexe.
Ce gel de crédits, opéré dans les écritures des Contrôleurs financiers, pourra faire l'objet de redéploiements au sein de chaque budget sous réserve du respect de l'objectif fixé par le ministère et à condition que les blocages proposés en substitution ne portent pas sur des dépenses inéluctables.
Je vous invite donc à vous rapprocher de la Direction du Budget en vue de procéder aux ajustements qui vous paraîtraient nécessaires.
Michel Charasse