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Libération
Cela fait des années que la réforme des ventes aux enchères est reportée. Le débat d’aujourd’hui traduit-il un changement d’attitude ?
Catherine Trautmann
Les premiers décrets d’application devraient être pris au printemps 2 000, si les délais d’examen de loi par le Parlement sont respectés. Le gouvernement a commencé cette adaptation du marché dans une optique résolument européenne. Il faut en effet faire vite. C’est dans les deux ou trois années à venir que nous saurons si Paris a une chance de revenir au premier rang du marché de l’art. Du retard a été pris et je réalise la fragilité de notre pays, qui est d’abord imputable à des données fiscales. Le marché de l’art n’est pas réservé à une élite, c’est une vitalité pour toute la culture.
Libération
On a l’impression d’une dispersion des engagements gouvernementaux…
Catherine Trautmann
Je défends la réforme des ventes aux enchères en doublé avec Elisabeth Guigou. Du côté du Budget et des Finances, je sens une grande disponibilité. Mais vous avez raison, on a souvent traité séparément ces sujets. Il faut mettre bout à bout l’ensemble des données culturelles, juridiques, fiscales, et européennes…
Libération
Une commission parlementaire reparle d’intégrer les œuvres d’art à l’impôt sur la grande fortune.
Catherine Trautmann
Arrêtons de brandir cette menace qui a un effet désastreux ! Dominique Strauss-Kahn et moi l’avons déjà dit : cet impôt serait pénalisant pour la collectivité nationale. Il ne rapporterait presque rien et aurait un tel effet de repoussoir qu’il appauvrirait les collections privées, dont on peut toujours espérer à terme qu’elles enrichissent le patrimoine public, par le biais des dations, donations…
Libération
Où en est-on des discussions européennes sur la fiscalité ?
Catherine Trautmann
L’harmonisation européenne sur la TVA, qui est effective, contribuera à relancer le marché de l’art de notre pays. Quant au droit de suite, il faut le maintenir avec un taux dégressif. La France est d’accord avec la présidence allemande pour un compromis qui laisse aux Britanniques un délai de quatre ans pour rejoindre le système.
Libération
N’y a-t-il pas alors de risque de déplacement des œuvres contemporaines vers New-York, où elles seront moins taxées ?
Catherine Trautmann
Il faudrait que le droit de suite sur les œuvres les plus chères soit suffisamment réduit pour éviter ce danger.
Libération
L’idée d’un loto pour les musées est-elle abandonnée ?
Catherine Trautmann
Nous avons porté les crédits du Fonds du patrimoine de 80 à 105 millions de francs, et avons toujours espoir de poursuivre cet effort budgétaire . Des études semblent indiquer qu’un nouveau jeu ne génèrerait pas forcément de nouveaux revenus. Mais, sur le fond, si c’était possible, je ne serais pas contre.
Libération
Et les fondations, toujours mal vues des musées ?
Catherine Trautmann
A condition d’être bien gérées, elles sont une richesse, contribuant à la mise à disposition du public des œuvres d'art, en particulier de l'œuvre d'un seul artiste. Nous souhaiterions faire évoluer la notion de fondation, en lui donnant toutes garanties juridiques et financières, avec l'accord des donateurs. Avec la fondation Giacometti, nous voudrions faire un cas d’école. L’Etat ne peut se substituer au privé. Mais nous avons le souci d’optimiser toutes ces forces, marchands, collectionneurs, mécène, musées, en les réunissant.