Texte intégral
L'emprunt d'Etat 7 % 1973 a été émis en janvier 1973 pour financer par anticipation les baisses de TVA qui venaient d'être décidées. Car, à cette époque, on baissait les taux de la TVA. On venait de ramener le taux normal de 23 % à 20 %, et le taux réduit de 7,5 à 7 %, ce qui coûtait 6,550 milliards de francs au Trésor.
Tant par ses caractéristiques que par ses garanties, cet emprunt était conçu en particulier pour les petits épargnants. Ce sont eux qui l'ont souscrit : il y a eu 327 000 souscriptions.
1. Ses caractéristiques : la solution retenue pour l'amortissement, celle du remboursement en une seule foi la quinzième année, était adopté pour la première fois dans un emprunt d'Etat. Le montant des titres avait été uniformément fixée à 1 000 F, afin de s'adresser à la petite épargne, et pour faciliter la gestion de l'emprunt. Il avait été expressément prévu que les caisses d'épargne, les caisses de crédit agricole, les caisses de crédit mutuel et les banques populaires pourraient accorder des facilités de règlement aux souscripteurs d'une seule obligation de manière à faciliter le plus largement possible l'accès à cet emprunt aux épargnants modestes.
Aucun avantage fiscal n'était prévu en faveur de cet emprunt, qui était soumis au régime de droit commun des obligations émises en France.
J'insiste sur ce point. Il est très important.
J'ai tenu, lorsque j'étais Ministre des Finances, à ce que soit abandonné l'usage de donner des avantages fiscaux spéciaux aux emprunts de l'Etat, afin d'assurer l'égalité entre les émetteurs.
J'ai décidé de procéder en octobre 1973 au remboursement des titres subsistants de l'Emprunt Pinay 1952-1953, qui étaient assortis d'une exonération des droits de succession, donnant lieu aux abus que l'on sait. Et nous avons émis un nouvel emprunt, au taux de 4,5 %, comportant les mêmes garanties, sans exonération des droits de succession.
2. Les garanties.
La garantie donnée aux souscripteurs de l'emprunt 7 % 1973 était pour la première fois une garantie européenne.
Le contrat d'émission s'appuie sur l'article 43 du traité de Rome, et sur les règlements pris pour son application, qui ont défini l'unité de compte utilisée dans le cadre de la politique agricole.
Le Gouvernement français avait entendu manifester sa confiance en l'avenir de la construction européenne.
Pratiquement la garantie de l'emprunt, qui porte sur le principal et sur les intérêts, est fondée sur l'évolution du rapport existant entre le poids d'or correspondant à la valeur officielle du franc (au jour de l'émission, ce poids d'or était de 0,160 gramme) et le poids d'or correspondant à la définition de l'unité de compte agricole de la CEE, mesuré le premier janvier de chaque année précédant le règlement du coupon et la dernière année du capital.
Au jour de l'émission, le 16 janvier 1973, le poids d'or de l'unité de compte agricole était de 0,888 gramme. Le rapport entre les deux poids d'or était de 0,180.
Dans l'hypothèse où le rapport entre le franc et l'unité de compte serait inférieur au rapport initial, les intérêts et, le cas échéant, le capital seraient revalorisées d'autant.
De la sorte les épargnants étaient garantis contre toute diminution relative de la valeur du Franc par rapport à celle de l'unité de compte utilisée par la Communauté Economique Européenne dans le cadre de la politique agricole commune.
Tous les cas devant être prévus, il fallait définir ce qui serait fait dans l'hypothèse où la constatation du rapport entre le franc et l'unité de compte devenait impossible et notamment si la valeur officielle du franc ne correspondait plus à un poids d'or.
Dans ces hypothèses, il fallait se référer à une autre garantie, subsidiaire par rapport à la garantie principale.
Il a été prévu que cette garantie subsidiaire serait fondée sur l'évolution à Paris, sur le marché libre, du lingot d'or de 1 kilogramme.
Pourquoi a-t-on choisi la référence à l'évolution du cours du lingot mesuré pendant les 30 séances de bourse précédant le 1er janvier de chaque année ?
Pour une raison simple : la bonne gestion de la France tout au long de la Ve République avait permis d'augmenter dans des proportions très substantielles le stock d'or de la Banque de France. Ce stock s'élevait à 510 tonnes à la fin de l'année 1957. Il s'élevait à 3 140 tonnes à la fin de l'année 1974.
