Texte intégral
La Provence : le 1er janvier 1999, la SNCM sera confrontée à la concurrence européenne. Quelle est votre position face à cette échéance ?
Jean-Claude Gayssot : Le cabotage doit fonctionner de manière saine et ne pas être soumis au jumping qui écrémerait le marché en ouvrant les lignes quand elles sont rentables et aboutirait à des réductions drastiques quand il y a moins de passagers. Face à cette échéance, ma préoccupation est d'éviter d'inutiles perturbations, d'assurer une meilleure desserte de l’île, avec ou sans armements étrangers, et d'inciter les compagnies françaises à confirmer leur utilité en démontrant leur qualité de service.
La Provence : L'autre échéance majeure pour la SNCM est la fin du contrat de service public, le 31 décembre 2001. Le risque de voir la compagnie nationale écartée au profit d'un repreneur est-il réel ?
Jean-Claude Gayssot : Je ne me situe pas dans cette perspective… Elle aurait des conséquences négatives pour les salariés de la SNCM et dangereuses pour la Corse. Attention à ne pas lâcher la proie pour l'ombre. La SNCM emploie une centaine d'agents et un demi-millier d'officier et marins résidant dans l’île. Ses dépenses locales représentent près de 400 millions de francs.
La Provence : Comment voyez-vous l'avenir de la SNCM dont la situation financière n'est pas brillante ?
Jean-Claude Gayssot : Je ne dirais pas que tout va bien, mais qualifier la situation de dramatique me paraît excessif et injuste. La SNCM a fait des efforts ces dernières années, en réduisant notamment ses effectifs. Quant aux difficultés financières, elles sont le fait de la chute du trafic, d'une charge financière élevée et de la décision de l'Office de transport de la Corse de plafonner sa subvention. La SNCM serait en droit de demander une compensation financière, conformément aux dispositions de la convention. La SNCM n'a pas vocation à être déficitaire. La question de son retour à l'équilibre est donc posée.
La Provence : On parle d'une compagnie régionale dont le capital serait ouvert aux régions corses et PACA. Y seriez-vous favorable ?
Jean-Claude Gayssot : L'idée me paraît tout à fait intéressante. Je note d'ailleurs que l’Office des transports envisage de participer au financement des prochains navires autrement que par le seul versement d'une subvention. Cela traduit une volonté d'être partie prenante non seulement dans le choix et l'affectation mais aussi dans la propriété des navires.
La Provence: Certains affirment que les intérêts de la Corse et de Marseille sont antagonistes et ne peuvent être confondus. Partagez-vous ce sentiment ?
Jean-Claude Gayssot : Je suis sûr que les intérêts des uns et des autres se rejoignent. Et lorsqu'il y a des différences d'appréciation, ce qui m'intéresse est d'agir en concertation avec les intéressés. Je n'ignore pas le sentiment d'injustice qu’éprouvent les corses en cas de conflit à la SNCM. Je respecte le droit de grève, mais je comprends aussi le mécontentement que ces conflits peuvent provoquer. Je sais aussi que de nombreux corses considèrent que les choses fonctionnent en leur défaveur. Je crois que l'intérêt de la SNCM « marseillaise » est de développer le tissu de solidarités existant avec la Corse.
La Provence : Expert indépendant, Jean-Paul Pagès vient de vous remettre son rapport. Qu'en pensez-vous ?
Jean-Claude Gayssot : Ce rapport d'étape est utile et instructif. Il fait des propositions intéressantes, mais je n'ai encore pris aucune décision. Ce travail passe par une consultation interministérielle et par l'écoute des acteurs locaux. J'ai l'intention de me rendre à Marseille et en Corse afin d'entendre tous ceux qui sont concernés par ce dossier.