Il a paru naturel de gager partiellement sur le stock d'or que nous détenions l'emprunt 7 % 1973. Une hausse des cours de l'or permettait d'enregistrer une considérable plus-value patrimoniale pour le Trésor Public et pour la France. Une fraction seulement de cette plus-value serait affectée à la garantie de l'emprunt 7 % 1973.
De la sorte, nous étions sûrs que l'Etat ne pourrait s'appauvrir, puisque le jeu de la garantie ne pouvait fonctionner qu'après constatation par l'Etat qu'il s'était préalablement enrichi.
Je le répète : la bonne gestion de la France pendant la Ve République pouvait permettre d'associer les petits et moyens épargnants à une partie de l'éventuelle plus-value susceptible d'être enregistrée sur un stock d'or dont le volume a été multiplié par 6 de 1957 à 1973 et dont la valeur exprimée en dollars est multipliée aujourd'hui par 60.
Cette garantie subsidiaire fondée sur le cours du lingot a joué pour la première fois en 1978. Les nouveaux statuts du Fonds Monétaire International, dont l'une des dispositions fait interdiction aux pays membres de définir et maintenir pour leur monnaie une valeur exprimée en termes d'or, sont définitivement entrés en vigueur juridiquement à l'égard de la France le 1er avril 1978. Aucune intervention particulière du législateur français n'a au demeurant été requise : c'est le 1er avril 1978 en effet, que les nouveaux statuts ont été approuvés par les trois cinquièmes des pays membres disposant des quatre cinquièmes de la totalité des voix, conformément aux dispositions de l'article XVII (a) et (e) des anciens statuts.
Depuis lors, la garantie subsidiaire s'est substituée à la garantie principale. Faut-il le regretter ?
Non pour trois raisons :
— D'abord, parce qu'il s'agissait de respecter les engagements qui avaient été pris à l'égard de l'épargne. La signature de l'Etat ne supporte pas d'être remise en cause. La parole financière de la France doit être respectée.
— Ensuite parce que le mécanisme de la garantie avait été très précisément prévu pour que l'existence du gage physique — le stock d'or — permette à l'Etat de faire patrimonialement face à ses obligations. La hausse des cours de l'or enrichit d'abord l'Etat.
— Enfin, parce que qu'on s'est assez plaint de l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de l'épargne pour ne pas remettre en cause une circonstance où celle-ci se trouve associée à la bonne fortune de la France.
J'insiste sur ce dernier point. Il me parait essentiel. C'est l'épargne française qui bénéficie de la garantie ! Pas nos créanciers internationaux. Je reviendrai sur cet aspect des choses.
Et c'est une épargne principalement petite et moyenne, compte tenu des précautions prises ou moment de l'émission : 86,4 % des souscriptions ont été réalisées par le public, et 13,6 % seulement par les investisseurs institutionnels. Et c'est au total 327 000 personnes physiques qui ont souscrit à l'emprunt 7 % 1973.
Cet emprunt n'a ni appauvri la France, ni volé les Français.
C'est depuis 1981, que la France et les Français se sont appauvris.
L'appauvrissement externe de la France a été rapide depuis 1981. Le déficit de notre balance des paiements courants s'est élevé à 25,8 milliards de F. en 1981, 79,3 milliards de F. en 1982 et 29,1 milliards de F. en 1983. Soit au total 134,2 milliards de F.
A ce déficit de notre balance des paiements courants, il convient d'ajouter les mouvements de capitaux dont un pays comme le nôtre ne peut se dispenser : crédits commerciaux, investissements directs, investissements du secteur - public, investissements de portefeuille, prêts aux particuliers. Sur les trois années 1981, 1982 et 1983 le montant de ces mouvements s'est élevé, en tenant compte des « erreurs et omissions » à 181,7 milliards de F.
C'est un montant total de 315,9 milliards de F. qu'il a fallu financer en trois ans.
Comment a-t-on couvert ce considérable besoin de financement ?
D'abord par un prélèvement substantiel sur les réserves de change de la France : ce prélèvement s'élève, sur trois ans, à 16,8 milliards de F.
Ensuite par un accroissement important de l'endettement de nos banques. Le montant cumulé de la détérioration de la position monétaire extérieure du secteur bancaire s'élève à 98,3 milliards de F sur la période de trois ans. Mais cet expédient n'a pas suffi.
Il a fallu enfin, et surtout, faire croître de manière démesurée les tirages sur emprunts autorisés, c'est-à-dire organiser un accroissement énorme de l'endettement externe à moyen et long terme de la France. Le montant cumulé de ces tirages nets s'est élevé sur trois ans à 200,8 milliards de F.
C'est sur l'évolution de cet endettement externe à moyen et long terme que je voudrais maintenant appeler votre attention.
D'après un document publié en mai dernier par le Ministère des Finances, on constate qu'en 1974, l'année où j'ai quitté le Ministère des Finances, la France était créancière nette à moyen et long terme sur le reste du monde à hauteur de 32,7 milliards de F.
Selon le même document, à la fin de l'année 1980 la France était toujours créancière nette à moyen et long terme. Après avoir subi les deux chocs pétroliers de 1973-1974 et 1979-1980, la France était, au moment où j'ai quitté mes responsabilités, créancière nette de l'étranger à hauteur de 21,1 milliards de F.
Que s'est-il passé depuis ?
A la fin de l'année 1983, la France est devenue débitrice nette à hauteur de 200 milliards de F.
En l'espace de 3 ans, notre appauvrissement collectif en l'occurrence celui de la France et des Français, tel qu'il est mesuré par la variation de nos créances et de nos dettes à moyen et long terme, s'est élevé exactement à 220 milliards de F.
J'ai voulu m'en tenir à ce qui est incontestable : nos créances et nos dettes à moyen et long terme à la date du 31 décembre 1983, évaluées en tenant compte des parités de change à cette date.
J'ai tenu à utiliser les notions comptables que retient le Gouvernement lui-même. Si je n'avais retenu que l'endettement brut, au lieu du critère de l'endettement net, j'aurais enregistré un accroissement de 328,1 milliards de F. de notre endettement à moyen et long terme. C'est ce critère qui est le plus souvent retenu sur le plan international. Et il est bien vrai que ce que nous devons à l'étranger devra être remboursé quoi qu'il arrive. Tandis que, pour recouvrer nos propres créances, nous dépendons de la bonne volonté et de la solvabilité des pays débiteurs.
Je m'en tiendrai pourtant à ce montant de 220 milliards de F d'accroissement net de notre endettement à moyen et long terme comme à l'une des mesures les plus incontestables, bien que minorée, de notre appauvrissement collectif depuis 3 ans. J'ai eu la curiosité de calculer combien cela représentait par Français, qu'ils soient enfants ou adultes, actifs ou inactifs. Faites le calcul vous-même… Cela représente un appauvrissement moyen pour chaque foyer français de 3 personnes de -13 200 F.
Pour mesurer la détérioration de nos finances, il faut ajouter à ces chiffres l'endettement intérieur. Il s'est accru de 450 milliards en trois ans.
Cet emprunt ne bénéficiait d'aucune faveur fiscale.
Il était, selon le décret d'émission publié au Journal officiel, soumis aux règles du prélèvement libératoire. Car cet emprunt n'était pas juridiquement un emprunt indexé. C'était un emprunt garanti.
Pendant plusieurs années le coupon 7 % 1973 est demeuré au taux de 70 F.
On sait dans quelles conditions le Gouvernement a manoeuvré pour que l'emprunt soit écarté du champ d'application du prélèvement libératoire.
Il s'agit qu'on le veuille ou non, d'un changement dans la règle du jeu, d'une modification des conventions, dont les épargnants avaient tenu compte, soit en souscrivant à l'émission, soit en achetant le titre sur le marché avant ou après mai 1981.
Rappelons que le ce titre valait 7 400 F en mai 1981 contre 9 100 F le 15 octobre dernier, et qu'il a donné lieu depuis trois ans à de nombreuses transactions — c'est l'un des titres les plus vendus et les plus achetés. Toutes ces opérations ont été faites par des épargnants qui tenaient compte dans leur décision des conditions réglementaires en vigueur.
Les modifier est un acte grave. C'est changer les termes d'un contrat passé entre l'Etat et l'épargnant, si cela était juste, pourquoi ne pas l'avoir fait depuis 1981 ?
Je vous rappelle la déclaration faite devant l'Assemblée nationale le 14 octobre 1983, par le Secrétaire d'Etat représentant le Gouvernement.
« Mais et c'est là peut-être que notre opinion diffère de la vôtre Monsieur le Député, le Gouvernement actuel se considère malgré tout lié par la parole donnée au nom de l'Etat, quelles que soient les critiques qu'il porte sur la nature du contrat qui a été passé en 1973 avec les épargnants. L'Etat s'est engagé à faire jouer une clause de garantie ; il a offert un titre qui bénéficiait du régime fiscal de droit commun, et en particulier de l'abattement sur les revenus d'obligations et du prélèvement de 25 % sur les coupons. C'est sur ces bases que les intéressés ont souscrites. Il n'est donc pas possible de remettre en cause ce régime en adoptant, d'une façon ou d'une autre, un dispositif qui serait propre à l'emprunt 7 % et qui ne respecterait pas le contrat d'émission. »
Qui se trouve pénalisé ?
Ceux qui sont soumis à l'impôt sur le revenu à un taux supérieur à 25 % c'est-à-dire beaucoup de cadres salariés ou de ménages désireux de conserver le fruit de leur épargne.
En revanche, parmi ceux qui ne sont pas pénalisés, se trouvent les placeurs institutionnels et les prêteurs étrangers.
Je demande au Gouvernement de faire connaître la part de cet emprunt actuellement détenu par les Caisses publiques et par le secteur nationalisé, afin que l'on sache le montant des sommes que l'Etat se reverse à lui-même.
Un Gouvernement sans parole est un Gouvernement sans confiance. Un Gouvernement sans confiance est impuissant à assumer les conditions de redressement économique et financier de notre pays.
— L'emprunt 7 % 1973 a été émis pour financer par anticipation la baisse du taux de la TVA décidée en janvier 1973. Le taux normal de la TVA a été baissé de 3 Points.
— il a été conçu pour s'adresser aux petits souscripteurs : 86 % des souscriptions ont été réalisées par le public, 327 000 personnes physiques ont souscrit à l'emprunt.
— son taux était de 7 %, et il ne comportait aucun avantage fiscal particulier. Son capital était garanti par rapport aux monnaies européennes. La garantie par rapport à l'or ne venait qu'au second rang.
— c'est parce qu'une décision du Fonds Monétaire International a interdit le 1er avril 1978 aux pays membres de maintenir pour leur monnaie une valeur exprimée en or, que la garantie-or de l'emprunt a joué.
— Nous n'avons donné de garantie-or à cet emprunt qu'après avoir augmenté massivement le stock d'or détenu par la France. Ce stock est passé de 510 tonnes à la fin de 1957, à 3 140 tonnes à la fin de 1974. Il a été multiplié six fois en volume et aujourd'hui soixante fois en valeur. Cet or a été acheté sur la base de 35 dollars l'once. Il valait hier 340 dollars l'once.
— Comme il s'agit d'un emprunt strictement intérieur, la France ne s'est pas appauvrie.
— Comme l'Etat aura gagné davantage sur son stock d'or qu'il n'aura à payer, l'Etat ne se sera pas appauvri.
Il est vrai que pour une fois, l'épargnant n'aura pas été volé. Dans la longue histoire de l'épargne française, il vaut mieux réserver son émotion pour les nombreux emprunts où l'Etat a volé la petite épargne. Si cet emprunt n'avait eu aucune indexation, les souscripteurs de 1973 auraient déjà perdu plus des deux tiers de leur épargne.
Depuis 1981, le gouvernement socialiste emprunte à l'extérieur : il appauvrit la France.
— La somme que la France aura à payer par an au titre de sa dette extérieure à partir de 1988, date du remboursement de l'emprunt 7 % 1973, avoisinera le coût total de ce que cet emprunt aura coûté en capital et en intérêts pendant quinze ans.
— Si les arguments du gouvernement étaient bons en 1984, pourquoi ne les a-t-il pas appliqués depuis 1981 ?
— Un Gouvernement sans parole est un Gouvernement sans confiance. Un Gouvernement sans confiance est impuissant à assumer les conditions du redressement économique et financier de notre pays.